némésis.

Chapitre 2 : Chrysalide

10742 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/10/2024 22:38

« Chers citoyens de l'île de la Ruche,

C'est avec un cœur lourd et une détermination implacable que je m'adresse à vous ce soir. La nouvelle de l'assassinat brutal de Kenshin Takahashi, survenu dans l'opulence de son penthouse, a secoué notre communauté jusqu'à ses fondations. Cet acte ignoble n'est pas seulement une attaque contre un individu, mais une atteinte directe à l'ordre et à la sécurité de notre île.

L'île de la Ruche, autrefois un bastion de prospérité et de promesses, est devenue le théâtre d'une violence insensée. Il est temps de reconnaître les vérités amères qui se cachent sous la surface de notre société. Depuis trop longtemps, nous avons fermé les yeux sur les ténèbres qui s'infiltrent dans chaque recoin de nos rues, sur les vices et la corruption qui gangrènent notre cœur collectif.

La mort de Kenshin Takahashi est une tragédie, mais elle est aussi un symptôme de quelque chose de plus grand, de plus insidieux. Nous vivons dans une ère où le respect de la loi et de l'ordre est constamment mis à l'épreuve par ceux qui préfèrent les ombres aux lumières de la justice. Ceux qui pensent que l'anarchie et la violence peuvent remplacer la stabilité et la paix.

Mais écoutez-moi bien, citoyens de la Ruche : nous ne plierons pas. Nous ne permettrons pas que la peur dicte nos actions. Ce meurtre abominable ne sera pas le début d'une descente aux enfers, mais le catalyseur d'un réveil. Un réveil brutal et nécessaire.

À ceux qui se cachent dans les recoins sombres de notre île, à ceux qui complotent et assassinent dans l'ombre, je vous dis ceci : vos jours sont comptés. Nous mettrons en lumière chaque complot, chaque crime, chaque secret caché dans les recoins les plus sombres de notre île. Nous dévoilerons chaque réseau de corruption et détruirons chaque sanctuaire de criminalité.

Notre police, nos forces de l'ordre, travailleront sans relâche pour traquer les coupables et rétablir l'ordre. La justice sera servie, avec une main de fer et sans pitié. Nous ferons de l'île de la Ruche un exemple, un modèle de détermination et de résilience face aux forces destructrices qui cherchent à nous dévorer de l'intérieur.

Citoyens, je vous demande de rester vigilants, de vous tenir aux côtés de nos forces de l'ordre, de dénoncer les actes de violence et de corruption. Ensemble, nous pouvons éradiquer le cancer qui menace notre société. Ensemble, nous restaurerons la grandeur de notre île.

Ce soir, nous pleurons Kenshin Takahashi, mais demain, nous nous lèverons plus forts, plus déterminés que jamais. Que sa mort ne soit pas en vain. Qu'elle soit le coup de semonce qui nous réveille tous, qui nous pousse à agir, à lutter pour un avenir meilleur, un avenir où la justice et l'ordre règnent en maîtres incontestés.

L'île de la Ruche ne sera pas un refuge pour les criminels et les traîtres. Elle sera un bastion de justice, de sécurité, et de prospérité. Ensemble, nous écrirons ce nouveau chapitre de notre histoire, un chapitre où le courage et la détermination triomphent sur la peur et la violence.

Je vous remercie.

Absalom, Maire de l'île de la Ruche »

La mairie, un imposant bâtiment situé au cœur de l'île de la Ruche, est un parfait exemple d'architecture rétrofuturiste. À l'extérieur, les murs sont un mélange de verre fumé et d'acier chromé, donnant à l'édifice une allure à la fois moderne et nostalgique. Les angles du bâtiment sont arrondis, tandis que les immenses fenêtres offrent une vue panoramique sur la ville. Le sommet de la mairie est couronné par une coupole argentée, qui scintille sous le soleil et les lumières nocturnes, symbole de l'autorité qui règne en ces lieux.

En pénétrant dans le hall principal, on est immédiatement frappé par l'opulence et la froideur des lieux. Le sol est en marbre noir veiné de blanc, réfléchissant les lumières fluorescentes qui pendent du plafond comme des stalactites lumineuses. Les murs sont ornés de panneaux en acier poli et de grandes fresques illustrant l'histoire de l'île, mais avec une touche dystopique, chaque scène évoquant la lutte constante entre ordre et chaos.

Des hologrammes d'annonces publiques flottent dans l'air, ajoutant une touche high-tech à l'atmosphère. Au centre du hall trône une sculpture futuriste d'un aigle en acier, symbolisant la vigilance et la puissance de l'administration d'Absalom.

Kazuki Hoshino est un homme d'une cinquantaine d'années, avec des cheveux poivre et sel soigneusement coiffés en arrière. Il porte toujours un costume noir impeccablement taillé et des lunettes teintées, même à l'intérieur. Ancien militaire, il est chargé de la sécurité et de l'ordre public sur l'île. Sa vie est une discipline stricte, et il vit dans un appartement minimaliste, décoré uniquement de souvenirs militaires et de médailles.

Yuna Aoki, le début de trentaine élégante, sublime, a des cheveux longs et lisses d'un noir profond, souvent attachés en un chignon sophistiqué. Elle est connue pour ses robes haute couture et son sens aigu de la mode. Sa fonction est de gérer l'image publique de la mairie et de contrôler les médias. Elle est passionnée par la littérature classique et organise des salons littéraires dans son loft à l'ameublement vintage.

Kitan Laadi, un homme trapu dans la cinquantaine avec une moustache épaisse, est le cerveau derrière les finances de l'île. Il porte des costumes trois-pièces et a un penchant pour les montres de luxe. Sa vie est un tourbillon de réunions et de transactions, mais il trouve son évasion dans la collection d'art moderne qu'il expose dans son penthouse extravagant.

Miyako Horiko, une femme dans la vingtaine, avec des cheveux bouclés coupés courts, est la voix de la compassion dans l'administration. Elle porte souvent des vêtements en tissus naturels et ethniques. Elle vit dans une maison écologique à la périphérie de la ville, entourée de jardins bio. Elle milite pour les droits des plus démunis et organise régulièrement des campagnes de bienfaisance.

Le bureau d'Absalom, situé au dernier étage de la mairie, est un espace grandiose et intimidant. Les murs sont recouverts de boiseries sombres, contrastant avec le sol en marbre blanc. Un immense bureau en acajou trône au centre de la pièce, orné de divers objets symboliques, tels qu'une statuette de dragon en or et un sablier en cristal.

De grandes fenêtres s'étendent du sol au plafond derrière le bureau, offrant une vue imprenable sur l'île. Sur un côté de la pièce, une bibliothèque contient des ouvrages anciens et des dossiers confidentiels, tandis qu'un bar en verre et en acier occupe l'autre côté, toujours approvisionné en boissons rares et chères.

Absalom est un homme dans la quarantaine, au charisme froid et à l'aura imposante. Ses cheveux blonds mi-long et son visage de lion c court et ses yeux d'un bleu perçant ajoutent à son image de leader intransigeant. Il est toujours vêtu de costumes sur mesure, souvent en noir ou en gris foncé, accentuant son allure austère et autoritaire.

Pour beaucoup, Absalom représente la main de fer nécessaire pour maintenir l'ordre dans une île en proie à la criminalité et à la corruption. Son discours est souvent solennel, teinté de cynisme, et il sait manipuler les foules avec une subtilité glaçante. Ses politiques sont controversées, oscillant entre des mesures draconiennes et des décisions économiques brillantes.

Il est craint pour son absence totale de tolérance envers la dissidence et la criminalité, mais aussi respecté pour sa capacité à maintenir un semblant de paix et de prospérité dans une île rongée par le vice. Absalom est un homme de pouvoir, et chaque décision qu'il prend, chaque mot qu'il prononce, résonne avec une autorité indiscutable, marquant à jamais le destin de l'île de la Ruche.

Dans le vaste bureau d'Absalom, le silence pesant est rompu par le craquement du bois sous les pas de ses conseillers, qui entrent un à un. Kazuki Hoshino, Yuna Aoki, Kitan Laadi et Miyako Horiko s'installent autour de la grande table de conférence en acajou, où Absalom les attend déjà, son visage grave illuminé par la lumière froide des plafonniers.

 

"Vous faîtes de la merde ! J’en ai plus qu’assez de devoir passer derrière vous et nettoyer tout ce merdier ! " Absalom particulièrement en colère se retint de pulvériser son bureau en deux. Le reste des conseillers étaient sous pressions et particulièrement tendue.

"Je vous paye pourquoi ? Pour que vous foutiez en l’air tout ce pourquoi je me suis battu ? "

Les conseillers d'Absalom se regardaient en silence, leurs visages blêmes trahissant l'inquiétude qui les rongeait. L'atmosphère dans le bureau du maire était lourde, oppressante, chargée de tension. Les murmures s’étaient éteints dès qu’Absalom avait commencé à parler. Tous savaient qu'il valait mieux ne pas l'interrompre lorsqu'il était dans cet état.

"Monsieur le Maire, nous... nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour contenir la situation. Les fonds que nous avons alloués aux forces de l’ordre et aux infrastructures devraient commencer à montrer des résultats sous peu."

Absalom claqua violemment son poing contre la table : "Des résultats, Kitan ? Quels résultats ? Le chaos règne en maître dans mes rues, la corruption gangrène chaque recoin de cette ville, et tout ce que tu as à m'offrir, ce sont des promesses vides ?"

Kitan se tassa légèrement sur lui-même, sentant le regard brûlant d’Absalom peser sur lui. Il jeta un coup d’œil désespéré à ses collègues, espérant que quelqu’un prenne le relais.

Yuna n'était pas du genre à se laisser intimider facilement, mais même elle devait admettre que la situation devenait de plus en plus ingérable.

"Monsieur le Maire, la situation sociale est complexe, nous le savons tous. La criminalité, le chômage, la misère... Nous avons besoin de plus de temps et de ressources pour redresser la barre. Les tensions actuelles sont le résultat de décennies de négligence, et..."

"Des décennies de négligence, Yuna ? Ne me parle pas de ce que je sais déjà. Je veux des solutions, pas des excuses. Je vous ai donné carte blanche pour changer les choses, et tout ce que vous avez fait, c'est empirer la situation !"

Baldur, le conseiller en charge de la sécurité publique, un homme d’une trentaine d’année au visage marqué par des années de service dans les forces spéciales, serra les poings. Il n’était pas habitué à se faire remettre en place, mais il savait qu’Absalom n’était pas un homme à contredire lorsqu'il explosait de la sorte.

"Nous avons intensifié les patrouilles dans les zones les plus sensibles, et j’ai personnellement supervisé la formation de nouvelles unités d’intervention. Nous avons aussi commencé à infiltrer certains réseaux criminels pour les démanteler de l’intérieur. Mais tout cela prend du temps, et..."

"Du temps, du temps ! C’est toujours la même rengaine avec vous tous ! Pendant que vous vous embourbez dans vos stratégies, la ville se consume !"

Il fit les cent pas, ses pensées tourbillonnant dans un mélange de colère et de frustration. Le bruit de ses chaussures résonnait lourdement dans la pièce.

"Vous feriez bien de vous rappeler que cette ville ne pardonne pas la faiblesse. Ceux qui échouent disparaissent, c'est aussi simple que ça. Alors, soit vous redressez la situation, soit vous trouverez rapidement quelqu’un pour vous remplacer. Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?"

Les conseillers acquiescèrent en silence, sentant la menace implicite dans ses paroles. Absalom les jaugea un par un, s'assurant qu'ils avaient bien saisi la gravité de la situation.

"Maintenant, sortez. Et ne revenez pas tant que vous n'aurez pas de vraies solutions à me proposer."

Les conseillers se levèrent, chacun avec le poids des attentes écrasantes d’Absalom sur les épaules. En sortant du bureau, ils savaient que leur marge de manœuvre s'était considérablement réduite. Il n’y aurait plus de place pour l’erreur. Pas avec un homme comme Absalom à la tête de l'île.

 

"La mort, elle rôde toujours, invisible mais omniprésente, surtout dans un endroit comme l'Île de la Ruche. Kenshin pensait être au-dessus de tout ça. Il avait gravi les échelons, gagné sa place parmi les puissants, les intouchables. Mais dans cette ville, personne n'est vraiment intouchable.

Kenshin, chef de l'équipe de nuit des docks. Un homme au sommet de son petit empire, savourant ses victoires dans un penthouse luxueux, loin des bruits et des odeurs des quais. Son règne semblait solide, immuable. Mais le pouvoir, ici, est une illusion fragile, prête à se briser au moindre coup de vent.

Il y a quelque chose de cruel dans la façon dont la vie peut basculer si rapidement. Kenshin, vêtu de son peignoir, savourant un verre d'alcool, une cigarette à la main, regardait distraitement une vieille sitcom à la télévision. Peut-être riait-il des plaisanteries désuètes, un rire mêlé d'amertume et de satisfaction. Pendant ce temps, la mort s'infiltrait silencieusement dans son sanctuaire.

Une femme sous la douche, innocente et insouciante, ne se doutant de rien. Puis, une ombre, un assassin glissant comme un serpent, silencieux et mortel. Une lame, un éclair de douleur, et la vie s'échappe, emportée par le flux d'eau ensanglantée.

Kenshin, distrait, ne réalise pas tout de suite. Mais lorsqu'il le fait, c'est déjà trop tard. L'affrontement est brutal, sauvage. Deux forces de la nature se déchaînent, une danse de mort entre le maître des docks et le spectre venu le chercher. Les coups pleuvent, la violence est sans pitié, chaque mouvement un pas de plus vers l'inévitable.

Et puis, l'ultime trahison de la gravité. Kenshin, jeté par la fenêtre, tombe, tombe, jusqu'à ce que la rencontre inévitable avec le sol scelle son destin. Un homme puissant, réduit à une silhouette brisée sur le trottoir, ses ambitions, ses rêves, tout anéanti en un instant.

Dans l'Île de la Ruche, la vie et la mort se côtoient de près, une danse macabre où personne n'est vraiment en sécurité. Il pensait avoir maîtrisé son destin, mais ici, les cartes sont toujours truquées. La mort a toujours le dernier mot.

Alors, que reste-t-il ? Une leçon, peut-être. Que la vie est fragile, même pour ceux qui se croient invincibles. Que le pouvoir et la sécurité sont des illusions, prêtes à se dissiper dans un souffle. Et que, finalement, nous sommes tous des pions dans un jeu bien plus grand, un jeu où la mort tient toutes les cartes.

Bienvenue dans la Ruche. Ici, même les rois peuvent tomber."

 

 

 

La nuit était déjà bien avancée lorsque le shérif Lawson, accompagné de Marco et Ace, se gara devant l’imposant immeuble qui abritait le penthouse où avait eu lieu le meurtre. La scène qui les accueillit était chaotique, comme une ruche en ébullition. Des journalistes se pressaient contre les barrières installées à la hâte par la police, leurs caméras et micros tendus comme des armes cherchant à capturer le moindre détail. Des badauds, curieux, regardaient la scène de loin, certains avec une fascination morbide, d’autres avec une peur palpable. Les gyrophares de la police illuminaient l'obscurité d'une lumière bleue et rouge, déchirant le voile de la nuit.

"Bon Dieu, c’est devenu un cirque..." marmonna le shérif en sortant de la voiture, son visage durci par l’expérience et la fatigue. Il avait vu trop de scènes comme celle-ci, mais chacune laissait une marque indélébile.

Marco se tenait à ses côtés, le visage fermé, les mâchoires serrées. C’était un homme d’action, mais même lui ressentait le poids de la situation. Ace, lui, semblait presque indifférent, un masque de nonchalance dissimulant la tempête intérieure. Ses yeux, cependant, balayèrent les environs avec une précision calculée.

Alors qu'ils s'approchaient de l'entrée de l'immeuble, les journalistes se mirent à hurler des questions, la cacophonie de leurs voix rendant toute conversation impossible.

 "Shérif ! Avez-vous des suspects ?"

"Que savez-vous du défunt ?"

 "Est-ce lié à la vague de crimes récents ?"

Lawson ignora les questions, se contentant de marcher droit devant, une main levée pour signaler aux journalistes qu'il ne ferait aucune déclaration pour l'instant. Une fois dans le hall, l’atmosphère changea du tout au tout. Le bruit extérieur fut remplacé par un silence pesant, seulement perturbé par les murmures des officiers de police et le grésillement occasionnel des radios.

Le hall de l'immeuble était d'un luxe ostentatoire, comme une capsule temporelle des années 80, tout de marbre blanc et de dorures. Les murs étaient ornés de peintures abstraites aux couleurs criardes, probablement pour impressionner les visiteurs, mais qui donnaient plutôt une impression de mauvais goût. Les réceptionnistes, deux jeunes femmes en uniforme impeccable, semblaient pétrifiées par la peur, leurs yeux écarquillés fixés sur les policiers qui allaient et venaient.

"Qui est responsable ici ?" demanda-t-il, sa voix résonnant dans le hall comme un coup de tonnerre. Le shérif passait maintenant aux interrogations.

Une des réceptionnistes, une jeune femme aux cheveux tirés en un chignon strict, leva timidement la main.

"C’est moi... enfin, pour le service de nuit..."

"Quel est votre nom ?"

"Emiko. Emiko Sato."

"Emiko, je vais vous poser quelques questions. Répondez calmement, d'accord ?"

La jeune femme acquiesça nerveusement, jetant des coups d’œil rapides à Ace et Marco, qui se tenaient légèrement en retrait, observant chaque détail.

"Que pouvez-vous me dire sur l'homme qui a été retrouvé mort ?"

"M-Monsieur Takahashi... Il avait réservé le penthouse pour la semaine. Il venait ici régulièrement, pour des affaires, je crois... C'était un homme discret, mais... il avait souvent des visiteurs, surtout le soir."

"Des visiteurs ? Vous pouvez être plus précise ?"

"Euh... des hommes d’affaires, je suppose. Parfois des femmes aussi... Il... il avait ses habitudes."

Ace esquissa un sourire en coin, un sourire sans joie. Ce n'était pas une surprise pour lui que Takahashi ait été entouré d'hommes et de femmes à l'intention plus que professionnelle.

"Des hommes d'affaires, hein ?" murmura-t-il, son ton empreint d'un sarcasme à peine voilé.

Marco, lui, se tourna vers la jeune femme, ses yeux cherchant à capter toute vérité cachée.

"Ces visiteurs, vous les avez déjà vus auparavant ? Des visages connus, dans la ville ?"

"Certains, oui. Ils viennent souvent, mais je ne connais pas leurs noms. Ils n'étaient pas du genre à se présenter."

Le shérif hocha la tête, prenant note de chaque détail.

 "Et ce soir ? Qu'avez-vous remarqué d'inhabituel ?"

Emiko prit une profonde inspiration, comme pour se donner du courage.

"Il y avait un homme... grand, avec un manteau long, il portait un chapeau qui cachait son visage. Il est monté vers le penthouse juste avant... avant que ça n'arrive. Je ne l'avais jamais vu avant."

Un frisson parcourut la pièce, comme si les mots d'Emiko avaient ajouté une couche supplémentaire de mystère à la scène déjà sinistre.

"Un inconnu, donc. C’est toujours comme ça. Les fantômes n’ont jamais de visage."

Le shérif se tourna vers ses hommes, leur faisant signe d'avancer. Ils montèrent rapidement jusqu'au penthouse, laissant Emiko tremblante derrière eux. Le couloir menant à la scène du crime était étrangement silencieux, l’air chargé de tension. Les murs, ornés de tapisseries coûteuses, semblaient absorber chaque son, rendant l'atmosphère encore plus étouffante.

Lorsqu'ils pénétrèrent enfin dans le penthouse, l'odeur du sang les frappa immédiatement, une odeur métallique et acide qui imprégnait l'air. Le corps de Kenshin Takahashi gisait au milieu de la pièce, une mare de sang autour de lui. Le mobilier de luxe contrastait cruellement avec la brutalité de la scène. Les lumières tamisées projetaient des ombres sinistres sur les murs, accentuant le malaise qui régnait.

"Bon sang..." murmura-t-il en se penchant sur le corps, observant les plaies béantes sur le torse de la victime. "C’est plus qu’un simple meurtre... c’est une exécution."

Marco se rapprocha, analysant chaque détail avec une précision chirurgicale.

"Le coupable savait ce qu’il faisait. Les coups sont précis, nets. Pas de signe de lutte. Il était déjà mort avant de comprendre ce qui lui arrivait."

Ace, lui, restait en retrait, observant la scène avec un calme presque inquiétant. Il avait vu pire, mais il savait que cette scène allait hanter leurs esprits pendant longtemps.

"C’est propre. Trop propre. On dirait que le tueur a pris son temps, qu'il voulait que ce soit parfait."

Le shérif acquiesça, se redressant. Il se tourna vers Marco, une lueur de détermination dans les yeux.

"Marco, je veux que tu reconstitues la scène. On doit savoir ce qui s'est passé ici, dans les moindres détails."

Marco hocha la tête et se mit immédiatement au travail, parcourant la pièce de long en large, analysant chaque centimètre carré du sol, des murs, du plafond. Il notait chaque indice, chaque trace, reconstruisant patiemment les derniers instants de la vie de Takahashi.

Pendant ce temps, Ace se rapprocha d'une fenêtre, regardant au loin la ville qui s'étendait sous ses pieds. Les lumières scintillantes des immeubles, les néons des rues, tout semblait si insignifiant vu d'ici. Mais il savait que chaque recoin de cette ville cachait ses propres ténèbres, et que le meurtre de Takahashi n’était qu’un symptôme d’un mal bien plus profond.

"Cette ville est malade," murmura-t-il pour lui-même, ses pensées dérivant vers les secrets enfouis dans les entrailles de l’île. "Et on n’a pas encore touché le fond."

Marco finit par se relever, s’essuyant les mains sur un mouchoir qu'il jeta dans une poubelle proche. Il se tourna vers le shérif et Ace, l’air grave.

"Le tueur est entré discrètement. Pas de traces de lutte, ce qui signifie que Takahashi le connaissait probablement.. Ensuite, il a été attaqué par surprise, probablement empoisonné ou drogué avant d’être poignardé. Le tueur a pris soin de nettoyer derrière lui, mais il y a toujours des traces, infimes... un expert, sans aucun doute."

Le shérif resta silencieux, assimilant les informations : "Un expert... ou quelqu’un qui voulait qu’on pense que c’était un expert."

Ace se retourna, son regard perçant se posant sur Marco, un sourire en coin mais sans joie. "C’est toujours la même histoire, hein ? On croit avoir affaire à un pro, et puis on découvre que c’est juste un gars assez malin pour ne pas se faire attraper… jusqu’à maintenant."

Marco acquiesça légèrement, tout en observant la scène du crime avec une minutie presque obsessionnelle. "Ouais, mais là… il y a quelque chose de plus. Ce genre de mise en scène… C’est comme s’il voulait qu’on soit impressionnés, qu’on sache qu’il a le contrôle." Ses yeux fouillaient chaque recoin de la pièce, à la recherche du moindre indice qui aurait pu passer inaperçu.

Shérif Lawson quant à lui, restait pensif, ses sourcils froncés. "Ce n’est pas juste un meurtre, c’est un message. Quelque chose de symbolique. Il fallait que ce soit ici, dans ce penthouse, et pas ailleurs. Takahashi représentait quelque chose, pour quelqu’un. Peut-être plus qu’on ne le croit."

Oli Takeda s’approcha du groupe, essoufflé, avec un air troublé. "Shérif, on a vérifié le système de surveillance… Il n’y a aucun enregistrement pour ce soir. Tout a été effacé."

Le shérif jura à mi-voix. "Bien sûr que ça a été effacé… Mais par qui ? Par le tueur lui-même ou quelqu’un d’autre ?" Son regard se tourna vers Emiko Sato, toujours en état de choc près de l’ascenseur. Il s'approcha d'elle, son ton se faisant plus doux mais tout aussi autoritaire. "Emiko, qui d’autre aurait accès aux caméras de surveillance ? Est-ce que quelqu’un a pu les désactiver avant le meurtre ?"

Emiko secoua la tête, les larmes montant à ses yeux. "Non… Non, monsieur, c’est impossible. Les enregistrements sont sauvegardés automatiquement. Je ne comprends pas comment…"

Ace, restant en retrait, scrutait chaque réaction, chaque mot. Quelque chose ne collait pas. "On n’efface pas ce genre de données par accident. C’est soit quelqu’un de l’intérieur, soit quelqu’un de très bien informé."

Marco continuait d’analyser la scène, cherchant des traces qui auraient pu être laissées derrière par le tueur. "Ça va au-delà de l’effacement des preuves. Il veut qu’on sache qu’on ne trouvera rien. C’est du contrôle, encore une fois."

Le shérif hocha la tête, ses pensées tourbillonnantes alors qu’il tentait de donner un sens à tout cela. "On a besoin de creuser plus profondément. Ce meurtre… ce n’est pas juste une histoire de vengeance ou de règlement de comptes. Ça va plus loin."

L’équipe se tourna alors vers les réceptionnistes qui avaient été remplacées par d’autres employés, plus habitués à gérer des situations délicates. Le shérif, accompagné d’Ace et de Marco, fit signe à l’un des réceptionnistes, un homme d’âge moyen au visage impassible, de s’approcher. Son badge indiquait son nom : Yusuke Mori.

 "Mori, c’est bien ça ? Combien de temps avez-vous travaillé ici ?"

"Cela fait presque vingt ans, monsieur. J’ai vu cet hôtel sous différentes directions, je connais chaque recoin."

Ace s’avança, observant Mori avec un intérêt certain. "Vingt ans… Vous avez dû voir pas mal de choses étranges, je me trompe ?"

Mori esquissa un sourire discret, mais son regard restait distant. "Disons que j’ai appris à ne pas poser de questions quand ce n’est pas nécessaire. Mais oui, cet endroit… attire parfois des clients particuliers."

"Et Takahashi ? C’était quel genre de client ?" demanda Marco, impatient d’en savoir davantage.

Mori sembla réfléchir un instant, pesant ses mots. "Discret, très poli. Il ne faisait jamais de vagues, mais on sentait que c’était un homme qui avait du pouvoir. Il recevait des visites à toute heure, mais toujours les mêmes personnes. Des gens que je n’aurais pas voulu croiser en dehors de cet hôtel."

"Vous avez vu quelque chose de suspect ce soir ?" Le shérif s’adressa à lui, d’un ton presque accusateur.

Mori secoua la tête. "Non, monsieur. J’ai pris mon service après 22 heures, tout semblait normal. C’est seulement quand j’ai entendu l’agitation que j’ai compris qu’il se passait quelque chose."

"Vous avez remarqué quelqu’un de nouveau, quelqu’un qui ne correspondait pas au profil habituel ?" Ace commençait à s’agacer.

Mori prit une profonde inspiration. "Il y a toujours de nouveaux visages. Mais oui… Il y avait un homme que je n’avais jamais vu avant ce soir. Grand, avec un long manteau et un chapeau. Il est monté peu avant que tout ça n’arrive."

Les mêmes détails que ceux fournis par Emiko. Cela confirmait l’hypothèse d’Ace et de Marco. Le tueur n’était pas un amateur.

Le shérif se redressa, se tournant vers ses deux acolytes. "On a ce qu’on voulait. Il faut maintenant creuser cette piste."

Ils montèrent enfin au penthouse. La scène de crime était froide, calculée. Le luxe ostentatoire du lieu contrastait avec la brutalité de la mort qui y avait été infligée. Les meubles étaient restés impeccables, presque comme si rien n'avait été dérangé, sauf ce corps sans vie, étendu sur le sol, baignant dans une mare de sang.

Marco se pencha près de la fenêtre ensanglantée et brisée du salon, son regard froid et analytique. "L’attaque est précise, presque chirurgicale. Il n’avait aucune chance de s’en sortir. Le tueur voulait que ce soit rapide et brutal."

"Ça ressemble à une exécution. Pas une simple vengeance, mais quelque chose de bien plus calculé. De plus, le balancer à travers la fenêtre, il y’a quelque chose de très théâtral…" Ace pointa ce détail, qui lui donnait à matière à réflexion.

 

 

"Comme si le tueur avait un goût prononcé pour les arts… " Marco ramassa des détritus et des bouts de verres brisées au sol.

"Ce genre de meurtre, dans un lieu comme celui-ci… Ce n’est pas une coïncidence. C’est un message. Mais pour qui ?" Le shérif était toujours aussi perplexe.

Marco se releva, les mains sur les hanches, le regard perdu dans ses pensées. "On pourrait penser que c’est pour nous. Mais peut-être que ce message est destiné à quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui va comprendre bien plus que ce qu’on ne voit ici."

 "Ou peut-être que c’est un avertissement. Par quelqu’un d’assez puissant pour se sentir menacé. Hiroshi Deko a été retrouvé mort aux docks, et une connexion avait déjà été établie entre les dockers et des possibles trafics illicites de marchandises… Même pas 24 h après, qu’un autre docker vient de se faire éliminer…" Ace sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Il avait la conviction que quelqu’un œuvrait pour effacer de potentielles traces que la police pouvait être amené à découvrir. "S’il s’est fait fumer ce soir, c’est que ça dérangeait quelqu’un et ils ont envoyé un nettoyeur faire le boulot…"

Le shérif Lawson tourna les talons, prêt à descendre, mais il savait qu’ils n’en avaient pas fini ici. Ce meurtre n’était que la partie visible d’un iceberg de conspirations, de mensonges, et de violence. L’île de la Ruche avait ses propres règles, et ce qu’ils venaient de découvrir ne faisait que commencer à révéler la complexité du piège dans lequel ils étaient tombés.

"On continue de creuser. On va trouver qui est derrière tout ça, même si ça doit nous mener jusqu’aux entrailles de cette île maudite."

Et alors qu’ils quittaient le penthouse, les lumières de l’immeuble projetant des ombres inquiétantes sur leurs visages fatigués, chacun d’eux savait qu’une longue nuit d’investigation ne faisait que commencer.

L'horloge sur le mur du poste de police égrainait les secondes dans un silence pesant. Ace était seul dans son bureau, un espace spartiate aux murs gris ornés de quelques affiches jaunies par le temps, évoquant une époque où la justice semblait moins corrompue, plus pure. Un bureau en bois massif, éraflé par les années, trônait au centre de la pièce. Sur le bureau, une lampe à l'abat-jour vert pâle projetait une lumière tamisée, éclairant à peine les dossiers empilés en désordre, témoins d'une enquête qui n’en finissait plus de s’enliser dans le mystère.

Le téléphone se mit à sonner, brisant le silence et interrompant les pensées tourmentées d’Ace. Le bruit du téléphone était strident, presque agressif dans l'atmosphère feutrée du bureau. Ace décrocha, sa voix grave se fit entendre, teintée de la fatigue des longues heures passées à traquer des ombres.

"Ace ici. À qui ai-je l’honneur ? "

De l’autre côté de la ligne, une voix féminine, douce mais chargée d'une étrangeté, s’éleva. Elle était à la fois séduisante et énigmatique, comme un parfum qui vous hante longtemps après l’avoir senti.

"Bonsoir, Ace. Vous ne me connaissez pas, mais j’ai entendu parler de vous. "

Ace s’enfonça dans son fauteuil, ses doigts tambourinant légèrement sur le bois du bureau. "Vous avez un nom ? Ou est-ce que je dois deviner ? "

Un léger rire se fit entendre à travers le combiné, comme un souffle de mystère traversant la ligne. "Les noms ont peu d’importance, ne trouvez-vous pas ? Ce qui importe, ce sont les secrets que nous portons. Et j’en porte un, Ace. Un secret que vous cherchez peut-être à découvrir. "

Ace plissa les yeux, sentant l’intrigue se tisser autour de lui. "Allez droit au but, je ne suis pas d’humeur aux devinettes. Quel est ce secret, et pourquoi m’appelez-vous ? "

La voix se fit plus douce, presque caressante. "Parce que vous êtes celui qui cherche la vérité, même lorsque celle-ci se cache derrière des mensonges séduisants. Je suis… ou plutôt j’étais, proche de la femme que vous avez trouvée au penthouse de Takahashi. "

Le cœur d’Ace se serra. Une proche de la victime ? "Vous connaissiez la victime ? Parlez-moi d’elle. Qui était-elle ? "

Il y eut un silence, lourd, comme si la femme de l’autre côté hésitait à poursuivre. Puis, elle reprit, sa voix teintée de tristesse. " Elle s’appelait Mei. C’était une femme fascinante, forte, mais marquée par la vie. Nous avons partagé plus que de simples confidences… Nous partagions une solitude que seules les âmes égarées peuvent comprendre. "

Ace sentait que cette conversation prenait un tournant intime, chargé de sous-entendus. "Pourquoi m’appeler maintenant ? Pourquoi ne pas être venue au poste plus tôt ? "

Parce que la peur peut être une ennemie redoutable, Ace. Il y a des forces à l'œuvre que vous ne comprenez pas encore… des gens puissants qui jouent un jeu dangereux. Je ne voulais pas finir comme elle, brisée et oubliée."

Ace serra le combiné, ses yeux perçant l’obscurité de son bureau. "Et pourtant, vous m’appelez. Pourquoi ?"

La voix devint plus douce, presque hypnotique. "Parce que je ne peux plus supporter ce fardeau seule. Parce que vous avez ce qu’il faut pour briser ce cercle vicieux. Mais sachez, Ace, que la vérité que vous cherchez est un poison. Un poison qui peut tuer, si on n’y prend pas garde."

Ace se redressa, sentant l’adrénaline monter. "Où êtes-vous ? On peut vous protéger. Dites-moi où vous êtes, et je viendrai."

Un rire triste se fit entendre à nouveau. "Vous ne comprenez pas… Ce n’est pas moi qui ai besoin de protection. Mais si vous voulez vraiment savoir, vous devrez me trouver, Ace. Suivez les indices que je laisserai. Mais faites attention… Plus vous vous rapprocherez de la vérité, plus les ténèbres s’épaissiront autour de vous."

Avant qu'Ace ne puisse répondre, la ligne se coupa, laissant derrière elle un silence lourd de promesses et de dangers. Ace resta un instant immobile, le combiné toujours dans la main, son esprit en proie à une multitude de questions. Qui était cette femme ? Et pourquoi lui avait-elle laissé ces paroles sibyllines ? Une chose était certaine : cet appel ne faisait qu’ajouter une nouvelle couche de mystère à une enquête déjà pleine de zones d’ombre.

Ace reposa doucement le téléphone, ses doigts jouant avec le bord du combiné alors que son esprit cherchait déjà à décrypter les énigmes laissées par cette voix mystérieuse. Il savait maintenant que la vérité qu’il recherchait allait bien au-delà du simple meurtre. Elle se cachait dans les ténèbres les plus profondes de l’île, là où les secrets se terraient et où la lumière de la justice peinait à pénétrer.

 

Ace raccrocha le téléphone, les mots de la mystérieuse femme résonnant encore dans sa tête comme un écho troublant. Il prit une profonde inspiration, tentant de rassembler ses pensées. Ce n'était pas une simple coïncidence que cet appel vienne alors que l'enquête prenait une tournure de plus en plus sombre. Il se redressa et se dirigea d'un pas rapide vers la porte de son bureau, l'esprit en alerte.

Il fit irruption dans la salle de communication, où les agents s'affairaient autour de leurs postes, surveillant les lignes et les fréquences. Ace se dirigea directement vers un technicien en poste, un jeune homme aux cheveux en bataille, le regard fixé sur un écran rempli de chiffres et de graphiques.

"Tracez l'appel qui vient d'entrer dans mon bureau, » ordonna Ace d'une voix ferme. « Je veux savoir d'où il provient, et vite. "

Le technicien leva les yeux vers Ace, surpris par l'urgence dans sa voix, mais il hocha la tête et se mit immédiatement au travail. Ses doigts dansaient sur le clavier alors qu'il activait les systèmes de traçage.

Les secondes s'égrainaient lentement, chaque tic-tac de l'horloge semblant durer une éternité. Ace se tenait derrière le technicien, les bras croisés, ses yeux rivés sur l'écran, attendant que les informations se matérialisent. Finalement, une série de coordonnées apparut à l'écran.

"J'ai une localisation, " annonça le technicien en pointant l'écran. "L'appel provient du quartier de Senzai. "

Ace sentit une pointe d'excitation mêlée d'appréhension monter en lui. Senzai. Le quartier où la nuit ne connaissait pas de fin, un labyrinthe de vices et de dépravation, où chaque ruelle semblait cacher un secret plus sombre que le précédent. C'était un endroit où même les plus braves hésitaient à s'aventurer, et pourtant, c'était là que la vérité semblait l'attendre.

"Bien. Continuez à surveiller les lignes, " dit Ace en se retournant brusquement. "Je m'en occupe. "

Ace, penché sur un dossier, se figea en entendant la porte s’ouvrir doucement. Il leva les yeux, prêt à repousser l’intrus avec son habituelle brusquerie, mais se ravisa en apercevant Miyuki. Elle se tenait dans l'embrasure de la porte, son visage habituellement impassible marqué d'une légère anxiété. Ses mains fines jouaient nerveusement avec une mèche de cheveux, un geste qui contrastait avec son attitude d’ordinaire contrôlée.

"Je suis désolé Miyuki, je ne vous avais pas vue… Je suis pressé, alors si vous voulez bien m’excuser…" dit Ace, sa voix plus rugueuse qu'il ne l'aurait voulu.

"Attendez…" Sa voix douce, teintée d'une pointe d'hésitation, retint Ace dans son mouvement. Il se tourna vers elle, intrigué malgré lui.

"Miyuki… Qu’est-ce que c’est ?"

Elle s'avança lentement, comme si chaque pas demandait un effort considérable. Ace sentit une vague de curiosité le traverser, mêlée d'une certaine appréhension. Miyuki n'était pas du genre à se montrer vulnérable, et cette attitude inhabituelle le mettait mal à l'aise.

"Je… J’aimerais vous faire part de quelque chose…" commença-t-elle, hésitante, avant de plonger ses yeux dans ceux d'Ace, cherchant un soutien qu'elle n'avait jamais osé demander auparavant.

Ace, sentant qu’il se passait quelque chose d’important, hocha la tête. "Très bien, suivez-moi." Sa voix s’adoucit, tranchant avec son ton habituel. Il la dirigea vers son bureau, refermant la porte derrière eux, isolant ainsi le reste du monde et les bruits qui l’accompagnaient.

La pièce était étroite, encombrée de dossiers empilés, de chaises dépareillées. Une lampe, seule source de lumière, diffusait une lueur jaunâtre, accentuant l’ambiance oppressante du lieu. Ace se hâta de ranger quelques affaires pour libérer un espace où Miyuki pourrait s'asseoir. Elle prit place en silence, l’air tendue, tandis qu'Ace prenait la chaise en face d'elle.

"Café ?" proposa-t-il, brisant le silence avec une tentative maladroite de légèreté.

Miyuki secoua la tête en signe de refus, un mince sourire apparaissant sur ses lèvres avant de s’effacer rapidement. Ace l’observa un instant, cherchant à percer les pensées qui se cachaient derrière ses yeux sombres. Mais son esprit, d'habitude si acéré, se trouva déconcerté par sa beauté. Il dut faire un effort pour se reprendre.

"Alors, Miyuki, qu’est-ce qui vous pose problème ?" demanda-t-il enfin, sa voix plus douce qu'il ne l'avait prévue, mais teintée de cette autorité naturelle qui ne le quittait jamais.

Elle baissa les yeux, ses doigts crispés sur le bord de sa jupe, avant de parler d'une voix presque inaudible. "Je dois vous avouer quelque chose, que je n’ose pas avouer à mon supérieur…"

Ace fronça les sourcils, intrigué. "Pourquoi moi ?"

Miyuki releva doucement la tête, ses yeux brillant d'une résolution nouvelle. "Parce qu'il est plus facile pour moi de parler à quelqu'un pour lequel je n’ai pas d’attache."

Il hocha lentement la tête, reconnaissant la vulnérabilité dans sa voix, mais aussi le courage qu'il lui avait fallu pour venir à lui. "Très bien. Sachez que je ne vais pas vous juger alors, ne vous inquiétez pas."

Elle inspira profondément avant de lâcher, presque à contrecoeur : "Takahashi… était mon indic…"

Ace écarquilla les yeux, pris de court par cette révélation. Le dossier qu'il pensait avoir sous contrôle prenait soudain une toute autre tournure. L'air dans la pièce sembla se figer un instant alors que la gravité de la situation lui apparaissait.

"Pardon ?" Son ton était devenu plus sec, plus dur. L'idée que Takahashi, un indic, puisse avoir été éliminé parce que sa couverture avait sauté le glaçait. Mais alors que cette pensée s’installait, un autre sentiment, plus sombre, fit surface. Il comprit soudain la portée de ce que Miyuki venait de lui dire.

"Le shérif n’est pas au courant ? Personne n’est au courant…" Sa voix se brisa sur la dernière phrase, la colère et la frustration se mêlant à sa confusion. "Putain, fais chier !" Il frappa du poing sur le bureau, incapable de contrôler la montée d'émotions. Il était maintenant complice de ce secret. Un secret qui pouvait lui coûter cher, à lui comme à Miyuki.

Elle resta silencieuse, absorbant sa réaction, consciente du poids qu'elle venait de déposer sur ses épaules.

"Vous savez que vous encourez une suspension, voire une peine de prison pour ça…" Ace planta ses yeux dans les siens, cherchant à voir si elle comprenait vraiment la gravité de la situation.

"Je sais…" répondit-elle simplement, ses mains tremblantes maintenant visibles sur ses genoux.

Ace soupira profondément, essayant de rassembler ses pensées. "Quel était la cible ?"

"La cible de mon indic était Thatch…" Elle hésita avant de continuer, ses mots s’échappant à contrecœur. "Personne ne sait qui il est, à quoi il ressemble, mais il est présent depuis plusieurs années sur l’île… Tout porte à croire qu’il est responsable de ces atrocités…"

Ace la fixa, l'incompréhension se lisant sur son visage. "Miyuki, de quoi me parlez-vous ?"

Elle prit une inspiration tremblante, ses yeux se remplissant d'une détermination qu'il ne lui connaissait pas. "Il y a de nombreuses années, un orphelinat dans la Ruche a été le théâtre d’un massacre abominable… Seul un enfant a survécu… Mais il a complètement disparu… Cependant, je pense avoir une piste…"

Ace se frotta les tempes, tentant de faire le lien entre toutes ces informations. "Donc, ce Thatch serait responsable des nombreux crimes et délits commis dans la Ruche ? Cela me paraît farfelu et assez réducteur… Comment prouver cela, un homme dont nous n'avons aucune preuve de son existence ?"

"Il faut remonter la chaîne alimentaire, jusqu’à ce qu’il pointe le bout de son nez…" murmura-t-elle, presque pour elle-même.

"Donc, que voulez-vous réellement de moi, Miyuki ?" Son ton se fit plus dur, plus direct. Il avait besoin de savoir jusqu'où elle était prête à aller, et surtout, ce qu’elle attendait de lui.

"J’ai besoin de votre aide," dit-elle enfin, ses yeux cherchant désespérément un signe de compréhension dans les siens. "Je sais que votre réputation vous précède, que vous êtes puissant. Mais surtout, que vous êtes capable de comprendre cette situation…"

"Pourquoi ne pas mettre Marco dans la confidence ?" demanda Ace, bien que la réponse lui semblât déjà évidente.

"Parce que c’est vous que j’ai choisi, Portgas…" Sa voix était un mélange de supplication et de résignation, comme si elle avait misé tout ce qui lui restait sur cette confession.

Ace ferma les yeux un instant, ruminant la situation. Lorsqu’il les rouvrit, il avait pris sa décision. "Assurez-vous que rien ne puisse vous connecter à Takahashi. Nous discuterons plus en détail de cela à mon retour."

Miyuki hocha la tête, soulagée. "Très bien, je vous remercie, détective."

Il se leva, lui indiquant que la conversation était terminée pour l’instant. Elle se redressa à son tour, ses jambes encore légèrement tremblantes, mais déterminée. Alors qu’elle se dirigeait vers la porte, Ace la regarda partir, une multitude de pensées se bousculant dans son esprit.

Sans perdre un instant, il se précipita hors du poste de police. Le vent froid de la nuit le frappa au visage alors qu'il sortait, mais il ne s'y attarda pas. Il savait qu'il devait retourner à Senzai, cet endroit où les ténèbres semblaient s'épaissir à chaque coin de rue.

En montant dans sa voiture, Ace repensa aux paroles de la femme. Elle avait mentionné des forces à l'œuvre, des forces qu'il ne comprenait pas encore. Des forces qui semblaient résider au cœur de Senzai.

Le moteur rugit lorsqu'il tourna la clé dans le contact, et la voiture s'élança dans la nuit, ses phares perçant l'obscurité devant lui. Senzai l'attendait, avec ses secrets enfouis et ses ombres omniprésentes. Mais Ace était prêt. Parce qu'au fond, il savait que c'était dans ces mêmes ténèbres qu'il trouverait les réponses qu'il cherchait. Et peut-être, juste peut-être, la vérité sur la mort de Mei et ce qui se cachait derrière ce meurtre énigmatique.

Alors qu'il roulait vers Senzai, Ace ne pouvait s'empêcher de se demander quel genre de piège ce quartier maudit lui réservait cette fois-ci. Mais une chose était certaine : il ne reculerait pas. Il irait jusqu'au bout, quoi qu'il en coûte.

 

La tension dans la salle d’interrogatoire était palpable, un poids oppressant qui semblait s’alourdir à chaque respiration. Le néon au plafond crépitait, projetant une lumière froide et intermittente sur les visages fermés des dockers enchaînés. Marco et le shérif Lawson s’étaient installés dans la pièce exiguë, le silence n’étant interrompu que par le cliquetis métallique des menottes et les pas lourds des agents qui amenaient un à un les suspects. L'air était saturé de sueur et de peur, une combinaison suffocante qui mettait les nerfs à vif.

Marco, le visage impassible, observait le premier homme qui s’assit face à lui. C’était un gaillard massif, les muscles tendus sous la peau, mais son regard trahissait une nervosité grandissante. Le shérif, debout à côté, s'appuyait contre le mur, les bras croisés, ses yeux perçants semblant sonder l’âme du docker.

"Donne-moi un nom, et peut-être que tu t’en sortiras en un seul morceau," murmura Marco, sa voix basse et menaçante.

Le docker, un certain Hiro, resta silencieux, se mordant la lèvre inférieure. L’écho de la question résonnait dans son esprit, mais il savait qu’une mauvaise réponse pouvait signer son arrêt de mort.

Le shérif décroisa les bras et fit un pas en avant. "Regarde-moi, Hiro," ordonna-t-il d’une voix glaciale. Le docker leva les yeux, croisant le regard du shérif, et ce qu’il y vit le fit frémir. "Nous savons que tu caches quelque chose. Tu es un homme intelligent, non ? Alors ne nous fais pas perdre notre temps."

L’homme hésita, luttant intérieurement. Mais le silence fut rompu par un coup brutal. Marco venait de frapper la table avec une telle force que le bois en vibra.

"Parle !" hurla Marco, sa patience épuisée.

Mais Hiro restait silencieux, son visage impassible malgré la peur visible dans ses yeux. Le shérif se tourna vers un officier qui se tenait près de la porte. "Emmenez-le."

Deux agents saisirent Hiro par les bras et le traînèrent hors de la pièce, ses pieds raclant le sol. Marco se massa les tempes, frustré. Les dockers étaient durs à faire craquer, mais il savait que la plupart d'entre eux n'étaient que des pions dans un jeu bien plus grand.

 

 

Le deuxième homme, un docker du nom de Sato, s'assit lourdement sur la chaise métallique, ses poignets attachés aux accoudoirs. Sa mâchoire crispée, son regard fuyant, il essayait de dissimuler sa peur sous une façade de défiance. Marco le fixa intensément, son visage une toile de marbre, impassible.

"Sato," commença Marco, sa voix basse et grave, mais avec une froideur tranchante comme la lame d’un couteau. "Tu vas me dire ce que tu sais. Et tu vas le faire maintenant."

Sato tenta de jouer les durs, relevant le menton avec un sourire arrogant. "Je n’ai rien à dire, espèce de salaud. Vous n’avez rien contre moi."

Le shérif Lawson, jusqu’alors silencieux, s’avança d’un pas lent, calculé. Il posa ses deux mains sur la table, se penchant vers Sato, les yeux brûlant d'une colère froide. "Tu crois vraiment que tu vas t’en sortir en jouant au dur ? Tu sais combien de types comme toi j’ai vu passer ? Tous ont fini par craquer. Et tu ne seras pas différent."

Sato ricana, mais la sueur perlant sur son front trahissait son anxiété. Lawson fit signe à un des officiers postés près de la porte. "Amène-le."

Un autre docker, un homme plus jeune, visiblement battu et terrorisé, fut traîné dans la pièce. Son visage était couvert d’ecchymoses, sa lèvre éclatée, et un filet de sang séchait sur son menton. Il fut jeté sans ménagement sur une chaise en face de Sato.

"Regarde-le bien, Sato, » murmura Marco. « Il a cru qu’il pourrait garder le silence, lui aussi. Regarde où ça l’a mené."

Le jeune homme du nom de Benny Yamato, leva des yeux désespérés vers Sato, implorant de l’aide. Sato détourna le regard, ses poings se serrant sur les accoudoirs.

"Alors, Sato, " reprit Marco d’une voix douce, presque un murmure. "Tu veux parler maintenant, ou on continue ce petit jeu ?"

Sato secoua la tête, tentant de se composer une expression de défi, mais sa voix tremblait lorsqu’il répondit : "Allez-vous faire foutre…"

Marco n’attendit pas plus longtemps. Il attrapa Sato par le col, le soulevant à moitié de sa chaise avant de le plaquer brutalement contre le mur. Le choc fit trembler les cadres suspendus, un coup sourd résonnant dans toute la pièce.

"Écoute-moi bien, connard,"siffla Marco, son visage à quelques centimètres de celui de Sato, "Tu n’as aucune idée de ce à quoi tu t’exposes. Les types que tu essaies de couvrir, ils n’hésiteront pas une seconde à te buter dès que tu ne leur seras plus utile. Alors, parle maintenant, ou je te jure que tu finiras bien plus amoché que ton pote là-bas."

Sato, pris de panique, balbutia, son visage se décomposant sous la peur palpable. "D'accord ! D'accord ! Arrêtez, putain… je vais parler."

Marco le relâcha brusquement, laissant Sato retomber lourdement sur sa chaise. Lawson, toujours impassible, alluma une cigarette, observant la scène avec une froideur calculée.

"On t’écoute, " grogna Marco en croisant les bras.

Sato inspira profondément, tremblant de tous ses membres. " Pekoms… et Tamago." Ce sont eux qui dirigent tout. C’est eux qui font entrer la came, qui gèrent les dockers… J’suis qu’un petit poisson, je fais ce qu’on me dit, c’est tout. "

Un silence glacial s’abattit sur la pièce. Marco échangea un regard significatif avec Lawson, l’ambiance dans la salle se chargeant d’une gravité nouvelle.

"Pekoms et Tamago,"répéta lentement Lawson, faisant tourner le nom dans sa bouche comme une arme. « Ces types bossent pour Big Mom, l’un des Empereurs du Nouveau Monde. Tu sais ce que ça veut dire, Sato ? "

Le docker hocha la tête, ses lèvres tremblant d’effroi. "Oui… oui, je sais. Mais j’ai rien à voir avec ça, je vous jure…"

Marco, le regard dur, se pencha vers lui, le dominant de toute sa hauteur. "Alors pourquoi tu t’es tu jusque-là ? Tu savais que leur présence ici pourrait mettre tout le monde en danger, toi y compris."

Sato déglutit bruyamment, essayant de trouver ses mots. "J'avais peur… Ils ont des yeux partout. Je n’ai pas envie de finir comme ceux qui ont parlé…"

Marco éclata de rire, un rire amer, sans joie. "Tu as plus de chances de finir mort en gardant le silence, imbécile. Ces types n’ont aucune loyauté envers ceux qui les servent."

Le shérif Lawson écrasa sa cigarette sur la table en métal, le bruit résonnant dans le silence tendu. "Et tu n’es pas le seul à trembler à l’idée de leur présence sur cette île. Si Big Mom est derrière tout ça, on a un putain de gros problème entre les mains."

Sato ferma les yeux, résigné. "Ils sont là pour quelque chose de gros, je le sens. Ils parlent d'une nouvelle ère pour l'île… mais j’en sais pas plus, je vous le jure…"

Le shérif se redressa, ajustant son chapeau. "Bien, tu as parlé. Mais n’oublie pas, Sato, tu es dans ce merdier jusqu’au cou. Si tu veux t’en sortir, tu ferais bien de continuer à coopérer."

Marco hocha la tête, sa colère calmée, mais un nuage d’inquiétude planant au-dessus de lui. "Tamago et Pekoms…" Si ces types sont vraiment ici, on pourrait avoir affaire à quelque chose de bien plus grand qu’un simple meurtre. Et croyez-moi, Sato, il vaut mieux que tu pries pour que ça n’aille pas plus loin. "

 

L'éclairage blafard du poste de police accentuait les ombres sous les yeux fatigués de Marco. Alors qu'il avançait dans le couloir, son attention fut attirée par une silhouette frêle et ensanglantée, assise sur une chaise métallique. Un jeune homme, la vingtaine à peine, se tenait là, les bras entourant son corps comme s'il tentait de se protéger du froid qui n'existait que dans son esprit. Ses cheveux verts désordonnés étaient collés à son front par la sueur, et son t-shirt sale était imbibé de sang, laissant deviner une agression récente.

Marco s'approcha, son regard s'attardant sur les avants-bras du jeune homme, rouges et marqués de griffures. Bartoloméo, d'après ce que Marco se souvenait, était un nom qui circulait dans les rues de Senzai, associé à un petit gang qui s'efforçait de se faire une place dans le monde des adultes.

"Toi, c'est Bartoloméo, non ?" demanda Marco en s'accroupissant devant lui, observant de plus près son état lamentable.

Le jeune homme hocha la tête sans un mot, son regard fuyant, fixé sur le sol. Il se grattait frénétiquement les avant-bras, un geste compulsif qui trahissait une addiction que Marco connaissait trop bien. L’inspecteur sortit un carnet de sa poche et s'assit en face de lui, adoptant un ton plus doux que d’habitude.

"Bartoloméo, je suis l'inspecteur Marco. Je vais prendre ta déposition, mais d'abord, je veux m'assurer que tu tiens le coup. Qui t'a fait ça ?"

Bartoloméo releva légèrement la tête, ses yeux délavés rencontrant enfin ceux de Marco. Il avait l'air d'un animal blessé, acculé, incapable de se défendre. Sa voix était rauque, presque un murmure.

"C'était dans une ruelle… j’me baladais, et… les types sont sortis de nulle part. J’ai rien vu venir…"

Marco prit des notes rapidement, mais il n'était pas dupe. Les blessures de Bartoloméo et son comportement agité suggéraient que cette agression n'était probablement pas une simple altercation de rue. Marco le poussa doucement à s’ouvrir davantage.

"Tu fais partie d’un gang, Bartoloméo ?"demanda-t-il sans détour, en levant les yeux de son carnet pour capter la réaction du jeune homme.

Bartoloméo hésita, ses doigts griffant toujours sa peau meurtrie, avant de laisser échapper un soupir résigné. "Ouais… mais j'suis pas vraiment important, tu vois. J’fais juste des petits boulots, des conneries."

Marco hocha la tête lentement, essayant de ne pas le brusquer. "Dans quel quartier tu opères ? Senzai ?"

Bartoloméo déglutit avec difficulté, un tic nerveux agitant sa mâchoire. "Ouais… Senzai. C’est là que j’traîne. Mais j’suis pas un gros poisson, j'te jure… J’suis juste là pour survivre."

Marco s'assit plus confortablement sur sa chaise, le fixant avec intensité. "Les types qui t’ont attaqué, c’était qui ? Des gars d’un autre gang ? Ou bien quelqu’un qui voulait te faire passer un message ? "

Bartoloméo serra les poings, ses ongles s’enfonçant dans ses paumes déjà marquées. "Je sais pas… j'crois qu'ils voulaient juste me faire peur. Peut-être que j'ai merdé quelque part, ou que j’ai bousculé le mauvais type. J’ai vraiment aucune idée…"

Marco soupira et reposa son stylo, changeant de stratégie. Il décida d’être plus direct. "Bartoloméo, écoute-moi bien. Tu es en train de te gratter les bras comme si tu voulais te déchirer la peau. Tu es accro à quoi, exactement ?"

Le jeune homme sursauta, surpris par la question. Il tenta de détourner le regard, mais Marco ne lui laissa pas d’échappatoire. Finalement, Bartoloméo lâcha dans un souffle fatigué : "Du Kairo… c’est tout ce que je trouve dans ce putain de quartier. "

Marco hocha la tête avec gravité. Le Kairo, une drogue de synthèse qui ravageait les bas-fonds de Senzai, était un fléau que la police n’avait pas encore réussi à éradiquer. Les symptômes de sevrage étaient d’une violence inouïe, et les utilisateurs tombaient souvent dans une spirale infernale de dépendance.

"Tu sais que cette merde va te tuer, Bartoloméo," dit Marco d'une voix plus douce, essayant de le raisonner.

Bartoloméo hocha la tête, le regard vide. "Ouais… mais ce n’est pas comme si j’avais beaucoup d’autres options. Dans ce quartier, t’es soit prédateur, soit proie… et moi, j'suis fatigué d'être une proie."

Marco sentit la frustration monter en lui, une colère sourde contre ce système qui laissait des gamins comme Bartoloméo se détruire dans des ruelles sombres. Mais il savait qu’il devait garder son calme, pour lui, pour le jeune homme en face de lui.

Bartoloméo acquiesça, visiblement soulagé, mais une ombre de doute planait toujours sur son visage. " J'espère que tu sais ce que tu fais. Parce que si tu te plantes, y’aura pas de retour en arrière. " Il vit Marco s’approcher, dans le but de lui soulager son addiction à l’aide de ses pouvoirs de guérison que lui confère son fruit du démon.

Marco lui fit un sourire en coin, se levant de sa chaise. "Ne t'inquiète pas pour ça. J’ai déjà les pieds dans la merde jusqu’aux genoux, je peux bien me salir un peu plus. "

 

La loi de la rue est simple : mange ou sois mangé. Dans le quartier de Senzai, cette loi n'est pas seulement un adage, c'est un mode de vie. Ici, les néons brillants ne font que masquer les ténèbres qui rôdent sous la surface. Les sourires des danseuses, les éclats de rire dans les clubs, ce ne sont que des illusions. Des rideaux de fumée pour cacher la vérité brutale.

Prenez une rue comme n'importe quelle autre. Un club de strip-tease à gauche, un casino clandestin à droite. Mais regardez de plus près. Les visages des habitués, marqués par des nuits sans sommeil et des rêves brisés. Les hommes et les femmes qui errent, cherchant quelque chose qu'ils ne trouveront jamais. Leurs yeux, vides, reflètent une lutte constante pour trouver un sens, une raison.

Les sans-abris, recroquevillés dans les coins sombres, sont les témoins silencieux de cette tragédie. Ils voient tout, entendent tout, mais personne ne les voit. Des spectres dans la ville, oubliés par un monde qui avance trop vite. Leur misère est une partie intégrante du paysage, un rappel constant de ce que pourrait devenir n'importe qui d'autre ici.

Puis il y a les établissements eux-mêmes. Chaque club, chaque bar, chaque motel a sa propre histoire, son propre lot de secrets. Le Red Lantern Inn promet des plaisirs interdits, mais à quel prix? Le Velvet Oasis offre la chance de gagner gros, mais les vrais gagnants sont rares. Les hôtels comme le Moonlight Inn, ces refuges temporaires pour les âmes perdues, ne font qu'accentuer la solitude de ceux qui s'y aventurent.

Les personnes qui y travaillent, les réceptionnistes, les barmans, les danseuses comme Violet, tous sont des acteurs dans ce drame. Ils connaissent les visages, les histoires, les secrets. Ils jouent leurs rôles, mais derrière chaque sourire, chaque geste, il y a une histoire non dite, une douleur cachée.

Et au centre de tout cela, il y a ceux qui tirent les ficelles. Les gérants véreux, les chefs de gang, les politiciens corrompus. Ils prospèrent sur le désespoir des autres, se nourrissent de la souffrance comme des prédateurs.

Alors, la prochaine fois que vous marchez dans Senzai, rappelez-vous de regarder au-delà des lumières brillantes et des sourires séduisants. Regardez dans les yeux des gens, écoutez leurs histoires non dites. Car ici, au cœur de la ville, le vrai visage de l'humanité se révèle, brut et impitoyable. Vous pourriez découvrir que la loi de la rue ne se contente pas de manger ou d'être mangé. Parfois, elle consiste simplement à survivre un jour de plus.

 

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