Noriko
Assis sur un débris d'une maison en pierre détruite par son duel avec Luffy, les coudes posés sur les genoux, Zoro se rongeait l'ongle de son pouce jusqu'au sang. Après avoir marché en long, en large et en travers, il avait réussi à calmer son rythme cardiaque et à se poser quelques instants, mais malgré tout, une de ses jambes tremblait nerveusement. À ses côtés se trouvait Noriko, toujours inconsciente. Il l'observa, incapable de se pardonner de l'avoir transpercée avec son sabre, se demandant quand est-ce qu'elle allait se réveiller.
Au début, il la tenait dans ses bras pensant qu'elle se réveillerait rapidement, lui relevant la tête et vérifiant qu'elle respirait toujours. Il maintenait cette position, demandant de l'aide à Luffy et criant sur Vivi qui n'arrêtait toujours pas de pleurer. Ils parlaient tous en même temps, essayant de comprendre ce qu'il venait de se passer et ce qu'il était judicieux de faire par la suite. Tous cachaient leur peur et cette sensation que Noriko allait peut-être avoir des séquelles. Ils finirent par devenir silencieux, ne sachant plus quoi ajouter de plus, du moins, jusqu'à l'arrivée de Nami. Lorsque cette dernière constata les dégâts, le sale état des deux garçons, l'angoisse et la peur de Vivi ainsi que l'inconscience de son amie, elle hurla et les somma tous les deux de lui dire ce qu'il s'était passé. Ce fut à ce moment-là que Zoro s'était résigné à déposer Noriko à même le sol afin de contenir la panique de la navigatrice. S'en était suivit un débat agaçant qui semblait sans fin. Luffy et Zoro avaient compris que Noriko était hors de danger dès l'instant où ils avaient voulu observer sa blessure, et cela avait été rapide pour eux d'en être soulagés. En revanche, calmer Vivi, faire à comprendre à Nami qu'elle n'avait rien, que Noriko avait reçu un coup de katana à cause d'eux mais qu'elle allait s'en sortir, qu'il fallait simplement attendre qu'elle se réveille et enfin calmer Nami elle-même, tout ceci avait été une autre paire de manches et Zoro en avait eu mal à la tête.
Après en avoir discuté entre eux, Luffy avait fini par accompagner Nami, Vivi et Igaram au navire de ce dernier afin qu'il puisse faire diversion avec des leurres auprès des agents du Baroque Works. Désormais seul avec Noriko, Zoro ne savait pas quoi faire. Il devait rejoindre les autres au Vogue Merry mais ne voulait pas prendre le risque de la transporter tant qu'elle était toujours inconsciente. Il se passa les mains sur le visage et soupira, cherchant une énième explication à tout ce qu'il s'était passé. Soudain, il se précipita auprès de son amie.
Noriko avait l'impression de sombrer au fond de l'océan ou peut-être même qu'elle était en train de flotter parmi les nuages, elle ne saurait le dire. Elle éprouvait une sensation nouvelle, une sensation de bien-être. Ne sentant plus aucune douleur physique ou moral, elle avait l'impression d'être enveloppée dans un cocon de chaleur et que plus rien ne comptait pour elle, se sentant en paix et sereine. Pourtant, quelque chose lui sommait d'ouvrir les yeux, quelque chose qui la rappelait à l'ordre, lui intimant de revenir dans le monde réel.
Noriko fronça les sourcils, poussa un petit gémissent de douleur, puis se réveilla en sursaut, se redressant d'un seul coup en poussant un cri de frayeur et en refermant son poing sur son collier en croix. Par réflexe, elle posa ses mains sur son ventre, comme si elle cherchait quelque chose et commença à paniquer. Son regard se posa sur son bracelet à perles rouges, même si sa présence ne suffit pas à la calmer et au moment où elle voulu examiner sa plaie de plus près, elle vit Zoro se précipiter vers elle et se jeter à genoux à ses côtés.
- Noriko !
Il lui attrapa le visage entre ses mains et l'examina, presque à bout de souffle, un soulagement flagrant se dessinant sur son visage.
- Tu vas bien ? Comment tu te sens !?
Elle posa ses mains sur les siennes.
- Zoro ? Zoro... je... je... paniqua-t-elle haletante avec les larmes aux yeux.
- Tout va bien, je suis là.
De grosses larmes commencèrent à couler sur les joues de la jeune fille. Elle fit tomber sa tête en avant et la posa sur le torse de son ami.
- Tout va bien, répéta-t-il en mettant maladroitement ses bras autour de ses épaules.
- J'ai eu si peur...
- Je suis tellement désolé Noriko, je ne voulais pas... la coupa-t-il. Tout est arrivé tellement vite, tu t'es jetée sur nous à une telle vitesse que je n'ai pas pu retenir mon attaque.
- Zoro, attends, souffla-t-elle en redressant la tête.
La jeune fille venait de réaliser qu'elle ne souffrait pas. Toujours assise par terre, elle se remit à inspecter son corps à la recherche d'une blessure.
- Pourquoi est-ce que je suis toujours en vie ? reprit-elle. Vous m'avez soignée ?
- Justement...
- Il y avait du sang partout, continua-t-elle sans lui laisser le temps de finir sa phrase, mais je n'ai pas de plaie, je n'ai plus rien, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je pensais être morte et...
- Noriko. Arrête, lui ordonna-t-il en lui posant la main sur son avant-bras. Il n'y a jamais eu de sang.
- Quoi ? Mais... mais de quoi tu parles ? Je l'ai vu, je m'en souviens très bien.
- Non, Noriko.
- J'en avais sur les mains et même dans la bouche. Quand j'ai retiré le sabre, il y en avait encore plus, tu m'as même dit que c'était une mauvaise idée de le faire, mais je ne t'ai pas écouté. Je me souviens m'être évanouie et ensuite... Ensuite, c'était comme si... Comme si j'étais morte ?
- Tu n'es pas morte et tu n'as jamais saigné. On le croyait nous aussi, mais on s'est rendus à l'évidence, ce n'était pas du sang, mais de l'eau.
- De l'eau ?
- Oui, on pense que ma lame t'a simplement traversée, sans te blesser.
- Mais je ne peux pas...
- Tu as un pouvoir de type logia, bien sûr que tu peux.
- Non, je n'ai jamais réussi! s'exclama-t-elle.
Pour justifier ses dires, elle retira sa chemise qu'elle laissa tomber derrière elle et leva son débardeur noir afin de dévoiler entièrement son ventre. La blessure devait forcément être quelque part. Par pudeur, Zoro détourna le regard.
- Tu n'étais pas toi-même à ce moment-là, murmura-t-il.
- Comment ça ?
- Tu t'es déplacée très vite et tu as fait preuve d'une force surhumaine. Tu nous as arrêté tous les deux en même temps, à mains nues.
- J'avais juste cette sensation que vous alliez réellement vous entretuer. Je ne sais plus, je voulais seulement vous empêcher de vous faire du mal.
- Tu as réussi, mais à quel prix ? J'ai failli te tuer, Noriko, se désola-t-il.
La jeune nièce de Mihawk réalisa soudainement que son ami était très mal à l'aise. Il devait se sentir terriblement responsable de la situation et elle ne pouvait qu'imaginer ce qu'il était en train de vivre. Si elle avait manqué de tuer un de ses proches, elle ne se le serait jamais pardonnée et refusait donc que Zoro ressente cette culpabilité.
- Non, ce n'est pas le cas ! Tu n'as pas à te sentir coupable, je suis la seule fautive ! C'est moi qui me suis interposée entre vous deux, même si c'était idiot et irréfléchi. Et même si tu m'avais réellement blessée, ça aurait été uniquement de ma faute! Zoro, continua-t-elle en posant sa main sur son épaule, tu n'y es pour rien, tu m'entends ? Tu ne dois pas t'en faire.
- Tes mots n'y changeront rien...
- Je suis en vie et je vais bien. Si tu penses que je me suis transformée en eau, alors c'est que c'est dû à mon fruit du démon, comme tu dis. J'ai dû m'en servir instinctivement, je ne vois pas d'autre explication, termina-t-elle en haussant les épaules.
Mais Zoro n'était pas dupe. Il resta silencieux et pour toute réponse, ramassa et lui tendit sa chemise qu'elle venait d'enlever afin de lui montrer la déchirure provoquée par son sabre.
- Tu me crois, maintenant ?
Noriko prit le vêtement, les mains tremblantes.
- Je vois clair en toi.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Tu ne crois pas t'être transformée, n'est-ce pas ? Regarde ta chemise, la déchirure provoquée par le sabre est bien là.
- Ça ne veut rien dire, lâcha Noriko qui commençait à être sur la défensive.
- Les vêtements portés par les utilisateurs d'un pouvoir logia se transforment aussi, c'est pour ça que ton débardeur n'a rien, continua son ami, tu t'es transformée au moment où ta chemise s'est déchirée. Si tu avais maîtrisée ton pouvoir, elle n'aurait rien eue.
- C'est vraiment ma chemise le problème? rétorqua-t-elle en la jetant au loin.
- Arrête de faire celle qui ne comprend pas, s'emporta le jeune homme en regrettant aussitôt ses paroles.
Noriko resta interdite et les larmes lui montèrent de nouveau aux yeux. Une mèche de cheveux lui tomba sur le visage et Zoro voulu lui remettre derrière l'oreille, mais s'en empêcha.
- Je sais que ça te fait peur, devina-t-il d'une voix plus douce. Tu as plus de pouvoir et de force que ce que tu peux imaginer, et un jour...
- Je ne veux pas en parler Zoro, le coupa-t-elle, tu le sais. C'est une malédiction pour moi et tu sais très bien ce que j'en pense.
- Oui, je sais. Mais je pense toujours que tu as des capacités inexploitées et un jour, tu devras savoir les maîtriser.
Noriko était sur le point de s'emballer, mais sachant pertinemment que Zoro était de son côté, elle se ravisa au dernier moment.
- Tu as raison, finit-elle par lâcher en baissant les yeux.
- Ah oui ? Ça ne te ressemble pas d'abandonner si vite, répondit-il d'un air narquois en se relevant.
La jeune fille sourit malgré elle.
- Je sais que j'ai beaucoup à apprendre, mais je veux y aller à mon rythme et apprendre par moi-même ce dont je suis réellement capable.
- Oui, j'avais compris, soupira-t-il. Tu peux marcher ? Je peux te porter, si tu veux ?
- Non, merci, je n'ai rien du tout. Au final, j'ai juste dormi, répliqua-t-elle en levant les yeux au ciel.
Zoro lui tendit une main qu'elle accepta volontiers. Il la releva lentement et s'assura qu'elle n'avait rien.
- Allons-y, déclara-t-elle en faisait volte face afin de couper court à la conversation. Les autres vont finir par partir sans nous.
Noriko se mit en route sans attendre de réponse, espérant ne plus avoir à parler ce qu'il s'était passé. La tête pleine de questions, elle devrait attendre d'être seule ce soir pour vérifier quelque chose. Il fallait qu'elle en ait le cœur net.