Je t'attendrai
Chapitre douzième
Six jours s'écoulèrent lentement, chaque heure passant comme une année entière pour Nami, vivant loin des siens. Aux côtés de sa camarade aux tendances maternelles, Estel, la pirate se construisait petit à petit une routine, priant chaque seconde pour que ces camarades viennent la sortir de ce trou à rats dans lequel elle était captive, et clarifier toute cette histoire. Ce n'était pas la première fois que la jolie navigatrice se retrouvait séparée de force de ceux qu'elle aimait, mais cette fois-ci, le contexte était différent et elle s'inquiétait un peu plus chaque minute de ne jamais revoir sa famille.
Nami avait tenté plusieurs fois d'atteindre Elena, pour lui parler, comprendre le pourquoi du comment. Mais à chaque fois, on lui avait interdit d'entrer en contact avec elle, et le reste du temps, la métisse la fuyait clairement. Alors, la rouquine passait ses journées à servir « Monsieur » comme disait Estel, ce vieux ridé haut comme trois pommes qui ne voyait pas plus loin que le bout de son nez.
Mais bien évidemment, elle ne restait pas sans rien faire. La nuit ou durant son temps libre, elle explorait la gigantesque bâtisse en prenant soin d'éviter les rondes nocturnes, dont elle avait réussi à constituer l'emploi du temps, les horaires et le cheminement. Elle avait même mis sur papier une carte du premier étage, avec les différents lieux de sortie et d'entrée qui pourraient lui servir. Elle n'était pas la navigatrice des Mugiwara pour rien, quand même ! Maintenant, il lui fallait établir les différentes étapes et occupations de chacun, durant la journée. Et il lui fallait un plan, surtout. Car Nami le savait. Il lui serait impossible de quitter les lieux en passant totalement inaperçue, ce serait trop facile, trop suspect. Et de plus, elle ne pouvait décidément pas laisser Estel ici, seule, ainsi qu'Elena, dont elle n'arrivait toujours pas à cerner le personnage.
A son plus grand malheur, Nami était devenue la petite préférée du Chef, dénommé Charles, en insistant sur le « s », s'il vous plaît. « Peut-on savoir pourquoi ? » Avait-elle craché, exaspérée et déprimée au plus haut point, lorsqu'il lui avait lancé un « Tu me plaît vraiment, toi. »
A cela, il avait répondu que c'était parce qu'elle avait un fort caractère, contrairement à l'autre cruche aux cheveux bleus, et une volonté de se rebeller qui l'excitaient. Il avait ajouté à cela qu'il allait adorer la détruire, elle, sa volonté et sa loyauté ridicule, et qu'il prendrait un malin plaisir à lui faire lécher ses pieds. A cette remarquer, Nami avait haussé un sourcil et l'avait considéré de ses grands yeux bruns. Puis, bien consciente que si elle allait trop loin, elle allait y passer, elle lui fit une révérence et un petit sourire emplis de mépris et de provocation qui le firent grimacer de frustration.
Nami regarda l'heure. Il était très tôt, Estel dormait encore profondément, et le soleil pointait à peine le bout de son nez. A cette heure-ci, il y avait un laps de temps où aucune garde n'était assurée, la rouquine le savait. C'était le moment idéal. Alors, elle enfourna son carnet de notes et son stylo dans ses habits, puis sortit de la chambre à pas de loup. Elle s'engagea dans le couloir avec prudence, écoutant d'abord si elle n'entendait pas de bruits. On n'était jamais trop prudent. Après être restée immobile de longs instants, elle se mit enfin en route, bougeant silencieusement dans le corridor de béton, sombre et vide.
Elle ne devait pas faire le moindre bruit, sinon, il résonnerait dans l'étage tout entier et si elle n'avait pas de chance, les gardes l'attraperaient aussitôt. Alors, pieds nus, elle courrait avec précautions, les cheveux relevés en une haute queue, pour ne pas la déranger dans sa mission. Aujourd'hui, elle fit le choix de s'aventurer au second étage, là où elle n'était encore jamais allée. Elle devait peaufiner et élargir sa carte. Elle ralentit donc la cadence et redoubla de prudence et d'efforts pour masquer sa présence.
Lorsqu'elle quitta la cage d'escalier, elle s'arrêta quelques instants, puis bifurqua violemment à droite, se plaquant au mur. Quelqu'un arrivait. Elle se mit à paniquer silencieusement, la poitrine remuée, se collant le plus possible contre le béton, comme si celui-ci avait la capacité de l'absorber ou je ne sais quel autre tour de magie qui lui aurait permis de se dérober au reste du monde. Enfin. Toute la pression qui pesait sur son corps s'évapora et fut remplacée par un infini soulagement lorsqu'elle vit les deux gardes descendre l'escalier en bâillant sans lui prêter la moindre attention. Nami dégaina son bloc-notes, son stylo, et se mit à écrire rapidement. Chaque information pouvait lui être utile.
Puis, la jeune femme reprit son évolution, guettant les alentours comme un chat roux et plutôt habile. Alors, quand elle entendit un gros brisement, qu'elle reconnut comme étant l'explosion d'un objet de verre, elle faillit se mettre à hurler de frayeur et frôla la crise cardiaque. Quelque chose de fragile venait de s'écraser contre le sol, et maintenant, plus rien. Nami aurait peut-être du s'enfuir, comme n'importe quelle autre femme sensée l'aurait fait. Mais non, elle n'en fit rien. Sa curiosité attisée, elle fit taire la petite voix aiguë, consciencieuse et effrayée qui lui hurlait de faire demi-tour et reprit sa route.
A pas de velours, elle suivit son intuition et se dirigea vers la direction d'où provenait le bruit. Elle sut qu'elle approchait de la cible lorsqu'elle entendit un second objet se briser, avec moins de violence. Elle se précipita vers la pièce en question, poussée par une curiosité incurable qui lui ferait indéniablement défaut, un jour. Mais lorsqu'elle regarda par le trou de la serrure, son cœur se serra en reconnaissant Elena, sur ses gardes, les mains flottant autour de ses sabres, visiblement prête à dégainer.
« Dégage de ma chambre. » Cracha-t-elle d'une voix emplie d'hostilité.
Nami ne pouvait pas voir le deuxième personnage, celui ou celle que semblait appréhender la belle métisse. Mais lorsqu'elle entendit une voix d'homme bien particulière lui rétorquer sur un ton pervers qu'elle n'avait aucun ordre à lui donner, la rouquine le reconnut aussitôt. C'était lui, le bras droit de Charles, celui que Nami soupçonnait de tirer les ficelles, dans l'ombre. Ce maudit bretteur qui torturait Elena. Shado.
Elena empoigna alors l'un de ses sabres, le menaçant silencieusement. Mais celui-ci se contenta de ricaner mauvaisement et de susurrer :
- Serais-tu en train de me menacer, Elena ? Est-ce bien ça ?
- Quel génie, railla-t-elle.
- Ma pauvre Elena. Sais-tu ce qu'il arrivera si tu essaies de t'en prendre à moi ? Hein ?
Elle ne répondit pas, gardant ses positions.
- Le sais-tu ?
Elle déglutit.
- Je crois que je vais devoir te le rappeler.
Nami devina au son de sa voix qu'il souriait. Un silence s'installa l'espace de quelques secondes, qui lui semblèrent durer une éternité, et bientôt, il lâcha :
- Ils souffriront tous.
- Ta gueule, Shado, gronda-t-elle.
Il continua sur sa lancée :
- Oui, ils souffriront tous. Mais pas de la même manière, ne t'inquiète pas. On séparera les familles, on supprimera les inutiles.
Elena serra les poings, mais son regard vrilla.
- Ils souffriront comme jamais ils n'ont pu souffrir auparavant.
Un pas se fit entendre sur le sol.
- Les maris seront achetés aux enchères, comme chair à pâté, enchaîna-t-il. Les femmes pleureront : certaines seront violées, frappées, égorgées, éventrées, détruites, d'autres, vendues et faites esclaves. Tu imagines ça ? Toute cette souffrance, dans leurs regards... Les rebelles seront fouettés, les infirmes seront tués. Et les enfants ! Oh, si tu savais, les enf-
- Je t'ai dit de te la fermer ! Hurla-t-elle soudain, essoufflée, dégainant son sabre de fourreau blanc.
Nami frissonna à l'entendre crier de la sorte. La métisse tendait le bras, pointant son arme vers une cible que la navigatrice ne voyait pas, mais sans peu de conviction. Elle apercevait clairement les yeux d'Elena vriller, ce qui l'inquiétait sérieusement. Jamais elle ne l'avait vue si indécise, si vacillante, si décontenancée. De nouveau, il ricana. Un nouveau pas résonna sur le sol, puis deux. Et bientôt, Shado entra dans le champ de vision de la Chatte Voleuse.
- Nous savons tous les deux que tu n'en es pas capable, Elena. Ou du moins, plus capable.
- C'est ce que tu crois ? Fit-elle en arborant un sourire provocateur mal assuré qui ressemblait plutôt à une grimace, comme pour reprendre contenance. Tu ne sais rien de moi.
- Oh si, Elena. J'en sais bien plus que tu ne le crois.
Elle grogna.
- Tu as bien changé, depuis cette époque, reprit-il. Tu nous laisses croire que tu t'es endurcie, que tu es insensible et que tu n'as peur de rien, mais non, c'est tout le contraire, ma jolie. Tu t'es affaiblie.
De nouveau, il se mit à avancer. Presque instinctivement, Elena recula, son sabre brandit. Nami était sur le cul. Qu'était-il en train de se passer, ici ? De quoi parlaient-ils ? Et surtout, qui était ce type, pour qu'Elena recule devant lui ?
- Tu t'es humanisée, reprit-il. Tu n'es plus comme avant. Je l’ai su à partir du moment où tu as commencé à te soucier du sort de ton village. Car ça n’a pas toujours été le cas, nous le savons tous les deux. Tu as changé. Tu n'es plus aussi enragée et sauvage. Tu n'es plus aussi sanguinaire et féroce. Tu n'es plus aussi froide et insensible. Tu as perdu de ta force, tu as perdu de ta beauté.
- Dégaine ton sabre, siffla-t-elle entre ses dents. Et on verra bien si je me suis affaiblie.
- En es-tu sûre ?
- Oui. Je pourrais te tuer ici, maintenant, et alors...
Elle s'arrêta, et le sourire de Shado s'étira de plus belle.
- Et alors quoi ? S'exclama-t-il. Es-tu en train de me dire que tu es prête à sacrifier des centaines – que dis-je – des milliers de vie, simplement pour prendre ta revanche à mon égard ? Et bien, vas-y, Elena ! Je ne demande que ça, depuis le début !
A ces mots, Elena s'immobilisa, la mine sombre. Elle sembla réfléchir, et à contrecœur, baissa son sabre, se mordant la lèvre inférieure. Nami aperçut clairement le sourire mauvais de Shado, et il fit un pas de nouveau.
- Tu vois, se contenta-t-il de dire. Tu es si complexe, Elena ! Toutes ces notions : la fierté, l'honneur, la loyauté, l'amour-propre, à quoi bon !
Elle se mit à reculer plus rapidement.
- Depuis quand ce village est-il devenu important à tes yeux ? Pourquoi t’es-tu mise à vouloir les protéger ? Je ne comprendrais jamais.
- Tu n'as pas à comprendre, rétorqua-t-elle.
Les longs cheveux aux reflets violets de Shado étaient lâchés, ondulant dans son dos.
- Ils t'ont rejetée, persécutée, haïe, et pourtant, tu as accepté de travailler pour sauver leur peau, à porter ce fardeau sur ton dos.
Ses yeux foncés étaient fins et vicieux, une lueur excitée brillait dans ses prunelles, et sa bouche se tordait en un rictus satisfait.
- Veux-tu les sauver ?
- Hein ? Fit Elena, surprise.
Il s'approchait dangereusement d'elle, et elle, reculait de plus belle.
- Ce village qui te méprisait parce que tu étais métisse. Ces gens, cette famille, qui ont fait de ta vie un enfer, mais pour qui tu t'es pourtant sacrifiée sans que je ne comprenne. Je te le demande. Veux-tu te débarrasser de ce fardeau, une bonne fois pour toute, et ne plus avoir à t'inquiéter pour leur avenir ?
- De quoi parles-tu ?
- Réponds-moi, Elena.
- Je... souffla-t-elle.
- Veux-tu supprimer ce poids sur tes épaules, oui ou non ?
- Oui...
- Je ne t’entends pas.
- OUI, cria-t-elle, a bout de souffle.
Shado eut un sourire malsain qui la fit faire un bond en arrière. Mais à cet instant, elle fut bloquée par une armoire dans son dos et poussa un juron, trahissant son appréhension. Shado sut saisir cette occasion. Bondissant comme un aigle sur sa proie, il franchit la distance qui les séparait à une vitesse ahurissante et vint la coincer, lui bloquant toutes sorties à l'aide de ses deux bras encadrant sa tête, et de sa jambe, contrôlant sa cuisse. Un cri de stupeur manqua de s'échapper de la gorge de Nami. Elle s'était fait avoir.
Et là, Shado lâcha : « Alors, donne toi à moi. »
A ces mots, les yeux de la métisse s'écarquillèrent, exactement comme ceux de Nami. Shado la dominait dans toute sa splendeur, dangereusement penché sur son visage, la regardant comme une exquise friandise qu'il avait toujours désiré.
- Tu sais que je te veux. Depuis le début, rajouta-t-il.
- Ne me touche pas, souffla Elena, horrifiée.
Elle tenta de lever une main sur lui, mais il lui attrapa le poignet et plongea ses yeux dans les siens.
- Ne veux-tu pas les sauver ? S'enquit-il, feignant la tendresse. Si tu fais ce que je te dis, tu ne retrouveras pas ton village natal en cendre, il ne sera plus menacé.
Et là, il rapprocha son poignet de son visage et passa sa langue dessus, remontant de son avant-bras jusqu'à son index, lui suçant le bout du doigt, savourant sa saveur.
- Ils seront tous sauvés. Une bonne fois pour toute.
La respiration d'Elena s'accéléra et elle ouvrit un peu plus ses yeux. L'affolement se lisait clairement dans ses prunelles frôlant le vert, elle cherchait frénétiquement un échappatoire, mais il n'y en avait aucun. Elle ne pouvait pas bouger : elle était prise au piège.
- Tout sera réglé.
Il plongea son regard dans celui d'Elena.
- Donne-toi à moi, Elena, et ton village ne périra pas.
Et soudainement, celle-ci s'arrêta de bouger, perdue dans les prunelles de Shado. Les larmes affluaient dans ses yeux, mais aucune ne coula.
- Personne ne perdra de proches. Personne ne perdra sa vie.
Puis, elle se mit à fixer le vide, ce que le bretteur interpréta comme un signe de défaite.
- C'est la seule solution, susurra-t-il. Pour les protéger. Tu n’auras pas à vivre avec toutes ces morts sur la conscience.
Elle ferma sa bouche récemment ouverte. Il plissa les yeux sournoisement.
- Laisse-toi faire.
Et là, il plongea. Il fourra sa tête dans son cou et se mit à l'embrasser, à suçoter sa peau de ça de là, à la lécher. De sa main droite, il vint attraper son sein droit et se mit à le malaxer, tandis que sa main gauche remontait le long de ses hanches.
- C'est toi que j'ai toujours voulu, E-le-na. Tu es si bonne..., souffla-t-il entre deux baisers. Si... Exquise...
Nami était en état de choc. Les mains sur la bouche, les yeux écarquillés, elle était là, à genoux devant la porte, haletant dans le sombre couloir de béton qui semblait la compresser comme une prison. Elle s'était retirée du trou de la serrure depuis un petit moment, dès lors qu'elle avait eu compris de quoi il retournait.
« Ce village qui te méprisait parce que tu étais métisse. Ces gens, cette famille, qui ont fait de ta vie un enfer, mais pour qui tu t'es pourtant sacrifiée sans que je ne comprenne. »
A cet instant précis, sa tête s'était soudainement mise à tourner et ses genoux avaient flanché. Elle avait saisi, maintenant. Elle avait tout compris.
Elena... Le désir de sauver son village... Prête à tout pour le protéger...
Cela sonnait bien trop familièrement aux oreilles de Nami, perdue dans ses pensées. Son esprit s'était envolé, tout se recomposait dans sa tête de stratagème. Mais lorsque le sabre d'Elena glissa de sa main et tomba au sol, provoquant un bruit aigu qui raisonna dans le couloir entier, la jolie rouquine put revenir à la raison.
Coupée dans son raisonnement, elle se rapprocha de nouveau de la serrure, et ce qu'elle y vit la choqua. Shado était en train de s'approprier le corps d'Elena. Celle-ci se débattait, mais sans grande conviction, et la tristesse qu'elle lisait dans ses yeux semblait sans limites. Le sang de Nami ne fit qu'un tour. Elle n'avait pas réfléchi, n'avait pas planifié de plan, ou de porte de sortie. Non, elle avait simplement écouté son cœur.
Et ce dernier lui avait ordonné d'agir. Ou du moins, d'éjecter la porte d'un coup de pied, de se précipiter et de se jeter sur le sabreur aux longs cheveux pour tenter – je dis bien tenter – de lui asséner un coup de poing. Mais à peine s'approcha-t-elle de lui qu'il fit volte-face et lui envoya un coup de coude bien senti dans les côtes. Nami tomba à la renverse, du au choc, dans un gémissement de douleur.
« Tu- Nami ! » Entendit-elle crier.
Shado s'approcha d'elle, grondant, le visage décomposé par une colère folle.
« Comment oses-tu m'interrompre, espèce de sale... »
D'un geste sec, il dégaina l'un de ses sabres, et le brandit en l'air. Nami écarquilla ses grands yeux en voyant la lumière se refléter sur la lame aiguisée et eut un vain mouvement de recul. Si seulement elle avait eu son Thunder Ball... Elle aurait peut-être pu...
Non. Elle s'était entraînée durant deux ans loin de sa famille, elle n'allait pas se laisser avoir si facilement. Ce fut donc avec une extrême justesse que la belle rouquine parvint à éviter la lame de Shado. Ce dernier l'arrêta avant qu'elle n'arrête le sol, et brusquement, il tourna sur lui-même et la pirate le vit bondir vers elle à une rapidité ahurissante.
Elle fit un pas en arrière mais ne trouva que le mur, qui l'empêchait de se dérober une nouvelle fois. Là, elle allait y passer, c'était clair. Mais alors que le bretteur s'apprêtait à abattre son arme sur elle avec un cri de rage, quelque chose, ou plutôt quelqu'un vint s'interposer. Digne d'un anime, non ?
Les genoux pliant sous l'effort, le visage grimaçant, Elena était là, protégeant Nami de ce psychopathe vicieux. Ledit psychopathe écarquilla d'ailleurs ses yeux en constatant que la métisse avait réussi, non sans peine, à stopper sa lame en l'attrapant par ses deux paumes qui saignaient abondamment, maintenant.
- Elena, dégage de là, gronda-t-il.
- Non, fit-elle fermement. Tu ne l'a toucheras pas, tant que je serais en vie.
Malgré l'atrocité de la situation, Nami ne put s'empêcher d'être soulagée. Elena était redevenue Elena, elle était de nouveau sûre d'elle. Elle avait arrêté d'hésiter. Sur ce point, elle ressemblait beaucoup à Luffy. Dès que l'un de ses camarades étaient en danger, elle cessait de réfléchir et se jetait dans le tas, même si il n'y avait aucune garantie qu'elle puisse en ressortir vivante.
- Elena, tu-
- C'est entre toi et moi, le coupa-t-elle. Nami, mon sabre.
Cette phrase tira la rouquine de ses pensées.
- Hein ?
- Mon... Sabre, grinça-t-elle, pliant sous le poids de la charge de Shado, le sang abondant de ses mains lacérées.
Nami ne se le fit pas dire deux fois. Elle se précipita pour attraper à la volée le sabre tombé d'Elena et le lui jeta le plus fort possible. A cet instant précis, la métisse parvint à se dérober et attrapa son arme juste à temps pour pouvoir répondre à l'attaque de Shado et dévier ses sabres.
Aussitôt, à une vitesse inhumaine, elle attrapa Nami, et détala de la pièce. Celle-ci n'eut le temps de rien comprendre, elle se retrouva simplement dans les bras d'Elena qui courait dans les escaliers.
- Mais qu'est-ce que tu... Où va-t-on ? S'enquit-elle.
- Je vais t'aider à sortir d'ici, répondit la bretteuse en bifurquant violemment sur la gauche, sans la regarder. Je suppose que tu as un peu cartographié le bâtiment, c'est bien, ça t'aidera.
- Quoi ? Fit la rouquine, abasourdie.
- Laisse-moi réparer mon erreur, Nami, s'il te plaît. Laisse-moi sauver le peu d'honneur et les quelques principes qu'il me reste. J'ai fais des choix, je dois maintenant en assumer les conséquences.
- Mai-
- Traite moi d'imbécile, de connasse, de traître, je ne t'en voudrais pas. Promets-moi juste que tu feras tout pour sortir d'ici.
La rouquine plongea son regard brun dans celui, doré, de son ex-camarade de chambre. L'espace de quelques secondes, tout semblait être redevenu comme avant. Les deux jeunes femmes communiquaient uniquement par le regard, comme elles l'avaient fait tant de fois durant le séjour d'Elena sur le Sunny. C'était comme si elles n'avaient jamais perdu ce lien, cette complicité, cette amitié qui les avaient si vite liées. Mais alors que Nami ouvrait sa bouche pour répondre, un bruit sourd retentit. Les deux femmes échangèrent un regard paniqué, mais il était trop tard. Shado bondit, et la seconde d'après, Elena propulsait la navigatrice de l'équipage au Chapeau de Paille au loin pour être la seule victime de son attaque.
La rouquine roula au sol et se cogna avec violence contre un nouveau mur. Affolée, elle tenta de se relever, et n'y parvint que la troisième fois, non sans peine.
« Nami, dégage d'ici ! »
A ces mots, la concernée releva la tête, pour découvrir une Elena à terre qui subissait et encaissait les coups d'un Shado fou de rage. Pourquoi ne se relevait-elle pas ? Pourquoi ne ripostait-elle pas ? Puis, lorsqu'elle croisa le regard de la métisse, elle comprit. Tout était fait pour lui laisser le temps de s'enfuir. Elle avait dit vrai : elle voulait la faire sortir d'ici.
Mais malgré les protestations et les cris de sa camarade, la pirate se redressa intégralement. D'un pas lent, elle s'avança, chancelante. Le bruit du pied de Shado dans l'abdomen d'Elena lui était insupportable. C'était une torture. Elle se rappela ce jour où il l'avait fouettée sous ses yeux, et où elle n'avait pas bouger le petit doigt. Elle s'en voulait terriblement de n'avoir pu rien faire. Elena l'avait peut-être trahie, Elena l'avait peut-être vendue, Elena l'avait peut-être séparée de sa famille Nami ne pouvait pas suivre ses conseils. Elle non plus, elle ne ferait pas deux fois la même erreur.
Alors, elle fonça. Bêtement, certes, mais elle fonça quand même. Et le cri de détresse d'Elena fut la dernière chose qu'elle entendit, avant de sombrer dans les ténèbres de l'inconscience.