"Je t'attendrai"

Chapitre 11 : Chapitre onzième

3087 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 00:36

Chapitre onzième

 

Driiiiiiing driiiiiing. Driiiiiing driiiiiing. Driiiiiing driiii-

« Putain... Robin... Depuis quand... On a un réveil ? »

Nami fourra son visage dans l'oreiller et remonta sa couette jusqu'à sa tête. Il faisait plus froid que d'habitude, ici. Elle remonta ses jambes vers son buste et se recroquevilla sur elle-même, avant de bâiller à s'en décrocher la mâchoire. Mais alors qu'elle retournait à son rendez-vous avec Morphée, elle sentit de douces mains la secouer doucement au niveau des épaules.

« 'Lena, maugréa-t-elle en fronçant les sourcils, laisse-moi dormir... »

Mais les petits coups continuèrent avec timidité et bientôt, une douce voix vint se joindre à eux.

« Nami... Nami, réveille-toi... »

Et dès lors que ladite Nami se rendit compte que cette voix n'était pas du tout, mais alors pas du tout comparable à celle d'Elena ou de Robin, elle se redressa d'un bond, manquant de cogner la jeune femme assise au bord de son lit.

Paniquée, la pirate la regarda de ses grands yeux bruns, le cœur battant la chamade. Elle n'était pas Robin, et encore moins Elena. Elle avait un visage doux et d'incroyables cheveux bleus pastel. Alors, petit à petit, les souvenirs refirent surface, la situation s'éclaircit, et le visage de la rouquine se décomposa. Elle n'était pas sur le Sunny, entourée de ses camarades. Elle n'était pas chez elle, dans sa chambre, avec ses amies. Non, elle était captive d'un espèce de psychopathe mal baisé d'environ un mètre dix-huit et de sa bande d'étranges enfoirés. Et surtout, elle était seule et séparée de sa famille.

La jeune femme en face d'elle semblait comprendre ce qui lui arrivait car un petit air triste et nostalgique s'afficha sur son doux visage. Elle posa sa main sur celle de Nami, puis lui adressa un sourire compatissant.

  • Tu vas bien ? S'enquit-elle.

  • Oui... Oui. Merci, Estel.

  • Ne t'en fais pas. J'ai connu ça, moi aussi.

  • Hm...

  • Je vais me laver, on doit être prêtes plus d'une heure avant que Monsieur ne se réveille pour pouvoir tout préparer. Au moindre soucis, n'hésite pas, je suis là.

Nami resta immobile, assise sur son lit.

Puis, Estel se retourna une dernière fois et lui affirma : « Ça va aller, tu verras. »

Elle fixa du regard cette jolie femme aux cheveux couleur bleu pastel qui disparut derrière une porte, avant de se lever paresseusement. Elle jeta un coup d’œil à la petite fenêtre protégée de barreaux et son cœur se serra.

« Luffy, mina*, où êtes-vous, en ce moment ? »

 

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  • Nami, peux-tu t'occuper du vin, s'il te plaît ?

  • Lequel ? Celui-là ?

  • Oh, pardonne-moi, j'ai oublié de te le sortir ! Tiens, le voici. Tu sais comment faire, pour le servir ?

  • Oui, oui, ne t'inquiète pas !

  • C'est gentil de ta part.

  • Tu as besoin d'aide pour le plat ? Tu ne vas pas te brûler ? S'enquit la rouquine.

  • Non, ne t'en fais pas, merci, fit Estel en lui souriant. Allons-y. Fais comme moi.

  • Ok.

Sur ce, elles quittèrent la cuisine pour entrer dans une immense chambre au style ancien dans laquelle un « petit vieux tout ridé », comme disait Nami, était attablé, confortablement rehaussé sur son trône. La rouquine pouffa silencieusement. C'était ridicule. Il fallait dire que sans son trône, il lui arrivait à peine au nombril, ce qui n'était vraiment pas, mais alors vraiment pas l'idéal pour un type censé être le chef d'une bande de tyrans malveillants. Les deux splendides demoiselles s'approchèrent, l'une avec un gentil sourire travaillé, l'autre avec l'expression la plus fermée qu'on eut jamais vu, et déposèrent leurs charges sur la table.

« Je vous souhaite un bon repas, Monsieur, fit Estel en s'inclinant légèrement, après avoir dévoilé le contenu de son plat. En espérant que ceci vous convienne. »

Ledit Monsieur acquiesça et la chassa d'un revers de main. Nami la regarda partir avec appréhension : elle ne voulait pas rester seule avec ce gros porc plus d'une minute. Alors, elle ignora son regard insistant, ses quelques paroles inutiles et se hâta de lui servir son verre de vin, prenant quand même soin de ne pas en mettre partout. Puis, dès lors qu'elle eut fini, elle fit volte-face sans une parole et commença sa marche. Elle fut si rapide qu'il n'eut même pas le temps de la rappeler.

 

Une vingtaine de minutes plus tard, Estel étant trop occupé à faire la vaisselle, Nami fut chargée de lui amener son dessert. Mais alors qu'elle passait derrière le fin mur qui la séparait de la chambre, des brides de conversations atteignirent ses tympans et elle se figea instantanément. Ah ! La curiosité ! Quel vilain défaut.

Poussée par son instinct – ou plutôt, sa curiosité –, la rouquine se colla contre le mur et tendit l'oreille.

« C'est la première du mois, fit le chef. Crois-tu que je vais me contenter de cela ? »

Aucune réponse ne lui fut donnée, mais il continua :

« Alors, écoute-moi bien. C'est fini, tes conneries. Maintenant, tu vas te mettre à bosser. Et sérieusement ! Tu as jusqu'à la fin du mois pour m'en ramener huit autres. Et gare à toi si tu sympathises de nouveau. »

Parlait-il tout seul ? Mais, à cet instant, une voix s'éleva, contredisant les pensées de la navigatrice des Mugiwara : « Huit autres ?! Mais... C'est impossible ! »

Il ne fallut que quelques secondes à Nami pour reconnaître ce timbre de voix si familier. Alors, tout en prenant soin de ne pas renverser l'alléchant flanc qu'avait concocté Estel, la rouquine se pencha et passa juste assez de sa tête pour apercevoir ce qui se tramait dans la chambre du Chef.

« La ferme ! S'écria-t-il. Tu n'es pas en position de contester, il me semble ! Tu veux repasser au fouet, peut-être ? »

Nami grimaça en l'entendant hurler de la sorte. Puis, elle balaya la pièce du regard et la trouva instantanément. Et lorsqu'elle reconnut la superbe femme au teint hâlé qui était là, genou à terre, son cœur se serra. Pourquoi ? Elle ne savait pas. Elena était belle et fière, comme toujours, mais cette étincelle de malice et d'envie de vivre ne brillait plus au fond de ses iris dorées devenues sans vie. La jeune femme aux longs cheveux roux serra les dents, profondément atteinte par la trahison de celle qu'elle avait considérée comme une véritable amie. Mais plus encore, Nami avait besoin de savoir. Elle voulait connaître ses motivations, et comprendre ses actes.

Pourquoi ?

Mais comme si elle avait entendu les pensées de la surnommée Chatte Voleuse, la métisse la regarda, et Nami fut vite ramenée à la réalité lorsqu'elle croisa les yeux perçants d'Elena. Perturbée par la vitesse avec laquelle elle l'avait repérée ainsi que par l'indescriptible émotion qu'elle avait lu au fond de ses prunelles, Nami s'affola et se retira le plus vite possible, se collant de nouveau au mur. Elle n'osait plus bouger, les yeux fermés, le flanc à la main, attendant avec effroi le moment où Elena la dénoncerait au Chef.

Un moment de silence s'installa, renforçant la panique de Nami qui n'attendait que la sentence, se préparant mentalement aux coups de fouet et à toutes autres tortures. Mais cet instant ne vient jamais, et Elena se contenta de lâcher un « Non » indifférent. La rouquine rouvrit ses yeux avec surprise. Il n'y avait aucun doute, elle savait que la bretteuse l'avait repérée, peut-être même depuis le début. Pourquoi n'avait-elle rien dit ?

« Tu as jusqu'à la fin du mois, répéta le Chef Charles en ricanant méchamment. Débrouille-toi et trouve une solution. Sinon, tu sais ce qu'il leur arrivera, n'est-ce pas ? »

Nami se pencha de nouveau, juste à temps pour voir Elena serrer les dents. De quoi parlait-il ?

« Maintenant, dégage ! » Cria-t-il. Et Elena s’exécuta.

 

 

 

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  • Le sel, s'te plaît.

  • Tiens.

Zoro saupoudra sa viande d'un geste sec, la coupa avec brutalité avant de l'enfoncer dans sa bouche et de la mastiquer sévèrement. Le repas sur le bateau des Mugiwara se déroulait en silence. Ils étaient là, attablés autour d'une table moins garnie que d'habitude, les visages décomposés par l'effarement et l'inquiétude.

Aucun ne s'en était remis. Physiquement comme moralement. Ils semblaient tous assommés par le son de cette lourde trahison à laquelle personne ne s'était préparé. L'équipage du Chapeau de Paille était vraiment en mauvaise posture. Son Capitaine était dépourvu de poids, de force, de pouvoir ; son archéologue combattait le poison du serpent qui avait envenimé son corps et son bateau errait dans l'océan, sans navigatrice.

Ils étaient tous perdus, inquiets et tendus. Aucun n'avait vu venir ce qui s'était passé, aucun n'avait compris. Le bateau tout entier était sous tension et les deux premiers jours avaient été les pires. Zoro et Luffy, les deux plus impulsifs, avaient complètement perdus contenance. L'équipage entier souffrait. Car à l'instant présent, les Mugiwara avaient perdus deux camarades, deux membres de leur famille, et n'avaient absolument aucune idée de l'endroit où elles se trouvaient.

Zoro serra les dents et repoussa sa chaise. Sans prononcer la moindre parole, il quitta la pièce et monta d'un pas rapide jusqu'à l'observatoire, sa salle de sport. Il en avait besoin, il devait se défouler. A peine eut-il passé le pas de la porte qu'il jeta son tee-shirt à terre et se plongea dans ce qu'il savait faire de mieux : s'entraîner.

Durant trois longues heures, il sua et souffrit dans un but unique et précis. Il transpira et se buta au sport intensif avec une seule idée en tête. Il se tua à la musculation dans une seule aspiration : celle d'oublier.

Oui, il voulait oublier, l'espace d'un instant, qu'on venait d'enlever un être cher à ses yeux, un membre de sa famille. Il voulait oublier cette amère sensation de trahison qui rognait son cœur, cette incompréhension qui torturait son esprit. Et surtout, il voulait l'oublier, elle. Il voulait oublier qu'elle était partie, qu'elle l'avait laissé, seul face à son absence, à se demander ce qu'il avait raté. Il voulait qu'elle sorte de son esprit juste l'espace de quelques secondes, qu'il puisse penser à autre chose qu'à ses yeux luisants et aux trésors qu'ils recelaient, voir autre chose que ses longs cheveux ébènes, sentir une autre odeur que la sienne.

Tout le ramenait à elle. Tout lui faisait penser à elle.

Chaque pièce qu'il parcourait du regard lui renvoyait à une scène bien précise, dans laquelle elle jouait le rôle principale. Chaque mot le ramenait à une de ses phrases ou expressions qu'elle avait un jour prononcé. Et là, dans la salle de sport, il avait beau tout faire, il n'y parvenait pas. Toutes ces séances de sport partagées avec elle remontaient à la surface et son cœur se serra. Chaque instant lui rappelait qu'elle était partie, et que s'il ne la retrouvait pas, elle et Nami ne reviendraient jamais.

En réalité, ce n'était pas pour Nami que le bretteur était le plus inquiet. Il savait qu'elle était forte, quoi que les autres puissent en penser, et qu'elle avait des ressources insoupçonnées. Il savait que pour la sauver, il suffisait de botter le cul de tous ceux qui lui avaient fait du mal. Il savait qu'elle reviendrait et que tout redeviendrait comme avant. Il savait qu'il ne perdrait jamais ce lien construit avec elle.

Mais pour Elena, c'était une toute autre affaire. Il avait l'impression de ne plus rien savoir, de ne plus rien avoir. Il avait l'impression de la connaître parfaitement, d'être liée à elle d'une manière puissance, mais d'un autre côté, il avait l'impression qu'elle n'était qu'une étrangère.

Pourquoi s'était-elle ouverte à lui, si c'était pour mieux le quitter ? Pourquoi s'était-elle liée à lui, si c'était pour s'en détacher ensuite ? Pourquoi avait-elle cherché à l'aider, si c'était pour mieux le faire sombrer après ?

Zoro rageait. Il l'avait pourtant sentie sincère et déterminée. S'était-il trompé ? L'avait-elle trompé ? Était-ce encore un mensonge ? Comment séparer le faux du vrai ? Comment savoir quoi penser ? Comment s'en sortir ? Et si tout avait été faux ?

Il se passa les mains sur son visage. Tant de questions se chevauchaient dans son esprit empli d'un brouillard épais. Tout était flou, embrumé, il n'arrivait plus à aligner deux pensées calmes et cohérentes à la suite. Et surtout, il n'arrivait pas à penser à autre chose qu'à elle.

Pourquoi se sentait-il si mal ? C'était la première fois. Pourquoi avait-il l'impression que quelque chose lui échappait, comme à chaque fois?

Était-ce à cause de cette lueur désespérée qu'il avait lu bon nombre de fois dans les yeux d'Elena, qui criait silencieusement à l'aide ? Était-ce parce qu'il avait l'impression d'avoir été manipulé, mais qu'il s'accrochait à ce semblant d'espoir que tout ceci n'ait pas été qu'un mensonge ? Ou était-ce aussi parce qu'il se rendait maintenant compte qu'Elena l'avait touché bien plus profondément que ce à quoi il s'attendait, et qu'il n'était plus sûr de rien ?

Si seulement il pouvait la revoir une fois, comprendre ce qui se passait dans sa tête, lui parler, savoir quoi penser d'elle. Au moins, il serait fixé.

Était-il seulement en train de s'accrocher à l'infime et ridicule chance qu'Elena puisse leur – lui – revenir ?

Il devait comprendre, il devait savoir. Elle avait trahi leur confiance. Elle l'avait trahi, lui, Zoro.

Et là, il péta un câble. Dans un élan de rage et de colère, il alla écraser son poing contre le mur, faisant éclater le bois qui s'éparpilla.

Non. Pas question qu'on en reste là.

Il était hors de question qu'une traître s'en sorte indemne. Il allait retrouver ces espèces d'enfoirés qui avaient attaqué son bateau. Il allait retrouver ces petits joueurs de merde qui avaient osé s'en prendre à sa famille, aux Mugiwaras. Il allait retrouver Nami, la sauver, et se charger lui-même d'Elena.

Elena avait terni son honneur de sabreuse en agissant de la sorte, et il se jura de le rétablir en mémoire de la fière bretteuse qu'il connaissait et avec qui il avait passé d'incroyables moments, même s'il devait se battre contre elle. Il ne ferait pas de quartier.

Oui, il en donna sa parole. Quitte à devenir un monstre, quitte à perdre son humanité, il le ferait.

 

 

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*mina : tout le monde

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