Natsu
Quand je me suis réveillée, je n’étais plus la même. Ce jour-là, Yukihira Saori avait trouvé le repos éternel avec la croyance ferme que le monde dans lequel elle vivait était rayonnant.
Takimura était encore allongé dans le lit d’à côté. Il était là, si près de moi. Tellement que j’avais l'illusion de pouvoir le toucher, cependant une distance nous séparait encore et toujours. Mon cœur se déchira quand je repensais à la conversation de ce matin. Un monde cruel où le destin de tous ceux que j’aime est si tragique existait finalement bel et bien ? Je ne me souvenais pas avoir grandi dans ce genre de monde. C’est pourquoi je croyais que tout était un rêve. Si je m’endormais à nouveau et que j’ouvrais une nouvelle fois les yeux, je suis sûre que ces souvenirs ne seront plus qu’un vilain cauchemar. Un cauchemar, malheureusement, que je ne peux pas oublier… Takimura, pourquoi ? Dis-moi, pourquoi de toutes les personnes que je connais, c’est toi qui comptes le plus pour moi ? Dis-moi, pourquoi était-ce toi, l’homme pour lequel battait mon cœur ? Pourquoi ?
En classe, personne n’avait l’air de douter quoi que ce soit. Ils s’amusaient tous et profitaient de la vie. Ils n’avaient pas à s’inquiéter du futur qui les attendait. Ils suivraient leurs rêves ou peut-être allaient-ils simplement passer l’examen d’entrée à l’université, puis dédier leur vie à une entreprise quelconque. Moi, je n’avais jamais pensé à ce que je ferais après le lycée. J’étais seulement heureuse d’être là avec Maki et les autres. Nous étions tous amis et eux, c’était la seule famille que j’avais. Toute seule, que puis-je faire ? Je me demande bien comment c’était pour Takimura. Comment a-t-il vécu ces dernières années tout en sachant ce qu’il encourait ? Lui n’avait pas de…futur. Si cela se trouve, il a arrêté d’espérer depuis longtemps, mais tout ça, je ne peux pas le savoir. Je ne peux pas m’imaginer une vie pareille. Il a pourtant toujours l’air joyeux à l’école. Quoi qu’il arrive, il garde la tête haute. C’est notre mascotte, il nous encourage toujours en sport. C’est vrai, maintenant que j’y pense… Il restait toujours sur le banc, prétextant humoristiquement avoir ses règles. Il avait l’air très robuste et fort. C’était notre source de vitalité et pourtant, il a fallu que ça se produise… ! Je ne puis qu’étouffer mes sanglots dans mon oreiller et laisser cette douleur me traîner dans ses profondeurs la nuit, seule dans ma chambre. Hallucinations ou illusions ?
Une nuit, les souvenirs de ce passé qui me hantait, refirent surface. Mes parents, moi, le feu. Je cours, affolée, essoufflée, déboussolée. Ne sachant pas où aller. Avec cette seule envie, ce seul besoin de devoir survivre à tout prix. La fumée rend la vue difficile, voire impossible, et fait couler mes larmes. Les braises crépitent sur mon corps, je sens encore cette chaleur intense, insupportable sur ma peau, j’entends les cris étouffés de mes proches supplier de l’aide. Cependant, je gis déjà comme un cadavre au milieu des poutres tombées du plafond. Entre mort et vie, je ne me rappelle plus quelle résolution j’avais prise. Le fait est que maintenant, aujourd’hui, je suis bien là. Peut-être avais-je eu un ange gardien envoyé par les dieux pour me protéger tout au long de ma vie ? A cette question aussi, je pense que je n’y trouverais jamais de réponse. Oui, car ce n’est pas moi qui aie souhaité rester en vie. Je voulais rejoindre Papa…et…Maman…
J’avais peur d’être seule. Toute seule dans cette grande maison vide, engloutie par les ténèbres… Heureusement que Maki était là. Elle et ses parents m’ont beaucoup soutenue quand je ne connaissais que difficultés. Ils étaient très proches avec mes parents. Depuis que je suis petite, je partage tout avec Maki. Comme nous sommes voisines, nous passons souvent nos journées ou même les nuits l'une chez l’autre. Quand l’une de nous est triste ou malade, l’autre reste toujours à son chevet. Sans Maki je crois, je n’aurais jamais réussi à tourner la page. Je crois que j’aurais toujours buté sur le même mot. Pendant plusieurs mois, je ne faisais que broyer du noir. Je n’allais même plus à l’école. C’est Maki qui m’a donnée le courage et la force d’avancer. Elle m’a tendue sa main et cette main, je l’ai prise. Je suis contente d’avoir fait ce grand pas. Oui, très contente, car sinon je n’aurais pas découvert tous ces sentiments humains, je n’aurais pas pu faire tant d'expériences nouvelles à l'école et surtout, je n’aurais pas pu rencontrer tant de gens, des gens tel que Takimura. Rien que pour cela, je remercie cet ange qui m'a tirée de l'incendie. Papa et Maman continueront sans doute à veiller sur moi, de là-haut. Ils m'observent toujours. Je le sais...