La Source de vie
— Quoi ?! Alors, on a fait tout ça pour rien ?!
— Un instant, laisse-moi t'expliquer. Ce qu je veux dire, c'est qu'il n'existe pas de Source de Vie à laquelle on pourrait puiser indéfiniment. En fait, l'Élixir n'est jamais que de l'énergie vitale sous forme liquide.
Naruto s'était assis, fixant tour à tour Kiba et Nagisa.
— Cette énergie est complètement différente du chakra que vous, les ninjas, utilisez en combat. C'est une forme d'énergie qui est nourrie par les sentiments, par la volonté. C'est celle qui permet à chaque être de continuer à vivre jour après jour. Si ton ami réussit l'épreuve, cette énergie sera libérée et, par la pierre que tient ma maîtresse, se condensera et tombera dans la bouteille.
— Sinon ?
— Sinon toute cette énergie sera drainée et permettra à Dame Tsukokami de retrouver un peu de sa jeunesse. Le gardien lui proposera sans doute de renoncer. Peut-être essayera-t-il de marchander avec lui. Nous verrons bien si sa soif d'or est plus forte que son instinct de survie...
À ces mots, Naruto se tourna vivement. Ce n'était pas la première fois qu'il entendait cela. Parmi les villageois, certains chuchotaient entre eux et les avaient condamnés, entre autres, pour leur avidité. Naruto avait voulu leur demander de s'expliquer, mais ils se détournaient tous dès qu'ils le voyaient.
— Qu'est-ce qui te fait dire qu'on est là que pour l'argent, à la fin ?
— Quoi, ce n'est pas le cas ?
— Bien sûr que non !
Nagisa lui lança un regard perplexe.
— L'argent est l'un des grands interdits du ninja, expliqua-t-il en se souvenant des leçons de son mentor. Alors, pour quelqu'un comme moi, qui souhaite devenir Hokage, un jour, ce ne serait vraiment pas bien. Pour ce gros pervers de Jiraiya, pourquoi pas, mais moi...
— Mais alors... Qu'êtes-vous venus faire ici ?
— Non, non, non, répond à ma question d'abord ! Pourquoi est-ce que tout le monde pense qu'on ne s'intéresse qu'à l'argent ?
Il croisa les bras et souffla fort, pour bien marquer son mécontentement. C'était déjà assez frustrant de devoir rester sans rien faire, sans que ne se rajoute le fait que tout le monde se méprenait sur leurs intentions.
— C'est tout simplement parce que l'Élixir de vie peut transformer n'importe quoi en or pur. Quelques gouttes dans une bassine d'eau et tout ce qui y sera plongé deviendra de l'or.
— Sérieux ?! s'exclama Naruto, abandonnant son air renfrogné.
— Oui. La plupart des gens viennent ici à la recherche de la fortune. Mais l'avidité ne suffit pas pour venir à bout du gardien. Je l'ai moi-même affronté quand j'étais petite, pour prouver que j'étais digne de l'enseignement de Dame Tsukokami. Même la plus forte des volontés ne peut triompher facilement de cette épreuve, alors un simple chasseur de trésor...
— Je vois... Attends, tu as dit « quand j'étais petite » ? Tu es une fille ?
— Oui.
— Ah, pourquoi je me trompe à chaque fois ?!
Naruto prit sa tête entre ses mains. Toute cette situation était complètement surréaliste, comme si la rencontre de Haku se reproduisait là, de façon aléatoire. C'était comme si l'univers avait décidé de lui rappeler que oui, Sasuke était parti et qu'il n'avait rien pu faire pour le retenir. Mais pourquoi ? Pourquoi maintenant, alors qu'il faisait de son mieux pour l'écarter de son esprit afin de se concentrer sur son entraînement ? Jiraiya le lui avait pourtant dit, avant de lui promettre de revenir bientôt, qu'il ne serait efficace que s'il réussissait à mettre sa frustration et son envie de retrouver Sasuke de côté, le temps de devenir plus fort. Il le lui avait dit comme s'il parlait d'expérience alors Naruto avait écouté, sans se rendre compte que c'était plus facile à dire qu'à faire.
— Alors, pourquoi êtes-vous là ? demanda Nagisa une nouvelle fois.
— Un de nos amis est malade. On a besoin de l'Élixir pour effacer la marque qu'il porte ou il mourra.
L'expression de Nagisa changea, pour la première fois depuis que Naruto l'avait vue la veille. Elle fit enfin tomber ce masque d'indifférence quasi méprisante qui la faisait tant ressembler à certains ninjas que Naruto avait croisés sur son chemin.
— Je suis désolée, murmura-t-elle finalement, le regard baissé, la bouche tordue. L'utilisation des sceaux inviolables est une chose horrible. J'espère que vous le sauverez, et que vous mettrez la main sur celui qui lui a fait cela.
*
L'ennemi n'avait pas fait un geste tant que Kiba ne se fut pas levé. Il attendait, s'habituait à son nouveau corps. Il pencha sa tête, fit craquer sa nuque.
— C'est bien que tu l'aies autant observé, dit-il en tapant le sol du bout du pied. Le processus est plus difficile quand la personne n'est pas devant moi, mais, grâce à toi, je devrais même réussir quelques techniques. Voyons ça.
Il leva la main, comme il l'avait fait précédemment, mais envoya cette fois la décharge d'énergie vers le plafond, avec une telle force que toute la montagne en fut secouée. Détachées par l'onde de choc, les stalactites se mirent à pleuvoir. Le gardien attendit qu'elles soient sur le point de le toucher pour faire émerger son chakra et tourbillonner sur lui-même, envoyant des éclats de pierre et de glace partout dans la grotte. Kiba eut le temps de réagir et put se relever juste assez pour se réfugier derrière un repli rocheux.
Ses poumons le faisaient encore souffrir et, sans Akamaru, il n'était pas à son avantage dans un combat. Toutes ses techniques étaient basées sur la coopération. Il pouvait combattre, il se débrouillerait, mais il ne pourrait pas se donner à fond. De toute façon, se dit-il en tentant de respirer normalement, avec un ennemi pareil, la solution ne sera pas la force. Il ferma les yeux, se concentra. Il devait vite trouver une solution pour prendre la seconde moitié de la pierre sans faire de mal à son adversaire. Il prit tout de même une pilule militaire, juste au cas où.
— Ha ! C'est vraiment génial, ce truc ! hurlait l'autre, extatique. Je me suis jamais senti aussi bien ! J'aimerais tellement pouvoir le garder, mais...
Avant que Kiba ait eu le temps de réagir, il alla ramasser le kunai logé entre deux roches.
— Kiba ! Allez, sors de là ! On a un petit travail à terminer !
Kiba s'exécuta, comprenant que la situation n'avancerait pas autrement. Le gardien tenait la lame sur l'intérieur de son avant-bras, prêt à l'entailler jusqu'au poignet au moindre mouvement suspect.
— Je n'ai jamais utilisé mon pouvoir sur quelqu'un d'aussi éloigné. À vrai dire, tous les autres avant toi m'auraient jeté leur propre mère en pâture si ça leur avait donné la moindre pépite d'or. Alors, je ne sais pas si ça marchera... On prend les paris ?
Il allait commencer à trancher quand il fut pris d'une violente quinte de toux qui le plia en deux. Entre chaque respiration, il haletait, criait, lançait des jurons et Kiba crut même qu'il allait tomber au sol. Pourtant, il finit par se relever, essuyant sa bouche d'une main qu'il leva ensuite pour la mettre en évidence.
— Il va falloir qu'on se dépêche, dit-il d'un air moquer en avisant ses doigts ensanglantés. Sinon, il va nous claquer dans les pattes avant qu'on termine.
Il avait à peine fini sa phrase que Kiba fondit sur lui. Dans cette situation, il n'avait qu'un avantage : il connaissait Neji mieux que son adversaire, et même au cas où ce dernier ait vraiment pris connaissance de tout, il restait Hinata. Avec Shino et Kurenaï, Kiba devait être celui qui connaissait le mieux les failles de sa technique. Tant que le copieur n'aurait pas l'habitude de ce corps, ces faiblesses seraient plus apparentes que jamais. La première était qu'il fallait aux Hyuga une réactivité à toute épreuve, parce que leur style reposait sur le corps à corps.
Kiba arriva au niveau de son ennemi. Son premier geste fut de reprendre le kunai et de l'abattre sur le gardien. Cependant, celui-ci, aussi nouveau qu'il était dans sa peau, restait rapide et parvint à attraper le poignet de Kiba, qu'il serra pour l'empêcher de repartir. Le ninja ne se résigna pas pour autant et tenta de le frapper de l'autre poing. Peine perdue, il fut arrêté de nouveau et ne put plus bouger du tout.
— C'est tout ce que peuvent faire les ninjas de Konoha ? Quelle tristesse pour un pays réputé si puissant...
Kiba ne releva pas la provocation et se contenta de sourire.
— Ça te fait rire ?
— Tu sais ce que c'est, ta plus grande faiblesse ?
— Quoi ?
— Tu n'es pas un ninja. Je suis sûr que même un première année de l'académie ne serait pas tombé dans un piège aussi grossier.
La deuxième faiblesse des Hyuga est qu'ils avaient tous des taches aveugles dans leur pupille. C'est pour cette raison que le clone que Kiba avait crée discrètement avant de sortir de sa cachette s'était déplacé, prenant les ombres de la caverne à son avantage et avait surgi dans le dos de l'adversaire pour le ceinturer. Kiba dégagea ses bras de la prise du gardien et recula d'un pas, le temps de reprendre son souffle d'un air satisfait. Tout avait été plus simple que ce qu'il avait imaginé.
Oui, pensa-t-il en s'approchant de nouveau, après tout, ce n'est pas Neji. Ce n'est même pas un ninja. Je peux le battre.
Pour l'instant, il fallait trouver la pierre. Sans hésiter, Kiba fouilla méthodiquement chaque poche à la recherche de l'objet. Mais rien. Il n'y avait rien. Désespérément rien. L'autre le laissait faire sans résister, alors qu'il aurait très bien pu se défaire de l'emprise du clone. Il se contentait de rester debout et affichait un rictus à peine dissimulé.
— Tu ne la trouveras pas. Tu ne crois quand même pas que je n'avais pas prévu ça ?
Le clone s'évapora sans que Kiba sache ce qui l'avait frappé et le gardien s'échappa. Pourtant, au lieu de contre-attaquer, il resta devant Kiba et rassembla ses cheveux en une épaisse queue de cheval pour dégager sa nuque. Enfoncée dans la chair de son cou, la pierre rouge était traversée d'une lumière blanche qui la traversaient comme à travers des veines, pulsant au rythme effréné de son cœur. Elle était scellée sous la peau et un réseau de veines apparentes, rouges et palpitantes la tenait en place si bien qu'il apparut évident à Kiba qu'il ne pourrait la retirer sans causer des dommages considérables. Tant que son adversaire restait sous cette forme, il ne pourrait rien faire. Il plongea la main dans sa poche, vérifia que sa moitié de la pierre s'y trouvait encore et la serra au creux de sa paume. Il fallait trouver une solution, et vite !
— Allez, je n'ai plus envie de jouer, annonça le gardien. Finissons-en.
Avant que Kiba ait eu le temps de réagir, il vit son adversaire se mettre en position pour effectuer la technique des 64 points du Hakke. Il songea un instant à fuir, mais il était trop proche et il n'aurait pas le temps de s'éloigner suffisamment avant que l'autre lance sa technique. Il lui faudrait encaisser.
Il se crispa, respira à fond et le gardien attaqua. À la grande surprise de Kiba, les coups n'étaient pas forts, ils ne faisaient pas mal comme des coups de pied ou de poing. En vérité, ils étaient tout juste plus puissants que ceux de Hinata lorsqu'elle effectuait sa technique du poing souple. Cependant, le coup final le projeta lamentablement en arrière et il tomba sur le dos sans pouvoir se relever. Le gardien s'approcha de lui pour ramasser la moitié de pierre qui était tombée de sa poche.
— Non... protesta Kiba.
Mais le gardien avait été plus rapide. Il s'en saisit et la contempla un instant, un sourire satisfait au visage. Il porta ensuite la main à son cou pour récupérer l'autre moitié. Kiba, qui avait réussi à se redresser sur ses coudes, regardait la scène, impuissant. L'attaque qu'il venait d'essuyer l'avait privé pour un temps de sa capacité à se servir de son chakra et il n'était tout simplement pas assez en forme pour ne compter que sur le taijutsu. Petit à petit, sans bien comprendre pourquoi, il sentait ses forces l'abandonner, sensation qu'il n'avait jamais eue en se battant contre Hinata. La différence de niveau entre les deux ninjas était-elle vraiment si différente que cela ? Non, ce n'était pas contre Neji qu'il se battait, mais contre un imposteur. Il devait y avoir une autre explication.
Le gardien n'eut pas le temps de mener son projet à bien. Alors qu'il allait extraire la pierre, il se courba, comme frappé par une force invisible et cracha une grande quantité de sang devant lui. Puis, il s'écroula à terre, tordu de douleur. Cela donna à Kiba le temps de se relever. Il pouvait récupérer son bien, s'il arrivait à s'approcher suffisamment et à repartir rapidement. Il se campa sur ses pieds, courbé, presque à quatre pattes. Les effets du jutsu qu'il venait de subir étaient dévastateurs. Il venait d'être le témoin direct d'une technique dont il n'avait jamais qu'entendu parler et, dans d'autres circonstances, il aurait été impressionné.
Il bondit. La distance qui le séparait de son adversaire n'était pas énorme, mais le contrecoup des 64 points du Hakke l'empêchait d'aller plus loin. Il reprit possession de la pierre tombée au sol plus facilement qu'il ne l'aurait cru. Restait l'autre morceau.
Le gardien était affaissé au sol, les mains crispées sur le crâne. La douleur était telle qu'il s'en arrachait des poignées de cheveux, tout en hurlant au point de s'en érailler la voix. Des volutes de fumée noire se dispersaient puis se contractaient tout autour de lui, comme le flux et le reflux d'une marée sombre. Il marmonnait, les dents serrées entre lesquelles s'échappait un flot de sang épais et grumeleux, des malédictions pour lui-même :
— Les ninjas de Konoha... Tous, je les tuerai tous ! Oui, une fois que je serai sorti d'ici, une fois que j'aurai bu à la fontaine de vie. Je marcherai sur Konoha... Alors il n'y aura plus que de l'ombre, et tous dépériront...
Puis, quand il eut repris son souffle, il se tourna vers Kiba et lui hurla, dénudant ses dents rougies tel un singe en colère, une longue coulée de sang descendant sur les joues depuis chaque œil :
— J'en ai assez de ces conneries ! Assez ! Tu seras le premier que je tuerai ! Je t'ai offert une chance de repartir sans dommages ! Je t'ai offert mon or ! Mais maintenant, c'est terminé, tu ne m'amuses plus ! Je vais t'écraser comme le stupide moucheron que tu es !
Il s'arc-bouta, se couvrant de nouveau de cette épaisse fumée noire qui se déployait quand il se transformait. Mais ce n'était plus un simple nuage, cette fois la nuée grossit jusqu'à occuper toute la pièce.