Clair-Obscur

Chapitre 6 : Noir

Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 11:42

 note aux lecteurs : suite à un problème avec l'éditeur en ligne ce chapitre a été tromqué la première fois que je l'ai posté. Il est a présent édité et entier. Bonne (re)lecture et toutes mes excuses.
 
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Noir

Au bout de deux jours de plus, Naruto frappa à la porte de Sasuke.

Il se morfondait ferme, s’inquiétait encore plus, et pour être tout à fait honnête s’entraîner seul n’était pas très excitant. Il éprouvait de sérieuses difficultés à se prendre lui-même par surprise lorsqu’il combattait ses Kage Bushin, et le bénéfice de l’exercice ne valait absolument pas la satisfaction de se pourrir mutuellement la tronche lors d’un bon entraînement bien violent avec Sasuke.

L’Uchiha n’avait toujours pas reparu, et s’il ne s’entraînait pas, c’était vraiment mauvais signe. Certes il n’était pas Lee : qu’on ne le trouve pas dès six heures du matin sur les terrains d’entraînement ne signifiait pas nécessairement qu’il était mort ou en bonne voie de l’être. Mais c’était Sasuke, et un manque prolongé d’activité ayant trait aux jutsus n’était jamais bon présage.

« Hé, Sasuke, t’es là ? »

Les stores de l’appartement du jeune homme étaient à demi baissés, mais la porte close n’était pas verrouillée. De toute façon, dans un village caché ce n’était pas un vulgaire verrou qui  empêchait qui que ce soit d’entrer s’il en avait vraiment envie. Civils comme cambrioleurs savaient qu’on n’entrait dans la demeure d’un ninja sans y être invité qu’à ses risques et périls.

Naruto poussa la porte d’une main et de l’autre désenclencha juste à temps le mécanisme du piège à kunaï qui gardait l’entrée. Lorsqu’il était chez lui Sasuke ne laissait que celui-là et ceux des fenêtres. Qu’il ait pris la peine de les activer était plutôt un bon signe, décida Naruto en balançant ses sandales en tas à côté de celles, nettement alignées, de l’Uchiha.

Ses pieds nus le portèrent sans bruit sur les lames de parquets du couloir, et il évita celles qui grinçaient sans même y penser. Le salon était plongé dans la  pénombre, et Sasuke était agenouillé  sur le tatami central, en position de méditation dos à demi tourné vers la porte.

Un infime mouvement de la tête et une mèche sombre qui glissa depuis derrière une oreille sur la joue furent les seuls signes qu’il avait entendu Naruto entrer.

C’était déjà plus que ce à quoi il s’était attendu, et Naruto décida de les considérer comme une invitation à pénétrer dans la pièce, ou du moins une marque de non-opposition à son intrusion. Même s’il aurait parfaitement fait sans, c’était toujours agréable de savoir que Sasuke était encore en vie et un minimum réceptif à ce qui l’entourait… Les rapports de Sakura l’avaient visiblement inquiété plus qu’il ne l’avait cru, constata-t-il avec une pointe d’irritation dirigée contre lui même.

Son premier mouvement fut d’aller ouvrir les stores, ce qu’il fit d’un geste ample et décidé qui manqua de déboîter le mécanisme. Un flot de lumière envahit la pièce.

Puis il vint s’appuyer sur le mur qui faisait face à Sasuke et l’examina en silence.

Il était vêtu d’un simple yukata bleu très foncé qui portait sans doute dans le dos l’emblème des Uchiha -Naruto n’avait jamais compris pourquoi il s’entêtait à mettre ce genre de truc totalement inconfortable et tellement peu fonctionnel en cas de combat. Son bras gauche était symboliquement maintenu contre son torse par une bande de toile enroulée avec dextérité. Les os étaient ressoudés et les muscles presque totalement régénérés, mais les ordres médicaux de Sakura tenaient lieu de loi, même pour Sasuke.

Devant lui, à même le sol, était posée sa kusanagi dont le fourreau de cuir bicolore était encore tellement maculé de sang que l’étui paraissait brun. Elle était juste assez loin pour être hors de portée, mais pas assez pour qu’il ne puisse s’en saisir s’il se penchait en avant.

Sasuke tenait à son arme comme à la prunelle de ses yeux, autant qu’il avait haït l’homme qui la lui avait donné. C’était une autre chose que Naruto ne comprenait pas chez lui, cette volonté farouche de conserver la lame. Cela n’avait presque aucun rapport avec les qualités martiales de celle-ci, il le savait. Elle avait un sens, comme tout le reste de ce que faisait Sasuke. Un sens que ce dernier ne partageait avec personne.

On ne parvenait à lui arracher le moindre mot sur la période passée auprès d’Orochimaru que lorsqu’il était pris d’un accès de loquacité ou d’ébriété terminale. L’un comme l’autre étaient suffisamment rares pour pouvoir être qualifiés de quasiment inexistants.

Sous l’éclairage supplémentaire, la pâleur et l’amaigrissement de Sasuke sautaient aux yeux de manière saisissante.

Ses yeux sombres étaient ouverts, et l’encre liquide qui semblait les habiter était calme, inexpressive.

« Que veux-tu ? »

C’était une bonne question, à laquelle Naruto aurait été bien en peine de répondre. Il était simplement .

Il se  laissa glisser le long du mur en position assise, et haussa les épaules.

« Je viens aux nouvelles. »

Les yeux de Sasuke s’arrachèrent un instant à leur vide intérieur et croisèrent les siens, avant de se détourner de nouveau.

« Il n’y a pas de nouvelles. »

Sasuke était aussi peu aimable qu’à l’accoutumée, cela au moins n’avait pas changé, et comme il le faisait toujours Naruto ignora l’invite peu subtile à vider les lieux et s’installa plus confortablement. Malgré lui son regard revenait sans cesse sur le visage en face du sien, cherchant à déceler ce que Sasuke pensait, un indice. Avec détermination il fixa le katana, détaillant les tâches brunes maculant la poignée et le haut du fourreau de cuir avant d’abandonner finalement la partie et de laisser son regard remonter et se plonger dans les prunelles noires de son ami.

« Qu’est ce que tu en as fait ? De ses yeux ? »

Ce n’était pas ce qu’il avait voulu demander, là maintenant tout de suite… Mais Sasuke répondit immédiatement, avec cette désinvolture, ce calme tellement anormal qui glaçait le sang de Naruto dans ses veines, cette impassibilité lointaine qui lui donnait envie de courir et de crier. De frapper de toutes ses forces et de faire mal, pour briser le masque, la distance.

Cela aussi était quelque chose qui provenait du temps chez Orochimaru, ce vide hideux, tellement froid. Naruto sentit une bouffée de colère s’allumer en lui.

« J’ai fait en sorte que nul ne puisse jamais les utiliser. Ils sont là où nul n’ira les chercher. Ils sont retournés aux défunts. »

Ho, bien, bon réflexe, comme ça personne n’ira se faire faire une greffe pour aller jouer les ninjas copieurs…

La colère irrationnelle s’embrasa un peu plus en lui. Il n’était pas sûr pourquoi, mais ça n’aurait pas dû se passer comme ça. Sasuke n’avait pas le droit de rester aussi impassible. Ce n’était pas ce qu’il aurait dû être, et ce n’était pas juste, si une quelconque justice existait. C’était mauvais, aussi mauvais que la folie après le fratricide. Il détestait ça.

En cet instant il haïssait Orochimaru, Itachi, le masque de glace sur le visage de Sasuke et Sasuke lui-même avec une ferveur égale, brûlante d’intensité.

Avec les années il était devenu meilleur à cacher ses sentiments, mais n’importe qui  le connaissait savait qu’au dessus d’un certain seuil ceux-ci devenaient dangereusement incontrôlables. Et s’il n’en était pas là, la colère absurde était présente, à présent trop forte pour qu’il puisse tout à fait vouloir la réprimer.

Et c’est pour ça que les mots suivants sortirent sans réflexion et brutaux, cherchant à blesser, à provoquer une réaction.

« Qu’est-ce que ça fait de l’avoir tué ? »

Sasuke ne tressaillit pas ni l’encre de ses prunelles ne vacilla. Mais au moment où Naruto pensait qu’il ne répondrait plus et commençait à paniquer, réalisant trop tard qu’il avait probablement outrepassé l’une des limites invisibles, il leva un peu la tête, et soutint son regard, vraiment.

Et Naruto ne fut pas certain de ce qu’il avait vu, mais c’était immense et vide, vacant. Puis plus rien. La vulnérabilité de cette nuit-là avait disparu, de même que la résolution glacée. Il ne restait que l’indifférence contrôlée et lointaine, l’habituel masque impassible et pourtant étrangement fragile.

« Je ne sais pas. »

Naruto se força à relâcher ses muscles noués. La colère avait disparue d’un coup, mouchée avec autant de facilité qu’une bougie. Il n’y avait aucune raison pour qu’il soit tendu comme ça, comme si le moindre mot pouvait déclencher une attaque surprise ou un guet-apens imprévu. C’était stupide, Sasuke était stupide.

Il ne répondit rien, et s’appliquait à respirer régulièrement lorsque contre toute attente Sasuke continua à parler.

« Je ne sais pas ce que ça fait. Je pensais… Je pensais que si je le tuais ils seraient en paix, et moi… Que ça cesserait de faire mal, de brûler. »

Il se tue, et fixa Naruto comme s’il venait seulement de réaliser sa présence –ou qu’il venait de se rendre compte à quel point il s’ouvrait, et laissait percevoir cette soudaine vulnérabilité. Ses pupilles noires se dilatèrent légèrement.

« Laisses-moi tranquille Naruto. »

Naruto était ce qu’il y avait de plus proche de l’expert en Sasukeologie. Il savait que toute marque de soutient ou de compassion, qu’elle soit physique ou verbale, serait probablement très mal reçue. Et puis de toute façon c’était le truc de Sakura ça. Il ne savait pas faire. La seule chose à laquelle il était bon, c’était frapper, et être frappé en retour.

Et s’allonger dans la boue, ajouta une voix insidieuse dans son cerveau, provoquant une nouvelle bouffée de colère et une douleur imprévue, mordante.

« C’est hors de question. »

Le regard de Sasuke s’anima, et sa bouche prit un pli dur.

« Je n’ai que faire de ta pitié. Sors de chez moi. »

Étonnant comme Sasuke pouvait parfois être étonnamment perceptif, et pourtant complètement à côté de la plaque. Naruto croisa les bras dans une attitude de défit buté qui n’augurait rien de bon.

« Ça tombe bien alors, parce que tu ne l’as pas. Tu n’es qu’un crétin si tu penses le contraire, » siffla–t-il avec colère. Cela non plus n’avait jamais changé au cours des années, la capacité irritante qu’avait Sasuke à le faire sortir de ses gons en l’espace de deux mots. « Par contre, tu vas avoir mon poing dans la gueule si tu laisses gagner Itachi et que tu continues à te morfondre comme un rat crevé. »

L’expression de Sasuke passa de gardée à dangereuse en une fraction de seconde, mais avec un manque d’instinct proprement indécent pour un anbu, Naruto n’y prêta pas la moindre attention.

« Ne parle pas de ce que tu ne connais pas Naruto… »

« Et qu’est ce que je ne connais pas, hein ? J’ai été avec toi tout ce temps Sasuke, tu te souviens ? C’était le pacte. Tu restes, et en échange je sers d’appas, et je m’assure que tu puisses l’affronter en paix. Et maintenant le pacte est rompu, non ? Parce que tu as eu ce que tu voulais et que ton frère est mort. » Les mots jaillissaient en une tempête confuse et désordonnée. Naruto ne savait pas vraiment ce qu’il voulait dire, où tout cela menait. Il s’en moquait. Chaque mot prononcé était vrai. Douloureux mais vrai.

L’expression de Sasuke avait mué de la colère en autre chose de plus grand, de difficilement définissable qui la contenait tout entière et aussi un tourbillon d’autres choses. Un masque de douleur et de choc. De perte immense.

« Tu devrais être heureux non ? Soulagé ? Tu as atteint ton rêve Sasuke, ce pourquoi tu as tout donné. » Sa voix mourut. « Dis-moi Sasuke. Je te l’ai déjà demandé une fois il y a longtemps. Dis-moi, est-ce que ça valait le coup ? »

Est-ce que la souffrance valait le coup ? Est-ce que la trahison le valait ? La haine, la solitude ? Cette douleur ? Est-ce que ça valait le coup de presque donner ton corps, de presque donner ma vie ? Valait-ce les larmes de Sakura et les miennes, et toutes celles que tu n’as plus jamais versé, qui se sont asséchées en toi ?Valait-ce le chemin de destruction et de douleur que tu as laissé dernière toi ?

Est-ce que ça valait le coup, Sasuke ?

Il s’était penché en avant, franchissant la distance qui les séparait, et sa voix n’était plus qu’un murmure déchirant, pressant. La colère, la douleur, la confusion n’auraient pas été plus perceptibles s’il les avait hurlés à pleine voix comme s’il savait si bien le faire.

Sasuke respirait par à-coups secs, et l’encre de ses yeux était brouillée, comme si elle avait été diluée avec trop d’eau.

Le corps du jeune homme se contracta un instant, réaction aux paroles ou à la trop grande proximité, et le frison fut clairement visible.

« Répond-moi Sasuke. Répond-moi. »

Les poings de Naruto étaient noués sur son pantalon de toile, appuyés sur ses cuisses pour maintenir son équilibre, et les mots se déposèrent comme de la buée sur la peau trop pâle.

Sasuke déglutit, et ouvrit la bouche avant de la refermer. Les mots mourraient, se heurtaient dans sa gorge sans parvenir à sortir. Il ne savait pas quels mots il voulait dire, lesquels il voulait prononcer. La douleur dans sa tête était insupportable.

 Il se détourna. Il ne savait pas. Il ne savait plus.

Mais cette hésitation, n’était-ce pas déjà un aveu ? L’aveu qu’il avait tout perdu pour rien ?

Non.

Ça ne pouvait pas être vrai. Sa haine avait été vraie, leur mort à eux tous avait été vraie, de même que son incapacité à faire quoi que ce soit, sa lâcheté, sa terreur d’enfant. Tout cela avait été vrai.

De quel droit Naruto osait-il prétendre le contraire ?

Sa haine avait été la vérité absolue, la seule et unique raison. Il avait survécu, et haït, et tout cela n’avait eu de sens que parce qu’il tuerait son frère de ses propres mains un jour, parce que toute autre option était inexistante…

« Qu’est ce que ça changerait si je te répondais Naruto ? » Sa voix était rauque, un peu cassée, avec une note de défi et de rage sous-jacente. Il tourna de nouveau la tête, cette fois pour refaire face au blond qui était toujours trop près, le souffle court et les muscles noués. Ses pupilles noires se plantèrent dans celles d’un bleu impossible, et n’en bougèrent plus, le défiant de répondre, de s’approcher plus.

« Qu’est ce que ça changerait ? Il n’y a que toi pour penser que cela pourrait modifier les choses. » Il déglutit. « Ce que je pense ou non n’a pas d’importance au final. On ne peut changer le passé. Et Itachi devait mourir de ma main. C’est tout ce qui a jamais importé. Comment pourrais-je regretter ? »

Naruto expira lentement, presque douloureusement, et Sasuke réalisa qu’il forçait ses poings à se desserrer. Il se recula avec maladresse, jusqu’à ce que son dos touche de nouveau le mur, et baissa la tête. Il restait de la colère sur son visage, mais surtout de la confusion.

« Alors ça valait la peine, et tu le referais si c’était à refaire. Mais alors pourquoi est-ce que j’ai l’impression que c’est toi qui est mort, hein ?»

 

La retraite soudaine de Naruto surpris vaguement Sasuke. La partie de son esprit qui n’était pas intoxiquée par la trop grande proximité, par l’amertume de la haine et la brûlure résiduelle de son courroux lui fit remarquer que c’était très peu caractéristique du blond. Elle ajouta également qu’il se mêlait décidément de choses qui ne le regardaient pas. Mais à cet instant précis quelque chose était effectivement mort en Sasuke, abattu par les mots de Naruto et l’étrangeté de la perte. L’atmosphère dans la pièce était décalée, presque irréelle.

Un instant Sasuke se dit qu’il avait rêvé tout cela, Itachi, Naruto et la boue, cette fin d’après-midi dans la pénombre bleue de son appartement.

Peut-être qu’il avait rêvé tout le reste aussi, et que quand il s’éveillerait Itachi lui lancerait un sourire en coin par-dessus son petit-déjeuner, et d’une pichenette sur le front repousserait leur entraînement ensemble à une autre fois. Et Sasuke ne lui en voudrait même pas, parce que cela signifierait qu’ils étaient vivants, tous, et qu’il n’était pas obligé de haïr son frère, la moitié de son univers d’enfant ; qu’il n’était pas péniblement conscient de la présence du blond face à lui et l’amertume visible dans ses yeux bleus.

Mais ça n’avait pas été un rêve.

Il fit la seule chose qui avait le moindre sens à cet instant précis.

Sans que Naruto ne face un geste pour l’éviter, Sasuke se laissa basculer à genoux, en avant, et frappa l’anbu blond de toutes ses forces, mettant dans le mouvement la vitesse et la précision qu’il réservait normalement aux ennemis ou aux entraînement de très haut niveau. Il était rapide, mais si Naruto avait été sur ses gardes et prêt à réagir, il aurait pu parer ou éviter le coup.

Mais il n’esquissa pas le moindre mouvement de défense, et sa tête partit sur le côté et heurta le mur avec un bruit sourd.

Quand il refit lentement face, Sasuke était debout au milieu du salon, son bras invalide toujours contre son torse, l’échancrure de son yukata révélant un triangle de torse clair et un mamelon rose sombre au-dessus des bandages qui couvraient son abdomen. Son autre bras, celui dont il venait de le frapper, pendait le long de son flanc, le poing contracté. La ligne de ses épaules tremblait légèrement.

Naruto essuya vaguement le sang qu’il sentait couler de sa bouche, mais resta immobile là ou il était, à demi adossé contre le mur, à fixer Sasuke. La douleur du coup n’était qu’un picotement à l’arrière de sa conscience.

Comment en étaient-ils arrivé là ?

Ce n’était pas ce qu’il avait voulu, pas pour cela qu’il était venu ici. Il était venu parce qu’il s’inquiétait, et que si lui ne tirait pas Sasuke de sa morosité à coups de pieds dans le cul, personne ne le ferait…

Mais au final il n’avait rien dit de ce qu’il voulait dire, et au contraire poussé Sasuke dans ses derniers retranchements, retourné le kunaï dans la plaie.

C’était ses propres doutes et ses propres questions qu’il avait lancés à la face de son ami. Sa propre peur.

Parce que si la mort d’Itachi signifiait la fin du pacte qui les avait lié, rien ne forçait plus Sasuke à rester.

Et si tout cela, la trahison et tout le reste, avait valu le coup, cela signifiait que leur présence à ses côtés, l’amitié fragile qui s’était renouée durant ces années ne signifiait rien de plus qu’une simple compagnie qu’il fallait bien supporter en attendant de pouvoir tuer Itachi. Cela signifiait que pas une seconde Sakura, lui-même ou Kakashi-sensei n’avaient été plus importants qu’Itachi. Jamais.

Et Naruto avait peur. Peur que Sasuke parte encore, et peur de ne rien pouvoir faire cette fois-ci.

Il l’avait pourchassé avec tout ce qu’il avait la première fois, avait été prêt à mourir, à abandonner son rêve même, si cela signifiait qu’il ramènerait Sasuke. C’était devenu son but, et à l’époque, il avait vaguement été conscient de l’aspect obsessionnel de cette quête, alors que l’autre venait tout juste d’admettre qu’ils étaient amis, et avait essayé de le tuer immédiatement après... Mais cela n’avait eu aucune importance.

Aujourd’hui le lien qui les unissait était plus fort, plus étrange aussi que ce tout premier lien des années auparavant, quand Sasuke debout sur l’eau à la vallée de la fin avait déclaré vouloir le rompre. Ils avaient passé les trois dernières années côte à côte, depuis le retour de Sasuke du Son. Ils avaient réappris à combattre dos-à-dos, avaient réglé leurs comptes de manière aussi violente que satisfaisante, et Naruto avait défendu crocs et ongles la cause de Sasuke face à l’Hokage. Ils étaient passés anbu ensemble, et au fur et à mesure Sasuke avait fini par accepter sa présence, la rechercher même, et alors ils passaient des journées à s’entraîner ensemble, ou simplement à déterrer des parchemins de jutsus du fin fond de la bibliothèque des Uchiha ou de celle de Kakashi, Naruto étalé par terre sur le ventre et Sasuke assis parfaitement droit contre un mur… Ils avaient continué à se battre et à s’insulter copieusement, à se haïr parfois, mais l’accord tacite avait toujours été présent, cette résignation mutuelle et muette à l’amitié, qui n’avait jamais été discutée mais dont chacun admettait bon gré mal gré la présence.

Ça avait été très bien comme ça.

Mais maintenant tout pouvait changer.

Itachi était mort, et déjà quelque chose avait muté entre eux, au moment où leurs corps s’étaient touchés, et ou la chaleur avait envahi le ventre de Naruto.

Et Naruto ne voulait pas que tout cela n’ait été qu’une parenthèse dans la vengeance de Sasuke. Il ne voulait pas risquer de perdre son meilleur ami à nouveau.

Mais peut-être était-ce déjà trop tard.

 

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