Les Chroniques d'un shinobi

Chapitre 6 : Kokuro

2895 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/12/2024 16:14

Opening : https://www.youtube.com/watch?v=DDjPc51fR8Y

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L'Utak s'entraînait corps à âme depuis maintenant une semaine, ne s'accordant que deux journées de repos pour éviter que son corps n’atteigne son point de rupture. Refusant de ralentir au-delà du strict minimum, chaque muscle endolori portait la marque de son acharnement. Okioto, toujours pris par ses longues absences, n’était qu’une ombre dans la demeure, laissant Tokri à sa solitude et à son obsession.

De bon matin sur son terrain d’entraînement favori loin du tumulte des rues animées, en bordure du Village, il commença à fusionner ses énergies. Immobile et yeux fermés sous le ciel pâle de l’aube, sa concentration fut brutalement brisée par une voix véhémente.

— Eh ! Le nullard !

En un soupir d'exaspération, Tokri se tourna et vit sans surprise Hiko se diriger vers lui. En revanche, il fut étonné de constater que son frère Hika l’accompagnait. Sosie trapu du gorille qu'était son cadet avec plusieurs années de maturité et un physique impressionnant, sa carrure massive de semblait taillé dans la pierre.

— Tu vas payer pour ce que tu as fait à mon frérot, enfoiré ! rugit-il.

Tokri, imperturbable et mains dans les poches, planta un regard froid et dédaigneux dans celui de son adversaire, comme si sa simple présence n’était qu'un regrettable perte de temps.

— On nous l’a ramené à trois heures du matin ! continua d'enrager Hika.

— Accorder la permission de minuit à un petit de cet âge n’est pas une très bonne idée, rétorqua Tokri, exaspéré.

— Putain, je déteste les grandes gueules dans ton genre ! grinça Hika en se frottant les phalanges de la main droite.

— Ça vous dérangerait d’aller jouer ailleurs ? demanda Tokri, feintant d’ignorer la tentative d’intimidation.

Par pur instinct, l’Utak bloqua le poing de Hika, remerciant ses réflexes d’avoir parlé pour lui. Ne s'attendant pas à ce que son vis-à-vis soit aussi rapide, l’un de ses genoux fléchi sous la force écrasante de son adversaire. Le Genin aux cheveux de jais dégagea le poing de son adversaire et tenta de l’atteindre à son tour, mais toutes ses tentatives connurent l'échec.

— Latte-le frérot ! l'encouragea Hiko, surexcité.

Hika sortit un kunai, l'arme blanche multi-fonction du shinobi et tenta de frapper Tokri au visage, qui esquiva in extremis. Le jeune homme frissonna en sentant la pointe tranchante de l’arme frôler son visage. Il en saisit également un et repassa à l’attaque, dans un mouvement synchronisé à son ennemi.

Les lames s’entrechoquèrent et frôlèrent les corps des combattants à plusieurs reprises, face à un Hiko qui ne perdait pas une miette de l’affrontement. Ce jeu dura jusqu’à ce que Tokri soit contraint de se propulser en arrière afin d’esquiver une taillade au niveau de l’abdomen. Il lança son arme vers son ennemi, qui fit de même pour stopper la course du projectile. Les kunais se heurtèrent dans un tintement métallique et tombèrent au sol. Décidé à ne laisser aucun répit au gorille, Tokri bondit en un Chikara Sen'puu qui prit de court Hika. Frappé au visage de plein fouet, il tournoya un bref instant en l’air avant de heurter lourdement le sol.

L’Utak arbora un sourire de satisfaction, vite effacé à la vue de Hika qui se releva presque instantanément, secoué mais visiblement prêt à reprendre le combat.

— Pas mal ta technique, déclara-t-il en essuyant le mince filet de sang coulant au coin de sa lèvre. Dommage qu'elle manque de puissance.

Tokri resta silencieux, le regard furieux. Il y était allé au plus fort qu’il le pouvait, blessant sa jambe qui ne cessait de le lanciner en d'affreux picotements. Jouant sa pièce maîtresse, l'Utak n'avait pas pris garde au dosage de son Chakra, ne songeant pas un instant à l'élaboration d'un plan de secours en cas d'échec.

Frustré, il ne pouvait qu'admettre en son for intérieur que l’issue du combat penchait en faveur du prétentieux colosse. Hika sembla lire le désarroi sur le visage de Tokri et laissa un rictus, un sourire de son point de vue, déformer un peu plus son visage trapu.

— Je vais mettre fin à ce duel, déclara-t-il victorieusement.

Tokri eut tout juste le temps d’éviter son imposant poing. Malheureusement, le jeune homme fléchit sous la douleur. Hika saisit sa chance et effectua une balayette qui heurta avec violence sa jambe blessée, qui s’effondra en hurlant. Son bourreau s’assit de tout son poids sur son ventre, lui coupant la respiration.

— Tu vas souffrir, susurra-t-il, tout en se frottant les mains avec délectation.

Hika le frappa violemment au visage, libérant une déflagration de douleur qui inonda sa bouche d'un goût métallique, acide et brûlant. Malmené et engourdi, le sang se mêla à la salive qu’il cracha, traçant une ligne écarlate sous sa lèvre inférieure.

— T’aimes ça ? se moqua t-il sadiquement, se délectant du spectacle.

— Défonce-le, frérot ! hurla son frère.

Bien que sa mâchoire lui brûlait et que la douleur pulsait à chaque mouvement, Tokri esquissa un sourire narquois. D’une voix rauque, il lâcha, moqueur :

— Tu peux pas faire mieux ?

Piqué au vif, l’animal enragé le frappa à nouveau de toutes ses forces, faisant vibrer son crâne sous l’impact. Le sang éclata sur le sol sableux en une gerbe écarlate. Le souffle court et les yeux brillants de défi, l’Utak croisa à nouveau le regard de son bourreau, sans se départir de son sourire provocateur.

— T’es quand même un peu lourd, se moqua-t-il dès qu’il récupéra un peu de souffle.

— Je vais te buter ! enragea Hika, hors de lui.

Déterminé à broyer sa victime, Hika se déchaîna sur son visage de ses énormes poings, tâchant encore davantage le sol. Les assauts résonnèrent dans ses oreilles, les ondes de choc l'engourdissant en un brouillard de souffrance. Lorsque Hika stoppa pour reprendre son souffle, Tokri ressentit une morsure insupportable à son œil droit, changé en une masse informe.

Il pesta contre son impuissance et prit conscience de la montagne qui lui restait à franchir avant d'oser espérer menacer son père. Comment pourrait-il accomplir sa mission s'il n'était pas capable de vaincre un idiot comme Hika ?

— T’en veux encore le minable ?

— T’as plus l’air très frais non plus, ne put s'empêcher de répliquer l'Utak.

Le bourreau leva haut son poing, décidé à en finir avec ce misérable qui refusait de prendre peur.

— Tu vas le sentir passer celui-là ! rugit-il.

— Finis-le ! l’encouragea son petit frère, presque fou.

Le jeune homme ferma les yeux, tout en continuant d’afficher son petit sourire en attendant le choc final. Au lieu de cela, il se sentit propulsé en arrière, avant d'atterrir lourdement au sol. Le choc lui fit ouvrir les yeux sur une adolescente vêtue d'une tenue intégralement noire.

En remarquant sa coupe au bol brune aux mèches violettes et pourpres, Tokri reconnut instantanément la timide jeune Genin qu'il avait croisée peu de temps avant son examen.

Outre l'imposante bâche en bois attachée à son dos qui la recouvrait presque, quelque chose attira le regard du jeune homme. De drôle de fils violacés partaient des mains de la jeune femme jusqu'à se relier à la tête et aux épaules de l'Utak.

Ce dernier tenta de se relever, en vain. Pris de vertige, sa jambe meurtrie lui ordonna de se tenir à l'écart. Peinant à maintenir les yeux ouverts, le droit à demi fermé, le Genin aux cheveux de jais avait conscience que ses paupières étaient boursouflées et espérait qu'elles n'enflent pas davantage.

Les quatre fers en l’air après avoir été renversé lors de l'extraction de Tokri, Hika se releva et cria à l'intention du renfort surprise de son adversaire :

— De quoi tu te mêles, toi ? Je réglais mes comptes avec ce minable !

— Comment ça ? s'étonna la jeune fille, haussant un sourcil de surprise. Vous êtes des compatriotes !

— En quoi c'est incompatible ? enragea Hika, les poings serrés. Il m’a fait affront, je le corrige. Dégage de là !

Par-dessus son épaule, la fille aux mèches violettes jeta un œil à Tokri, qui sentit une chaleur étrange monter en lui lorsque ses yeux rencontrèrent ceux d’émeraude, brillant d’une lueur de détermination contrastant avec sa frêle silhouette. Malgré la situation, l'Utak ne put s’empêcher de la trouver jolie. Fine de silhouette et la peau quelque peu plus claire que la plupart des Chikarates, l’adolescent remarqua qu’elle ne portait qu’un maquillage léger et aucun ornement, ni bijoux.

Groggy par la brume de souffrance qui enveloppait son crâne, il se surprit à admirer la sérénité qu'elle dégageait.

De par sa façon de le regarder, Tokri comprit, à sa grande gêne, qu'elle l'avait reconnu. Pour sa part, il ne se souvenait que vaguement de leur appartenance commune à la dernière promotion de Genin, mais impossible de se souvenir de son prénom. L'Utak sentit les fils se détacher de son corps en de douces caresses.

— Je ne peux pas laisser Tokri ainsi, dit-elle doucement. S’il vous plaît, rentrez chez vous et restons-en-là.

Le malaise de l'adolescent fut décuplé en constatant qu'elle connaissait son nom. Hika esquissa un sourire mauvais en fixant la jeune fille, avant de se tourner vers son jeune frère.

— Qu’en penses-tu frérot ?

— Éclate-la, se contenta-t-il de répondre sans une once d’hésitation, bras croisés et un rictus semblable aux lèvres.

Tout en continuant de sourire, Hika prit une posture de combat.

— Rien à foutre que tu sois une gonzesse, se sentit-il obligé de lâcher. Je n’ai aucun scrupule à frapper des idiotes qui veulent jouer aux héroïnes.

La jeune fille soupira et posa délicatement son imposant fardeau sur le sol, ses gestes précis témoignant d’une habitude soigneusement acquise. Sous ses mèches de pourpres et de violet, ses lèvres se pincèrent légèrement en un mélange de crainte et d’agacement.

Sans prévenir, Hika chargea et engloutit à une vitesse surprenante les quelques mètres qui le séparaient de la kunoichi. Prise de court, elle n'eut pas le temps de réagir et fut éjectée sur une douzaine de mètres, frôlant au passage la tête de Tokri. La bâche tomba au sol, sans un bruit.

Hika passa à côté d'un Tokri fulminant de rage. Concentré sur l’adolescente inerte, il ne daigna pas adresser un regard au jeune homme.

— C'est tout ce dont tu es capable ? ricana le gorille.

Il la souleva par les cheveux et l’amena à hauteur de visage. Les poings de Tokri se serrèrent en voyant des larmes perler au coin des yeux de la kunoichi. Ne pas pouvoir l'aider à son tour le faisait trembler de colère.

— Je vais rendre service au Village en supprimant deux ninjas aussi faibles.

Son petit frère jubilait à la vue de ce spectacle. Hika serra le poing et frappa de toutes ses forces le visage de l'adolescente. Sous le choc, sa peau se craquela par endroit et tomba par morceaux.

— C’est quoi ça ? s’exclama Hika, abasourdi.

— Kawarimi et Henge, chuchota Tokri d’une voix à peine audible tout en esquissant un léger sourire. Pauvre cloche.

Aussi appelé “la substitution”, il s’agissait d’un ninjutsu basique qui permettait au shinobi d’échanger sa place avec un objet équivalent à sa physionomie. Le camouflage illusoire s’évapora, révélant une sorte d’épouvantail en bois à tête de citrouille, qui écarta grand ses quatre bras menaçants. Les droits frappèrent soudainement Hika, l’un au visage et l’autre au poumon. Sous le choc, il recula, plus surpris que blessé.

En se retournant, le Genin vit la marionnettiste sortir de la bâche, des fils de Chakra partant de ses mains jusqu’à la poupée. Furieux de s’être ainsi fait leurrer, il la chargea à nouveau, mais fut intercepté par la poupée. Le gorille frappa de toutes ses forces et parvint à la faire s'envoler jusqu'à percuter la kunoichi qui tomba à la renverse avec son arme. La brute se remit en position de lutteur et, presque aussitôt, l'épouvantail s’anima et se releva en même temps que sa maîtresse. Le regard de cette dernière en disait long : l'initiateur de l'attaque allait changer de camp.

La marionnette bondit en avant, sans que Tokri n'ait perçu le moindre mouvement venant de sa manipulatrice. Les deux combattants partirent dans un court échange. Les deux bras du haut attaquèrent tandis que ceux du bas servirent à la défense. Le trapu Genin fut finalement contraint d'esquiver d'un bond arrière. Ne le laissant pas souffler, son adversaire de bois plaça un uppercut que Hika bloqua, tandis qu’une autre main tenta de toucher sa tempe. Le gorille se baissa et cogna violemment le bas-ventre de la poupée. Saisit au poignet, les autres mains l'empoignèrent par les épaules pour tenter de le jeter au loin.

Vif, Hika serra son poing libre et frappa le torse de la marionnette dans un assourdissant fracas. Sentant le choc de là où il se trouvait, Tokri comprit que le Genin avait chargé sa main d'une forte concentration de Chakra.

La poupée fut éjectée à grande vitesse en direction de Nika, qui esquiva le projectile improvisé d’un pas de côté. Ses fils toujours accrochés, elle tourna au trois-quarts et utilisa l’élan pour renvoyer la marionnette vers l’expéditeur. Au moment où elle aurait dû atteindre sa cible, celle-ci sembla se transformer en bâche. La poupée la percuta de plein fouet et s’emmêla complètement dans celle-ci.

— Attention ! hurla Tokri. Il s'est substitué à ta bâche !

Elle eut à peine le temps de tourner la tête pour voir Hika lui mettre un puissant coup d'épaule. La malheureuse fut expédiée et heurta le sol à plusieurs reprises, passant devant un Tokri qui vit, impuissant, les fils de Chakra voler devant ses yeux après s'être détachés de l'arme.

Sonnée, la kunoichi releva avec difficulté la tête pour voir Hika marcher vers elle, arborant un cruel sourire de satisfaction. Le pantin était trop loin, désarticulé dans sa bâche. Le gorille dépassa Tokri et posa son genou contre son estomac afin de la maintenir au sol, tout en la soulevant sans ménagement par les cheveux, lui arrachant un hurlement de douleur.

— Cette fois, tu ne m’échapperas pas ! jubila le gorille en abattant son poing.

Un corps tomba violemment à terre, inconscient. Hiko n’en croyait pas ses yeux. Alors que son frère allait gagner et régler son compte à la fille, Tokri s’était relevé avec une rapidité inattendue et avait effectué son mouvement fétiche. Hika l’avait subi en plein visage et avait volé en tournoyant sur une quinzaine de mètres avant de heurter lourdement le sol.

Les jambes tremblotantes, celle de droite brûlante de douleur, Tokri peinait à se maintenir debout, le souffle rauque. Il fixait le corps inerte de Hika, n'en croyant pas ses yeux. Le jeune homme sentit les fils de Chakra se détacher en une caresse de son corps, le laissant s'effondrer à genoux en un soupir de soulagement.

Profitant de l'instant de jubilation de Hika, la marionnettiste avait envoyé ses fils sur l'Utak, le transformant en une arme improvisée. Reconnaissant en un instant les mouvements que lui faisait exécuter la manipulatrice des fils, Tokri n'avait eu qu'à se laisser porter tout en préparant son Chikara Senpuu.

La fille extirpa ses doigts du sable, qui lui avait permis d'atteindre Tokri en toute discrétion, et se releva difficilement. Décoiffée à l’endroit où Hika l’avait tenu, un hématome était en train de gonfler sur sa joue gauche. Elle rejoignit le jeune homme et passa ses bras en dessous des siens afin de le maintenir debout.

— Vous nous le paierez ! jura Hiko, qui peinait à relever son frère avant de disparaitre avec lui d'un pas mal assuré.

Nika fit s’asseoir son partenaire du moment, et tendit les mains vers sa poupée et sa bâche pour les ramener à elle de ses filaments violacées.

— Bien joué, Kokuro, chuchota-t-elle à sa marionnette en caressant sa tête avec affection.

Après une rapide évaluation, elle rangea son épouvantail avec milles précautions. S'il ne l'avait pas vu combattre avec férocité quelques minutes plus tôt, Tokri aurait pu croire qu'il s'agissait d'un trésor d'une grande fragilité.

Elle tourna finalement la tête vers le Genin en lui adressant un grand sourire, ses pommettes adorablement rosis.

— Besoin d’aide, Tokri ?

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Ending : https://www.youtube.com/watch?v=TqFkv1ib1FU



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