Noriko
Noriko se réveilla en sursaut. En sueur, le cœur battant à tout rompre, elle se redressa et passa frénétiquement ses mains sur son cou. Il y a longtemps qu'elle n'avait plus fait ce cauchemar. En panique, elle chercha à tâtons où elle était et lorsque ses yeux s'habituèrent à l'obscurité, elle constata qu'elle était à bord du Vogue Merry, dans son lit. Il fallait qu'elle se calme, elle ne risquait absolument rien. Elle tourna la tête et aperçut Nami qui dormait paisiblement à poing fermés. Puis, décidant de se lever sans faire de bruit, elle ramassa un sac qui était au sol et se dirigea vers le pont.
Bien qu'elle soit peu couverte, elle n'avait pas froid. La nuit était douce et le vent avait cessé de souffler, rendant la mer calme et paisible. Elle joignit ses paumes de mains, fit apparaître de l'eau et se nettoya le visage avec. Elle prit une grande bouffée d'air frais et se sentit un peu mieux. Puis, levant les yeux, elle fut témoin d'un magnifique ciel étoilé. En gardant le nez en l'air, elle songea à tout ce qu'elle avait traversé et repensa à toutes les souffrances qu'elle avait dû endurer. C'est en attrapant son sac laissé au sol que Noriko commença à trembler. Ses mains avaient du mal à défaire le nœud qui le maintenait fermé et elle dû s'y prendre à plusieurs reprises pour y arriver. Au bout de quelques minutes, elle en sortit son butin. C'était des bottes. Les bottes qu'elle avait volées ce jour-là à ce Marine qui aurait pu la tuer à mains nues.
De nouveau, elle était de retour au milieu de cette forêt et de nouveau, elle était allongée, étendue au sol. À partir de ce moment-là, les souvenirs étaient de plus en plus flous. Elle se revoyait se relever, tituber en toussant jusqu'aux deux soldats affalés sur le sol, trempée de la tête au pieds. Elle tomba à genoux près d'eux et constata qu'eux aussi étaient mouillés. Instinctivement, sans réfléchir, elle leur vola une veste et une paire de chaussures. Une fois habillée, elle passa une main au dessus de sa tête et absorba toute l'eau qui était sur elle. Elle fut séchée en moins d'une minute et sentit la chaleur envahir son corps, ce qui la revigora. Enfin, sans un regard en arrière, elle tourna les talons et s'en alla.
Son visage était tuméfié, sa gorge la faisait souffrir, son corps meurtrit la faisait tanguer à chaque pas, sa cheville douloureuse ne lui permettait pas d'aller vite, les larmes qui coulaient sur ses joues lui brouillait la vision, mais rien, rien de tout ça ne l'empêchait de continuer d'avancer. Ce n'est que beaucoup plus tard, lorsque qu'elle se sentit hors de danger, lorsqu'elle tomba de fatigue qu'elle se permit de craquer. Et là, seule au milieu de la nuit, seule au milieu de la forêt, elle poussa un grand cri qui se perdit dans le ciel.
Noriko était accroupie, près de la rambarde, tenant les bottes dans ses bras, les larmes aux yeux. Elle n'avait jamais pris la peine de vérifier si les deux soldats étaient bien morts et elle n'en saurait jamais rien. Pour elle, c'était le cas. Et quand bien même ils étaient vivants, les angles bizarres que formaient leurs corps après l'impact portaient à croire qu'ils n'auraient pas survécu longtemps au milieu de cette forêt, ou du moins, pas sans de graves séquelles. C'était elle ou eux, eux ou elle. C'est tout ce qu'elle gardait à l'esprit. Si c'était à refaire, elle recommencerait sans hésiter. Elle ôterait sans doute la vie à d'autres personnes et elle n'aurait aucun scrupule à le faire, car ce n'est pas cela qui lui tourmentait l'esprit. Ce qui l'inquiétait, c'est qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'il s'était passé. Si les deux hommes étaient trempés, c'est qu'elle avait dû utiliser son pouvoir, ce qui voudrait dire qu'elle l'avait fait sans s'en rendre compte. Étaient-ils vivants ? S'ils étaient morts, est-ce que c'était le choc qui les avait tués ? Ou bien, s'étaient-ils noyés ? Et si ce n'était pas son fruit du démon qui en était la cause, qu'est-ce que ça pourrait bien être ? Noriko secoua la tête, elle ne voulait plus se poser ces questions. Elle se redressa et regarda à l'horizon, puis avec une grande inspiration, balança les chaussures une par une, aussi loin qu'elle le pouvait. Elle récupéra son sac, tourna le dos à cette partie de son passé et retourna se coucher, le cœur enfin allégé.