L'histoire d'amour de Kakashi Hatake
Le temps semble ralenti, je la vois se tourner vers moi, les yeux écarquillés et la bouche s’entrouvrant légèrement. Je tourne les talons et fonce dans le couloir, je veux m’isoler pour réfléchir, je ne suis pas capable de réfléchir lorsqu’elle est là.
Quelques ninjas sont déjà dans la salle de bain, je les entends parler bruyamment et gaiement des futurs accords de paix et de la fin des hostilités. Je tourne dans la petite pièce au fond du couloir et je me retrouve seul. La pièce est si petite qu’il y a à peine la place de chaque côté de la petite fenêtre pour s’assoir.
Je me laisse glisser contre le mur de droite, juste à côté de la fenêtre sans vitre. Je regarde le ciel étoilé et je sens le souffle frais de la nuit m’effleurer. Comment est-il possible qu’Hanako soit le ninja ressource déterminant de cette mission ?
On m’a envoyé la surveiller dans les bois de Konoha bon sang. Elle travaille à l’hôpital, je l’ai assez espionné là-bas pour être absolument certain que ce n’était pas une supercherie…
Maintenant que j’y réfléchis calmement, tout cela est cohérent. Les ninjas ressources ne sont pas des combattants ce sont plutôt des « consultants » sur certaines missions, il n’est donc pas exclu qu’ils aient une activité à côté et en l’occurrence une activité de médecin. Ça expliquerait pourquoi j’ai dû la surveiller dans les bois : sa vie est trop précieuse pour la laisser sans protection à l’extérieur du village.
Je regarde la lune au loin tandis que les pièces s’assemblent dans ma tête.
Mais quel est donc son si précieux ninjutsu. Je n’ai jamais entendu parler du clan Toba, il ne doit pas être particulièrement connu.
Je repense à ma première intuition, je ne m’étais pas trompé, j’avais eu l’impression d’être face à une redoutable adversaire, alors certes elle était une alliée, mais j’avais déjà capté sa puissance. J’aurais dû m’en douter, je me trompe rarement.
La porte de la pièce s’entrouvre légèrement et je la vois se glisser dans l’ouverture. Je ne dis rien tandis qu’elle vient s’asseoir le long du mur en face de moi. Elle prend ses jambes dans ses bras et me regarde gentiment. Nos pieds se touchent presque.
- Salut, dit-elle doucement.
Je ne réponds pas, restant de glace. Je ne saurais expliquer pourquoi mais je me sens presque trahi. Par elle et par Minato senseï. Je me sens ridicule d’être allé la protéger dans les bois comme s’il s’agissait d’une femme innocente et fragile pour me retrouver trois semaines après avec l’élite de Konoha en mission avec elle.
Tout le trouble m’ayant agité par le passé a disparu. J’ai fermé mon esprit à cette fille, je la rejette en bloc.
Elle ne dit rien, elle regarde simplement par la fenêtre, comme moi. Nous restons ainsi un long moment dans le silence, et je me demande vaguement pourquoi elle est venue ici. La lune s’est légèrement déplacée dans le ciel lorsqu’elle parle enfin :
- J’ai la capacité de voir dans les esprits.
J’ai un violent mouvement de recul lorsqu’elle m’annonce ça comme si elle me disait bonjour et ma tête heurte le mur. Elle rit doucement, une main devant la bouche, face à mon mouvement et reprend :
- Non, ça n’est pas aussi simple Kakashi. Un troisième œil s’ouvre sur mon front et alors, je peux percevoir les lignes de pensées des gens qui m’entourent, ce n’est pas très clair mais j’ai appris à interpréter ce que j’en captais avec le temps. Je peux aussi dans une moindre mesure brouiller les esprits pour une courte durée, quelques secondes, mais ces secondes sont précieuses si je dois fuir ou me battre. Quand mon troisième œil est fermé, je suis plutôt une fille normale.
Elle reste silencieuse pendant que je digère ces nouvelles informations. La lune peint des rivières argentées dans ses cheveux et j’en parcours les méandres du regard. Le rouge lui monte au joues :
- J’ai adoré nos moments passés dans la forêt, reprend-t-elle en chuchotant presque, ta compagnie était d’une douceur sans égale. Je te remercie encore. Je sens que tu t’es fermé à moi, je comprends. Minato m’a beaucoup parlé de toi et de ton tempérament.
Elle me sourit tout en se redressant, puis quitte la pièce sans un mot de plus ni un regard. J’essaie de me convaincre que je me fiche de ce qu’elle vient de me dire mais la vérité c’est que je suis encore une fois scotché sur place par cette fille. J’ai l’impression d’avoir rencontré mon opposé. Elle a une telle facilité à ouvrir son cœur et dire ce qu’elle ressent. Je décide d’enterrer au fond de moi ce qu’elle vient de me dire, je ne veux plus me laisser influencer par Hanako.
Je reste quelques temps encore tout seul dans ma pièce jusqu’à ce que la salle de bain se libère. Il est déjà tard lorsque je rentre dans la petite pièce pleine de buée, je retire ma veste, mon haut puis mon bandeau et je me fixe dans le petit miroir accroché au mur de roche brute. Je ne m’étais jamais posé de question sur mon allure, mais pour une raison obscure je regarde fixement la grande cicatrice de mon œil gauche, me défigurant.
Je réalise que je n'ai pas pris mes affaires, et je me dirige vers la première pièce pour les récupérer. Tout le monde vaque à ses occupations, certains lisent à la lumière des torches, d’autres jouent à des jeux ou bien discutent. Je me dirige vers mon sac lorsque j’entends des pas que je connais bien m’approcher.
- Ça va Kakashi ? me demande Minato.
- Ça va.
- Pas trop perturbé ?
Je le regarde en haussant les sourcils.
- Je devrais être perturbé senseï ?
Il me sourit paternellement.
- Disons que je l’espérais…
Il reprend :
- On a tant perdu toi et moi. J’ai trouvé une paix lorsque Naruto est né, et j’ai été comblé lorsque tu es devenu à ton tour le senseï de mon fils, je n’aurais pu espérer mieux. J’aimerais du plus profond de mon cœur que tu connaisses cet apaisement, bien que ton équipe sept ait déjà fait une partie du travail.
Je souris en pensant à mes trois imbéciles de Konoha. Il est vrai qu’ils m’ont beaucoup aidés, ils ont été le phare me sortant de la brume, ma nouvelle équipe, mes nouvelles responsabilités, mes nouveaux êtres chers.
- J’ai dû me tromper… Ce qui n’arrive pas souvent entre nous, je te souhaite une bonne nuit Kakashi, les vrais négociations commencent demain.
- Bonne nuit senseï.
Je retourne en direction de la salle de bain en méditant ses étranges paroles. Lorsque je passe la porte, je tombe sur Hanako, en serviette de bain. Si j’étais arrivé quelques minutes plus tôt j’aurais peut-être surpris un spectacle bien embarrassant. Une petite part au fond de moi ne peut s’empêcher d’être déçue et je remets en question l’influence des écrits de maître Jiraya.
Mes yeux glissent le long de ses épaules nues où ses cheveux mouillés accroche à sa peau parfaite. Je suis le contour voluptueux de sa poitrine et ma bouche s’assèche. Je me ressaisis en un instant et me jure de brûler les livres de maître Jiraya tout en sachant pertinemment que je ne le ferai jamais.
- Je ne pensais pas que tu aurais encore besoin de la salle de bain, j’ai attendu que tout le monde ait fini je suis désolée, commence-t-elle.
- Non c’est moi, j’ai tardé, je suis désolé je n’avais pas réfléchi au fait que tu préfèrerais attendre que nous ayons tous terminé pour y aller, ça parait évident maintenant. Je te laisse finir.
- Non tu peux rester je vais simplement me coiffer et me sécher, dit-elle gentiment.
J’aime la façon dont ses yeux se ferment presque lorsqu’elle sourit. Cette fille sourit tout le temps, elle a toujours l’air heureuse et pleine de vie contrairement à moi.
Le grand bain et les douches se situent dans un renfoncement dans la roche, à l’abri des yeux. Je prends donc rapidement une petite douche, passe une serviette autour de ma taille et m’enfonce dans l’eau chaude. Je l’entends toujours s’affairer dans la petite salle de bain, trop proche et trop loin de moi à la fois.
Je constate que les murs que j’ai érigés contre elle sont déjà fissurés. Je passe en boucle dans ma tête les dix dernières minutes, me remémorant sa personne dans les moindres détails, et le trouble s’empare encore de moi. Mon cœur bat plus vite que d’habitude et je sens une tension au fond de moi.
J’ai envie de lui poser une question et je sais pertinemment qu’elle pourrait tout à fait attendre que nous soyons habillés et dans la salle commune, mais au fond de moi je pense que je veux juste qu’elle se rapproche de moi, qu’elle me parle, j’aime être seul avec elle. Ce n’est pas possible je suis obsédé par cette femme.
- Hanako ? chuchote-je presque.
- Oui ?
- Tu peux venir s’il te plaît ?
Je l’entends approcher tout en me demandant pourquoi j’ai dit ça. C’est comme si mon corps agissait sans passer par mon esprit, comme si je l’avais déjà dans la peau alors que je cherche à l’ignorer. Elle passe le petit coin de mur et m’interroge du regard. Elle porte toujours sa serviette blanche et mon cœur accélère encore un peu.
- Je peux te demander ce qu’il se passe réellement ici ? Avec le pays des ronces ?
Son regard s’assombrit et elle vient s’assoir sur le rebord en pierre noir du bain juste à côté de moi. Mon épaule touche presque sa cuisse – j’en suis ravi - et elle baisse le regard sur moi.
- Malheureusement, tout n’est pas aussi rose que Minato le prétend. Alors certes, à l’heure actuelle nous ne courrons pas de danger, mais je perçois que leur décision est susceptible de changer. C’est comme si je sentais que la moindre erreur de notre part pouvait tout changer et retourner la situation contre nous. Pour l’instant je conseille à Minato d’aller dans leur sens car c’est ce qui ancre le plus leur décision de nous laisser la vie sauve, et c’est une mine d’information pour nous de découvrir comment fonctionne ce pays. Malheureusement dans les prochains jours, nous serons obligés de leur donner nos conditions, et je ne suis pas sûre qu’elles leurs plairont. Ils ont pour l’instant clairement l’impression qu’ils vont réussir à annexer toute une partie de notre territoire, ce qui n’arrivera jamais. A terme Minato veut leur proposer quelques terres désertes en pure acte de paix mais…
- Mais ça ne leur suffira pas.
- Oui.
Je réalise soudain que l’issu de cette mission ne sera pas brillante.
- Hanako, au moment où Minato senseï leur annoncera nos conditions… vous serez seuls dans cette salle avec eux. Vous serez en grand danger.
- Je sais, dit-elle.
Je me rends alors compte que je ne peux pas tolérer qu’il lui arrive quelque chose. Je la prends immédiatement sous mon aile comme si c’était la chose la plus naturelle qui soit. Je ne laisserai rien lui arriver. Jamais, et je veux la rassurer.
- Je ne reviens pas sur ce que je t’ai dit dans ces bois quand nous nous sommes rencontrés, dis-je. Tant que tu es avec moi, il ne t’arrivera rien.
Elle se détourne en souriant, et il me semble l’apercevoir rougir avant que son visage ne disparaisse, j’en profite pour observer ses épaules nues en toute impunité. Pris d’un soudain coup de chaud, je me redresse et m’assoit sur le rebord à côté d’elle, bien que mes jambes soient toujours dans l’eau et les siennes hors du bain de l’autre côté.
Elle retourne la tête vers moi, surprise par ma sortie de l’eau et je me rends compte à quel point nos visages sont désormais proches, à quelques dizaines de centimètres. Mon estomac fait un looping, j’aurais peut-être dû rester dans l’eau. Nous nous dévisageons sans bouger.
Je sens une drôle de tension qui s’installe entre nous, de plus en plus palpable, je la ressens jusqu’au fond de mon ventre. Ses yeux s’ancrent dans les miens comme si nous ne pouvions plus détourner le regard.
Je ne peux plus détourner le regard, je n’en ai d’ailleurs pas la moindre envie. Sa main se lève soudain et s’approche de mon œil gauche, mais elle la garde suspendue, ses doigts à quelques centimètres de mon visage :
- Cet œil… dit-elle en se plongeant dans mon iris rouge, je sens qu’il a une histoire extrêmement chargée d’émotion. Tu as un regard absolument magnifique Kakashi.
Ses doigts se posent sur ma pommette gauche et je sens mon cœur battre dans ma cage thoracique comme jamais il ne l’a fait auparavant. Je ressens des choses vraiment inhabituelles.
Mon visage se rapproche instinctivement du sien, nous sommes presque collés l’un à l’autre et pour une fois je ne réfléchis à rien. Je la ressens simplement et je me délecte de la vision de ses joues qui rosissent et la sensation de sa main sur moi, qui me brûle et me soulage en même temps. Je rougis fort moi aussi et je me sens comme électrisé en cet instant. Elle glisse ses doigts frais sur ma joue jusqu’à mon masque.
Ses petits doigts en agrippent alors le rebord et commencent à le baisser lentement, mon corps est tendu comme un arc, il la veut plus près encore, il veut qu’elle retire mon masque. Il est avide d’elle. Mes yeux se perdent dans les siens et mon souffle s’accélère.