Foutue malédiction

Chapitre 4 : La famille d'abord

1387 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 12/05/2018 18:40

La journée touchait déjà à sa fin, Alice avait l’impression qu’il venait de s’écouler une semaine tant il s’était passé de choses. En l’espace de 24h son cœur s’était embarqué sur les montagnes russes les plus longues du monde, passant par des phases d’euphorie aussi courtes qu’intenses pour retomber dans les larmes de la tristesse. Elle s’était lovée sur le canapé, Régina, en grande conversation avec Zéléna, continuait d’élaborer théories et stratégies. De l’autre côté de la pièce, Margot avait l’air aussi perdue qu’elle, probablement même plus. Elles avaient passé l’après-midi à vérifier les différentes possibilités, à faire des expériences, autant dire qu’en réalité, les deux jeunes femmes avaient passé l’après-midi à changer constamment d’identité, d’Alice et Robin vers Tilly et Margot. Le constat était toujours et irrémédiablement le même. Chaque fois qu’elles s’embrassaient, l’une se souvenait et l’autre oubliait, pire, elle se retrouvait systématiquement des jours en arrière, juste après leur seconde rencontre, sur un banc à côté du Bayou sur roue. Tilly se souvenait d’être rentrée avec le détective Rogers dans leur appartement et d’avoir passé la soirée à jouer aux échecs et à regarder des films de pirates. Margot de son côté, était revenue au bar pour faire la paix avec sa mère et lui dire qu’elle serait patiente. Un nouveau baiser et pouf, voilà qu’elle se souvenait de tout, y compris de sa récente transformation. Maintenant que le soleil déclinait sur l’horizon nuageux, Alice se sentait terriblement fatiguée. Les changements n’étaient pas sans conséquence. Chaque fois qu’elle se retrouvait dans la peau de Tilly, les premières minutes étaient affreuses de confusion et de solitude. La minute d’avant elle s’endormait dans l’appartement du détective et la seconde d’après elle était dans le salon de Ronnie, en compagnie de Margot, de Kelly et de Ronnie elle-même qui la fixaient avec une intensité qui mettait Tilly mal à l’aise. Et pour cause, d’autant plus qu’elle était à chaque fois particulièrement proche de Margot. Ce qui n’était pas pour lui déplaire d’ailleurs, mais pas comme ça. Pas avec autant de paires d’yeux braqués sur elle. Alice soupira. Un nuage en forme de gros chat ne suffit pas à ramener un sourire sur son visage.


Le dernier sortilège de Gothel avait un sacré goût amer. Pas de doute, la sorcière savait s’y prendre pour faire souffrir les gens. Et cette histoire de baiser d’amour véritable devenait de plus en plus un piège ces derniers temps. Pourquoi fallait-il toujours mettre des bâtons dans les roues des gens qui s’aiment ? Et pourquoi surtout ceux qu’elle aimait elle. Son père, maintenant Robin, la liste des gens qu’elle ne pouvait pas approcher devenait de plus en plus longue et de plus en plus douloureuse.


Les lampadaires de la rue s’allumèrent les uns derrières les autres. Dans le crépuscule grandissant, la plupart des gens pressaient le pas pour rentrer chez eux. Ils rabattaient leurs manteaux pour se protéger du froid et du vent. Alice se demandait s’ils avaient tous des gens à retrouver, des familles aimantes avec lesquelles ils pouvaient partager d’heureux moments. Un homme courut pour traverser la rue, il adressa un signe de remerciement à la voiture qui s’était arrêtée pour le laisser passer. Alice lui souhaitait d’être heureux, le plus sincèrement du monde. Elle se surprit à lui imaginer une vie, toute simple, mais remplie d’amour. Une vie où il n’y avait pas de place pour la solitude et la tristesse, une vie pas comme la sienne en fait. Alice essuya distraitement une larme d’un revers de manche. Elle ne pouvait même pas se réfugier chez son père et pourtant, elle était certaine qu’il aurait de bons conseils à lui donner, il en avait toujours.


Son regard se porta de l’autre côté de la rue et la surprise lui fit redresser la tête. En fait, Hook était là. Il lui fit un signe de la main et ce sourire qui débordait de tendresse. Alice sourit en retour, répondant à son coucou. D’un geste il lui indiqua d’attendre et récupéra un panneau au sol qu’elle n’avait pas remarqué jusqu’à maintenant. Il le tint bien haut devant lui, écrit en grosses lettres capitales, Alice pouvait facilement lire depuis sa place.


« Tout ira bien Starfish. »


Puis il effaça le panneau et écrivit autre chose.


« Vous vous retrouverez toujours »


Et il avait souligné le mot « toujours » parce que c’était important.


« On trouvera la solution tous ensemble »


Alice rit doucement parce qu’il faisait de son mieux pour être rapide mais ça n’était pas vraiment simple comme mode de communication.


« C’est ce que font les familles. »


Et là encore il avait souligné le mot « familles ».


« Je t’aime Starfish »


Alice se saisit de son téléphone pour répondre par SMS.


« Je t’aime aussi, Papa. »


Hook pécha son portable dans sa veste en cuir et sourit franchement en recevant la réponse. Il rit encore plus en recevant la seconde :


« Mais tu pouvais envoyer des SMS. »

« Et me priver du spectacle de te voir sourire ? Jamais ! »


Ils se sourirent au travers de la vitre, assez loin pour que Hook ne soit pas affecté par la présence d’Alice. Mais assez proche tout de même pour se comprendre du regard. Il lui fit un dernier sourire avant de repartir, son panneau sous le bras. La blonde essuya de nouveau quelques larmes. Le manège avait bien sûr attiré l’attention de tout le monde dans le salon. Régina posa une main réconfortante sur son épaule. Il n’y avait pas besoin de parler, son papa avait tout dit, autant par les mots que par son attitude.


En attendant, eh bien il fallait trouver une solution pour que Robin comme Alice puissent avoir un peu de place dans le quotidien de tout le monde. Ils avaient opté pour une solution similaire à celle que les Charmants avaient expérimenté lorsqu’ils s’étaient trouvés dans une situation quasi identique. La différence notable étant que l’un s’endormait lorsque l’autre se réveillait chaque fois qu’ils s’embrassaient. Probablement pas plus facile à vivre, mais certainement moins difficile à expliquer. Les filles avaient donc convenu de faire un jour sur deux et de se laisser des notes, mails ou SMS pour communiquer. Le plus complexe étant bien sûr de présenter la situation à celle qui se réveillait sous l’identité de Tilly ou de Margot.


Et ainsi les choses s’étaient déroulées. Le temps semblait s’être accéléré, les jours étaient devenus des semaines, puis les semaines des mois, Chad était passé, Chad était reparti, Tilly s’était retrouvée par mégarde trop proche de Hook, Hook était sorti d’hôpital. Elles avaient bu un nombre incalculable de potions, de toutes les couleurs et de tous les goûts aussi, pas toujours pour leurs plus grands plaisirs. Les grimoires s’étaient entassés partout, on avait cherché dans les manuscrits les plus anciens, ils étaient tous tombés d’accord pour dire que vivre avec un seul cœur ne suffirait pas à rompre le cycle infernal. Le soleil s’était levé et couché plus de fois qu’Alice ne saurait le dire et chaque jours sur une nouvelle identité, sur de nouvelles difficultés à faire face à la situation. Et les encouragements, toujours plus nombreux, commençaient à ne plus suffire… L’espoir, la fatigue, la perte de l’autre pourtant si proche. Ouvrir les yeux le matin devenait de plus en plus difficile. 

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