L'ombre du renard

Chapitre 12 : Tome 1 - Ténèbres

8643 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/06/2024 21:50

12. Ténèbres

 

J’étais en perdition au fond de mes ténèbres.

Tapi dans la noirceur de mon âme.

Ta présence a illuminé mon chemin.

La perte de ton éclat m’enferme pour toujours dans cette obscurité malsaine.

Comment as-tu pu être aussi cruelle ?

 

 

Le soleil s’était couché depuis un long moment, laissant sa place à la lune pleine. Les nuits se rallongeaient, permettant aux voleurs et aux assassins d’agir plus longtemps dans les ténèbres. Au cœur de cette nuit, dans une clairière perdue au milieu de la forêt sauvage, crépitait un feu. Avec le froid de ce début d’hiver, sa chaleur était la bienvenue mais il était aussi d’autant plus visible avec sa fumée blanchâtre.

Naruto, assis à proximité des flammes, boudait en silence. Il entendait les ronflements des jeunes garçons à un mètre de lui. Cela l’énerva davantage. Ils ne savaient donc pas dormir en silence ! Autant peindre une cible dans leur dos ou encore se promener avec une pancarte indiquant « Capturez-moi » ! Dépité, il remit une bûche dans le foyer. Vu que le feu était là, autant l’alimenter correctement pour garder au chaud ces charmants bambins.

 Jiraya vint s’accroupir près de lui. Il tendit ses mains et les frotta afin de réchauffer ses doigts engourdis. Naruto ne fit aucun commentaire. Il fixait les flammes dansantes comme si elles avaient le pouvoir de lui parler.

« J’ai fait ma ronde. Il n’y a rien à signaler pour le moment. »

Naruto émit mollement une onomatopée désabusée. Il ne désirait converser avec son ancien camarade.

« Arrête donc de bouder deux minutes. Les enfants ne sont pas entraînés comme nous. Leurs corps ont besoin d’un minimum de confort si tu veux les obliger à marcher comme je te soupçonne de le faire.

-Maître Kakashi nous a prévenus des dangers d’un feu de camp. Nous sommes des ninjas, des ombres meurtrières capables d’effacer toutes traces de leur passage.

-Kakashi n’est pas là et ces enfants ne sont pas des ninjas.

-Ma petite protégée en est presque une avec tout ce que je lui ai appris.

-Ta petite protégée te suivrait jusqu’en enfer le sourire aux lèvres si tu le lui demandais. Ne vois-tu pas à quel point cette enfant est exténuée ? »

Naruto coula un regard en direction de la jeune fleur. Elle s’était enroulée dans une des couvertures qu’ils avaient emportées dès qu’elle l’avait pu. Sa bouche était légèrement entrouverte et un filet de bave coulait au coin. Le Renard esquissa un sourire, ému par la candeur de la jeune fille. Il secoua la tête et reporta son attention sur les langues orangées du feu. Il ne pouvait qu’admettre la clairvoyance de son interlocuteur. Il pourrait toujours danser sur sa tête que Naruto ne l’avouerait jamais à haute voix.

Il prit une bûche et la fit passer d’une main à l’autre, se demandant s’il devait encore en ajouter ou laisser le foyer diminuer quelque peu.

« Pourquoi Jiraya ? Pourquoi nous accompagnes-tu ? Je n’ai pas eu le loisir de t’interroger comme il se devait tout à l’heure. Ta présence, ici, en cet instant, est plus que déroutante pour moi.

-Tout simplement parce que je suis amoureux, gamin. Il y plus de vingt ans de cela, j’ai fait la connaissance d’une femme extraordinaire.

-Toutes les femmes sont extraordinaires à tes yeux. Je me souviens d’un homme qui me traînait dans tous les bordels qu’il croisait et besognait pas mal de petites…

-Chut ! Tsunade ne connait pas cet aspect de ma personne et je ne tiens pas à ce qu’elle le sache maintenant. Sincèrement, je pensais que tu serais plus compréhensif que cela.

-Je ne vois pas pourquoi.

-Toi aussi, tu es amoureux. »

Naruto brisa net la bûche avec laquelle il était en train de jouer à ces mots. Il lança un regard meurtrier à son compagnon.

« L’amour, c’est pour les faibles », marmonna-t-il entre ses dents.

Il jeta les restes du morceau de bois dans la chaleur des flammes.

« Si tu le dis…

-Jiraya, prévint le Renard d’un ton menaçant, je t’ai épargné il y a des années. Ne me force pas à rectifier mon erreur aujourd’hui. »

L’homme se tut un instant. Il n’avait pas oublié ce terrible jour où Naruto était revenu pour se venger. L’homme à la chevelure argentée avait été mandé par Kakashi-sensei au sujet de la disparition de son ancien camarade alors que le jeune ninja s’entraînait chez le clan Hyûga. Les deux hommes avaient entendu les cris depuis les appartements du vieux maître. Ils étaient sortis pour découvrir un spectacle macabre. Du sang maculait la terre ; des bras et des jambes étaient séparés de leurs propriétaires. Au loin, on entendait le fracas de katanas qui s’entrechoquaient.

Tous deux l’avaient vu : le démon Renard dans toute sa fureur. Il était une silhouette rouge. Était-ce dû au sang versé ou à la couleur de son chakra ? Peu importait. Il était la mort personnifiée drapé dans son manteau vermeil. Personne ne pouvait l’arrêter.

Jiraya avait voulu s’interposer mais Kakashi l’avait retenu d’une main sur l’épaule. Cela était inutile. Naruto était venu trancher ses liens avec l’organisation en même temps que se venger de ses persécuteurs. Il démontrait à tous l’arme perfectionnée qu’il était devenu. Il prouvait à tous qu’il était son propre maître. Désormais, ses actes seraient de son propre chef et non dictés par une tierce personne.

Brusquement, le monstre s’était rapproché jusqu’à être à quelques pas d’eux. Jiraya avait été terrifié en plongeant son regard dans ces pupilles d’animal fou. Il avait vu les canines meurtrières se dénuder. Il tremblait mais restait droit devant cette chose, voulant mourir dans l’honneur et non comme un couard. Kakashi était plus serein. Sa main sur l’épaule de son élève ne tremblait pas. L’homme attendait tout simplement.

Naruto s’était figé un instant. Il les scrutait. Il paraissait réfléchir au dénouement de leur rencontre. Devait-il les tuer ou non ?

Des hommes étaient sortis de leurs quartiers, alertés comme les deux autres par les agonies de leurs compatriotes. Cela avait suffi à distraire le Renard. Il était parti sans un regard pour les deux guerriers, leur tournant le dos comme s’ils n’étaient rien. Ce jour-là, il avait pratiquement décimé tout le camp.

« Je ne comprends toujours pas. Tu aurais pu nous tuer mais, au lieu de cela, tu nous as superbement ignorés.

-Vous n’étiez pas une menace.

-Nous étions ton ennemi. Nous faisions partie des gens qui t’avaient maltraité petit.

-Non pas vous, dit-il en triturant le feu avec une longue branche fine. Kakashi est le seul maître à m’avoir traité avec respect. Son enseignement était dur, strict et éreintant mais il était juste. Il ne m’imposait pas des exercices cruels ou perfides. Il mettait tout le monde à la même enseigne. Quant à toi, avança-t-il en se tournant vers son interlocuteur, tu es le seul de toute cette foutue garnison à m’avoir souri. Tu étais ce qui se rapprochait le plus d’un ami.

-Il est mort, tu sais.

-Qui ?

-Kakashi-sensei. »

Naruto ferma les yeux. Encore un mort de plus dans son entourage. Il inhala lentement, se repaissant de l’odeur du bois fumé ; puis, il exhala en douceur afin de garder le contrôle de ses sentiments.

« Comment ?

-L’organisation noire l’a emmené, torturé et enfin tué. Ils voulaient savoir pourquoi tu ne nous avais pas dépecés comme les autres. Ils étaient persuadés que nous avions pactisé avec toi et que Kakashi pouvait te livrer d’une manière ou d’une autre. Il n’a jamais rien dit. Il est mort en te protégeant.

-Et toi ? Pourquoi n’as-tu as été capturé comme lui ?

-J’étais retourné auprès de ma Tsunade. J’appartenais à son pays grâce à cette alliance. L’Akastuki ne pouvait me prendre sans déclencher des hostilités entre les deux pays, chose qu’ils voulaient éviter à tout prix.

-Tsunade, hein ? On revient à elle.

-Elle est la seule qui compte. Il y a dix ans, j’ai senti que j’allais la perdre. J’ai usé d’une technique interdite pour lier mon âme à la sienne. Ainsi, si elle meurt, je meurs avec elle. D’ailleurs, c’est ce qui a failli arriver.

-Elle est pourtant bien morte.

-Mais son âme a été sauvée. Elle est à présent dans ce corps. C’est toujours elle mais elle possède un aspect différent.

-Tu te rends compte que tu as quelque chose comme trente ans de plus qu’elle.

-J’attendrai le temps qu’il faudra pour que notre amour éclose. Quand on aime, on ne compte pas. N’est-ce pas, gamin ?

-Ne me traite pas de gamin. On a le même âge.

-Extérieurement, on ne dirait pas.

-Extérieurement, Tsunade ne peut se douter que tu es un véritable pervers… »

Jiraya écarquilla les yeux. Il essaya de se retenir. En vain. Son rire éclata dans la nuit. Il se permit de taper dans le dos du blond taciturne.

« Toi ! Tu as drôlement changé ! »

Naruto en fut étonné. Il avait changé ? En quoi ? Il regarda de nouveau la petite Sakura endormie.

« Encore un de tes miracles », pensa-t-il.

 

 

La ville puait les ordures, la vermine et le crottin. Malgré le froid, toutes ces fragrances désagréables envahissaient chacune de ses narines et les saturaient à l’extrême. Le Renard n’osait imaginer ce qui en serait s’ils étaient venus durant l’été. Le babillage des gens, les cris des divers animaux, l’appel des commerçants vantant leurs marchandises lui occasionnaient une migraine atroce. Il ne supporterait pas longtemps ce tintamarre.

Le tumulte de cette vie active agressait ses sens.

Des couleurs garnissaient les façades de manière criarde, contrastant avec l’humeur morose des habitants. Le froid engourdissait l’animation des villageois et ces derniers cherchaient du réconfort dans ces décorations extravagantes. Certains cherchaient même à se donner de l’entrain en chantant d’anciennes comptines hivernales.

Naruto continua à marcher en faisant abstraction de cette gêne. Il essaya de se concentrer uniquement sur la route à emprunter. Il était néanmoins nerveux, très nerveux. Il serrait les dents, pinçait les lèvres. Ce monde n’était pas le sien. Il ne se sentait pas à sa place parmi tous ces gens.

Une main fine glissa dans la sienne. Etonné, il baissa le regard vers celle qui se permettait de le toucher. Sakura pressa légèrement la paume masculine dans un désir de réconfort. Le jade de ses iris avait perdu son éclat habituel.

« Arrête de faire des bêtises », chuchota-t-elle.

Elle ne parlait pas de ce moment présent mais bien d’un éventuel futur dans lequel il aurait perdu tout contrôle. Petite futée ! Elle se renseignait sur son humeur sans le questionner mais bien en prévoyant ses futurs états d’âme. Elle savait pertinemment qu’il était incapable de répondre clairement au sujet de ses émois.

Les enfants-visions par contre n’étaient guère silencieux. Naruto les entendait piailler et râler sur le monde environnant. Avaient-ils réellement été de grands stratèges et guerriers ? Seuls Gaara et Shikamaru restaient calmes et posés. Leurs interventions, bien que rares, étaient le plus souvent réfléchies et emplies de sagesse. Quant aux filles, Naruto soupira en entendant leurs requêtes.

« Allons dans cette auberge ! exigea Ino.

-Non, répondit le Renard.

-Alors dans celle-là, continua Tenten en désignant une autre à l’allure chaleureuse.

-Non.

-Tu sais dans quelle auberge nous nous dirigeons, au moins ?

-Dans aucune. »

Les enfants restèrent perplexes. S’ils ne trouvaient refuge dans un hôtel digne de ce nom, où iraient-ils prendre du repos ? Il était hors de question de dormir à la belle étoile. Ils se feraient immédiatement remarquer dans une ville aussi bien gardée que cette cité.

« Mon avis est que tu sais déjà où nous allons, avança Jiraya.

-Notre contact nous a donné les clés d’une maison. Cela sera plus discret que de tous débarquer dans une auberge. Il n’y aura personne pour surveiller nos allées et venues ou pour prévenir la milice qu’un rassemblement d’enfants loge chez eux.

-Bien vu, vieux Renard ! »

La maisonnée se situait dans une rue calme où il y avait peu de circulation suite à son statut de quartier résidentiel. La façade ne payait pas de mine mais ils ne s’y installaient pas définitivement. Posséder la clé était inutile : la porte n’était pas verrouillée et n’attendait qu’à être poussée.

« Ce n’est pas trop tôt ! Le thé commence à refroidir !

-Sasuke-kun ! » s’écria Sakura.

Le jeune homme était avachi sur l’unique canapé du salon. Devant lui, une petite table basse en bois était garnie d’une théière fumante entourée de petites tasses en terre cuite blanches. La plus âgée du groupe s’élança vers lui avec un sourire franc. Elle se plaça derrière le ténébreux et posa ses mains sur ses épaules. Elle déposa un baiser sur le haut de sa tête tout en le gratifiant d’une expression de remerciement.

« Tu es toujours aussi pressé, mon petit Sasuke. Par contre, je ne te connaissais pas cette humeur maussade. »

Sasuke grogna. Le geste affectueux lui avait plu. Cela faisait une décennie que personne n’avait pris la peine d’agir de façon si légère avec lui tout en connaissant ses limites. A travers cette jeune fille, il retrouvait sa mère de substitution qui avait toujours veillé sur lui avec son grand frère Itachi.

Le guerrier de l’ombre ferma les yeux quelques secondes. Il n’aimait guère être touché par cette sensiblerie que cette fille éveillait en lui. Il sentait quelque chose remuer au fond de son âme, une part de son humanité qu’il croyait enfermée à jamais. Cette part, il l’avait soigneusement ensevelie dans son être à la mort de son grand frère. Avec la perte d’Hinata et d’Itachi, c’était sa famille et l’espoir d’une enfance heureuse qu’il avait perdus. Il avait dû se montrer fort, insensible et sans pitié pour survivre, voire se venger si cela pouvait être possible contre un tel démon.

Lorsqu’il releva la tête, Sasuke constata que Naruto s’était assis face à lui. Il avait croisé les doigts devant son visage, le front contre eux, et appuyé les coudes sur ses genoux. Ainsi, il masquait une partie de son visage. Pourtant, Sasuke pouvait y lire de la contrariété à ses sourcils froncés et à l’avertissement sourd que lui envoyait son corps tendu. Cette créature criait à sa façon « Elle est à moi » à son rival.

Sasuke haïssait cette chose. Malheureusement, lors de son précédent combat, il savait qu’il ne faisait pas le poids contre lui. Il devait encore attendre un moment propice pour la détruire. Et dire qu’à une époque, il considérait cette abomination comme un frère, quelqu’un d’important dans sa vie sur qui il pouvait compter. Mais, le Renard avait détruit sa famille : d’abord en séduisant l’innocente Hinata-Hime ; puis, en tuant son grand frère adoré, Itachi. Aujourd’hui, il n’avait d’autre choix que de se contenter de le fusiller du regard. Si Sakura n’avait pas été la réincarnation d’Hinata, il n’aurait jamais songé à l’aider. Mais un jour… il aurait sa vengeance…

Inconscients de cette tension entre leurs aînés, les enfants s’installèrent en rond autour du meuble et se réjouir de goûter à quelque chose de chaud. Seul Jiraya s’aperçut de l’humeur belliqueuse du blond. Il se méfia immédiatement de ce manque de confiance mais ne fit aucun commentaire. Il désirait obtenir davantage d’informations avant de se faire une opinion.

Chacun se présenta. On babilla le temps de se détendre auprès de cet accueil un tant soit peu chaleureux du ténébreux.

« Nous avons vu beaucoup de décorations en venant jusqu’ici, dit soudainement Gaara. Sommes-nous arrivés à un moment festif ?

-Effectivement. »

Sasuke profita de cette question opportune pour sortir une sorte de carte d’une armoire. Il avait minutieusement préparé son exposé et espérait avoir songé à tout. Il déroula le parchemin sur la table basse, dégageant légèrement les tasses encombrantes au passage.

« La nation du feu est en train de se préparer à fêter le solstice d’hiver, expliqua-t-il comme si il s’agissait d’un cours. Selon la tradition, les représentants du feu doivent s’incliner devant la glace en présence de leur peuple. Exceptionnellement, les portes du palais seront ouvertes d’ici demain. Il y aura une grande cérémonie dans l’enceinte royale. Les menuisiers sont en train de fignoler les baraques des différents forains et autres commerçants ambulants. Ce seront trois jours de fêtes intempestifs. »

Tout le monde releva la tête à cette explication et échangèrent un regard entendu. Une Aaile de la bâtisse royale ?

« Oui, c’est notre chance, répondit Sasuke à la question muette de tous.

-Comment ? questionna Shikamaru, intéressé par les futures propositions de ce jeune impétueux.

-Vous allez infiltrer le palais royal durant le dernier jour de fête. Les esprits seront grisés et également confiants avec la fin proche du festival. Neji n’a pas l’autorisation de se montrer puisqu’il est confiné dans l’aile de la Lune mais, vous, vous pouvez vous rendre dans la salle sacrée dédiée à la déesse lunaire, dit-il en désignant les diverses parties sur son plan.

-Nous ne sommes pas très religieux…

-Il vous suffira de vous déguiser en bonzes et en prêtresses. Neji doit également se rendre dans cette salle afin de prier les divinités. Il est un enfant sacré. Il doit être capable d’accomplir certains rites et cérémonies en lien avec son statut. Les gens de ce pays sont très superstitieux. Je serai son unique garde du corps. Orochimaru se leurre dans son confort et sa protection qu’il estime impénétrable, ajouta-t-il avec dédain.

-C’est une belle tactique pour atteindre notre objectif, jeune Uchiwa, mais le plus difficile n’est pas d’entrer. C’est de ressortir, vivant de surcroît. As-tu quelque chose à nous suggérer ?

-Je… Je n’y ai pas encore réfléchi… »

Shikamaru se tourna vers Ino. Ils échangèrent un regard comme si chacun pouvait lire dans l’esprit de l’autre. Ils avaient régulièrement travaillé ensemble dans leur vie antérieure quand leurs différentes nations s’étaient unies contre un ennemi commun. Le tacticien connaissait par cœur les différentes techniques de la guérisseuse et ses capacités lorsqu’il s’agissait d’infiltration.

« Tu penses à la bataille des collines de Ciney ?

-Exactement.

-Pouvez-vous nous expliquer votre charabia ? s’énerva le Renard que les sous-entendus agaçaient au plus haut point.

-Cette bataille semblait perdue d’avance : nous étions en sous-effectifs, épuisés et à découvert dans les collines du village de Ciney. Tsunade avait découvert non loin de notre base un champ de variété de fleurs assez intéressantes.

-C’étaient des Papaver somniferum, appelés communément des Pavots à opium. J’ai broyé leur pollen et pu le répandre sur nos ennemis grâce aux vents soufflant sur les plaines. En quelques minutes, l’armée de nos opposants s’est endormie. Nous avons pu les vaincre sans trop de mal.

-Penses-tu qu’il y en ait dans cette région ?

-Je ne pense pas. Toutefois, je peux faire le tour des herboristes de la ville. Ils en vendent en petite quantité. Intelligemment préparée, la fleur peut se distiller en excellent breuvage relaxant. Il me faudra visiter plusieurs boutiques. Acheter une si grosse quantité de ce produit en une fois pourrait attirer l’attention.

-C’est bien beau tout cela mais comment l’utiliser correctement ?

-Tenten, Rock Lee, vous êtes assez habiles. Vous allez nous concocter un spectacle d’acrobaties, déclara Shikamaru.

-Pas de problème, chef !

-Comment ça ? intervint Tenten. Tu m’excuseras, tête de palmier, mais je ne m’exhibe pas pour les beaux yeux de n’importe qui.

-Ne t’emporte pas de cette façon. Cela ne sied pas à une dame de ton rang. »

Tenten, irritée par ces remarques, but une gorgée de thé chaud. Elle était en ébullition à l’intérieur. Elle se sentait perdre pied depuis quelques temps. Toute la maîtrise et la sérénité qu’elle avait acquises depuis de nombreuses années d’entraînement au sein de la Racine (la plus prestigieuse organisation de renseignement du monde) lui échappaient. Elle sentait son être se distiller dans ce corps juvénile. Réfléchir de manière cohérente et calculée devenait de plus en plus difficile pour l’ancienne espionne. « Tenten » émergeait progressivement au détriment de « Anko ».

L’enfant serra la tasse blanchâtre. Ils ne devaient pas savoir. Personne ne devait savoir qu’elle était sur le point de flancher. Elle devait se ressaisir. Elle devait se concentrer sur sa tâche jusqu’à son arrivée à Konoha. Elle s’était déjà sortie de situations bien plus périlleuses. Il suffisait de réguler son chakra harmonieusement. Elle inspira et expira doucement. Enfin, apaisée, elle reporta son attention sur son interlocuteur.

« Je t’écoute », dit-elle d’une voix plus posée.

Le jeune garçon préféra ignorer les dernières minutes écoulées. Il n’était pas dupe, tout comme ses confrères. Tenten présentait les symptômes de leur mal. Elle était le futur que le destin leur réservait s’ils ne se hâtaient pas. Dans quelques temps, il était possible que la folie s’emparât de son esprit si fantastique fut-il.

« Vous allez distraire l’assemblée pendant que les personnes déguisées rejoindront Neji et Sasuke. Lors de votre représentation, Vous lancerez un nuage de pollen. Les personnes présentes s’endormiront paisiblement sans se douter qu’elles ont été manipulées. Je suis sûre qu’on mettra ça sur le compte du vin.

-Tout le monde ne sera pas présent au même endroit au même moment. Que fais-tu des gardes qui feront leur ronde ou des serviteurs dans les cuisines ?

-C’est là que notre petite Ino entrera en action. Tu es astucieuse. Je suis sûre que tu pourras t’immiscer dans les cuisines pour mélanger le pavot avec l’eau ou la nourriture des gardes.

-Il faudra être synchronisés si on ne veut pas que quelqu’un s’aperçoive de notre petit tour de passe-passe.

-Donc on entre et on sort incognito. Et ensuite ? demanda Naruto.

-Il a raison. Nous devons réfléchir à la suite de nos actions. Nous ne pourrons pas demeurer dans la cité. On nous recherchera, expliqua l’enfant du désert.

-Toi et moi, cher Gaara, continua Shikamaru, irons en repérage. A nous deux, nous devrions être capable d’installer des pièges pour nos éventuels poursuivants ainsi que de choisir un itinéraire sans risque. Jiraya, tu es un adulte. Tu nous aideras à nous procurer le matériel nécessaire à notre entreprise. Des enfants qui vont acheter des outils, cela serait trop suspect.

-Bon ! Récapitulons ! intervint Sasuke. Lee et Tenten feront diversion ainsi que Ino avec le pavot. Shikamaru, Gaara et Jiraya s’occuperont de notre fuite une fois que nous ayons franchi les murs de l’enceinte. Je m’assurerai que Neji soit au rendez-vous et seul. Ce qui veut dire que Naruto et Sakura seront le bonze et la prêtresse déguisés. »

Le précité se renfrogna. Il avait bien sûr l’habitude des déguisements. Il n’hésitait pas à en user quand les circonstances l’imposaient. Cette mission risquait d’être dangereuse. Sakura et lui allaient se jeter dans la gueule du loup. Il n’aimait pas cela. Son instinct non plus. Il devait se montrer méfiant.

« Où allons-nous trouver les costumes de cérémonie ? demanda la jeune fleur.

-Je m’en occupe », déclara Sasuke.

Il prit congé peu de temps après. Ils avaient convenu d’une date pour passer à l’action. Ils avaient deux semaines pour tout mettre en place. C’était un temps largement suffisant pour acquérir un minimum de confiance en la mission et réaliser les repérages nécessaires.

Les nouveaux arrivants s’intéressèrent à la maisonnée qu’ils n’avaient pas encore eu le temps d’inspecter. Chacun fut satisfait de ses quartiers.

Naruto obligea sa protégée à le suivre dans leur chambre. Il l’assit sur le lit et se tint devant elle.

« Fais ton tour de passe-passe.

-Pardon ?

-Use de ton pouvoir. Je veux connaître les possibilités de réussite de notre projet.

-Si tu veux… »

La très jeune fille ferma les yeux et se concentra. Un picotement vint chatouiller l’homme derrière la nuque. La magie se manifestait. Il se déplaça légèrement afin de dissiper l’engourdissement que ce prodige occasionnait toujours. Il était nerveux mais le cacha.

Quand Sakura ouvrit les yeux, elle était totalement possédée par sa vision.

« C’est la nuit. Je marche dans des couloirs sombres aux riches parures. Je suis seule mais j’entends des pas à mes côtés. Cela doit être Naruto. J’entre dans une pièce. La statue d’une lune en argent est au centre. Un jeune garçon à la longue chevelure noire est agenouillé devant. Sasuke apparaît brusquement et l’aide d’une main à se relever avec grâce. Il se retourne. Il sourit mais ce sourire n’atteint pas ses yeux. Il a l’air si triste et heureux à la fois. Ce sont de joyeuses retrouvailles. Et puis… Et puis… Tout s’efface… »

Sakura fut épuisée. Elle perdit l’équilibre et s’effondra en avant. Son protecteur la rattrapa juste à temps. Il s’accroupit face à elle, ses larges mains enfermant les épaules fragiles de la fleur. Elle releva la tête.

En chiens de faïence, aucun des deux n’avait besoin de prononcer un mot pour comprendre ce que l’autre ressentait. De la crainte, de l’inquiétude habitaient ces beaux yeux myosotis. Cela était inhabituel chez cet homme si brave. La jeune fille s’imprégna de cela, se perdit dans ce sentiment improbable mais pourtant existant que l’autre ressentait pour elle. Leurs âmes se connectèrent, osant franchir les barrières que les corps se dressaient. Ils communiquaient sans communiquer.

« Que s’est-il passé ? chuchota Naruto, de peur de briser ce lien entre eux.

-Quelqu’un n’a pas pris sa décision. Il existe une possibilité d’échouer. Cela ne vient pas de notre côté, c’est au sujet de la sécurité du petit Hyûga. Que va-t-on faire s’ils nous capturent ? S’ils te capturent ? dit-elle en s’accrochant à la tunique de son compagnon.

-Je t’ai toujours protégée et je continuerai de le faire. Ne t’inquiète pas ! »

Afin d’achever le réconfort désiré, le Renard serra sa petite fleur de cerisier contre lui. Il n’était pas sûr de la suite des évènements. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était tout faire pour tenir ses promesses.

 

 

Les clochettes tintèrent doucement aux oreilles. Cela donnait un aspect sacré à la progression. Le bonze à la chevelure dorée vérifia une nouvelle fois ceux qui l’entouraient. Le ninja de l’ombre avait bien œuvré. Les sentinelles religieuses, les apprentis ou les servantes pieuses avaient tous été hypnotisés. Tous étaient persuadés que le bonze et la prêtresse de la lune étaient leurs dirigeants légitimes.

Kyûbi sourit en Naruto. Il appréciait l’efficacité du gamin Uchiwa. Il expliqua à son frère humain le bon fondement d’avoir retardé son trépas jusqu’à maintenant. Le jeune homme était d’accord. Ils avaient encore besoin du shinobi pour un temps incertain, même si son regard ténébreux glissant sur sa petite protégée lui déplaisait grandement.

Ses saphirs coulèrent naturellement sur la fille marchant à sa droite à son énonciation. Elle l’avait surpris lorsqu’elle était apparue devant lui avec cette robe blanche. Cette couleur lui conférait une apparence lumineuse, rehaussée grâce aux accessoires dorés situés à ses poignets et sur sa tête. Une légère teinte rosée avait été appliquée avec soin sur ses lèvres et ses paupières. A cause de la jupe serrée, la fleur se déplaçait par petits pas, jouant des hanches pour mettre un pied devant l’autre en évitant de s’empêtrer inutilement et risquer une chute des plus désagréables. Ce mouvement, d’abord maladroit, n’était pas dépourvu de grâce et de sensualité.

Le démon n’en avait pas cru ses yeux quand elle s’était avancée sur lui. Evidemment, assis les bras croisés dans le petit salon, il n’en avait rien montré. A peine avait-il haussé un sourcil lorsqu’elle s’était approchée de lui. Pourtant, la jeune Sakura avait souri, de ce sourire timide qu’ont les adolescentes face à un compliment. Elle était parvenue à voir au-delà de sa mine patibulaire. Parfois, cette petite l’impressionnait.

Durant l’avancée solennelle, Naruto vit les deux autres gamins s’agiter au centre de la place des fêtes exécuter avec dextérité des acrobaties sous l’œil attentif de son ancien compagnon d’armes. Ils avaient convenu que deux enfants seuls proposant des spectacles ambulants étaient peut-être suspects. Aussi, Jiraya s’était proposé pour être leur mentor, du moins, le temps de cette supercherie. Ino, quant à elle, n’avait eu aucun mal à se faire engager comme commis de cuisine durant ces trois jours de fête. Les cuisiniers étant fort quémandés, ils avaient besoin de soutien aux fourneaux et aux courses.

Pour l’instant, la procession se déroulait sans heurt. Ils avaient commencé à marcher depuis le temple le plus proche du palais, traversé les rues illuminées, franchi les larges portes dorées, fait le tour des différentes baraques et, enfin, s’étaient engagés dans le pavillon de la lune au sein de la demeure royale. Les couloirs n’étaient éclairés que par quelques bougies. Même si cela était suffisant pour se diriger, les lieux se voulaient sombres et inquiétants.

Naruto était de plus en plus nerveux. Il y avait trop d’odeurs, de bruits, de monde. Il n’arrivait pas à déterminer les différentes présences dans ces pièces. Sakura le remarqua immédiatement. Elle posa une main sur son avant-bras et le serra doucement. Au lieu de l’apaiser, cet acte l’exaspéra davantage. Il reconnaissait le geste louable de sa partenaire mais elle affichait devant tous son besoin de réconfort, une faiblesse qu’il ne pouvait accepter. La jeune adolescente retira sa main. Cette mission serait plus compliquée qu’elle ne le pensait.

Les élus des dieux stoppèrent leur avancée devant deux portes argentées. Une lune noire était dessinée sur les parois de bois. Deux sentinelles se positionnèrent de part et d’autre des portes et les ouvrirent en même temps lentement, marquant davantage le caractère sacré du geste. Les servantes s’agenouillèrent ainsi que les apprentis. Ils attendraient en silence le retour de leurs dirigeants pendant que ceux-ci officieraient dans le sanctuaire.

Naruto et sa protégée pénétrèrent dans la salle non sans méfiance. Jusqu’à présent, tout s’était déroulé exactement comme ils l’avaient prévu. Cela était même trop simple, trop facile au goût du démon.

A l’intérieur, un jeune garçon était agenouillé au pied d’une statue argentée représentant la déesse de la lune accompagnée de son animal fétiche. Il était surveillé par Sasuke Uchiwa qui sortit de l’ombre à leur approche. Le shinobi leur fit un signe de la tête leur confirmant que rien n’était à signaler. Pourtant, Naruto avait le poil qui se hérissait en signe de danger. Ses sens ne pouvaient l’aider et cela ne faisait qu’accroître sa contrariété. Ses yeux allaient d’un coin à l’autre de la pièce, prêt à se battre à la moindre entourloupe.

Sans se retourner, l’enfant-vision se leva avec lenteur. Les mains jointes en une prière muette, il fit un demi-tour sur lui-même. Il avait la tête baissée mais, quand il la releva, Sakura y lut une grande culpabilité. Aussitôt, elle fit appel à son don. Jamais, auparavant, elle n’avait été aussi rapide pour accéder à son état de transe et ce qu’elle y vit lui déplut grandement.

« Je suis désolé, murmura le dernier enfant Hyûga. Tu n’aurais pas dû venir.

-Naruto, c’est un PIEGE ! » hurla Sakura.

Aussitôt des hommes sortirent de l’ombre et foncèrent sur le démon. Ce dernier ne se fit pas prendre au dépourvu. Il les envoya valser à coups de poings et de pieds. Sasuke voulut intervenir mais il fut pris en traître par son ancienne coéquipière Karen. Celle-ci surgit de nulle part et le plaqua au sol. Avec vélocité, elle posa sa main sur son torse après avoir dégagé les pans de son kimono et y apposa des sceaux d’entrave. Sasuke était immobilisé au sol.

« Karen, susurra le ténébreux, regarde-moi dans les yeux.

-Mais je le fais, mon cher Sasuke, et je dois t’avouer que je les trouve magnifiques.

-Que...

-Inutile ! Je viens de sceller ton pouvoir. Tu es inoffensif à présent. »

Le jeune homme laissa échapper un rugissement de rage.

Sakura combattit les hommes s’attaquant à elle. Elle n’avait pas hésité une seconde à déchirer sa jupe. Ainsi, elle se mouvait plus facilement. Elle contra aisément certains assaillants comme le lui avait appris Naruto. Elle pesta contre le fait d’être dénuée de son arc. Cela faisait un moment qu’elle ne possédait plus cette arme mais elle était incontestablement plus douée avec l’arme de jet qu’au corps à corps.

Brusquement des serpents visqueux s’enroulèrent autour de son corps menu. Elle fut tirée en arrière sans parvenir à se délier ou encore à riposter d’une manière ou d’une autre. Elle sentit des mains froides se refermer sur ses bras, des mains qu’elle connaissait et qui lui firent naître une angoisse au creux de son être.

« Arrête tout de suite ou je broie la fillette », claqua une voix lugubre.

Immédiatement, le démon se tourna vers le propriétaire de cette voix. Il ne réagit pas quand les ninjas en noir le plaquèrent violemment contre les dalles dures. Quatre hommes le maintinrent au sol, un homme pour chacun de ses membres. Naruto était face contre terre mais il parvenait tout de même à la relever un peu pour observer son interlocuteur.

C’était un homme grand, à la peau blanche et aux longs cheveux noirs. Ses traits respiraient la malhonnêteté et le sadisme. Un rictus mauvais s’était peigné sur ses lèvres à la vue de son ennemi à terre. Il tenait fermement la petite entre ses doigts fins aux ongles pointus. Il lui faisait mal en lui serrant les bras dans un angle douloureux. Il puait, une odeur malfaisante. Cet homme n’aurait aucun scrupule à blesser la gamine si cela servait son intérêt.

Naruto fit mine de se relever, prêt à en découdre avec cet homme inconnu.

Le tortionnaire tira un peu plus sur les membres de sa prisonnière lui faisant lâcher une légère plainte de douleur.

« Taratata, mon cher Naruto. Tu bouges et je lui arrache un bras. J’ai besoin d’elle vivante. Peu importe si elle est un peu abîmée ou non. Je peux t’assurer que j’ai le savoir nécessaire pour la maintenir en vie tout en la mettant au bord de la mort. Cette petite puce me suppliera mille fois de la tuer », dit-il en lui léchant la joue.

Sakura ne réprima pas une grimace de dégoût à ce toucher gluant. Qu’est-ce qu’ils avaient tous à se montrer dégueulasse quand ils voulaient jouer les méchants ?

« Il le fera, souffla Sasuke. Maître Orochimaru n’hésitera pas une seconde à pousser sa curiosité malsaine à ce genre d’horreur.

-Bref, c’est un détraqué, commenta Naruto.

-Naruto ! Ne t’occupe pas de moi ! Tue-les tous ! Sauve ta peau !

-Hinata-sama, tu te préoccupes encore de cette chose alors qu’il a déjà causé ta perte par le passé. Décidément, je ne comprendrai jamais ton enthousiasme pour cette créature de l’enfer. »

Neji, qui s’était tenu près de la statue durant tout le combat, s’était approché des shinobis tout en prononçant ces paroles incompréhensibles. Il avait les mains croisées dans le dos et marchait avec nonchalance, comme un instructeur inspectant ses nouvelles recrues.

« Neji… Pourquoi ? articula difficilement la fleur de cerisier.

-Pourquoi ? répéta maître Orochimaru. Mais parce que cet enfant te déteste. Tu es la cause de tous ces maux, de son mal-être, de l’extinction du clan Hyûga. Tu crois que nous l’avons emprisonné. C’est lui qui est venu jusqu’à nous et qui s’est mis spontanément à notre service.

-Tu… Tu avais dit… le passé est le passé… Nous ne sommes en aucun cas responsables de la perte du clan.

-Toi, peut-être pas. Je peux te pardonner ton aveuglement, Hinata-sama. Tu as sans doute été ensorcelée par cette chose, dit Neji en se mettant face à Naruto. Mais lui… Lui, il ne mérite que la mort. Il m’a déshonoré. Il m’a tué. Il m’a tout volé !

-Sale gamin prétentieux ! Qui es-tu à la fin ? »

L’enfant ne répondit pas à l’exigence du Renard. Il se contenta de le fixer d’une expression indéchiffrable. On aurait dit qu’il évaluait les options qui s’offraient à lui. Ses paroles avaient été dures mais elles manquaient un peu de conviction à l’oreille de la jeune adolescente.

Orochimaru partit dans un rire sans joie. Il répondit à la place de l’enfant-vision aux interrogations de ses prisonniers.

« Il est la réincarnation d’Itachi Uchiwa.

-Mon frère ?»

 Sasuke observa plus attentivement l’enfant sur sa droite. Comment n’y avait-il pas pensé plus tôt ? Cet étrange garçon qui lui souriait toujours avec complicité... Il avait toujours eu le sentiment qu’il devait le protéger. Il n’avait jamais ressenti comme une corvée de s’occuper de cet enfant sacré, au contraire, il se sentait… serein.

Sasuke voulut se relever. Karin appuya sur sa poitrine et le coucha de nouveau contre le marbre sombre de la salle. Une décharge douloureuse se propagea dans le corps du jeune homme vaincu. Sous le coup de la surprise, il laissa échapper un petit cri de douleur. Neji, ou plutôt Itachi, suivit cet échange du coin de l’œil, pinçant les lèvres de contrariété.

 « Kabuto ! appela Orochimaru. Assure-toi que notre monstre préféré reste tranquille jusqu’à la salle d’examen. Je sens que je vais bien m’amuser à décortiquer ce corps et à en comprendre les mécanismes. »

 Un homme d’une vingtaine d’années entra dans la pièce calmement. Il était frêle et peu bâti. Il avait tout de l’intellectuel : les cheveux gris mi-longs sans soin, les petites lunettes rondes, le regard froid et calculateur. Il portait avec lui une petite sacoche en cuir. Il la posa devant le Renard toujours maintenu au sol par les sbires d’Orochimaru. Il en sortit un scalpel à la lame très aiguisée. Sans état d’âme, le jeune homme approcha son instrument de mort près du visage. Il dessina dans le vide des traits autour des yeux couleur de pluie, indécis sur la technique à appliquer.

 « Maître, préférez-vous que je le rende aveugle tout de suite ou que je commence par sectionner les tendons des membres ?

-T’as pas intérêt à me toucher, espèce de détraqué !

-Tu me déçois, mon petit Naruto. C’est très vilain de parler de cette façon. Les jeunes filles pourraient en souffrir, insista l’homme aux allures reptiliennes en tordant davantage les bras juvéniles.

-Salaud !

-Commence par les membres, Kabuto. Je veux qu’il assiste à sa fin, ce misérable.

-Courage, mon frère. Tu as déjà connu pire. N’oublie pas que tu cicatrises plus vite que la moyenne. Je ferai en sorte de t’envoyer du chakra le moment venu et nous interviendrons pour sauver la petite. »

Naruto ne pouvait qu’acquiescer aux paroles de son frère Renard. Il grimaça au moment où la lame entailla sa peau halée. La coupure était profonde. Il n’y allait pas de main morte, ce Kabuto. Le démon perçut même une lueur de plaisir dans ce pseudo-docteur fou.

Sakura commença à paniquer. Elle n’avait pas oublié les mots qu’elle avait prononcés jadis devant ses pairs.

 « Naruto est un homme fort, très fort. Mais, comme tous les hommes forts, il s’écroulera comme un château de cartes dès que sa faiblesse sera exploitée. »

 Elle était la faiblesse de cet homme. Tant qu’ils la tenaient, ils le tenaient lui. Si brave, si courageux, si fort, il subirait la douleur pour elle. Il les laisserait le découper si cela pouvait épargner sa vie à elle. La fleur ne pouvait le supporter. Déjà, elle voyait le sang de son protecteur s’échapper de son être. Naruto ne criait pas mais serrait les dents, crispant ses traits dans une expression silencieuse de douleur. Elle ne pouvait les laisser agir. Naruto allait se faire tuer à cause d’elle. Plus elle y pensait, plus cette idée la rendait folle. Il fallait qu’elle se dégageât de l’emprise de cet homme. Il fallait qu’elle ne fût plus un poids pour le Renard.

Comment faire ? Sakura possédait une force surhumaine pour son âge mais elle avait déjà constaté que cela était insuffisant face à Orochimaru. Elle ne pourrait le battre au corps à corps. Elle ne pourrait se délivrer de la prise de sa poigne de fer. Elle aurait pu se débattre. Elle aurait pu gigoter dans tous les sens. Cela n’aurait causé que souffrances sans pour autant obtenir la liberté désirée. A moins que… A moins que la souffrance fût le but recherché.

En une fraction de seconde, la fleur de cerisier se décida. Cela allait faire mal, néanmoins, cela en vaudrait la peine. Elle se prépara mentalement. Elle compta jusqu’à trois. Puis, elle mit toute sa puissance dans son geste. Elle se tourna en avançant. Comme elle l’avait prévu, Orochimaru ne la lâcha pas. Elle entendit d’abord le bruit sec, désagréable, avant de ressentir la vague de douleur le long de son bras gauche.

Elle venait de casser son bras.

L’angle provoqué par la cassure empêchait le vil serpent de maintenir sa prise. Il fut obligé de la libérer. Il voulut la rattraper. Sakura fut plus rapide que lui. Elle se laissa tomber au sol et roula hors de sa portée.

 « NARUTO ! aboya-t-elle, ivre de douleur. MAINTENANT ! »

De rage, Orochimaru la frappa au visage. Il l’attrapa et écrasa sa tête contre le sol. Elle sentit la pierre se fissurer sous elle. Des coups de pied la firent se retourner. Une ire incontrôlable mélangée à un air sadique s’exprimait sur le visage de ce fou aux longs cheveux noirs. Il était furieux contre cette gamine impudente qui avait osé s’interposer entre lui et ses futures expériences. Elle devait être son garde-fou pour contrôler cette créature de l’enfer. Pas un grain de sable dans sa machine bien huilée !

 Le démon-renard ne se fit pas prier. Il laissa le chakra écarlate de Kyûbi l’envelopper immédiatement. Il se débarrassa de ses gardiens comme s’ils étaient des fétus de paille. Ses ongles, colorés en noir, s’allongèrent devenant mortellement dangereux. Dès qu’il libéra son bras valide, il trancha la gorge du dénommé Kabuto. Ce dernier porta ses mains à son cou, dans le futile espoir d’arrêter le liquide organique cramoisi de s’écouler.

Neji profita de cet instant pour s’approcher de Karin. Il la saisit par la gorge, plongeant son regard vermeil serti de gouttes noires dans les siens. Malgré la réincarnation, il n’avait rien perdu de ses facultés des Uchiwa.

 « Personne ne touche à mon frère, personne ! »

 Aussitôt, la jeune femme cria de terreur. Son emprise sur Sasuke se dissipa. Neji aida son ancien frère à se lever.

 « Mais comment… ? Tu es un Hyûga à présent…

-Nous gardons certains pouvoirs de nos anciennes vies, petit frère. Prends Hinata-sama. L’autre est trop perturbé pour s’occuper d’elle.

-Tout de suite ! »

 Sasuke accourut auprès de la jeune fille. Il l’assit précautionneusement en faisant attention à ne pas aggraver sa blessure. Sakura gémit misérablement. La cassure l’élançait tellement qu’elle en avait perdu toute capacité à raisonner ou à se contenir. Sa mâchoire l’élançait également. Elle ne doutait pas un instant qu’un bel hématome s’épanouirait bientôt sur la partie gauche de son visage. Pour la première fois depuis qu’elle avait rencontré Naruto, elle n’était que la petite chose fragile qu’elle semblait être.

Sasuke vit une ombre devant lui. Quand il releva la tête, il rencontra le regard chargé de fureur de son ancien ami. Il déglutit difficilement à la vue de tout ce sang sur ses vêtements et sa peau, de ses canines pointues que ses lèvres ne parvenaient plus à cacher. Le démon le toisait de toute sa hauteur. Sasuke avait intérêt à être fin s’il ne voulait pas mourir à présent qu’il avait retrouvé son grand frère.

 « Ne la touche pas, dit implacablement le Renard.

-Il faut la transporter. Nous avons besoin de toi pour nous ouvrir un chemin vers la sortie. Mon frère est trop petit pour le faire.

-Laisse ce traître pourrir dans cette prison.

-C’est mon frère ! De plus, les enfants-visions ont besoin de lui. Nous devons l’emmener. Où est Orochimaru ?

-Il s’est enfui, le lâche ! »

 Cela n’étonna guère le ninja de l’ombre. Son maître n’entamait jamais un combat qu’il n’était pas sûr de gagner. Il préférait la ruse et la traitrise. Une fois toutes les cartes en main, il s’élançait fièrement dans la bataille, s’illusionnant d’être un guerrier redoutable.

Sakura eut du mal à réaliser la suite des évènements. Elle comprit que Sasuke la portait dans ses bras, que Neji les suivait en courant. Les gardes royaux ainsi que la cour avaient manifestement été endormis par les bons soins des autres. Naruto n’eut à combattre que des membres de l’organisation.

Shikemaru et Gaara avaient préparé des chevaux aux portes du palais. Son démon se disputa brièvement avec Sasuke pour savoir lequel des deux la garderait contre lui durant la chevauchée. Naruto en sortit victorieux.

Tandis que l’animal galopait avec frénésie, Sakura sentit la main chaude de son compagnon la soutenir. Cette sensation était un bonheur sur ses côtes. Elle devait également avoir des blessures à l’abdomen. Cette vipère l’avait vraiment bien amochée.

Sakura entendait les murmures encourageants de Naruto à son oreille, l’exhortant de rester avec lui, de tenir le coup ou encore critiquer sa démarche stupide de ces dernières heures. La jeune fille ne parvenait plus à garder les yeux ouverts. Elle n’était que douleur et souffrance. Elle essayait de se concentrer sur la voix grave de son protecteur où elle entendait des pics d’inquiétude. Cela la toucha. Elle chercha à se lover du mieux qu’elle le pouvait contre lui, en quête de son odeur, de son confort. Naruto pesta contre son laisser-aller. Ils étaient en fuite et non en promenade romantique.

 « S’il a le temps de râler, c’est qu’il va bien », pensa-t-elle.

 Avec un sourire aux lèvres, elle sombra dans l’inconscience.



Mot de l'auteur


Merci d'avoir lu ce chapitre. Plus qu'un seul chapitre et le tome 1 sera terminé! J'espère que cela vous plaît toujours autant. À la semaine prochaine!


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