Ce qu'on appelle Tempête

Chapitre 5 : Sombrer

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 08/11/2016 05:59

Samejima fronça les sourcils, en plein exercice d'étirement des bras.

- Oy ! Qu'est-ce qui lui prend ?

- Paix, Riki ! La paix ! ordonna Hoshino en venant vers lui et lui attrapant les babines.

Une drôle de sensation, froide comme une goutte d'eau, coula le long de sa colonne vertébrale.

Riki ne réagit pas au geste d'affection familier. Il se dégagea et recommença à sauter et à aboyer, comme pour leur dire quelques chose. Jiro et Taro couinaient plaintivement, la truffe pointée vers le bâtiment. Leur père, Kuma, grondait sourdement.

Utsumi se rapprocha, posa sa main sur le bras de leur leader.

- Hoshino-san, vous croyez que… ?

Il ne termina pas sa phrase et se mit à courir derrière Samejima qui venait de se précipiter vers la porte.

Tous les autres suivirent.

- Patron ! cria le mécanicien, atterré, en s'arrêtant brusquement, sans se préoccuper des collisions que ça provoquait derrière lui.

- Kuramochi ! répétèrent plusieurs voix, affolées.

Samejima enjamba les jambes du jeune homme étendu sur le sol et s'agenouilla. Il souleva délicatement sa tête et lui tapota les joues.

- Patron ! Patron, vous m'entendez ? Patron !

Il releva les yeux, l'angoisse serrée dans son estomac, croisa ceux d'Hoshino et des autres, fixés sur lui.

- Il est brûlant, souffla-t-il.

Utsumi le dépassa et courut jusqu'à l'infirmerie. Hoshino se débarrassa de sa veste et en couvrit son assistant.

Dehors, les chiens continuaient à aboyer et à s'agiter, incontrôlables.

 

oOoOo

 

La station Showa était entièrement silencieuse.

Au fond des trous de neige, les chiens ne dormaient pas, leurs oreilles attentives au moindre mouvement à l'intérieur des bâtiments.

Seul dans sa chambre, Himuro s'agrippait au collier de Shiro, désespéré d'entendre quelqu'un passer dans le couloir, de pouvoir poser une question, haïssant sa jambe de le clouer sur sa couchette à l'écart.

A la salle commune, les hommes ne parlaient pas, le front appuyé contre leurs mains jointes, les coudes sur la table, les dents serrées.

Près de la porte de l'infirmerie, Inuzuka, Samejima et Utsumi étaient assis par terre, la tête contre le mur ou sur leurs bras repliés.

Kuramochi.

Kuramochi.

Kuramochi.

Kuramochi.

Les larmes coulaient sur le visage d'Inuzuka, irrépressibles, inlassables.

Utsumi tendit la main et lui pressa le genou, un instant. Samejima frottait régulièrement sa moustache, étonné de la sentir le chatouiller désagréablement.

Hoshino sentait ses ongles s'enfoncer dans la paume de ses mains fermées, au fond de ses poches, pendant qu'il regardait le docteur terminer son examen.

- Kuramochi-san ? Kuramochi-kun ? Vous m'entendez ? Takeshi-kun ?

Sur le lit, le jeune homme frémit. Un de ses pieds bougea, sous la couverture. Sur son visage inondé de sueur, ses traits se crispèrent de douleur quand il essaya de remuer. Le docteur l'apaisa d'une main.

- Shsh… ça va aller. Ne vous agitez pas. Est-ce que vous pouvez serrer ma main ?

Il attrapa celle de Kuramochi et sentit l'angoisse relâcher un peu ses épaules quand le geste fut répondu.

- C'est bien… c'est bien…

Les paupières du jeune homme se soulevèrent péniblement.

- Ri… ki… a… ab-b…bo…

- Plus maintenant, dit doucement le docteur en souriant. "Riki nous a alertés à votre sujet. Quel chien formidable, n'est-ce pas ?"

Kuramochi referma les yeux et quelque chose qui ressemblait à un sourire se dessina un instant sur ses lèvres.

Puis il se mit à tousser.

La douleur enfonça ses griffes dans son corps, lui remplit la bouche, lui arracha un gémissement entre deux quintes.

Hoshino vint en renfort aider le docteur à l'installer sur le côté pour le soulager un peu. Il massa les omoplates raidies de Kuramochi, écarta les cheveux qui se brouillaient sur son front, collés par la fièvre.

- Tout doux, tout doux… disait le docteur avec le même ton de voix que pour un enfant.

Il essuya la bouche du malade et passa un linge humide sur son visage en attendant que la crise se calme un peu.

Quand Kuramochi se rendormit, épuisé, grelottant de fièvre, la souffrance pliée sur ses traits, les deux hommes quittèrent la pièce sans faire de bruit…

… et trouvèrent toute la colonie dans le couloir.

- Comment va le patron ? demanda anxieusement Samejima avant tout le monde.

Les yeux d'Inuzuka n'avaient jamais été aussi exorbités et angoissés.

Hoshino prit une longue respiration, décidé à leur demander de patienter et de ne pas s'inquiéter, mais le docteur parla en premier.

- Il ne va pas bien, dit-il lentement. Il sortit de sa poche le linge qu'il avait utilisé et considéra longuement les traces de sang un peu rosâtres. Il s'éclaircit la gorge. "Kuramochi-kun… a peut-être une hémorragie interne."

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