L'ombre du renard

Chapitre 5 : Tome 1 - Ruse

4806 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 22/03/2024 17:13

5. Ruse

 

Le seul moyen de survivre dans ce monde cruel est de ruser.

Bernez votre environnement,

vous pourrez ainsi le manipuler selon votre désir.

Évitez, cependant, de vous mystifier avec vos propres mensonges.

 

 

Naruto titubait entre les arbres. Il n’était pas faible ni blessé ; il semblait épuisé par la vie. Quelque chose lui avait ôté toutes forces vitales. Il trébucha à de nombreuses reprises sans chuter pour autant. Ses bras pendaient le long de son corps ; la pointe de son sabre tenu dans sa main droite traînait contre le sol, produisant de petits bruits métalliques intermittents lorsque la lame rencontrait des pierres. Le Renard était maculé de la tête aux pieds de sang. Était-ce le sien ou celui d’un autre ? Une fois de plus, Sakura n’aurait su le dire car il lui était impossible de déterminer une quelconque coupure sur son corps. Grâce à la connaissance du secret qui habitait le démon, elle comprenait cette absence de traumatisme physique.

 « Encore ce rêve », songea-t-elle tandis qu’elle assistait pour la deuxième fois à la même scène.

 Soudain, l’homme s’effondra. A genoux, il planta son sabre court dans la terre meuble. Il serra la poignée des deux mains et y cacha son visage. La jeune fille comprit qu’il pleurait aux soubresauts qui parcoururent son dos. Elle voulut le toucher, le rassurer d’une quelconque façon. Sa main traversa le désespéré. Un fantôme, voilà tout ce qu’elle était dans cette dimension. Impuissante, elle était un spectre du passé, condamnée à contempler le futur, incapable de toute interaction.

 « Sakura-chan, hoqueta-t-il. Pourquoi as-tu fait cela, Sakura-chan ? »

 Qu’avait-elle bien pu faire ? Pourquoi les dieux lui avaient-ils octroyé ce don magnifique si elle ne pouvait saisir le sens de ses visions ?

 « C’est ce qu’il risque d’arriver si tu persistes dans cette voie », souffla une voix féminine derrière elle.

 Le rêve se poursuivit. La jeune fleur put se retourner et se trouva nez à nez avec une magnifique jeune femme. Elle était très grande, aux rondeurs affriolantes. Sa longue chevelure d’ébène encadrait son visage de poupée. Ce dernier était rond, sans aucune imperfection, le nez retroussé, la bouche sensuelle. Sakura fut impressionnée par ces yeux étranges, opalins, dont on ne pouvait distinguer l’iris des prunelles. Des yeux emplis de magie ! Un kimono au blanc immaculé habillait cette beauté incarnée.

 « Un esprit du passé ? Dans une vision du futur ? » s’étonna l’enfant-vision.

 L’inconnue esquissa un léger sourire, comme si elle répondait au monologue intérieur de la jeune adolescente. La vision s’estompa. La clairvoyance de la jeune fille se brouilla ; le rêve s’effaça.



 « Attends ! » cria Sakura.

 Elle tendit la main mais cette dernière se referma sur du vide. Une lumière aveuglante apparut. Il fallut un instant à la demoiselle pour réaliser qu’elle venait de s’éveiller, le bras toujours tendu devant elle. Elle cligna des yeux à plusieurs reprises. Elle désirait remettre de l’ordre dans ses idées avant d’esquiver le moindre geste.

Sakura avait échoué une fois de plus dans le lancer de kunaïs. Elle ne souffrait d’aucun problème de précision. La preuve avait été faite qu’elle possédait une exactitude extraordinaire au tir à l’arc. Le lancer de ses minuscules armes acérées demandait un mouvement plus prononcé, plus fluide, tout le contraire de la salve qui obligeait l’archer à maintenir une posture droite et rigide, évitant toute influence dans la trajectoire du trait par un déplacement imprévu. Naruto ne s’était guère privé de la complimenter sur son incapacité et sa condition de petite fille.

Comme punition, son maître l’avait forcée à courir quinze kilomètres au pas de course. C’était cela ou bien rester la tête en bas pendant deux heures, les pieds soudés à une branche à l’aide de son chakra. Elle ne se doutait pas de la torture du sang lui montant à la tête à l’éventualité du second châtiment. Aussi, elle choisit de mauvaise grâce de s’exécuter à la première proposition. Au bout des quinze kilomètres, Sakura s'était sentie exténuée. Alors qu’elle suait à grosses gouttes sous ce soleil estival, Naruto avait semblé à peine gêné par l’exercice effectué. La jeune fille s’en était énervée, jalouse des talents de son compagnon et de l’excellence de sa condition physique. 

Souriant devant l’épuisement de sa compagne, Naruto lui avait accordé le droit de se reposer. Sans se faire prier, la disciple s'était couchée à même l’herbe tendre à l’ombre d’un arbre non loin de la route principale. Avant de sombrer dans l’inconscience, elle avait deviné que son compagnon s’était assis à ses côtés.

Des ronflements bruyants parvinrent aux oreilles féminines et ramenèrent sa propriétaire au temps présent. Sakura tourna la tête en leur direction. Elle vit Naruto dormir du sommeil du bienheureux, un coulis de bave garnissant sa bouche entrouverte. Un sourire se dessina sur ses lèvres juvéniles. Elle eut envie de lui chatouiller le nez, de le tourmenter quelque peu comme il l’avait fait des heures plus tôt.

 « Espèce de fainéant, pensa-t-elle. Tout est prétexte pour une petite sieste, monsieur le grand donneur de leçons sur la nécessité d’un entraînement rigoureux. » 

 Sakura soupira et abaissa enfin son bras. Elle s’étendit tel un chat émergeant du sommeil du juste. Elle savoura la brise fraîche de cette fin d’après-midi. Les nuages fréquents et les souffles venteux aux nuances plus froides étaient annonciateurs de l’automne. Bientôt, il leur serait impossible de continuer leur route solitaire de village en village. Le temps ne leur permettrait plus de dormir à la belle étoile, sans allumer de feu qui plus est. La jeune fleur se perdit dans la contemplation des cumulus, attendant patiemment le réveil de son compagnon.

 « Alors, chérie, cela te dirait un peu de compagnie ? »

 Curieuse, Sakura s’assit. Au pied du monticule où elle se trouvait, la toisait un groupe d’hommes à l’aspect rebutant. Elle les compta mentalement. Ils étaient dix. Ils avaient tous une dégaine de criminel : mal rasés, vêtements déchirés et sales, mains sur les katanas prêtes à les dégainer, les regards sournois et les sourires carnassiers. Elle les jaugea un instant et les classa dans la catégorie « sans intérêt ». Aussi, fit-elle mine de se recoucher, totalement insouciante de leur réaction.

 « Hé ! Gamine ! On t’a posé une question !

-Chut ! chuinta-t-elle, un doigt posé devant sa bouche. Si vous le réveillez, dit-elle en montrant du pouce l’endormi, il sera en rogne. Et s’il est en rogne, je ne donne pas cher de votre peau.

-Mais c’est qu’elle se fout de nous, la bécasse !

-Nous sommes dix, reprit un autre en posant une main sur l’épaule de son compagnon en vue de le calmer. Ton grand frère ne pourra pas te protéger contre nous. Tu ferais mieux de nous obéir sagement, sinon, je te livrerai en pâture à mon ami, ici présent. Il est friand de jeunes enfants.

-Ouais ! J’adore leurs petits cris de douleurs quand je les pénètre violemment. C’est plus jouissif quand elles sont vierges, expliqua-t-il en passant sa langue sur ses lèvres.

-C’est quoi ce bordel ? intervint une voix ensommeillée.

-Oh ! Rien ! Juste des brigands qui veulent nous dépouiller », annonça Sakura en haussant les épaules.

 Naruto s’assit à son tour. Il bâilla bruyamment et se frotta les yeux. Ses articulations craquèrent quand il s’étendit, chassant par la même occasion les derniers effets de sa somnolence. Il posa un regard blasé sur l’attroupement en contrebas.

 « Barrez-vous ou je vous fais la peau.

-Tu m’étonnes, Naruto-kun. Tu leur laisses le choix !

-J’ai la flemme. Je préfère poursuivre cette journée paisiblement en te regardant suspendue à une branche, la tête en bas.

-Salaud ! Tu m’avais dit que je serais exempte d’un tel supplice si je courais tous ces kilomètres.

-Tu n’as pas su suivre mon rythme ! A cause de toi, nous avons perdu pas mal de temps dans ces bois. »

 Sakura grogna, contrariée par l’exercice à réaliser prochainement. Elle comprenait la nécessité d’un tel entraînement mais elle ne doutait pas un seul instant du plaisir malsain que son tortionnaire en retirait.

 « Hé ! Vous deux ! Un peu de respect pour le clan du Renard. Nous sommes redoutés dans plusieurs provinces. Vous allez nous donner tout votre or ainsi que vos objets précieux.

-Le clan du Renard ? » répéta le blondinet, incrédule devant une telle appellation.

 Sakura et Naruto échangèrent un regard entendu. La jeune fille haussa les épaules et secoua lentement la tête en signe d’incompréhension totale. Ni l’un ni l’autre n’avait jamais entendu parler d’un tel clan.

 « Ouais, reprit le plus grand des brigands. Je suis Naruto Uzumaki, le démon renard. Et voici ma troupe de joyeux compagnons. A présent que les présentations sont faites, vous devez certainement regretter de ne pas vous être exécutés immédiatement. Vous allez devoir payer le prix fort pour votre insolence ! »

 Le prénommé Naruto sourit fièrement suite à cette présentation. Il aimait planter la peur dans ses victimes. Il ne doutait pas un seul instant que le silence et les yeux ronds de ses proies étaient le signe que l’angoisse gagnait peu à peu leur âme. Bientôt, ils crieraient de désespoir et le supplieraient de les épargner. Après tout, ils n’étaient que deux, un jeune homme et une petite fille, et ils étaient une bonne dizaine. Ils n’en feraient qu’une bouchée.

Au lieu des pleurs et supplications, les jeunes gens éclatèrent simultanément de rire. La peur devait avoir provoqué cette hilarité nerveuse. Mais non ! Ils étaient réellement amusés.

 « Tu es vraiment très drôle, mon cher « Uzumaki ». Cependant, je ne peux accepter qu’un autre use impunément de mon nom. Je vais devoir te tuer.

-User de votre nom ? Vous seriez… Tu es…, dit le brigand, sentant la douloureuse morsure de la terreur qu’il infligeait habituellement à d’autres.

-Tout juste ! » sourit Naruto, laissant entrapercevoir son iris virer au noir.

 Avec une vélocité surnaturelle, le démon s’élança vers le chef des brigands. Ce dernier ne réalisa pas qu’il était mort avant que sa tête ne touchât le sol. Sa dernière pensée fut qu’il aurait une belle commotion à son réveil avec une pareille chute. Le crâne roula lentement vers les pieds de ses hommes. Le reste du groupe se prépara à combattre. L’acte était vain. Ils ne possédaient ni la force ni les compétences pour combattre une telle créature. Des doigts volèrent, des cris d’agonie retentirent, des gorges furent ouvertes. Le sang gicla, véritable fontaine écarlate au milieu des combattants.

Apeurés, deux hommes cherchèrent à s’enfuir, abandonnant lâchement leurs comparses. Leur course fut freinée par une flèche traversant l’œil du premier fugueur. Le deuxième trembla, détacha son regard du cadavre de son ami et releva la tête vers l’archère le menaçant d’une nouvelle flèche.

 « On veut déjà nous quitter ? » minauda Sakura en décochant son projectile.

 Le fuyard sentit le corps étranger en bois percer son cœur. La douleur fut intense mais brève. Ses gestes se disloquèrent avant qu’il ne touchât le sol.

La jeune fleur fut satisfaite de son habilité. Elle se félicita intérieurement. Elle n’avait rien perdu de ses connaissances malgré l’entrainement rigoureux de son maître pour toutes autres activités. Un coup sur l’arrière de sa tête interrompit sa complaisance. Se frottant le crâne, elle se retourna vers son agresseur à peine éclaboussé par son carnage.

 « Tu reprends tes mauvaises habitudes ! N’utilise pas cette arme de lâche ! Apprends à te battre !

-Tu estimes que je suis une lâche ? »

 Naruto se tut. Jamais, au grand jamais, il n’avait qualifié, même à lui-même, ce petit bout de femme de lâche. Il détestait les armes de jet. Cela rendait les gens fourbes, peureux sous prétexte de faire appel à la prudence. Et surtout, cela lui rappelait ses compétences à elle.

L’homme ouvrit la bouche puis la referma. Il tira sur les mèches courtes et rosées. Cela faisait bien trop longtemps qu’ils vagabondaient, tous les deux, dans la nature sauvage du pays. Il était grand temps de refaire surface dans le monde civilisé.

 « Viens. Tu as besoin d’un bon bain, espèce de mouflette. »

 Sakura voulut répliquer à cette insulte. Elle se ravisa quand elle comprit qu’elle échappait à son exercice shinobi contraignant. De bonne grâce, elle sautilla derrière son compagnon vers la ville la plus proche.

 

 

« Tu es moche comme cela ! » dit pour la centième fois Sakura.

 Couchée sur le ventre, les poings posés sur chaque joue, la jeune fille balançait ses pieds d’avant en arrière, caressant de ses orteils à chaque balancement les draps rugueux. Elle inspectait une nouvelle fois l’accoutrement de son renard. Ce dernier avait aspergé sa belle crinière blonde d’un produit éclaircissant. Ses mèches étaient devenues aussi blanches que celles d’un vieil homme. Il portait un drôle de casque qui masquait ses joues de son métal froid. Des vêtements larges, aux couleurs fades, masquaient la plastique parfaite de son corps athlétique.

C’était un stratagème vieux comme le monde : le déguisement. Camoufler ses cicatrices identifiables entre toutes ainsi que sa tignasse si particulière lui conféraient la liberté de se promener au nez et à la barbe de tous sans risquer de se faire repérer. Une ruse digne de son alter ego ! Quant à elle, l’adolescente n’avait nullement besoin de ce type de subterfuge. Personne, hormis les macchabées de Tomoéda, ne connaissait son existence. Elle devait juste se contenter de l’appeler « Grand frère Jiraya ».

 « Je n’ai pas le choix : nous avons besoin d’argent.

-Et les pièces que nous avons ramassées sur les corps de ces idiots ? Ne sont-elles pas suffisantes pour le moment ?

-Pour le moment, absolument. N’oublie pas que l’hiver va bientôt s’abattre sur le pays. Nous aurons besoin d’un toit et d’un bon feu si nous ne voulons pas finir congelés.

-Tiens, tiens ! Monsieur rêve d’un bon feu de bois ? questionna-t-elle ironiquement.

-Ne fais pas ta maline ! Quand le souffle hivernal se déchaîne dans la montagne, un feu est aussi important à ta survie que l’eau dans un désert. Si tu n’avais pas été élevée comme une princesse, tu comprendrais les difficultés rencontrées dans la vie.

-Je ne te permets pas !

-N’as-tu jamais été affamée ou mal habillée ? Les humeurs de la nature n’ont-elles pas malmené ta peau de pêche ? demanda-t-il, le sarcasme accompagnant le ton de sa voix.

-Je… A bien y réfléchir, je…

-Ne discute plus mes décisions ! Écoute ton maître et exécute-toi sans rouspéter !

-Tu es quand même un idiot mal fagoté, cria-t-elle en tirant la langue. Je vais m’occuper de ma peau de pêche, comme tu viens si bien de dire, avec un bain relaxant. Amuse-toi bien à ta représentation stupide, Ji-ra-ya-kun ! lança-t-elle en articulant lentement le dernier mot.

-C’est ça ! Occupe-toi donc de cette puanteur qui agresse mes narines », répondit-il en préparant ses accessoires.

 Sakura referma violemment la porte de l’auberge où ils séjournaient. Il exagérait, comme toujours. Ou alors, son odorat développé lui permettait de saisir des nuances désagréables dans son parfum naturel. La jeune fleur secoua la tête. Non ! Ce crétin se permettait de jouer avec ses nerfs. De plus, depuis qu’ils étaient entrés en ville, elle avait mis un point d’honneur à frotter minutieusement son épiderme délicat à la maison de bain, espérant secrètement un compliment de sa part.

 « Le spectacle de Jiraya-san va commencer. J’ai hâte d’y assister, piailla une femme de mauvaise vie au bar de l’hôtel.

-Tss ! » siffla rageusement Sakura.

 Elle détestait ces femelles. Offrir ses charmes en échange de quelques offrandes était une honte. Comment pouvaient-elles se regarder dans une glace sans mourir de déshonneur ? Sa contrariété s’accentua lorsqu’elle comprit à quel point ces péripatéticiennes portaient leur dévolu sur son compagnon.

La seule solution honorable qu’avait trouvée Naruto pour accumuler rapidement des écus d’or fut de proposer un spectacle d’acrobaties dans la partie théâtre de cette auberge. Le Renard n’hésitait pas à s’élancer dans des sauts de haute voltige ou à jongler avec des lames. Son tour le plus attrayant était sans conteste son sexy-jutsu. Les néophytes dans l’art ninja ignoraient les techniques de réplication ou de clonage. Aussi, ce tour passait pour magique. Naruto choisissait une geisha dans l’assistance et la faisait se déshabiller sur la scène. Au moment crucial où tous découvriraient ses parties les plus intimes, l’exhibitionniste disparaissait dans un nuage de fumée. Quelques secondes plus tard, elle réapparaissait, vêtue d’un autre kimono, se balançant sur le grand lustre de la salle. Le magicien, quant à lui, buvait une bière au bar, une prostituée à chaque bras.

Sakura qualifiait le spectacle de vulgaire et refusait catégoriquement d’y participer. Surtout que son maître lui inventait chaque jour un tour de plus en plus salace, prêt à tout pour diversifier ses tours et ameuter de nouveaux spectateurs aux poches bien remplies. L’aubergiste était ravi de cette popularité. Aussi, offrait-il le logement. Grâce à cela, la jeune fille put garder une partie de leur gain pour ses dépenses personnelles, d’où le luxe d’un bain quotidien dans les maisons spécialisées.

 En entrant dans l’eau fumante, la jeune fleur détendit ses muscles et ferma les yeux. L’entrainement de Naruto ne s’était pas arrêté avec cette vie sédentaire qu’ils menaient temporairement. Tous les matins, à l’aube, son maître l’éveillait sans ménagement. Sa journée commençait avec une centaine de pompes suivies par une centaine d’abdos. Ensuite, elle avait une liste de mouvements ou de techniques à apprendre durant la journée.

 « Si tu ne fais rien de tes journées, profites-en pour acquérir de l’expérience ! »

 Naruto n’avait pas tort. Toutefois, ces exercices étaient éreintants pour la frêle jeune fille. Elle regrettait de les effectuer seule. Comment pouvait-il savoir si elle pratiquait correctement cet art de l’ombre ? Il ne voyait aucun de ses progrès. En fait, bien qu’ils vécussent ensemble, ils ne se voyaient pratiquement plus. Naruto préférait la compagnie de vraies femmes.

Les doigts fins jouèrent avec la surface de l’eau ; leur propriétaire était perdue dans des pensées nostalgiques.

 « Notre grotte me manque, songea-t-elle. J’espère que nous ne resterons pas trop longtemps ici. »

 Sakura se relaxa une heure dans le bassin chauffé. Elle ne désirait pas assister à la représentation dégradante qu’offrait son renard. De plus, il avait parlé d’ajouter du miel ou un autre aliment dans son numéro le plus accrocheur. Elle préférait méconnaitre les détails obscènes. Après tout, si la fille était consentante…

Les joues rosies par la chaleur ambiante, la jeune fille se décida à partir. L’air frais du soir apaisa ses dernières contrariétés et ce fut l’esprit léger qu’elle marcha vers l’auberge. Son regard se promena même sur les différents étals des boutiques encore ouvertes à cette heure avancée. Son attention fut attirée par une bijouterie rudimentaire. Sa marchandise n’était pas spectaculaire au contraire des parures luxueuses, serties de pierres précieuses, des ateliers renommés. Une vingtaine d’anneaux étaient présentés avec une inscription bien étrange :

« Unis même désunis ! »

 Intriguée, Sakura s’approcha. Les anneaux étaient réalisés simplement. L’unique fantaisie de l’artiste résidait dans les gravures. Il y en avait avec des flammes, des fleurs, des feuilles. Toutefois, les bijoux étaient assemblés par paire : une bague large accompagnée par une à l’anneau fin et aux dessins plus travaillés. Elles étaient belles. Deux d’entre elles lui plurent. Aucun motif n’y était dessiné. Seulement de simples signes en katakana étaient frappés dans le métal argenté : « deux êtres, une seule destinée ».

 « Bonsoir, jeune demoiselle. Puis-je t’être d’une quelconque aide ? »

 Sakura releva prestement la tête, se rabrouant mentalement de s’être ainsi laissée piéger par la contemplation des bagues. Un vieil homme s’était approché et la fixait derrière de petites lunettes rondes. Il présentait un visage avenant et rassurant. La jeune fille ne se laissa pas berner. En chaque marchand sommeillait un requin des finances.

 « Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle en pointant du doigt l’objet de sa concupiscence.

-Oh ! Ce sont des anneaux de promesse. Dans nos montagnes, nous extrayons un métal particulier qui aurait des propriétés magiques. Si deux personnes portent les anneaux assortis, peu importe le chemin qu’ils prendront, ils se retrouveront toujours.

-Vous croyez que j’ai quel âge ? dit-elle en croisant les bras. Ce n’est pas parce que je suis jeune que je suis forcément crédule.

-J’ai peut-être exagéré la partie magique du produit. Avoue tout de même que deux personnes partageant un bien semblable amène de belles promesses de retrouvailles.

-J’accepte cette explication. Dis-moi ton prix, vieux radin : je les achète. »

 Le marchand tiqua à cette appellation. Ils mirent un moment à s’accorder sur un prix convenable. Bien que jeune, Sakura ne se laissa pas conter sur le marchandage. Elle connaissait son affaire.

Toute à sa joie, elle pénétra dans la chambre en sautillant, son minuscule paquet caché dans la bassine en bois qu’elle emportait pour le bain. Elle se figea à l’entrée de la pièce. Sur le lit, Naruto lui tournait le dos, complètement nu. Il besognait une des prostituées de l’auberge. Prise dans son euphorie, l’adolescente n’avait pas entendu les râles de plaisir s’échapper de la femme couchée dans le lit. Elle lâcha la bassine qui heurta bruyamment le parquet.

Naruto stoppa ses coups de hanche et tourna légèrement son visage vers l’intruse estomaquée. Celle-ci comprit à ses sourcils froncés et à sa mine hargneuse qu’elle n’était pas la bienvenue. Seul le souffle haletant de la femme meublait la pièce. Sans un mot, Sakura fit marche arrière lentement. Elle ne désirait plus voir cette expression. Ce Naruto-là ne lui plaisait pas ; celui-là n’était pas son protecteur ; celui-là était un démon de luxure, un dépravé.

Le cœur de l’intruse battait la chamade. Elle le savait pourtant. Elle savait que c’était un homme avec des besoins. Dès les premiers moments à ses côtés, il l’avait abandonnée pour rejoindre la couche d’une autre. Il était beaucoup plus âgé qu’elle. C’était à peine si elle pouvait le nommer son ami. Pourtant… Pourtant…

Des larmes roulèrent sur ses joues. Elle s’empressa de les effacer. Elle ne pleurerait pas pour un criminel. Son cadeau, il pouvait se le foutre où elle le pensait. Jamais, au grand jamais, elle ne partagerait cette paire avec lui. Un jour, elle découvrirait une belle âme avec qui elle souhaiterait plus que tout unir son existence.

Chagrinée malgré toutes ses auto-remontrances, elle percuta un quidam dans la rue. Aveuglée par les larmes, elle ne s’était pas rendu compte qu’elle avait quitté l’établissement et qu’elle errait dans la cité. Les rumeurs du soir donnaient une ambiance irréelle au décor urbain.

Sakura voulut protester devant ce perturbateur qui ne savait pas mettre un pied devant l’autre et qui l’avait bousculée.

Toutes paroles malencontreuses moururent sur ses lèvres devant la beauté du jeune homme face à elle. Ses traits semblaient avoir été sculptés par un artiste renommé. Il était plus petit que Naruto mais il était plus grand qu’elle. Elle admira sa peau laiteuse, sans imperfection, si peu commune aux hommes.

 « Excusez-moi. Je vous ai bousculée, mademoiselle. »

 Sa voix était une douce mélodie à ses oreilles juvéniles.

 « Non… Je… C’est moi qui n’ai pas regardé où j’allais. Je vous prie de m’excuser, dit-elle en s’inclinant en signe de sincérité.

-Vous êtes seule ? demanda-t-il en fronçant ses beaux sourcils sombres tout en inspectant les environs.

-Non… Oui. Mon grand frère est, disons, occupé.

-Il n’est pas bon pour une aussi jeune fille de se promener seule dans une grande ville. Voulez-vous un thé ? Ce sera pour me faire pardonner mon indélicatesse. »

 Ses manières étaient absolument charmantes. Sakura ne lui fit pas remarquer qu’il semblait tout aussi jeune. Elle ne voyait pas les traces d’une barbe naissante. A peine était-il majeur ! C’était tout de même cavalier de l’inviter de cette façon à leur première rencontre. Pouvait-elle le suivre en toute confiance ? Elle fut tentée d’user de son don. Elle n’osa pas, de peur qu’il ne la prît pour une folle à déblatérer en pleine rue sur ses futures actions. Elle hésita.

Lorsque ses émeraudes plongèrent dans les perles noires, une aura étonnement familière l’enroba. Elle le connaissait sans le connaître. Elle était en sécurité auprès de lui sans explication rationnelle.

 « J’accepte volontiers, sourit-elle. Je me nomme Sakura Haruno, se présenta-t-elle en le suivant.

-Sasuke Uchiwa. Enchanté, Sakura. »



Mot de l'auteur


Ah!!!! Le voilà!! Sasuke est dans la place!! Notre histoire prend une nouvelle tournure avec l'arrivée de ce nouveau personnage. Il va avoir un rôle à jouer! Les rêves de Sakura sont de plus en plus mystérieux. Qui est donc cette mystérieuse femme? Je suis sûre que vous avez déjà des hypothèses mais les révélations c'est pour plus tard.

Quant à Naruto, j'avoue, je l'ai décrit comme un gros connard dans ce chapitre mais bon, c'est un démon quand même!

Merci d'avoir lu ce cinquième chapitre, j'espère qu'il vous a plu. Je vous dis à la semaine prochaine ^^!

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