Godzilla: Destroyers of World
Alors que Daisuke s'apprêtait à sortir, il aperçut son camarade Américain en train de rédiger sur une feuille blanche dans la salle à manger, l'air soucieux. Comprenant la raison de cette rédaction, le chercheur en énergie s'approcha de Steves, et lui désigna le sac qu'il portait.
_ Viens, je comprends que c'est urgent mais on a besoin de t'acheter des fringues.
_ Tu as raison, répondit Martin en posant son stylo au bout de quelques secondes. De toutes manières je n'arrivais pas à trouver une bonne tournure de phrase. Qui aurait cru qu'écrire une lettre pour perdre son emploi soit aussi dur ?
_ Tu n'as qu'à dire qu'ils aillent se faire foutre ! S'exclama Serizawa, ce qui eut le mérite de décrocher un sourire à l'ancien soldat.
Ensemble, Serizawa et Martin marchèrent dans le quartier, tout le monde avait cessé de travailler aujourd'hui pour réparer, dire la gravité de la situation. Une femme était en train de déblayer les débris de verres alors que les enfants derrière elle étaient en train de se chamailler. Le quartier généralement calme, voir isolé, se retrouvait aujourd'hui plein de vie exceptionnellement. Certains voisins entamaient la conversation pour la première fois depuis longtemps.
_ Il semblerait que le drame d'Izu Oshima a eu au moins des effets bénéfiques, dit l'Américain en regardant les gens autour de lui.
_ Dans les moments durs faut se serrer les coudes, affirma Daisuke alors que des gens collectaient les tuiles tombées d'une des habitations.
_ Je suis d'ailleurs étonné de ne pas déjà te voir à ton labo.
_ Pourquoi faire ? Il doit être fermé, même si je tambourinait à la porte on me foutrait dehors, histoire de leur laisser le temps d'y remettre de l'ordre. Puis, honnêtement, je n'avais pas la tête à ça après ce qui s'est passé hier soir.
Serizawa tourna légèrement la tête vers son compère, il avait un sourir crispé, mêlant joie et tristesse.
_ Je pensais ne plus jamais vous revoir, dit-il alors qu'ils entamaient un virage à gauche, ils arrivaient bientôt en centre ville.
Ces mots touchèrent Steves, qui ne put s'empêcher de regarder son camarade avec plein de compassion. Il avait encore un cœur finalement.
_ Je suis désolé, finit-il par décrocher, surprenant Serizawa.
_ Désolé de quoi ?
Alors que Martin se rendait compte qu'il était à deux doigts de faire des confessions sur les rapports qu'il a eu avec sa femme, il chercha autre chose pour détourner l'attention.
_ Tu avais raison, je sais plus que ce que je voulais bien te le dire.
_ Secret d'Etat, je le sais Steves, tu ne peux pas trahir ton pays.
_ On avait repêché un chalutier sur la plage de Toshima, se lança Steves, qui en avait assez de ce fardeau sur la conscience. Il était irradié, et profondément endommagé. Tout nous laisse à croire qu'il a été abandonné par le Kaiju.
Alors qu'ils pénétraient la zone commerciale, la foule était plus compacte. Comme mues d'un instinct de consommateurs, les habitants de Tokyo se ruaient sur les magasins, certainement pour acheter rapidement des provisions avant la rupture de stock. Daisuke dévisagea l'Américain.
_ Vous saviez qu'il était là ? Depuis le début ?
_ Pas exactement, reprit Steves, il était au bord de l'implosion. On se doutait que quelque chose n'allait pas, mais on était loin de croire qu'on serait attaqué.
Faisant face à une boutique de vêtements pour hommes, les deux amis entrèrent. Étonnamment, ce magasin là était plutôt désert. Seuls quelques individus tout au plus erraient dans les rayons, cherchant vêtements à leurs tailles. Martin se dirigea vers les jeans, il n'était pas aisé pour un Américain de se vêtir en Asie. La plupart étaient bien trop petits. Il devait taper dans leur équivalent de XL, voir XXL.
_ Après la première attaque, reprit Steves, ma base a décidé d'explorer l'île. Nous sommes rapidement tombés sur le père d'Emiko, c'est lui qui nous a mis sur la piste de la créature. Nous avons rassemblé les civiles et de mon côté, avec mon escouade, on est allé pister la bête.
Il se saisit d'un pantalon, il avait l'air d'être aux bonnes dimensions.
_ Là, dit Daisuke en pointant du doigt une cabine d'essayage.
Les deux camarades passèrent devant les rideaux, et Steves entra, puis se dissimula derrière les tissus.
_ Je l'ai vu de près, dit l'Américain alors qu'il se débarrassait du pantalon qu'il avait emprunté à Serizawa. J'ai cru avoir affaire à une montagne, j'avais peur qu'il décide de nous piétiner. Je... je pensais que c'était mon dernier jour sur terre.
Des larmes lui montèrent aux yeux, depuis le début de cette aventure c'était la première fois qu'il se relâchait à ce point. Pourtant il n'était pas homme à montrer ses émotions, mais là, il fit exception, il avait si mal dans la poitrine, sa gorge l'étouffait.
_ Je pensais mourir Daisuke, dit Steves qui commençait à s'effondrer au fond de la cabine. J'étais sûr de mourir.
Finalement il tomba dos au miroir du fond, le pantalon qui couvrait la moitié de ses jambes. C'était le craquage.
_ Steves, tout va bien ?
_ Oui, mentit le soldat en pleur. Je... Je veux que tu saches... que je tiens beaucoup à toi ! Ton amitié m'est précieuse, et celle d'Emiko aussi ! J'ai appris il y a deux semaines que j'étais devenu tonton, ma sœur a eu un enfant. Même si ce n'est pas le mien, j'aimerai voir son visage au moins une fois !
On pouvait entendre sangloter Steves à travers le rideau, un homme impatient tenant un vêtement s'approcha, montrant qu'il souhaitait entrer. D'un signe de la main, Serizawa lui signifia de reculer, puis se pencha à mi hauteur du rideau, il devait être au niveau du visage de Martin dorénavant.
_ Je comprends tes sentiments, dit Daisuke d'un ton compatissant. Dans ma famille j'étais enfant unique, mais j'étais proche de mes cousins. Ils sont tous partis à l'armée. Ils adoraient les hélicoptères.
Se rendant compte qu'il était lui-même en train de se confesser, Serizawa sentit des larmes poindre de ses yeux. Il finit par s'asseoir, sentant que lui-même perdait appuie. Il se posa dos à une colonne à côté de la cabine, submergé par ses propres émotions.
_ Ils étaient doués ces cons, dit-il en riant. Ils faisaient la fierté de l'armée de l'air. Tu aurais vu les acrobaties dont ils étaient capables... Lors d'un entraînement, alors que je faisais encore ma thèse...
Il n'eut pas la force de finir sa phrase, la morve lui bouchait le nez et le sel lui piquait les yeux. Il s'essuya d'un revers de manche.
_ Quand on est allé à leurs enterrement, reprit Daisuke, on avait diffusé une chanson américaine qu'ils adoraient, Born to be wild je crois. Effectivement, ils étaient born to be wild.
De déterrer ce souvenir eut un effet encore plus bouleversant qu'il ne l'aurait cru lui-même. On pouvait entendre Steves pleurer aussi, brisé comme jamais.
_ Je ne veux pas mourir comme ça, avoua Steves. C'est horrible, quand les deux explosions ont retenti, j'ai cru que mes entrailles allaient exploser. Je me suis chié dessus ! Bordel ! JE ME SUIS CHIÉ DESSUS !
Serizawa se mit à craquer aussi, il ne se retenait plus, il avait une main devant la bouche pour se retenir de hurler.
_ J'étais persuadé qu'on allait juste mourir, continua Steves qui ne pouvait plus s'arrêter. On savait qu'il était là, et on a rien fait ! Strictement rien ! Izu Oshima est morte par notre faute ! Je me sens tellement sale Serizawa-san ! Comment puis-je peux me laver de cette honte ? Comment ?!
Son meilleur ami ne connaissait pas la réponse, il était impuissant. Gêné par cette scène, l'homme qui souhaitait prendre la cabine y renonça. Daisuke ne savait plus comment réconforter Steves, qui de son côté reprit parole.
_ Si je révèle mes secrets, l'armée américaine me jettera en prison et plus jamais je ne vous reverrai. Mais si... si je ne parle pas... Il y aura encore plus de morts ! Je me sens faible, Serizawa. Je suis les mains liées ! Je ne peux rien faire ! J'ai rejoint l'armée pour protéger mon pays, pas pour condamner celui des autres ! Je ne veux pas trahir le Japon, je ne veux pas te trahir, mais je ne veux pas trahir mon pays ! Je ne sais plus quoi faire Daisuke ! Je ne sais plus !
La souffrance de Martin atteignait le cœur de Serizawa, qui lui-même en fut chamboulé. Son silence équivoque laissa le temps à Martin de conclure son monologue.
_ En ce moment même, je tremble à l'idée que Godzilla puisse ressortir à n'importe quel moment, et nous achever sans qu'on ne puisse rien y faire.
_ Godzilla ? Demanda Serizawa en reprenant soudainement la raison. C'est le monstre ?
Sur ces paroles, Steves se releva sans dire un mot et boucla son pantalon. Il poussa le rideau avec vigueur et regarda Daisuke au sol. Ses yeux étaient encore rouges d'irritation.
_ Je crois avoir trouvé le bon, dit Martin, l'air satisfait pour mieux masquer son angoisse. On y va ?
_ Ouais, répondit Daisuke en saisissant la main de son ami pour s'aider à se redresser.
Les deux compagnons allèrent aux caisses où ils payèrent le vêtement. Un tas de questions se bousculaient dans la tête du scientifique japonais, mais il savait que son ami ne lui révèlerait rien de plus, il en avait déjà trop fait. Alors ils rentrèrent tous deux en silence.
La route fut longue, mais enfin le duo arriva aux abords de Yamagata. Walter fut contraint d'allumer le chauffage, la température avait drastiquement chuter depuis leur départ. Ils n'étaient pas habillés en conséquence, ni l'un ni l'autre. Kyohei tremblait de tout son être, lui vêtu d'une simple chemise et d'un pantalon bon marché. Si dans sa jeunesse il avait survécu à des conditions bien plus extrêmes lors de ses fouilles, ces fantaisies n'étaient plus de son âge, il se sentait vulnérable face simplement une chute de quelques degrés. Le GPS guidait toujours Walter à travers les rues, mais bientôt un bâtiment surplombait les autres. Le même sigle qu'à Tokyo, et un hélicoptère posé sur son toit.
_ Que ferons-nous une fois dedans ? Demanda Kyohei inquiet de ce qui l'attendait.
_ Nous aviserons monsieur Yamane, conclut Walter tandis qu'il braquait son volant.
Ils contournèrent un pâté de maisons et s'engagèrent dans un tunnel à l'extrémité de l'immeuble. Un parking souterrain. Surprenamment, ils n'avaient presque besoin de rien faire, la carte magnétique lâcha un "bip" et le grillage s'ouvrit, laissant le véhicule civil se stationner au milieu des voitures blindées. Arrachant énergiquement les câbles pour couper le moteur, le commandant finit par lâcher:
_ Putain que ça fait du bien de s'arrêter deux secondes ! Allez, princesse, nous devons monter voir le gratin des services secrets.
Les deux vieux hommes sortirent de l'engin "réquisitionné" et s'approchèrent d'un ascenseur. Le commandant Powder décrocha son téléphone et composa le numéro secret du GSA.US, quelques secondes s'écoulèrent avant que réponse ne se fasse entendre.
_ Commandant Powder et le professeur Yamane ! Nous sommes arrivés à la base de Yamagata, en attente d'instructions.
Kyohei n'entendit pas la réponse au bout du fil, mais le commandant se contenta d'appuyer sur le bouton pour appeler l'ascenseur face à lui, tout en restant en ligne. Après quelques minutes, le sas s'ouvrit, laissant s'engouffrer les deux partenaires. Alors que les portes se refermèrent derrière eux, Yamane sentait la gêne le gagner. Ce n'est pas qu'il était curieux, mais tout aussi bien vu les enjeux leurs vies pouvaient être menacées. Le mystère qui entourait l'agence de protection globale laissait travailler l'imagination, Kyohei se rendant compte qu'il aurait pu faire partie d'un film d'espionnage qu'il aimait tant. Mais il ne s'y sentait pas à sa place, malgré ses compétences, il était à la retraite depuis longtemps, d'autres biologistes bien plus qualifiés que lui pouvaient épauler Walter dans ce contexte. En quoi était t-il devenu soudainement si indispensable ? Alors qu'ils montaient les étages, l'Américain finit par raccrocher le téléphone.
_ Il semblerait que vous ayez vu juste professeur Yamane, Godzilla est toujours porté disparu. L'imaginer dormir si paisiblement après le carnage qu'il a commis me rend malade.
_ Cela vaut mieux pour nous, répondit Kyohei, fixant les portes face à lui. Ce n'est qu'un animal, il n'a ni sens moral ni conséquences. Il agit par instinct, nous n'avons pas affaire à un ennemi, tout au pire une nuisance.
_ C'est un phénomène sans précédent, reprit Walter qui se mit à imiter son consultant. Comment qualifier ce désastre ? On est loin d'un simple ouragan, nous devons combattre cette chose.
_ Je dois moi-même reconnaître que la flotte japonaise n'a rien pu faire contre cette créature, vous vous pensez réellement plus capables ?
_ Certainement !
_ Alors bon courage.
Le signal sonore de l'élévateur retentit, alors que la porte s'ouvrit Walter ouvrit la marche, suivi de Kyohei. Le couloir n'était même pas peint, tout au mieux un carrelage sommaire couvrait le sol, mais les fenêtres laissaient voir une vue panoramique de la ville. Bien que reposante, Kyohei ne dédaigna pas un regard, trop occupé par le problème majeur que présentait le reptile aquatique. Une porte entourée par deux agents de sécurité leur fit face, Walter présenta la carte magnétique et les deux gardiens leurs firent signe de rentrer. Ils arrivèrent dans un bureau rectangulaire, aux teintes sombres et pourpres, une moquette noire tapissait le sol. Un agencement de bureaux rectangulaire dominait le centre de la pièce, avec une fenêtre qui éclairait la partie ouest de la salle. Trois personnes étaient déjà assises, la métisse, la femme aux cheveux bouclés et un homme impeccablement habillé avec un crane rasé luisant. L'homme tourna la tête dans leur direction et pointa de la main deux chaises à son opposé.
_ Messieurs, je vous prie.
Walter et Kyohei s'assirent côte à côte, faisant dorénavant face à face avec le trio de dirigeants.
_ Le monstre nommé Godzilla n'a toujours pas donné signe de vie, commença la femme aux traits asiatiques et occidentales mélangés. Je suppose que c'est une bonne nouvelle, nous avons eu des nouvelles du sous-marin, ils sont inquiets mais rien de nouveau non plus.
_ Mais la menace reste réelle malgré tout, reprit l'homme rasé. Nous devons chercher une solution, mais nous devrons nous contenter de travailler en effectif réduit aujourd'hui, le reste de nos collègues ont encore besoin de repos suite à l'incident d' hier soir. Je pense que des présentations s'imposent. Moi c'est Epsilone.
Il désigna de sa tête la femme aux bouclettes.
_ Voici Gamma, il montra de sa main la femme métisse, et notre dernière membre, Tetra. Vous porterez tous les deux aussi des noms de code, dorénavant Walter dans nos services vous répondrez au nom de Iota.
_ C'est un honneur, répondit le commandant se tenant fermement.
_ Et vous professeur Yamane, vous serez Y-208. Vos noms seront dorénavant censurés de tout rapport faisant mention de Godzilla. Vous ne tirerez aucun bénéfice du travail effectué ici, seul le devoir nous guide. Toutes vos découvertes seront classées top secrètes, aucune publication scientifique n'est autorisée. Suis-je bien clair ?
_ Oui monsieur Epsilone, dit Kyohei en s'inclinant. Je veux juste sauver mon pays, rien d'autre.
_ Nous sauverons votre pays si nous en tirons un bénéfice, interrompit Tetra. En attendant, vous travaillez pour les Etats-unis d'Amérique, le Japon passe en second plan. Notre priorité reste le sous-marin nucléaire.
Kyohei sentait poindre une colère sourde en lui, il avait envie de partir en claquant la porte devant de tels propos, mais il savait qu'il ne le ferait pas, ils ne le laisseraient pas faire. Il se contenta de fixer les trois dirigeants en serrant les dents.
_ Alors que dois-je faire ? Demanda t-il en s'adressant à Tetra, il espérait toucher la plus susceptible du groupe pour trouver un point d'accord.
_ Nous devons trouver une équipe fiable pour étudier le spécimen, répondit la femme métisse. Et vous, Y-208, vous devez utiliser les données récupérées sur l'animal pour l'étudier et, éventuellement, trouver un moyen de l'exterminer. Nous avons récupéré les documents que vous avez abandonnées à notre base sur Tokyo. Etudiez les et tirez des conclusions, vous êtes chercheurs ? Alors cherchez.
La réponse ne plaisait guère au retraité, mais il avait les mains liées, il se contenta de pencher la tête en avant en signe de salut et accepta la requête. Tetra s'adressa ensuite au commandant Powder:
_ Vous de votre côté, vous devrez former une équipe capable de taire les éléments de cette enquête.
_ C'est mon escouade à la base de Toshima, les membres de l'Iron shield, qui a effectué la découverte du monstre. Le sergent Woodshape est l'un de mes éléments les plus fiables, il a entre autres découvert comment communiquer avec le reptile.
_ Communiquer ? Demanda Epsilone d'un air circonspect. Vous voulez taper la causette ?
_ Les armes conventionnelles semblent inopérantes sur le spécimen, ajouta Walter. Le sergent Woodshape suggère une approche plus subtile, il pense être en mesure de reproduire la voix de Godzilla, il espère pouvoir étudier dans les prochains jours ses vocalises et tenter de l'éloigner de la mer de Sagami. D'après ses rapports, le monstre utilise les ultrasons pour communiquer...
_ Infrasons, reprit Kyohei, mais Walter ne semblait pas le calculer.
_ Godzilla utilise les infrasons pour communiquer, nous pouvons tenter de lui indiquer un danger en s'approchant des côtes, ainsi il partira de lui-même. Nous avons bien vu que la marine japonaise n'a rien pu faire contre lui lors d'une confrontation directe, évitons des pertes américaines inutiles.
Les arguments du commandant semblaient toucher juste, les trois membres de la GSA.US se regardèrent durant un instant, l'air approbateur. Gamma donna les documents des analyses de Thierry à Kyohei et dit aux deux hommes:
_ Iota sera chargé de relever les vocalises du monstre, pendant ce temps là Y-208 devra étudier les relevés effectués par l'équipe de l'Iron Shield. Tout élément sur la nature, la biologie et la morphologie de Godzilla s'avérera essentiel pour atteindre nos objectifs.
Alors que Kyohei s'apprêtait à prendre les documents, Tetra les retira momentanément et fixa le scientifique droit dans les yeux.
_ N'oubliez pas, tous ces documents appartiennent aux Etat-unis d'Amériques. Compris ?
_ Oui madame, répondit Yamane avant que Tetra ne les laisse entre ses mains.
_ Rompez ! dit l'homme au crâne rasé.
Alors que Kyohei sortait de la salle, il demanda à l'un des gardes du corps:
_ Pardon monsieur, j'ai besoin de médicaments et je n'ai pas mon ordonnance sur moi, pourriez-vous les chercher pour moi. Je vais vous les noter sur un bout de papier.
_ Vous croyez que c'est le moment professeur Yamane ? Demanda Walter en se retournant vers lui.
_ Vous avez vu ma tête ? Répondit sèchement Kyohei. Je ne suis plus tout jeune, j'ai des problèmes de santé, je suis cardiaque vous savez ?
_ Ne vous inquiétez pas, lui dit l'agent. Écrivez- moi votre ordonnance, je vous fournirai votre traitement. Pour votre chambre, montez à l'étage, un de mes collègues vous y amènera. Votre bureau se trouvera deux étages plus hauts. Pour les vêtements, écrivez nous votre taille, nous vous fournirons. Bon courage, agent Y-208.
Alors que le gardien donna un stylo et une carte où Yamane nota tous ses médicaments, qui allaient être serrés sur un si petit bout de papier, Walter commença à partir de son côté. Ce dernier composa le numéro de Thierry, et lorsqu'il répondit, le commandant donna son accord pour commencer l'opération Opéra.
Alors que Yamane rejoignait sa chambre, très loin, Emiko était en train de faire le ménage dans la maison familiale. Elle récupérait les débris de verre dans une petite pelle, avant de passer l'aspirateur. Par chance, le poste de télévision avait été épargné. Elle l'avait allumé pour maintenir une présence dans la maison. Alors qu'elle passait par le salon, elle vit le premier ministre dans le poste. Ce dernier s'adressait à tout le Japon:
" Cher compatriotes, citoyens du Japon, vous n'êtes pas sans savoir de ce qui s'est déroulé hier soir, le drame qui a touché Izu Oshima et la ville de Tokyo. Nous recensons sept milles décès depuis hier, et un grand nombre de blessés légers et beaucoups garderont des séquelles. Au nom de toutes ces victimes, observons une minute de silence."
S'interrompant dans ses tribulations, Emiko joignit ses mains et se mit à genoux, et pria pour le salut de toutes ces âmes réclamées par Dieu. Elle eut durant un instant le flash du visage blême de l'enfant dans l'abri, les yeux vides et grand ouverts, les oreilles en sang. Elle ne put se retenir de s'effondrer en larmes, mais en conservant le silence. Toutefois elle toussa, et trouva du sang par terre.
"Merci de votre soutien, reprit le premier ministre. Nous allons voter d'ici demain la création de la loi "Kaiju" pour venir en aide aux victimes de l'attaque. Nous négocierons également avec les États membres de l'Otan pour reconstruire notre pays. Ensemble, nous traverserons cette épreuve, comme nous l'avons toujours fait. Nous sommes un peuple combatif, nous en deviendrons plus forts. Ayez foi en l'avenir, nous nous relèverons.
Nous allons commencer une opération dans la baie de Sagami, afin de neutraliser le Kaiju, jusqu'à nouvel ordre aucun bateau ou navire de plaisance sera autorisé à sortir ou entrer dans le port de Tokyo. Nous entamerons aussi l'évacuation du centre de Tokyo une fois que nous aurons trouvé les logements nécessaires pour héberger tous les habitants. Ne prenez que l'essentiel, l'opération ne durera pas longtemps. La force de l'Auto défense Japonaise œuvre durement pour vous protéger, Tokyo tiendra bon, ne cédez pas à la peur. Merci de votre foi en nous."
Le premier ministre s'inclina devant les caméras, et le jingle de fin de diffusion sonna. A la fin de l'annonce, Emiko se releva, puis se dirigea vers une fenêtre cassée. Elle n'avait pu sauver cette enfant, ni ces touristes, mais elle avait foi en l'avenir. Elle pouvait encore sauver des vies. Sa maison résidait en bordure de Tokyo, et elle était grande. Un endroit idéal pour des familles devant fuir la zone de conflit. Elle se dirigea vers son ordinateur portable, et commença à rédiger son annonce.
Aux larges de la baie de Tokyo, Thierry et son équipage sondaient la mer de Sagami. Alors qu'ils naviguaient, un groupe de dauphins sautait tout autour de la frégate. D'un air songeur, Felicia se pencha sur le rebord, admirant les cétacés.
_ Vous ne trouvez pas ça étrange de voir autant de vie dans la baie ? Demanda la vétérans alors qu'un animal bondit hors de l'eau.
_ Quelque chose semble les attirer, conclut le sergent. Certainement la bouffe.
_ Il me semblait que la mer de Sagami avait été dépeuplée de tout son poisson, reprit Fred en nettoyant son fusil. Ça signifierait qu'il y en a de nouveau ? Ça ressemble à une bonne nouvelle.
_ Les petits attirent les gros, dit Thierry en réglant la fréquence de sa radio. Mais j'avoue être le premier étonné, je n'ai jamais connu cet endroit réputé pour ses spots de pêche.
A travers le micro aquatique, il ne captait que le champ des baleines. Il y a encore quelques jours, le fond de la mer était stérile, et voilà que depuis la présence de Godzilla dans ces eaux qu'elles semblaient foisonner de vie. Quelque chose attirait les animaux marins ici, mais il était encore trop tôt pour tirer des conclusions. Alors qu'il écoutait le chant des créatures marines, une voix profonde et dominante résonna, un grognement sourd et grave.
_ Vous avez entendu ? Demanda Thierry. Je crois qu'on le tient !
L'équipage se jeta autour du scientifique, écoutant la voix du reptile géant. Après une longue vocalise, les baleines reprirent leurs chants, changeant légèrement le ton. Fred demanda à son supérieur.
_ Qu'est-ce qui se passe ?
Alors que les baleines cessèrent de chanter, de nouveau la voix du Kaiju résonna, plus douce, plus lente. Rebecca se frotta le menton, elle émit une hypothèse qu'elle ne pensait pas sérieuse.
_ Peut être qu'ils tapent la causette.
_ Arrête de dire n'importe quoi, lui dit Mark.
_ Ce n'est pas n'importe quoi, répondit Thierry alors que les cétacés reprirent leurs champs, plus affolés visiblement. Ils parlent ! Godzilla parle aux baleines !
_ Et ça nous avance à quoi ? Demanda Mark blasé.
_ Nous avons une pierre de rosette, reprit Thierry. Si je comprend ce que racontent ces baleines, je pourrais traduire Godzilla.
_ Et vous savez parler le baleine ? Demanda Felicia.
_ Non hélas, je suis un expert en sonar, pas en faune marine.
_ J'en connais une qui pourrait nous aider, reprit Rebecca. Elle n'est pas de l'armée, mais elle habite à Tokyo. Misu Kujira.
_ Mademoiselle cétacé ? interrogea Thierry à sa subordonnée. Vous pouvez la contacter ?
_ C'est compliqué, reprit Rebecca gênée. Je ne la connais pas personnellement, c'est une influenceuse japonaise. Je regarde ses vidéos le soir pour m'aider à dormir. J'adore son travail.
Thierry crut s'arracher le peu de cheveux qui lui restait. Il se tourna vers Rebecca, énervé.
_ Vous croyez qu'on a besoin de pub ? On est pas là pour réaliser des vidéos Tik Tok !
_ Elle fait partie d'une association de protection des cétacés, reprit la soldate. Elle milite pour faire interdire leur chasse. C'est une vraie experte, on l'appelle la femme qui murmure aux oreilles des baleines. Vous aviez besoin d'une traductrice, la voilà !
Woodshapes n'aimait guère l'idée de partager des informations confidentielles avec une inconnue, de plus une rebelle, mais il était à court d'options. Alors que les soldats débattaient, le cri des baleines devint de plus en plus aigus, avant de devenir sinistre. Le monstre leur répondit d'une longue plainte.
_ Vous entendez ça ? Interrompit Fred. On dirait qu'il est triste.
_ Il a l'air de souffrir, enrichit Felicia.
_ Difficile de savoir, dit Mark. Je pense qu'on a ce qu'il faut.
Après la longue plainte, le silence gagna dans le poste. Les animaux s'étaient séparés.
_ Changeons de cap, ordonna Thierry. Direction Tokyo, rendons visite à cette Misu Kujira.
Sur le chemin du retour, Daisuke et Steves passèrent devant une animalerie, des chats se dandinaient derrière la vitrine dans leur boxe. Daisuke s’arrêta un instant et se dirigea vers la boutique.
_ Je croyais que tu détestais les animaux à la maison, s’enquit Steves en voyant son compagnon inspecter les animaux.
_ Je les déteste, effectivement. Mais ne t’inquiète pas, c’est pour le travail.
_ J'avoue que tu me perds, dit l’ancien soldat. En quoi un chat peut être utile pour tes recherches ?
_ Problème de souris au labo. Méthodes naturelles.
_ Tu as complètement perdu la tête ! S’énerva Steves devant l’absurdité de la situation. C’est la pire raison du monde d’adopter un animal, appeler un exterminateur serait plus simple !
_ Pas le temps, pas le budget. Allez on y va !
Malgré les argument de Steves, Serizawa entra dans l’animalerie où un homme d’âge mûr, mal rasé et avec une calvitie avancée fixa les deux nouveaux arrivants.
_ Je peux quoi pour vous messieurs ? C’est pas le top en ce moment, je vous conseille de passer un autre jour.
_ C’est pour louer un animal, un chat particulièrement.
Serizawa semblait confiant, mais le gérant le fixait d’un air suspicieux. Il prit sa cigarette électronique et tira une bouffée de vapeur à travers celle-ci.
_ Vous devriez lire avant de raconter des conneries, regardez !
Le commerçant pointa de la pointe de sa cigarette une affiche. En kanji était écrit “Pas de location, adoption uniquement.”
_ Vous avez de la chance, je fais tout en promo.
Le commerçant fixa les deux clients, Steves s’approcha du comptoir et demanda:
_ Promo ? Ils n’ont pas de date de péremption !
_ Vu la merde que c’est dehors, commença à répondre le commerçant,
cette boutique ne vaudra plus rien d’ici la prochaine attaque du Kaiju. Je dois faire disparaitre tous les animaux d’ici, d’une manière ou d’une autre. Je me casse plus au nord dès que tous ces petits amours sont soit adoptés, soit recyclés.
_ Recyclés ? S’inquiéta Steves, qui refusait de croire avoir compris.
_ Yep. Dans un grand camion, ils vont rejoindre une usine où, ma foi, ils seront utiles à quelque chose. Vous savez combien peut rapporter une fourrure véritable ?
Dégouté des paroles de l’animalier, Steves se retourna vers Serizawa qui inspectait les animaux. Le scientifique japonais se dressa et pointa du doigt l’un des chats.
_ Lui, il semble plus adapté à mes besoins.
_ Vos besoins ? demanda le vendeur tandis qu’il fit le tour de sa caisse. J’ignore ce qu’ils sont, mais ça m’étonnerait. Il n’est pas très commode, je suis supposé le faire piquer, il griffe les enfants.
_ Mais est-ce qu’il chasse bien ? Demanda Daisuke en préparant son portefeuille.
Le vendeur regarda le japonais un instant, et lui fit signe de ranger son portefeuille. Il prit une paire de gants de cuir robuste ainsi qu’une cage.
_ Il est vieux, il est con, mais chasser il sait bien le faire. Cadeau de la boutique, faudra penser à l'emmener chez le véto, c’est une vraie peste. Mister casse-couille, tu as une nouvelle famille.
Le vieux chat était borgne, et son pelage hirsute laissait penser qu’il n’était pas entretenu. Il montra les griffes au gérant quand il tenta de l’attraper. Il envoya un coup de patte, mais le commerçant le saisit de force, et l’enfonça dans la cage.
_ Merci, dit Serizawa satisfait, il rangea son portefeuille.
_ C’est moi qui vous remercie, répondit le gérant. Je n’ai jamais pu le blairer. Bon courage.
Serizawa saisit la cage et sortit de la boutique, suivi de Martin qui ne put se retenir de critiquer le choix de son ami.
_ Bon sang ! Mais t’es con ma parole ! Que va dire ta femme ?
_ Elle sera contente, elle adore les animaux. Je suis sûr qu’elle sera ravie.
_ Mais il est moche, il est méchant et il lui manque un œil. J’ose pas imaginer les frais vétérinaires.
_ Je refuse de débourser un yen pour cette chose, répondit Daisuke en prenant la voie de droite, en direction du chemin du retour.
_ Tu ne le soigneras pas ? S’énerva Martin.
_ Tu as entendu le gérant, il devait finir en col roulé. Il a déjà de la chance que je le récupère. De plus, j’ai fait une bonne affaire.
Comprenant qu’il ne gagnerait pas le bras de faire avec un connard, Steves se tut, ses arguments ne pouvaient atteindre l’esprit torturé de Daisuke. Comme si le moment de faiblesse qu’il avait vu en lui plus tôt dans la journée n’était qu’un lointain passé, monsieur Serizawa n’avait plus rien du sauveur du genre humain qu’il avait connu. Bientôt, ils arrivèrent aux abords de la cité.
Yamane avait tenté de se reposer, mais n’arrivait guère à trouver le sommeil. Il jugea bon de sortir de son lit et de travailler plutôt. Il se dirigea vers la porte, le garde de tout à l’heure était à l’entrée tandis que le retraité ouvrit la porte. Il avait un sac à la main.
_ Vos vêtements, ainsi que vos médicaments, agent Y-208.
_ Merci bien. Je vais me changer.
Le paléontologue referma la porte et vérifia le contenu. Tout était là, il fallait reconnaître que les agents américains étaient diablement efficaces. Il se changea et sortit de sa chambre, il demanda le chemin du laboratoire aux agents de sécurité. Après quelques indications, il se dirigea vers les quartiers scientifiques ultra-secrets. Dans le bureau, un ordinateur portable, deux clés usb et une pile de papiers l’attendaient. Il n’allait pas s’ennuyer, c’est sûr. Il se mit à la tâche, et commença l’analyse des documents. Les prélèvements semblaient indiquer que l’animal appartenait bien à l’ordre des théropodes, mais avec des mutations majeures. Il avait du mal à établir le lien entre Godzilla et les espèces modernes, son sang était riche en cellules dont la croissance était anormale. Que se passait t-il avec ce métabolisme ? Serait-ce …? Le téléphone de Kyohei se mit à sonner.
_ Allô ? Demanda le vieil homme.
_ Allô agent Y-208, répondit Powder au bout du fil. Ici Iota, j’ai des nouvelles du sergent Woodshapes. Il a pu enregistrer la voix de notre chanteur d’opérette, il faisait papote avec les baleines visiblement. Il va chercher un moyen de traduire.
_ C’est formidable, répondit heureux Yamane. Comment compte t-il s’y prendre ?
_ Il a une piste, reprit le Commandant. Une influenceuse, Misu Kojira, Gujira ou je ne sait quoi encore.
_ Misu Kujira, répondit Y-208. Je connais, une militante de la cause cétacé. Elle est connue sur les réseaux sociaux, je sais que ma fille aime bien regarder ses reportages.
_ Quoi que soit son nom, cette femme pourrait nous être utile. Thierry va la contacter, sa collaboration sera un atout dans cette course contre la montre. De votre côté, de l’avancement ?
_ J’ignore encore pour être honnête, répondit Yamane. J’ai des données, mais je dois maintenant analyser et envisager différentes hypothèses à partir de celles-ci. On nage en pleine inconnu, j’aurai besoin d’un généticien. Je vous rappelle que mon truc, ce sont les fossiles.
_ Je vais contacter le GSAUS, ils devraient vous arranger le coup. Je vais préparer un périmètre de sécurité, je dois continuer d’agir normalement, comme si j’appartenais encore au Iron Shield. Le temps joue contre nous.
_ Alors je redoublerai d’effort, commandant Iota.
_ Bonne chance.
Le téléphone raccrocha, et Yamane replongea dans les documents. Il devait trouver une solution pour que Godzilla fuit la baie.
Dans un quartier résidentiel, une troupe américaine se dirigeait vers l’un des blocs de résidence. Un immeuble délabré dominait le quartier. Des antennes de télévision s’hérissaient comme des ronces grimpantes sur les murs. Thierry regarda le téléphone dans sa main, c’était l’adresse.
_ Comment avez vous obtenu son adresse ? demanda le sergent à Rebecca.
_ J’ai aussi des compétences en informatiques, affirma cette dernière en mâchant un chewing-gum.
_ Hacking ? Demanda Thierry circonspect.
_ Plutôt Reddit. Demandez n’importe quoi dessus, ils le trouvent en deux secondes.
_ Vous êtes vraiment flippante, allez en avant.
Les cinq soldats grimpèrent les escaliers et arrivèrent au quatrième étage. La porte numéro trente-six tremblait tellement le son était fort, on aurait dit une rave party à l'intérieur. Thierry frappa et s’annonça.
_ Sergent Thierry et le soldat Rebecca vous demande, madame…
Alors que Thierry cherchait le nom de la personne, Rebecca lui souffla à l’oreille:
_ Yamazakura.
_ Comment l’avez vous eu ? Bon laissez tomber ! Madame Yamazakura, ouvrez nous je vous prie.
Aucune réponse, la musique était toujours assourdissante. Woodshapes frappa de plus belle, et hurla:
_ Ouvrez au nom de l’armée américaine !
La musique cessa et Thierry jura entendre un juron en japonais. Visiblement des choses non identifiées tombèrent, la personne à l'intérieur était en panique. Une voix féminine résonna à travers la porte:
_ J’arrive monsieur l’agent, deux secondes, je suis toute nue !
Bien que Thierry ne croyait pas à ce mensonge, il laissa faire. Au bout de quelques minutes, la porte se déverrouilla et une jeune femme asiatique, aux traits émaciés, ouvrit la porte. De la fumée s’échappait. Une forte odeur d’herbe monta aux narines de Woodshapes.
_ Pour l’odeur je peux tout vous expliquer monsieur l’agent, voulut rassurer la japonaise. Ce n’est pas moi, c’est le voisin d’en dessous.
_ J’en ai rien à foutre de votre beuh, rassura le sergent. Nous ne sommes pas la police.
_ Putain vous m’avez fait peur ! S’écria la femme visiblement soulagée. Mais vous êtes qui alors ? Comment avez-vous eu mon adresse ?
_ Je suis votre plus grande fan ! Dit Rebecca qui bouscula Thierry décontenancé. Vous pourriez me signer un autographe ?
_ Du calme ! Ordonna Thierry qui remit sa subordonnée à sa place. Vous êtes bien Misu Kujira ?
_ Un instant ! Dit la japonaise en enlevant la chaînette de sa porte. Elle ouvrit en grand, se dévoilant elle-même en T-shirt blanc avec une baleine dessinée dessus et en sous-vêtements. Cela arracha un sourire de satisfaction de Rebecca. Je suis bien Misu Kujira, je préparais mes affaires avant d’évacuer, j’ai peur de ne pas pouvoir être franchement utile.
La femme asiatique était à la limite de la maigreur, elle avait une coupe au carré d’un côté, et rasée de l’autre. Un tatouage d’animaux marins ornait son bras gauche, principalement des dauphins et des baleines. Ses vêtements étaient tachés de brun, certainement du café renversé dessus.
_ Désolé pour l’accoutrement, dit-t-elle en étant gênée. Généralement je fais plus attention à mon physique.
_ Il n’y a aucun souci, rassura Rebecca en se pinçant la lèvre inférieure avec les dents.
_ Madame Yamazakura, nous avons des enregistrements d’animaux marins, dit Thierry en japonais. Pourrions nous compter sur votre entière collaboration ?
_ Vous devez être de l’Iron Shield pour aussi bien parler japonais, répondit l’experte en cétacés. Vos sonars tuent les dauphins, hors de question d’aider une bande de tocards comme vous.
Face à ce premier refus, le sergent Thierry envisagea une autre approche. Il sortit de sa poche son téléphone, et diffusa le chant des baleines qu’il avait enregistré plus tôt dans la journée.
_ Vous pensez m’amadouer avec quelques audio à la … commença Misu Kujira avant que la voix de Godzilla retentisse. Son grondement sourd semblait la fasciner, suivi de la réponse des baleines. Où avez-vous eu ça ? Qu’est-ce que c’est ?
_ Si vous nous aidiez, reprit Thierry, vous pourriez sauver toute la baie de Sagami. Mais visiblement vous n’êtes pas décidée, je ne vous forcerai pas la main. Soldats, rentrons à la base, nous trouverons un autre volontaire.
Alors que les soldats tournaient les talons, suivis de Rebecca à contrecœur, la japonaise sorti de son appartement paniquée.
_ Vous allez où ? D’où viennent ces enregistrements ?
_ Je croyais que vous ne vouliez pas aider des tocards comme nous, répondit amusé Woodshapes. Son plan marchait. On va chercher un autre expert, certainement moins compétent mais plus coopératif. Nous ferons également un petit tour au poste de police, ce voisin doit être vraiment nuisible avec son herbe.
_ Attendez ! S’écria Yamazakura. On doit pouvoir trouver un terrain d’entente ! Je me prépare !
Alors que la fille rentra chez elle, se mettre au moins un pantalon et des chaussures, Rebecca frappa amicalement Thierry sur l’épaule.
_ Vous êtes trop fort sergent Thierry ! S’exclama l'afro. Comment vous faites ?
_ Déjà je ne reluque pas les gens à qui je m’adresse, répondit le sergent en se moquant de Rebecca.
_ Mais … ! Je ne vous permet pas ! Je ne la reluquai pas !
Thierry se contenta de rire, ignorant l’opposition de Rebecca qui était offusquée. Elle devenait rouge de honte malgré sa peau sombre. Se rendant compte de son ridicule, Rebecca s’écria une nouvelle fois.
_ Je ne la reluquai pas !
L’influenceuse sortit de sa maison, elle portait toujours son T-shirt sale mais au moins elle avait un mini-short. Ses cuisses fines étaient toujours apparentes, ce qui arracha un sourire à Felicia. La japonaise passa à côté de la soldate sans la calculer, elle semblait obnubilée par l’enregistrement de Thierry.
_ Ok je peux vous aider ! Affirma Misu Kujira. Juste, qu’est-ce que j’ai à y gagner ?
Thierry fit semblant de ne pas faire cas, mais se retourna avec un air blasé. Il était doué pour obtenir ce qu’il voulait. Il connaissait les gens, il savait bien les manipuler, et il en abusait.
_ Tiens donc, on retourne sa chemise ? Demanda Thierry faisant la comédie.
_ Ce truc, je ne sais pas ce que c’est, ce machin qui parle aux baleines m’intrigue !
Thierry décrocha un sourire, il touchait au but.
_ Classé top secret. Dommage. Mais peut être que… Si vous nous aidez à comprendre cet enregistrement, je ne sais pas, votre association de sauveurs des poissons pourrait avoir un petit coup de pouce.
_ Je pourrais peut-être interpréter votre audio, enrichit l’experte. Mais ce ne sera pas comme traduire mot à mot d’une langue humaine à une autre, c’est une communication inter espèce. Mais je connais suffisamment les vocalises des baleines pour comprendre qu’un truc ne tourne pas rond. Ce truc, la grosse voix, n’est certainement pas l’une d’elles, mais clairement ils se comprennent, cette chose doit être importante à leurs yeux.
_ Vous vous inquiétez pour cet individu, n’est-ce pas ? demanda Thierry. Il avait la sensation d’être un pêcheur avec une prise au bout de la ligne, il l’avait presque remonté à bord.
_ Si cet animal est important aux yeux des baleines, reprit Mizu Kujira, alors elle est importante pour moi. C’est une avancée majeure pour ma cause !
_ Bien, dit Thierry satisfait. Suivez nous, vous allez rejoindre la confidence. Mais…
_ Je peux filmer ? demanda la femme japonaise. Mes fans vont adorer ça ! Une nouvelle espèce qui parle aux baleines.
_ Pas de caméra, pas de micro. Pas de vidéo tik tok.
Les paroles de Thierry donnèrent un coup au moral de la défenseuse des baleines, même Rebecca semblait compatir avec l’experte.
_ Thierry ! T’abuses ! Dit Rebecca. Elle est célèbre dans le monde entier !
_ Vous êtes de quel côté ? demanda Thierry le ton sec. Mademoiselle, comprenez bien qu’aucune de ces informations ne doit être diffusées au public. C’est confidentiel. Mais je vous rassure, cela aidera votre cause. D’une manière, ou d’une autre.
Misu Kujira sembla hésiter, elle ignorait la profondeur de ces eaux troubles, mais le mystère était trop alléchant pour elle. Elle fit face à Woodshapes et lui répondit:
_ J’ignore si vous disiez la vérité, mais je dois savoir. Je me moque de mes followers, les baleines sont plus précieuses que toutes vies humaines à mes yeux. Cette famille communiquait avec votre créature, je dois comprendre ce qui se passe.
Thierry tendit une main vers la japonaise.
_ Alors bienvenue à bord.