Natsu

Chapitre 7 : Confidences entre amis

1671 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 08:07

Le lendemain en cours, il restait le même. Je le regardais, le suivais, le cherchais des yeux sans jamais les lever. Je veillais sur lui comme son ombre, parce que j’avais sans cesse peur. Peur qu’il lui arrive à nouveau un malaise ou un malheur quelconque. Cette peur atroce, l’anxiété qui me gagnait, je ne pouvais pas supprimer ces sentiments. Bizarrement, je ne pouvais plus faire semblant de passer à côté de Takimura. Son existence avait tout changé. Je n’étais plus la même. Il n’était plus « pas grand-chose » pour moi. Il n’était plus "le nouveau", "le crétin", "le débile" ou "l’idiot". Takimura était le garçon dont j’étais éperdument tombée amoureuse. C’est pourquoi…c’est pourquoi je voulais faire quelque chose pour lui. L’aider, le prendre dans mes bras, ne jamais lâcher sa main. Takimura, ne se sentait-il pas… ?

«  – Et Saori ?

  • Hein… ? Huh ?
  • Tu viens ou pas ? Au rassemblement que Ritsu nous a organisées avec les supers beaux mecs du lycée Kurosa, je veux dire. Tu n’as rien écouté, ma parole !, fit désespérément Maki qui cria dans mon oreille.
  • Ra…rassemblement ? Franchement Maki, tu me vois dans ce genre de cho… ?
  • Super Saori ! Ritsu, c’est bon ! Elle vient !, lança mon amie sans même tenir compte de mon avis.
  • D’accord, alors pour tous ceux qui viennent, c’est demain à seize heures au karaoké près du parc Youna, dit Ritsu. »

Il était dix heures passé. Je n’avais même pas encore piqué ma paille dans la brique de jus de pêche que la cloche sonna déjà. Tout le monde rangea ses boîtes de bentôs et son goûter avant de regagner sa place.Le reste de la journée, je ne faisais que l’observer silencieusement. Il ne semblait s’inquiéter de rien. En fait, c’était lui, la personne qui avait l’air de profiter sa vie au maximum. Comment faisait-il pour afficher un sourire si rayonnant sur son visage tous les jours ? Moi, aurais-je été capable d’accepter cette dure et cruelle vérité ? Tout en sachant que le temps m’était comptée, aurais-je pu faire face à mon quotidien comme il le fait ?

L’après-midi, à force de penser à ces choses, j’eus une soudaine envie de vomir. Le repas de midi finit dans les toilettes. Lorsque je ressortis, je décidai de m’asseoir sur un banc dehors et fermai les yeux. Dans le ciel il y avait ce soleil brûlant qui commençait déjà à taper fortement. C’était tellement agréable bien que je cuise comme un œuf. Des bruits de pas résonnèrent aux alentours. Malgré ça, je gardais les yeux fermés. Tout à coup, quelque chose se posa sur ma tête. Je devais bien regarder ce qui se passait. C’était lui. Il avait posé sa main sur mon crâne chaud. Son sourire était à nouveau dessiné sur ses lèvres. Sans dire mot, il s’assit à côté de moi, étendant ses bras sur presque toute la longueur du banc. Puis il me lança :

« – Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi t’as une mine déconfite comme ça ?

  • Ri…rien…rien de spécial…, bredouillai-je, feignant l'ignorance.
  • Men-teuse, répliqua-t-il en détachant les syllabes. Je vois bien que quelque chose ne va pas. Tu n’es pas toi-même.
  • Comment ça ?
  • La Yukihira que je connais est toujours comme ça !

Tout en parlant, il posa ses doigts aux deux coins de ma bouche et les leva. Sans doute voulait-il modeler un sourire. Me retournant, je dis :

  • Je…je suis tout à fait normale ! Tu n’as pas à t’en faire pour moi. I…diot…
  • Mmh ?

Mes larmes coulèrent d’elles-mêmes. Je ne pouvais plus contrôler mes sentiments. Sa tête se rapprocha de la mienne. Il le remarqua et se tut tout de suite. Je fis :

  • Tu n’es qu’un idiot. Un débile complètement idiot ! Si…s’il y a une personne pour laquelle tu devrais t’inquiéter…c’est bien pour toi-même… !
  • Ah…alors elle te l’a dit ?
  • … ?
  • L’infirmière, je veux dire. Ce jour-là, j’étais endormi. Je ne savais donc pas si elle t’avait expliqué pourquoi j’étais dans cet état ou pas. Mais bon, que tu le saches ou non ne changera pas grand-chose à la situation.
  • Pourquoi ?
  • Hein ?
  • Pourquoi me l’as-tu caché tout ce temps ? Pourquoi ne m’en as-tu jamais parlée ?
  • Pourquoi, hein ? Je voulais éviter, si possible, d’aborder le sujet-là... C’est une des raisons pour lesquelles j’ai changé d’école. Dans mon ancien lycée, les professeurs avaient tellement peur qu’il m’arrive quelque chose qu’ils me tenaient toujours à l’écart. Les élèves de la classe en ont vite eu marre et ont commencé à se distancer de moi. De l’extérieur, je devais être le « chouchou » des profs, alors que la vérité était tout autre : je n’avais pas de vrai ami et personne ne voulait de moi.
  • Mais…comment…. ?!
  • Les profs ne voulaient pas avoir cette lourde responsabilité sur le dos. Ils auraient pu être coupables à n'importe quel moment pendant la journée de m’avoir laissé pratiquer une activité que je n’aurais pas due par exemple. En tout cas, ils n'en avaient rien à foutre, de mes sentiments. C'était limite si on ne m'enfermait pas dans une pièce pour que je ne sorte pas, ne touche à rien, ne parle à personne. Il fallait seulement que je me concentre à "respirer".
  • C’est…horrible…
  • …n’est-ce pas ? Mais c’est le passé maintenant. Je suis vraiment content d’être venu ici. Les élèves sont tous ouverts et vous formez une vraie famille. J’avais peur d’être rejeté, c’est pour ça que je n’ai rien dit. Seuls l’infirmière et notre professeur principal savent au sujet de ma maladie. Ils veillent sur moi alors je n’ai pas à m’en faire. Ni moi ni mes parents d’ailleurs. Dis, c’est pour ça que tu étais dépressive ? Tu t’inquiétais pour moi ?, demanda-t-il soudainement, un grand sourire ébauché sur les lèvres.
  • Oui et alors ?!, lançai-je embarrassée.
  • Je trouvais seulement que c’était mignon !, dit-il en me tapotant la tête comme si j’étais un chien. C’est tout. »

Pendant une fraction de secondes, mon cœur battait la chamade, mais son « c’est tout » me fit mal. Je ne sais pas pourquoi. Après tout, c’était moi, l’idiote. Je l’aimais, oui, mais je ne devais rien espérer en retour. Lui ne songeait certainement pas à ça. Même s’il avait ce genre de sentiments pour quelqu’un, ce ne serait que souffrance pour lui. Il pourrait s’en vouloir et se demander pourquoi il est né ainsi, mais moi, je ne veux que lui. J’accepterais tout de lui. Je veux le soutenir, lui donner tout mon amour. Si seulement…si seulement il pouvait se tourner vers moi et continuer à sourire comme il le fait. Si seulement il pouvait m’accepter.

A seize heures, quand la cloche a sonné, nous nous sommes tous dit « Salut ! » ou « A demain ! » comme si c’était la chose la plus normale dans ce monde. Je me demande comment lui vit tout ça. Chaque jour, peut-être, espère-t-il qu’il y ait un lendemain pour lui. Il doit souffrir énormément, mais il enfouit ses sentiments tout au fond de son cœur. Pourquoi le destin est-il si cruel ?

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