L'histoire d'amour de Kakashi Hatake
Une bouffée d’angoisse m’envahit. Je ne me sens pas bien, j’ai presque du mal à respirer tant la sensation d’être retourné dans le temps m’oppresse. Je ne veux plus être cet homme froid et solitaire, je ne veux pas que mon cœur se referme.
Je ne me laisserai pas retomber là-dedans, je vais me lever de mon lit et je vais me tourner vers les gens que j’aime car c’est ce qui la rendrait fière et la ferait me décrocher un de ses magnifiques sourires.
Je bondis sur mes pieds et je file chez Rinko qui habite à deux pas de chez moi.
Il m’accueille chaleureusement, et je me sens tout de suite mieux, c’est dingue. Son rire franc et ses yeux pétillants me réchauffent déjà.
- J’espère que je ne te dérange pas, dis-je.
- Pas du tout, je m’ennuyais en fait. Tu passes la soirée avec moi ? propose-t-il.
Il me rend la tâche tellement facile.
- Et si je t’invitais chez Ichiraku ? dis-je.
- Avec plaisir ! s’exclame-t-il.
*
Nous avons finalement opté pour prendre des ramen à emporter et nous installons chez lui pour les manger. Sa compagnie est tellement agréable que je sens ma déprime s’envoler. Reconnecter avec lui me reconnecte également à Hanako, puisque je les aie rencontrés pratiquement en même temps et qu’ils sont tous les deux devenus des points centraux de ma vie. J’aurais dû venir le voir immédiatement dès mes premières pensées négatives.
Il me pose plein de questions auxquelles je ne peux pas répondre et ça m’embête. Il me demande où j’étais lorsque je suis parti de Minna et je lui dis que je ne peux pas lui dire. Alors il me demande comment j’ai su que le prophète était Kabuto et je dois me taire encore une fois.
Il est déçu mais il comprend, alors il essaie de changer de sujet et me demande de lui expliquer comment Hanako a pu tuer toute seule sans bouger une oreille une quarantaine de ninjas pendant la guerre de Minna et je pince les lèvres.
- Ah, c’est encore un sujet interdit, je comprends… dit-il en baissant les yeux sur ses ramen.
Je sais qu’il est triste, Hinari m’a déjà confié qu’il était très sensible dans le fond bien que ça ne se voit pas forcément, et je sais qu’il est très attaché à moi, autant que je le suis à lui. J’ai toujours pu compter sur lui depuis que je le connais. Je le revois défier les ordres de Minato il y a des mois et des mois pour ne pas me laisser partir seul affronter les ninjas des ronces, risquant sa vie pour moi alors qu’il me connaissait à peine. Je le vois se mettre devant moi, protecteur, alors que j’étais à moitié mort et que la deuxième vague d’ennemi nous arrivait dessus. Je repense aux dires de Sasuke, qui m’a rapporté qu’il avait passé des mois au pays du gel pour me chercher lorsque j’avais été porté disparu, n’abandonnant pas les recherches. Et je le revois il y a quelques jours, en train de mourir au sol après s’être jeté devant un adversaire pour sauver l’amour de ma vie. Je passe mon temps à lui dire que j’ai une confiance aveugle en lui et que je lui confierais ma vie sans jamais lui prouver.
Je l’observe regarder autour de lui en mangeant, cherchant un sujet qu’il puisse aborder avec moi, secret et cachottier.
- Rinko ?
- Oui ?
- Si je te raconte quelque chose, tu me jures que tu ne le répéteras pas ?
- Bien sûr, tu es mon meilleur ami, dit-il en fronçant les sourcils.
Et je lui raconte tout. Des détails des capacités d’Hanako, jusqu’à notre désertion pour libérer Orochimaru, en passant par le livre de l’ermite et nos longs mois d’apprentissage dans son repaire. Le décuplement de la puissance d’Hanako, l’histoire de sa famille, l’origine des antibiotiques, mon cheminement pour démasquer le prophète…
C’est libérateur, j’ai enfin l’impression d’être entièrement moi-même avec lui, de briser cette barrière entre nous. Il a des yeux exorbités et la mâchoire décrochée mais écoute tout du début à la fin sans m’interrompre.
- Nom de dieu ! souffle-t-il simplement lorsque je finis mon récit.
- Comme tu dis.
- Je pouvais toujours te chercher au pays du gel salop ! s’exclame-t-il.
Il me fait éclater de rire.
- Tu peux pas imaginer le bien que ça me fait de t’en parler, confie-je.
- Et toi tu peux pas imaginer comme ça me touche que tu l’aies fait.
- J’ai tellement confiance en toi, c’était ridicule de te tenir à l’écart, tu t’es littéralement jeté devant ma copine pour lui sauver la vie, continue-je.
- C’est rien, c’était instinctif. Je sais que tu l’aurais fait pour moi, pour sauver Saori.
- Absolument, sans hésiter, dis-je.
- Et puis je m’entends super bien avec Hanako, elle doit être ma meilleure amie elle aussi maintenant que j’y pense. Bon sang vous me contaminez les deux !
- Ça me rappelle l’année dernière, à Kumo, quand tu m’avais presque engueulé parce que tu croyais que je jouais sur plusieurs tableaux, dis-je en riant.
- Bien sûr ! Elle peut compter sur moi pour défendre son honneur ! dit-il fièrement.
- Et pour la soutenir quand il faut, tu as tellement veillé sur elle pendant ma mission pour la coalition.
- Allez arrête maintenant ! Tu m’as suffisamment témoigné ta confiance en me racontant un truc pareil. Le commandant Hatake qui va à l’encontre des ordres de l’Hokage pour me révéler des informations classées secret défense… on en aura fait du chemin ! Hanako saura que tu m’as tout raconté ?
- Evidemment je lui dirai.
- J’espère qu’elle ne t’en voudra pas, dit-il.
- Non, elle t’aime comme un frère, je ne m’inquiète pas une seconde.
Après qu’il m’ait posé toutes les questions qui le travaillent sur Orochimaru et le livre de l’ermite, nous discutons de choses et d’autres, beaucoup de Saori et de leur relation, mais aussi de son équipe dont j’apprends la dissolution.
- Hinari veut se retirer des combats, elle est restée toutes ces années pour ne pas dissoudre notre équipe, c’est vrai quoi, on est ensemble depuis qu’on est genin. Ça fera drôle quand même. Mais depuis que nous sommes entrés dans les renseignements elle ne se sent plus à sa place, les missions sont trop sérieuses et elle n’est pas assez bonne ni en combat ni en soin, alors elle préfère faire le choix de se spécialiser dans l’un et avoir le sentiment de vraiment servir.
- C’est tout à son honneur.
- Je crois qu’elle veut demander à Hanako de la former…
Je réprime un rire.
- Bonne chance, Hanako ne la porte pas vraiment dans son cœur, réponds-je.
- Je sais, Hinari était très mal quand elle a appris que vous étiez ensemble. Ca a participé à sa décision de quitter les renseignements, elle ne veut plus être à ton contact au quotidien.
- Vraiment ? demande-je, choqué.
- Oui, elle s’est confiée à moi. En fait elle est amoureuse de toi depuis des années et des années, et lorsque nous avons intégré les renseignements elle a vraiment cru que ce serait l’opportunité de se rapprocher de toi et de briser ta carapace. Ce qu’elle pensait faire, vous êtes devenus amis et tu étais gentil avec elle, allant jusqu’à lui sauver la vie plus d’une fois puis qu’elle sauve la tienne… Enfin bon, tu imagines bien le coup que ça lui a mis d’apprendre que l’homme éternellement célibataire qu’elle aime depuis l’adolescence s’avère finalement être en couple et très heureux depuis des mois alors qu’elle s’imaginait à deux doigts de le séduire après toutes ces années…
J’en reste sans voix. Je me sens profondément mal et j’ai beaucoup de peine pour elle.
- Je te jure que je n’ai jamais voulu la blesser, articule-je.
- Je sais bien Kakashi.
- Je m’excuserai auprès d’Hinari et si son souhait est véritablement d’être formé par Hanako, j’essaierai de faire quelque chose en sa faveur.
- T’es gentil.
- Et Asa et toi alors, qu’est-ce que vous allez devenir ?
- Asa est détruit par le départ d’Hinari, il veut quitter le terrain lui aussi, et se spécialiser dans sa branche de Yamanaka dans les bureaux.
- Ça fait sens, tu vas te retrouver tout seul alors, comme moi, dis-je.
- Oui, ça pourrait être pire, on sera toujours fourrés ensemble désormais.
- On devrait peut-être former une nouvelle équipe, dis-je alors.
- A nous deux ? Tu sais bien qu’il faut être trois.
- Avec Hanako, regarde comme nous avons bien fonctionné pendant la guerre de Minna.
- La vache ! Je ferais partie de l’une des équipes les plus puissantes de Konoha ! s’exclame-t-il.
- J’en parlerai à Minato, je ne pourrais pas être plus honoré que vous avoir tous les deux comme nouvelle équipe, dis-je.
- Moi non plus mon pote ! s’exclame-t-il.
*
Malgré la soirée que je viens de passer, dès que je passe la porte de mon appartement, le vide s’empare de moi et je me retrouve encore une fois plongé dans mon passé.
Combien de fois me suis-je réveillé dans ce lit en panique, après avoir tué Rin encore et encore dans mes cauchemar. Combien de repas ai-je pris sur cette table en lisant, dans le silence. Combien de fois ai-je passé cette porte sans aucun but. Combien de douches ai-je prises sans avoir le goût de vivre.
Je ne peux plus supporter cet appartement, je ne peux plus supporter ces murs qui renferment toute ma tristesse. Je ne peux plus voir ces draps dans lesquels j’ai dormi toute ma vie seul.
Sans même que je ne m’en rende compte, j’enlève mes draps de mon lit et je les jette. Je prends un sac et je me mets à jeter la plupart de mes affaires. Vider cet appartement me fait du bien, j’ouvre les fenêtres en grand pour chasser les démons qui me hantent.
Je déniche quelques cartons dans mon bâtiment et je fourre dedans les affaires que j’aime et que je ne veux pas abandonner comme la plupart de mes livres. Je les ferme et les empile vers la porte d’entrée tandis que je continue de retirer tout le reste de mes affaires dans des sacs.
Une fois l’appartement complétement vide, je respire mieux. Je pars déposer mes sacs plein d’affaires devant un point de récupération fait exprès, afin de ne pas jeter tout ça.
Quand je retourne chez moi, je nettoie tout l’appartement méticuleusement, comme pour effacer chacune des bribes de mon passé, de qui j’étais, de la tristesse qui me hantait. J’ai l’impression de m’exorciser.
Il n’y a plus rien dans cet appartement à part mes cartons, mon sac à dos et des draps blancs tout simples que je ne mettais jamais. Je fais le lit avec puis je ferme enfin les fenêtres. L’air est frais et nouveau, les draps sont sans doute neufs, j’ai l’impression de me retrouver au temps où j’ai loué l’appartement, il était exactement dans cet état.
Je me change pour me mettre au lit et lorsque je me glisse dans ces draps froids et inconnus, je n’arrive pas à fermer les yeux. Je me sens mieux pourtant, beaucoup mieux même depuis que j’ai tout retourné. Mon lit est contre la fenêtre, et je ne vois pas le ciel lorsque je suis dedans, chez Hanako la fenêtre est sur le côté, et j’adore le voir avant de dormir.
Je me relève et je déplace mon lit avant de me recoucher et de regarder les étoiles, m’apaisant un peu plus.
Je pense à elle, comme j’aimerais qu’elle soit là. Quand elle est à côté de moi, peu importe où je me trouve, je suis bien. Je repense à nos affreuses nuits dans les buissons en pleine nature où les gouttes glacées nous trempaient jusqu’à l’os en plein mois de décembre, je la tenais contre moi et nous arrivions à rire de la situation, nous riions en nous serrant l’un contre l’autre. Je souris en la revoyant rire nerveusement, désolée de m’imposer ça. Si elle savait comme j’étais mieux à cet instant que dans cet appartement.
Je ne supporte pas ces draps. Ceux d’Hanako sont blanc aussi mais doux et imprégnés de son odeur. Ceux-ci sont rugueux et sans âme et j’étouffe encore.
Je sors du lit et me perche sur le rebord de la fenêtre que j’ouvre, les yeux perdus dans le ciel. Je l’imagine dans la pièce pour tenter de la rendre moins glauque, je la vois presque m’envoyer un baiser ou caresser mon bras en passant à côté de moi, mais non, cet appartement est vide. Aussi vide que je l’étais. L’angoisse remonte en moi alors je me lève et vais chercher l’écrin que j’ai mis dans mon sac, je l’ouvre et le pose sur le rebord de la fenêtre avec moi, pour pouvoir regarder la jolie bague qui s’y trouve, la tête posée sur mes bras, les genoux contre le torse.
Ça me fait du bien de la voir, j’y suis déjà tellement attaché alors que je ne sais même pas ce qu’elle va me répondre. Son anniversaire approche, je saurai bientôt. Je ne peux pas envisager qu’elle me dise non, je ne peux pas supporter l’idée que cette bague ne soit jamais à son doigt. C’est déjà la sienne.
La lune se reflète en pleins d’éclats sur le diamant, c’est magnifique, j’ai tellement envie de la voir sur sa main délicate.
Le temps passe, la nuit avance et je ne bouge pas. Je réalise que je suis bien uniquement parce que je suis hors de mon appartement, perché sur le rebord.
Je jette encore un coup d’œil à l’intérieur. La dernière fois que j’ai passé réellement du temps ici, c’est quand je l’ai quitté. Je l’ai quitté. Ça me parait impossible. Je me souviens du mal que je lui ai fait, je l’ai vu pleurer pendant des jours et des jours. J’ai tellement honte de moi que je referme l’écrin et le jette sur le lit. Je ne mérite pas une seconde qu’elle me dise oui. Comment pourrait-elle accepter d’épouser un homme qui l’a déjà abandonné. Mon cœur accélère.
Pourquoi m’épouserait-elle après tout. Elle a transformé ma vie, grâce à elle, j’ai ouvert mon cœur, je ne vis plus dans la solitude, j’ai fait le deuil de Rin et Obito, j’ai repris gout à la vie… Que lui ai-je apporté en retour ? Elle était déjà pleine de vie et lumineuse quand je l’ai rencontré, elle avait des amis et une vie heureuse.
J’ai l’impression d’être le boulet qu’elle traine à sa cheville, aspirant toute sa joie et sa lumière égoïstement. Tout ça pour la quitter en plus, la rendre malheureuse au possible, la faire pleurer jusqu’à ce qu’elle s’endorme d’épuisement. Mais comment puis-je imaginer une seule seconde que je mérite sa main avec tout le mal que je lui ai fait.
Je saute sur mes pieds et prend la bague dans mes doigts, si fine et fragile, comme elle.
Je la revois me hurler dessus il y a des mois en arrière, m’accusant de l’avoir tué de chagrin en la quittant. La douleur me transperce et je m’apprête à jeter la bague par la fenêtre de toutes mes forces lorsque je m’arrête.
C’est cet endroit qui me rend fou, je ne peux plus rester une seule seconde ici. J’ai trop souffert entre ces murs, j’étais bien trop bousillé de l’intérieur pour que ça ne laisse pas des marques en moi. Je regarde la bague au creux de ma main et je m’y accroche de toutes mes forces. En une seconde, je prends mon sac et je sors de cet appartement maudit. Je me retrouve en short au milieu des toits de Konoha et je vais au seul endroit où je sais que je m’apaiserai.
Dès que je passe la porte, le soulagement m’envahit instantanément. Son odeur me submerge, et chaque recoin sur lequel je pose les yeux est imbibé de souvenir heureux. Le plan de travail où je l’enquiquine lorsqu’elle cuisine, la table où nous nous sommes réunis avec tous les gens que j’aime, le canapé dans lequel je l’enroule dans des plaids pour qu’elle lise contre moi. Il n’y a pas une seule surface ici qui ne me remplisse de joie. La baignoire où nous prenons des bains en riant, la douche où nous nous embrassons pendant des heures sous l’eau, et le meilleur pour la fin, la chambre.
Lorsque j’ouvre la porte de la chambre, je me sens réconforté entièrement et après avoir ouvert la fenêtre, je me glisse sous les draps avec ma bague dont j’ouvre l’écrin que je pose sur son oreiller. La lune diffuse par la fenêtre et tape sur le diamant, même reflets et pourtant.
Ici je ne peux imaginer qu’elle me dise non, nous nous aimons tellement fort, nous sommes tellement faits l’un pour l’autre. J’ai beau avoir été compliqué au début de notre relation je travaille chaque jour à la rendre heureuse et à lui donner ce qu’elle veut. Je m’emmitoufle dans le drap que je passe sur mon nez, respirant sa fragrance. Je l’aime tellement fort. Je la demande en mariage dans une dizaine de jours.
Je m’endors ainsi, en observant la bague qu’elle portera quand elle acceptera.