Godzilla: Destroyers of World

Chapitre 3 : Le 6 mai 1954

8037 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/11/2023 22:36

_ Présentez vous à l'assemblée, ordonna une voix féminine d'âge mûr.

_ Je suis le capitaine Walter Powder, de la huitième division de l'opération Iron Shield. A ma droite, voici le professeur Kyohei Yamane.

_ Quelle est la raison de sa présence ici ? Demanda un voix d'homme masqué par la lumière aveuglante. 

_ Il est expert en paléontologie, répondit le militaire. Il a émis des hypothèses qui s'avérèrent exactes sur le phénomène M-06M1954. Grâce à lui, nous avons découvert l'origine de la catastrophe de Toshima. 

_ Merci Capitaine, dit tranquillement une voix un peu plus âgée. Suite à votre témoignage vous serez promu au rang de Commandant, vous serez accrédité à connaître certains rapports en liens avec M-06M1954, mais à partir de maintenant toute divulgation d'informations confidentielles sera sujet à suppression des preuves. Il en va de même pour vous, professeur Yamane.

_ Suppression des preuves ? Demanda interloqué Yamane à Walter.

_ C'est nous les preuves, répondit sur un ton froid le nouveau commandant. 

_ Bienvenue dans la GSA.US. Décréta une femme d'origine visiblement métissée améracino-japonaise. La Global Security Agency of United State. 

_ Je croyais que vos services de renseignement étaient la CIA, s'enquit le japonais.

_ La CIA collecte les renseignements sur les autres pays, nous, nous protégeons les intérêts des Etat-unis en dehors du territoire, ainsi notre revendication est illimitée. Mais avant de poser davantage de questions, nous allons vous présenter les faits observés depuis les années cinquante.

Un projecteur vidéo s'alluma, illuminant une toile derrière les deux nouveaux agents de l'organisation secrète. Un titre de rapport tamponné de "TOP SECRET" en rouge était affiché. Phénomène M-06M1954. 

_ Après la seconde guerre mondiale, commença le plus vieil homme de la tribune, les deux blocs de l'est et de l'ouest sont montés en tension. Vous connaissez l'histoire, c'était le début de la guerre froide. Les succès de Orishima et Nagazaki nous incitèrent à développer des armes plus performantes, ce fut l'âge des essais nucléaires dans le pacifique. Mais lors d'un test sur une île dont la localisation a été classifiée, l'opération fut interrompue. La base qui devait lancer le missile n'a plus donné signe de vie après l'incident. Nous avions pensé à un accident avec l'essai, mais lorsque nos forces ont investigué l'île, la bombe était intacte. Mais la base était ravagée, pas un survivant. C'était le 6 mai 1954, d'où le nom de phénomène M-06M1954. Il y avait ni trace de lutte, ni de violence, les victimes avaient subi de profonds traumatismes au niveau des organes, entraînant une hémorragie interne d'après les rapports des légistes de l'époque. L'année suivante, un sous-marin nucléaire fut porté disparu dans des circonstances étranges, la même année on entendit un écho dans l'océan au cœur du Pacifique. Nous avons pensé à une nouvelle arme russe, malgré les investigations de la CIA nous n'avions trouvé aucun indice en lien avec ces deux événements. Alors nous avons lancé l'opération Yager, sous prétexte d'essais nucléaires nous avons tenté de débusquer et détruire la chose qui s'en prenait à nos bases, sans succès. A la fin de la guerre froide, le phénomène cessa et nous avions clos l'affaire, bien que nous ayons décidé de poser des bases sur les îles des archipels du Pacifique dans le cas de son éventuelle réapparition. Hier, à dix-neuf heure quarante-six, nous avions enregistré le même écho qu'en 1955. 

_ Voici tous les éléments que nous avions en notre possession sur cette affaire, conclut une femme aux cheveux bouclés. Maintenant que nous savions que le phénomène a refait surface et que vous aviez en votre possession des indices nouveaux sur ce mystère, nous comptons sur votre entière coopération. 

_ Oui madame, affirma le commandant en sortant de sa pochette devant lui les documents relatés par ses soldats le matin même. Hier, comme l'a si bien dit votre collaborateur, nous avions enregistré une mise en marche de la tourelle de défense anti-missile guidée par intelligence artificiel CHLOE-18 sur une cible non identifiée aux larges des côtés de Toshima. La cible n'a pas été détruite après cinquante-deux tirs de missiles. Quatre minutes après l'activation du système, une onde de choc similaire à une celle d'une explosion atomique a atteint la base, ainsi que la ville, endommageant les vitres et provoquant la surdité aux habitants et aux soldats. A vingt heure, plusieurs séismes de magnitude cinq secouèrent la ville, provoquant l'effondrement de plusieurs bâtiments. Trois heures plus tard, les séismes cessèrent, mais la tempête empêchait toujours toute sortie. A huit heure zéro neuf, heure japonaise, mon équipe organisa une sortie pour faire du repérage et porter assistance aux civils. Monsieur Yamane ici présent découvrira les empreintes de la créature et partagea sa découverte avec mes subordonnés.

_ Une créature ? Demanda la femme aux cheveux bouclés. 

_ Affirmatif madame, répondit avec conviction le gradé. Nous avions plusieurs photographies, ainsi que des enregistrements de pic d'émission de radiations. Toute l'île est contaminée, les civils vont probablement garder des séquelles de ce sinistre. 

_ Nous craignons qu'ils ne développent des cancers sur la durée, ajouta le professeur Yamane se sentant concerné. Probablement que je n'y échapperai pas non plus. 

_ Pouviez vous nous décrire la créature ? Demanda un homme au crâne rasé. 

_ Nous pouvons vous la montrer, dit le Commandant en montrant l'appareil photo. 

_ Branchez votre appareil à l'ordinateur et diffusez les images, ordonna le plus vieil homme.

Le militaire s'exécuta et ouvrit les fichiers des captures de Martin. Le manque de lumière et les grains empêchaient d'avoir une très bonne visibilité, mais la silhouette de l'animal était à peu près discernable. Ses dimensions paraissaient absurdes. Yamane retint un hoquet de surprise et d'effroi lorsqu'il la vit, sur l'écran, si majestueuse et effrayante à la fois. Il avait les caractéristiques d'un tyrannosauridae couplées à celles d'un reptile marin, et un de ses bras puissants saisissait le sommet de la colline comme un support. 

_ Magnifique, ne put retenir Yamane en pleine admiration. 

_ Que pouvons nous déduire de vos observations, commandant Powder ? Demanda la métisse.

Comprenant que c'était son tour de prendre la parole, Yamane se saisit du micro devant lui et commença à exposer les données et ses déductions.

_ Nous avons clairement à faire à un dinosaure de la famille des théropodes, mais il présente des traits communs aux alligators ou autres crocodiliens. Il doit posséder un système brachial et pulmonaire en supplément quand il monte à la surface. Sa taille doit avoisiner cent cinquante mètres de haut pour un poids de neuf cent milles tonnes. Je dois vous avouer que j'ignore encore comment un tel bipède peut supporter sa propre masse, il faudrait étudier la nature de ses os. La chaleur qu'il dégage doit être au-dessus de quatre-vingt dix degrés celcius, pour remédier à ce problème il possède de larges plaques dorsales dans son dos, afin d'aider probablement à refroidir son sang. Il doit nager dans des eaux froides pour réguler sa température corporelle, en venant à l'air libre il ne devrait plus être en mesure de se refroidir, son temps sur terre ferme doit être limité par cette contrainte. Mais son gigantisme reste pour moi un mystère, ainsi qu'une sécrétion basique sur nous avons collectée sur un chalutier échoué sur la plage qui coïncide avec l'arrivé de la créature. 

_ Est-ce que les radiations auraient un lien avec le monstre ? Demanda la femme âgée. 

_ Je l'ignore, répondit honnêtement le paléontologue. Ne tirons pas de conclusion à la hâte. 

_ Avons nous un nom de code pour ce spécimen ? Demanda l'homme à la tête rasée. 

_ Godzilla, du moins en attendant de trouver mieux, répondit le commandant. Ce sont mes hommes qui ont décidé de le baptiser ainsi.

_ Alors nous le nommerons Godzilla dans chacun de nos rapports en lien avec le phénomène M-06M1954. Maintenant que nous connaissons ses caractéristiques avons nous un moyen de l'éliminer ?

_ L'éliminer ? S'offusqua Kyohei. Nous tenons un authentique saurien de la préhistoire qui a peut-être des centaines, voire des milliers d'années d'existence, et vous souhaitez l'éliminer ?

_ Un sous-marin nucléaire américain navigue dans la mer de Sagami, nous ne pouvons nous permettre dans notre contexte géo-politique avec la Russie de risquer de perdre un atout aussi précieux.

Déçu par la raison évoquée par la femme métissée, Yamane se résigna à accepter le sort de la créature. Il se mit à décrire le rapport devant lui.

_ Des missiles de type Patriot furent inefficaces pour abattre l'animal, il va falloir certainement une méthode non conventionnelle pour l'effrayer. Je vous suggère de ne rien tenter d'agressif envers Godzilla en attendant, il a attaqué la station balnéaire après que la tourelle de défense l'ait prise pour cible. Il doit avoir un tempérament très territorial, pour le faire partir il faut enquêter d'abord sur la raison de sa soudaine migration. 

_ Nous vous avions demandé une solution pour détruire Godzilla, dit le vieil homme d'un ton posé mais pas moins menaçant. Répondez à la question.

_ Votre but est de protéger votre sous-marin, reprit Yamane, alors dites-lui d'arrêter son sonar. Il pourrait interpréter sa présence comme une menace. Laissez nous le temps de l'observer dans son milieu naturel, nous trouverons des solutions adéquates en conséquence. 

Les agents secrets se consultèrent à voix basse et une décision fut prise. La femme d'origines japonaises prit la parole.

_ Nous allons donner l'ordre au sous-marin de se mettre à l'arrêt pendant une semaine. Pendant ce temps, localisez le et cherchez une solution pour le faire partir du secteur. Ce délai dépassé, nous lancerons une opération d'envergure pour le chasser. 

_ Merci madame, dit Kyohei en s'inclinant. 

_ Nous nous mettons de suite au travail, affirma Walter en saluant la main sur la tempe, raide comme un piquet. 

Mais alors qu'ils pensaient pouvoir prendre un instant de répit pour réfléchir à la suite des actions, un agent de sécurité chuchota à l'oreille du vieil homme qui s'écria:

_ Comment ?!


Serizawa s'approcha du comptoir, tenant le félin des deux mains. 

_ Te revoilà Sushi ! Dit la responsable de la boutique. Vous vous êtes amusés monsieur Serizawa ?

_ Je n'en suis pas satisfait, répondit sèchement Daisuke en déposant l'animal sur le comptoir, récupérant sa caution.

_ Comment ça ? demanda la gérante de la boutique. 

Elle était jeune, et faut bien l'avouer, très mignonne, elle inspecta l'animal sous tous les angles.

_ Pourtant il est très calinou, jugea t-elle. 

_ Ce n'est pas ce que je recherche, dit monsieur Serizawa d'un air détaché. Vous n'en auriez pas un... un peu plus...

_ Mignon ? Demanda la jeune femme en emenant Sushi dans sa cage avec ses camarades. 

_ Chasseur je dirais.

_ Ah ? Fit la commerçante surprise de la réponse. Mais nous on ne... cautionne pas vraiment ça. Un chat a besoin de chasser, mais ce ne sont pas des outils.

_ A votre avis espèce d'ignarde, commença Serizawa en jugeant la femme de simplette, pourquoi croyez vous qu'on a laissé entrer ces saloperies dans nos maisons ? Ils pissent, ils griffent, ils mordent ! Ce n'est pas parce qu'ils étaient mignons qu'on a toléré leurs misérables existences, allez à l'école au lieu de papouiller des sacs à puces et autres maladies !

Blessée dans son fort intérieur par les propos d'une telle violence, la gérante appela son petit copain qui vint aussi vite. Il était grand, du moins pour un japonais, et bien bâti, il devait aller plus souvent à la salle que Serizawa. Mais sa journée était assez merdique, Daisuke se résigna et dit en quittant la boutique:

_ J'en trouverai une autre où les chats font de vrais trucs de chats. Vous me reverrai plus dans ce trou à rats !

Serizawa claqua violemment la porte. 

_ C'était qui ce con ? Demanda le garçon à la fille qui était au bord des larmes.


Au même moment où le professeur Yamane tentait de convaincre son assemblée de ne rien tenter contre Godzilla, les tourelles Mary et Clara détectèrent une menace aux larges de Izu Oshima. L'intelligence artificielle jugea bon de lancer l'alarme anti-atomique immédiatement. Au mouillage, non loin, un paquebot de croisière flottait paisiblement, avec des touristes de haute volée à bord. Au moment où les sirènes retentirent, les enfants se mirent à hurler et les civils se mirent à l'abri. Un homme d'affaire important se glissa sous une table, accompagné de sa femme vétue de rouge. 

_ Les Russes attaquent ? Demanda t-il à son épouse, mais le son de sa voix était couvert par le signal sonore. 

Les deux tourelles de défense se braquèrent en direction du navire de croisière. Un soldat japonais de patrouille remarqua le comportement étrange de l'arme automatisée. 

_ Qu'est-ce qu'elle branle ? Demanda le militaire à son collègue qui se tenait juste à côté.

_ Elle dérape ma parole ! Saloperie américaine, avertissez le caporal !

Une vague commença à se soulever derrière le bateau, les passagers ne la remarquèrent qu'à peine. 

_ Ne t'inquiète pas, les tourelles américaines vont nous protéger ! Voulut rassurer l'homme d'affaire en s'adressant à sa femme. 

Au même moment, Mary ouvrit le feu en direction du paquebot. Deux de ses roquettes explosèrent le flanc du navire, ce dernier commença à chavirer. Alors qu'il penchait, et que ses entrailles s'inondaient d'eau salée, le couple glissa ne se retenant que de justesse aux rambardes. 

_ Tiens bon ! Ordonna le mari en saisissant la main de sa femme.

N'ayant pas assez de force, la pauvre femme passa par-dessus bord et tomba dans l'eau sombre. L'homme en costard hurla, mais son cri fut réduit au mutisme par une nouvelle explosion qui éventra une nouvelle fois le navire. 


A l'ambassade américaine, Josh Matthew reçut un coup de fil de la part de l'état major japonais. Il venait d'apprendre que le système anti-missiles qu'ils avaient disposés sur l'île d'Izu Oshima venait d'ouvrir le feu sur un navire de plaisance japonais sans raison apparente. C'était un drame diplomatique sans précédent. 


Le navire commençait à s'immerger dans les eaux profondes, la plupart des gens qui étaient sur le pont étaient tombés à l'eau. L'homme d'affaire ne tenait plus que d'une main. Assourdi par les explosions des missiles, il n'entendit pas le grondement sous le navire. Alors qu'il était à deux doigts de lâcher, il lui sembla que soudainement, le paquebot avait cessé de couler. Au contraire, ce dernier se releva. Puis, de plus en plus haut, dorénavant il avait cessé de toucher l'eau. Il aperçut ce qui croyait être un récif de corail gigantesque jaillissant du flanc du bateau. Puis, l'épave se rompit sur le dos du géant d'écailles, glissant sur chacun de ses côtés. Les tourelles de défense anti-missiles reprirent leurs salves. Les impacts firent à peine reculer la bête qui gesticula lentement des pattes avant comme pour chasser des moustiques insistants. La plupart des personnes étaient déjà réfugiés dans les abris sous-terrain de la ville, mais les militaires sur le devant de la scène furent pris d'effroi. Ne sachant quoi faire, la plupart prirent la fuite. Au-dessus de leurs têtes, un hélicoptère de journalisme rapportait les images.


_ Branchez le projecteur sur les chaines de télévisions, ordonna la femme aux cheveux bouclés.

Immédiatement, les images étaient flagrantes, bien que parasitées par des grains. Un immense reptile se dressait aux abords du port de Izu Oshima. 

_ Je crois que sa couverture est grillée, commenta l'homme à la tête rasée. Il va falloir faire plus vite que ça.

Un téléphone sonna, c'était celui de la femme japo-américaine. Elle décrocha et parla en anglais à voix basse. Elle se redressa vers les deux hommes après un bref moment.

_ C'était l'ambassade américaine. Les tourelles anti-missiles américaines ont fait feu sur un navire japonais.

_ Dans quelle merde tu nous a foutu Steves ? se demanda Walter entre dégoût et rage. 

_ Il devait être derrière le navire au moment de l'attaque, commenta Yamane. Il se sent menacé, il est décidé à répliquer maintenant.


Les tourelles finirent d'épuiser leurs munitions, un nuage de fumée recouvrait le lézard géant, lui donnant un air de fantôme dans la brume. Il commença à prendre une grande inspiration, lente et profonde. 


_ Que fabrique-t-il, demanda le vieil homme qui assistait à l'émission.

Yamane ne comprit que trop tard ce qui allait arriver. 

_ A terre tout le monde ! Bouchez vous les oreilles !

Yamane se jeta sous le pupitre, les Américains réagirent plus lentement. Alors que plus personne ne regardait le reportage, l'Empereur du pacifique rugit à plein poumons.


L'onde de choc fut spectaculaire, le sol trembla, les immeubles pourtant de conception robuste s'effondrèrent tels des châteaux de cartes, les voitures furent emportés par le souffle, les vitres explosèrent en milliards de morceaux étincelants. La voix majestueuse du seigneur Godzilla tua instantané soldats et civils présents sur l'île, même cachés dans les bunkers. Mais Izu Oshima ne fut pas la seule victime. Le cri de guerre du maître des mers porta jusqu'à Tokyo. Les premières victimes furent les rescapés de Toshima, dont Emiko et Steves qui furent emportés par le souffle. A peine échappé d'un enfer que le diable les avait rattrapés. Dans les bureaux où se localisaient Walter et Kyohei, le son fut si puissant qu'il en fit exploser les verres d'eaux disposés sur les tables, puis ce fut Daisuke, qui surpris de voir les lumières de la ville s'éteindre dans le lointain alors qu'il tournait la clé dans la porte de sa maison, se plia de douleur sous l'intensité des infrasons qui lui tordait les entrailles devant son parquet. Koukougetsu à son tour, dans son appartement alors qu'il jouait à un jeu vidéo rétro, vit sa télévision crépiter sous forme d'étincelles puis exploser, alors que lui-même se plaqua à terre, paralysé par la douleur. Son appartement tout entier se mit à secouer dangereusement. Même à plusieurs dizaines de kilomètres, Godzilla se fit entendre. Le roi était de retour. 


Quelques minutes s'écoulèrent avant que, dans le bureau de la GSA.US, les participants de la conférence ne puissent se relever. Encore engourdi, Yamane s'appuya sur Powder qui l'aidait à se remettre debout. Même les impassibles agents de sécurité étaient à terre, aussi pathétiques que le reste des dirigeants de l'agence. Kyohei n'arrivait plus à penser, ni à entendre, tandis que Walter lui hurlait littéralement dessus. Ils se dirigèrent péniblement vers une bouteille en plastique, le paléontologue la saisit maladroitement à deux mains, et instinctivement se mit à boire, se moquant des risques du baiser indirect le cours d'un instant. Il se sentait inférieur, moins qu'humain, abandonné de sa propre raison et de ses sens. Ce n'est qu'une fois que les acouphènes cessèrent qu'il entendit le son de la voix désagréable du commandant.

_ Professeur Yamane ! Nous devons évacuer !

_ Pas besoin de crier ! hurla à son tour Kyohei persuadé de parler normalement tant il avait du mal à s'entendre lui-même. Vous avez dit quoi ?!

_ Évacuer ! Nous devons évacuer !

Un homme âgé, que reconnut l'expert en dinosaures, lui attrapa l'épaule et lui cria à son tour dans les oreilles.

_ Nous avons une base à Yamagata, nous mènerons la suite des opérations là-bas. Tenez cette carte, et foncez au garage dans le second sous-sol, des voitures de fonction avec un GPS programmé vous attendent en bas ! Ne perdez pas de temps !

_ Ok, répondit Kyohei en saisissant la carte-puce, toujours en état de choc. 

Les deux hommes, titubants, parcoururent les couloirs en se tenant au mur, après une dizaine de mètre, Walter vomit une bile blanche. Kyohei se retourna, se rendant compte de l'état de son camarade.

_ Vous allez bien ? S'égosilla Yamane. 

_ Au top professeur ! Répondit avec sarcasme à peine déguisé le militaire avant de pousser une nouvelle gerbe. 

Tentant de reprendre leur course d'handicapés, les deux compères arrivèrent à l'ascenseur et Walter s'effondra dos au mur à l'opposé des interrupteurs. 

_ Deuxième sous-sol ! Rappela Walter au bout de sa vie. 

Avec difficulté, Yamane se cramponna au mur et finit par appuyer sur le bouton, avant à son tour de s'effondrer avant que les portes ne se referment. 

_ Qu'ils se la collent au cul leurs promotions, finit par lâcher le commandant. Je suis trop vieux pour ces conneries.

_ Courage commandant, répondit Kyohei qui n'était guère en meilleur état. Vous êtes en état de conduire ?

_ Et vous professeur ?

L'ancien capitaine tenta de rire, mais un mal lui prit les côtes, coupant son souffle. Alors que la machine les amenaient dans les profondeurs de la tour, le commandant demanda pendant ce bref répit:

_ Dîtes professeur ? Cette douleur, pensez-vous pensez que Thierry avait raison ? Cette histoire d'ultrasons ?

_ Infrasons ! reprit Yamane avec une voix faible. Si son cri nous affecte autant malgré la distance, je n'ose pas imaginer le carnage s'il était dans la baie de Tokyo. Il faut faire évacuer la ville entière.

_ Laissez tomber ! Dit le militaire. Ceci n'est pas de notre ressort, nous servons les intérêts des Etats-unis d'Amérique, vous aussi d'ailleur maintenant. C'est un travail pour les forces de défense japonaise. 

_ Nous détenons des informations capitales, si nous ne les partageons pas ils courent droit à la catastrophe.

_ Ce n'est pas déjà le cas ? Demanda amèrement Powder. 

Après de longues minutes interminables les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur le parking souterrain. Mais les deux hommes restèrent inertes.

_ On ne descend pas ? Demanda Yamane à son partenaire.

_ Je ne suis pas en état de faire un pas de plus, sinon c'est mes tripes que je vais vomir.

_ D'accord, répondit lentement Kyohei en se mettant plus à l'aise, marquons un temps de pause.


Martin et Emiko étaient tout juste en train de mettre pied à terre quand le souffle de l'explosion les frappa. Revivant le cauchemar de la veille, ils se mirent à terre pour ne pas tomber, tétanisés à la fois par la peur et la douleur. Ce n'est qu'au bout de dix minutes qu'ils se relevèrent péniblement. Emiko pleurait, mais Steves était dans l'incapacité de l'entendre. Les autres civils, moins disciplinés, se mirent à courir en zigzaguant comme des ivrognes. Voyant la panique de son amie, l'ancien sergent tenta de la rassurer, il se rendit compte qu'il n'entendait qu'un fond sonore fictif inventé par son esprit pour combler le silence à la place de sa propre voix. Il se sentit un peu mieux quand il commença à entendre les sirènes et les cris en fond qui l'entouraient. Un enfant de deux ans errait seul au milieu des adultes, pleurant à chaudes larmes, en quête de sa mère. Instinctivement, Emiko tituba jusqu'à lui et le saisit aux bras. Le pauvre bambin saignait des oreilles, avec de la chance il ne sera que sourd. Martin prit madame Serizawa par le bras, la traînant avec lui à travers la foule. Il joua des coudes pour se faufiler dans la masse en panique, alors que les japonais étaient réputés d'un calme olympien lors de ce genre de crise, les touristes cédaient plus facilement à leurs pulsions. Lorsqu'ils réussirent à s'extraire de la masse grouillante, ils foncèrent en direction d'un panneau signalétique indiquant un abri urbain. 

_ Viens Emiko, on doit se mettre à l'abri !

Elle ne l'entendait probablement pas, mais elle comprit ce que Martin signifiait en pointant du menton la flèche avec le symbole nucléaire. Même si Tokyo entier était convaincu d'avoir affaire à une attaque des Russes, Martin connaissait la véritable menace qui leur planait dessus. Godzilla. Les civils japonais, accoutumés à ces exercices d'évacuation en lieu sûr, s'engouffrèrent dans le souterrain, suivis des trois compères. Dorénavant, ils ne craignaient plus rien. Peu à peu, l'audition leur revint. 

_ Je croyais que Toshima était un cas isolé, dit Emiko en berçant le nourrisson. Vous êtes certains que ce ne sont pas les Russes qui attaquent ?

_ Affirmatif, expliqua Martin. J'ai vu le salopard derrière tout ça.

_ Qui c'est alors ? Demanda la femme inquiète.

Martin regarda autour de lui, il y avait un brouhaha constant, des téléphones qui sonnaient, certainement les proches des rescapés qui demandaient des nouvelles. Un écran de télévision n'émettant que de la neige cathodique était branché en hauteur. Il ne pouvait révéler l'existence du monstre ici. 

_ On a plus la télévision ? Demanda Steves étonné de la diffusion d'images absentes. 

_ Si, regarde en bas ! Répondit Emiko en pointant d'un doigt les logos de la chaîne dans le coin en bas à gauche de l'écran. 


L'hélicoptère de reportage aérien s'était écrasé au bord de la digue sud, la caméra qui avait coûté plusieurs milliers de yens fixait une direction. Un clignotant vert s'alluma. 


Alors qu'un présentateur télé dans un cadre minuscule était en train de couper le reportage, l'écran principal se remit à diffuser. Il y avait beaucoup de grains, mais on peut distinctement voir la ville de Izu Oshima en flammes dans les ténèbres nocturnes. Se glissant lentement entre les décombres, les formes singulières des plaques dorsales d'un titan s'enfoncèrent derrière les immeubles encore debout. Face à l'horreur de cette diffusion, les citoyens dans le bunker se mirent à hurler d'effroi. 

_ Un dragon géant ! S'écria une vieille dame se saisissant la poitrine. C'est le jugement dernier ! Le grand Dragon Rouge !

Même le journaliste dans son bureau tomba de son fauteuil, saisit d'effroi. Le monde voyait son bourreau. Bientôt, les réseaux sociaux s'emparèrent de l'événement, puis les forum, avant d'être repris plusieurs heures plus tard par les reporters de toutes les chaînes de la planète. Ils le baptisèrent le Roi des monstres. 


Devant le seuil de sa porte, Serizawa s'appuya contre le rebord du mur, peinant à se mettre sur ses deux jambes. Il avait le tourni, envie de vomir. Lorsqu'il entra chez lui, il n'enfila même pas ses pantoufles, il déambula comme un marin resté trop longtemps en mer. Il arriva au niveau de la salle à manger, la radio était allumée. Avait t-il oublié de l'éteindre en partant. Il crachait des parasites affreux, lui renforçant sa migraine déjà carabinée. Cherchant un support, il s'effondra sur la table à manger, renversant les restes de son petit déjeuner. Il était devenu sourd l'espace de plusieurs interminables minutes, avant que peu à peu les acouphènes laissent place au son désagréable de la radio. Une voix d'un présentateur annonçait que le Roi des monstres avait pénétré les terres de Izu Oshima, tandis que les forces de défense japonaises étaient en route pour intercepter l'animal. Il tenta de saisir l'objet de malheur, mais sa main ripa à côté. 

_ Ferme ta gueule ! Vociféra Daisuke en renversant d'un revers de main le poste, aussi enragé que terrifié. 

Malgré le coup, la radio continuait d'émettre le reportage, décrivant l'aspect de la créature marine aperçue sur les côtes de l'île. Il semblait que le phénomène ait pris une ampleur internationale. D'un pas maladroit, le scientifique se pencha sur son frigo, et l'ouvrit en grand. Il prit une bière, il n'avait pas vu que c'était de l'alcool, et bu comme si c'était de l'eau. Parce qu'il avait avalé trop vite, il recracha le contenu, surpris par le goût agréablement amère de cette dernière. Il la jeta à travers la cuisine, et prit un jus de fruit. Il ne cherchait pas particulièrement le goût sucré, mais ce fut la première chose qu'il saisit. Il avait soif. Il s'effondra sur le sol, dos au compartiment du réfrigérateur. Quelque chose, peut être une bombe, venait de détonner. Persuadé de la troisième guerre, la dernière des dernières, avait commencé. Il se sentait las, impuissant, insignifiant. Jamais il ne pourrait achever son invention. Mais soudainement, sa poche se mit à vibrer, il en sortit son portable et alluma l'écran, c'était sa femme, Emiko. 

_ Allô ? Demanda Daisuke en se frottant vigoureusement les tempes.

_ Allô chéri ?! C'est moi, Emiko ! Tu vas bien ?

_ Oui, mentit son époux. Mais il y a eu un incident, une explosion je crois.

_ Nous aussi on l'a entendu, dit la voix au bout du fil. 

On pouvait entendre la foule derrière.

_ Vous savez ce qui se passe ? Demanda monsieur Serizawa en fixant la fenêtre de la salle à manger, toutes les lumières de la ville étaient éteintes. 

_ Je suis avec Steves, on a subi une attaque sur Toshima, les forces de défense nous ont évacués mais à peine arrivé au port qu'une seconde explosion a retentit. A la télévision, ils parlent d'un reptile géant. 

Daisuke se tourna vers le poste de radio. Ainsi ce n'était pas un canular. Il se releva péniblement, téléphone en main, et referma enfin le frigo qui hurlait depuis deux minutes. 

_ Vous êtes où ? Je viens vous chercher !

_ Non ! attends ! Insista Emiko. Nous sommes à l'abri. On ne sait pas si on va subir une nouvelle attaque. Et mon père n'est pas là, il a suivi le capitaine de Steves en hélicoptère. 

_ Merde ! Hurla le mari frustré de ne rien pouvoir faire. Écoute, reste dans l'abri jusqu'à ce que l'armée vous sorte de là, je vais me tenir informé des événements.

_ C'est mieux ainsi, répondit gentillement sa femme. Soit prudent mon amour.

_ Toi aussi chérie, bisous.

Ils raccrochèrent, tandis que Serizawa, reprenant ses esprits, se dirigea vers la porte d'entrée pour la fermer à clé.


Le premier ministre convoqua les bureaux de gestion des crises climatiques et de la force armée malgré l'heure tardive pour contrer l'avancée de ce que les japonais appelaient dans les réseaux sociaux "Kaïju". Les instructions étaient claires, repousser l'animal hors de la mer de Sagami, il ne devait pas atteindre Tokyo. Ignorant le danger des radiations, le ministre de la défense intérieure envoya plusieurs esquifs lourdement armées intercepter la bête, tandis que des hélicoptères du nouveau modèle Hauringuchidori pour quadriller la zone. Le commandant de la marine Manzo Samenosupu ordonna par radio au porte-avions JDS-Hyuga de faire route vers la mer de Sagami, en contournant par le nord l'île de Izu-Oshima. Il s'enquit ensuite de la force du capitaine Suwarusuwairudo, on lui rapporta qu'ils ne donnaient plus de nouvelles, la radio de Toshima semblait morte. Manzo jura de venger les morts de l'archipel, il était temps de montrer la détermination japonaise à ce petit roi des monstres. 


Cela faisait au moins dix minutes que l'ascenseur s'était refermé, mais Yamane et Powder étaient toujours immobiles. De nouveau, Kyohei avait soif. 

_ Je pense qu'on peut y aller, conclut le commandant en se relevant péniblement. J'ai assez récupéré. 

Il appuya sur le bouton de l'étage souhaité, il avait repris du poil de la bête, sa position était plus stable. Il aida le vieil homme à se relever à son tour. 

_ Mettons nous en route, dit-il en désignant le parking, dont un grillage électrifié barrait la route. 

_ Toutes ces protections sont nécessaires ? Demanda le scientifique en poussant un gémissement de douleur, son dos lui faisait mal. Il n'était plus de première jeunesse.

_ Nos ennemis sont légions, décrit Walter en prenant la tête. Russes. Chinois. Nord-coréens. Etats Islamiques. Si ces informations devaient tomber entre de mauvaises mains ce serait une catastrophe.

_ Pour qui ?

_ Pour nous. Et pour vous aussi. 

Il tendit la main vers Yamane qui lui passa la carte après quelques secondes passés à interpréter le geste.

_ Maintenant que notre touriste s'est révélé au grand jour, nos ennemis l'utiliseront contre nous, c'est certains. 

_ Que pouvons nous faire ? 

_ Ça, c'est à vous de nous le dire professeur.

Se sentant déçu de la réponse ainsi que le poids de ses responsabilités, Yamane suivit Walter lorsqu'il passa la carte pucée devant le lecteur. Un bip approbatif se déclencha et le portail s'ouvrit. Se dirigeant vers une voiture, cette dernière se déverrouilla à leur simple approche.

_ On a rien fait, dit Yamane surpris. 

_ Elles détectent la carte, c'est un multi-passe. On doit pouvoir évacuer en cas d'urgence, tout comme maintenant. Montez à bord !

Walter se mit à la place du conducteur, tandis que Yamane posa son postérieur sur la place du mort. Bouclant vivement leurs ceintures, le militaire appuya sur un bouton disposé sur le côté droit du volant. Il recula vivement avec la voiture, avant d'écraser l'accélérateur, alors que le portique du parking s'ouvrait tout juste. 

_ Vous pouvez aller plus délicatement ? Suggéra Yamane qui se sentait mal à l'aise.

_ Non papy, répondit sèchement Powder qui enfonça la barrière avant qu'elle ne soit complètement relevée. Faudra faire avec.

_ Ô putain ! jura le vieil homme de nature distinguée, mais submergé par l'émotion. 

Fort heureusement, la voiture d'apparence civile était en réalité lourdement blindée, elle n'eut même pas une égratignure. 

_ Tournez à droite, suggéra la voix robotique du GPS dans la langue de Shakespeare.

Le système effraya l'espace d'une seconde le scientifique, mais il se ressaisit rapidement. 

_ Du calme, tenta de rassurer Walter alors qui fit sauter le véhicule hors du souterrain, comme dans les films hollywoodiens. Tant que je suis au volant vous ne risquez rien !

_ Arrêtez tout de suite ! Ordonna Yamane qui se fit ignorer copieusement, il avait envie de vomir.

_ Dans la boîte à gant, il doit y avoir un sac.

Le chercheur de fossile ouvrit le compartiment, trouvant un sac en papier brun. Il ouvrit en grand et vomit son déjeuner d'hier.

_ Tout ira mieux une fois sortis de la ville, rassura Walter alors qu'il venait d'éviter de justesse un poteau tombé en travers de la route. Quand j'étais en Irak c'était mille fois pire que ça. 

_ Je ne suis pas un dur à cuir comme vous, répondit avec véhémence le vieil homme malmené dans les virages. 

_ Accroches toi au lieu de l'ouvrir !

Alors qu'ils fonçaient à toutes allures à travers Tokyo, en pleine nuit, un tank de la division blindée japonaise barra la route. Les soldats japonais firent signe au véhicule américain de s'arrêter, et Walter dû braquer pour stopper de justesse devant le char d'assaut. 

_ Que foutez vous ici ? Demanda le soldat alors que Walter baissait la vitre teintée.

_ Forces du gouvernement américain, dit Powder en tendant son badge en s'adressant en japonais. Ancien capitaine de la marine, Commandant Walter Powder dorénavant. 

_ Et lui ? Demanda le militaire nippon en brandissant sa torche vers Yamane qui fut aveuglé.

_ Professeur Yamane Kyohei, paléontologue japonais. C'est mon consultant. Laissez nous le passage.

_ Les Etats-unis n'ont aucun droit ici, revendiqua le soldat. Mettez-vous à l'abri et attendez les prochaines instructions.

_ Ecoute moi le jaune, se mit en colère Walter alors qu'il dégaina son téléphone, je peux en un seul coup de fil faire virer ton équipe entière. On est les forces spéciales, tu souhaites vraiment que j'appelle ton premier ministre pour te faire botter le cul en personne ?

Le soldat hésita et donna a contrecœur l'ordre de libérer la voie par la radio. Yamane appela le soldat avant que Walter ne redémarre:

_ Dites à vos hommes de ne pas attaquer Godzilla ! Sous aucun prétexte !

_ Pardon ? Demanda le membre de la défense japonaise alors que le tank libérait le passage. 

_ Rien ! Décréta le commandant américain avant d'enfoncer le champignon. 

Après quelques dizaines de mètres qui les séparaient de la troupe nippone, Walter se tourna furieux vers Yamane.

_ Que vous a t-il pris ? 

_ Je veux sauver les gens de mon pays, répondit honnêtement le vieil homme alors qu'ils furent secoués par un dos-d'âne. Je devais les prévenir !

_ En divulguant directement le nom de code de la créature ? Bien joué ! Vous voulez signer notre arrêt de mort ?! 

Yamane ne s'était pas rendu compte de ses paroles sur le coup, mais soudainement il se sentit bête.

_ Désolé commandant Powder, j'ai fauté...

_ Arrêtez de vous apitoyer sur votre sort, rétorqua Walter alors qu'il prit un virage à quatre-vingt dix degrés. Avec de la chance il n'a même pas entendu, faudra rester sur nos gardes à partir de maintenant.

La voiture noire continua de virevolter à travers les rues désertes, les masses de soldats japonais se campaient autour de la baie, attendant un signal. Heureusement pour les deux hommes, ils étaient bientôt sortis de la ville. 


Au-dessus du ciel de Izu Oshima, l'escouade du Faucon prenait des clichés de l'île. En dessous, un nuage de poussière recouvrait une masse gigantesque en mouvement au milieu des montagnes centrales. 

_ Cible détectée au cœur d'Izu Oshima, décréta un des observateur à la radio. En attente d'ordre.

Dans un bureau rectangulaire, regroupant les plus hauts gradés de la force d'autodéfense du pays, on sentait la tension grimper. Le colonel Chugoku réfléchit un instant puis donna ses instructions.

_ Délimitez un périmètre sécurisé, donnez la localisation à la force maritime, encerclez le.

_ Reçu.

Les hélicoptères s'inclinèrent et se dirigèrent en formant un arc de cercle en dépassant la forme à peine visible dans l'obscurité. Lorsqu'ils passèrent au-dessus, les passagers ressentirent une forte pression étouffante. Ils avaient l'impression de cuir à la vapeur. 

_ La cible effectue un trajet en direction du nord à une vitesse moyenne d'environ trente-cinq kilomètres à l'heure, compléta le soldat en braquant la caméra en direction du Kaiju. Temps estimé avant qu'il n'atteigne la mer de Sagami, deux heures. 

_ Il est lent, commenta un officier attablé au bureau en face du secrétaire de la défense. 

_ Profitons de son point faible, dit le général des forces maritimes. Tendons-lui un piège.

Alors que les hélicoptères manoeuvraient pour tournoyer autour de la créature, le copilote de l'un des appareils s'adressa à son partenaire.

_ J'ai des démangeaisons, tu ne sens rien ?

_ Concentre toi sur la mission, réplica avec calme le pilote aux commandes. Il ne voulait pas avouer, mais lui aussi était sur le point de faire un malaise. 

Seuls d'énormes épines dorsales trahissaient la silhouette de la bête, des éclairs commencèrent à crépiter dans le ciel. Des vapeurs d'eau s'échappaient des pores de la peau de Godzilla. Il transpirait visiblement. Fixant l'écran des caméras embarquées de leurs troupes, l'état-major observait la scène, l'un des officiers de l'aéronavale pointa du doigt le nuage tournoyant autour du mystérieux monstre.

_ Le nuage semble venir de lui. Il n'y a pas moyen de se rapprocher ?

_ Exécution Tigre-02, donna l'ordre Samenosupu. 

_ Manoeuvre engagée, lança le coopilote alors que son partenaire amena l'appareil au plus proche.

La chaleur était insupportable, mais alors que Tigre-02 était à quarante mètres de la cible, il continuait sa trajectoire droit vers la bête. 

_ On devrait être assez proche, indiqua le copilote qui ne reçut aucune réponse.

Il se sentait mal, mais il ne comprenait pas l'absence de son partenaire. Il se retourna et vit le pilote qui avait les muscles relâchés, la tête penchant mollement sur le côté. Il avait perdu connaissance.

_ Yusuke, fit le copilote en secouant l'épaule de son partenaire. Yusuke ! Pertes de contrôle de l'appareil, je répète, pertes de contrôle de l'appareil ! Ô mon dieu !

Aussi rapidement qu'un tir d'arbalète, le véhicule à hélices percuta le flanc de la créature qui poussa un grognement de surprise. Une gerbe de flamme s'échappa du moteur, enveloppant d'une boule de feu l'ensemble des passagers à bord. Puis, tel un mégot de cigarette, sa carcasse s'écrasa aux pieds de Godzilla qui focalisa son attention vers les frêles moustiques qui lui tourbillonnaient autour. 

_ Ordonnez le repli ! Lança le lieutenant de l'armée de l'air. Rompez le contact !

Les appareils japonais commencèrent à s'éloigner, mais un autre hélicoptère dont les occupants avaient eux-aussi sombré dans l'inconscience tombèrent au milieu des arbres, dont le kérosène déclencha un incendie de forêt. 

_ Que se passe t-il ? Demanda un capitaine voyant son escouade être décimée par une force invisible. 

_ Quelque chose doit les affecter, théorisa un des gradés à table. Tenez-vous à bonne distance !

_ Je me sens... pas... terrible... dit un autre pilote au bout de la ligne avant que la caméra embarquée à bord de son véhicule ne passe par-dessus bord. 

Au moins trois appareils s'étaient crashés depuis le début de l'intervention, le bilan humain et matériel était déjà lourd. Le son à travers le micro enregistrait le rythme pachydermique des pas du géant. 

_ La cible est proche de la plage, dit un des colonels à table. Devons nous ordonner l'ordre de repli de la marine ?

_ Non. Dit le premier ministre attablé en face de l'écran. Le Kaiju ne doit pas atteindre la baie de Tokyo.

_ A vos ordres monsieur le ministre, répondit le général en s'inclinant. Passez les forces maritimes Alpha 01 et Beta 03. 

La radio de Satsuma commença à appeler le personnel à bord. Le capitaine Hanabi répondit à l'appel, qui transmit l'ordre de formation à la flotte qui entourait l'île. Les tourelles du croiseur se braquèrent en direction de Izu Oshima, alors que les frégates japonaises formaient un barrage de leur longueur. Ils étaient prêts à l'accueillir. Les hélicoptères respectèrent une distance d'un kilomètre dorénavant, mais sans le savoir les pilotes continuaient de subir l'assaut des rayons de la mort. 

_ Nous devons encore reculer, dit un des copilote qui veillait sur son camarade. Nous sommes toujours affectés par la présence du Kaiju. 

_ Négatif, répondit le chef de l'escouade. Gardez un contact visuel !

_ Désolé ! On ne peut plus rester, Nozanuebu-sempai, répondez ! Je...

De nouveau, un contact fut perdu. 

_ Nos hommes se font décimer ! Déclara furieux le chef de l'escouade en question. Je ne peux plus laisser mes hommes mourir impuissant !

_ Ils font honneur à la patrie, répondit le premier ministre attentif aux informations visuelles qu'ils collectaient à travers les huit écrans restants. Comment s'y prend-t-il ?

Un coup de téléphone sonna, le premier ministre décrocha. 

_ Oui monsieur le président Hursenwall ? Non je ne donne pas l'autorisation. Comment ?!


Alors que le premier ministre japonais s'étranglait au bout de son téléphone, deux avions bombardiers furtifs de type Northrop Gunman américains volaient depuis les îles au sud du japon, ayant pour origine des bases secrètes en mer. Chacune de leurs bombes avaient le pouvoir destructeur de raser un pâté de maison à elles seules. Les pilotes reçurent les coordonnées satellites de Godzilla, ils devaient effectuer une frappe chirurgicale, il fallait éviter la marine alliée. Ils descendirent en dessous des nuages, piquant tels des oiseaux de proies.

_ Confirmation visuelle de Godzilla, dit un des pilotes américain.

_ Autorisation d'engagement, affirma une voix au bout de la radio.

_ Bouffe ça l'iguane ! Insulta l'un des coopilote alors qu'il armait les bombes.


Les deux avions survolèrent la créature à très basse altitude, les explosions qui en suivirent étaient tout bonnement gigantesques, les ondes de chocs secouèrent les navires, rendant sourd momentanément les marins japonais. Alors que le silence revint, le nuage de fumée noire se dissipa lentement. Un éclair dans le ciel révéla la silhouette du colosse océanique, il était indemne. 

_ Kami-sama protégez nous, dit le capitaine Hanabi devant un spectacle de flamme qui ne faisait que glorifier la venue d'un démon vengeur dorénavant visible depuis la mer. 


Les frégates armèrent les canons, tout comme le croiseur, menaçant de loin le reptile terrifiant. Le bureau de la défense avait le souffle court.

_ Quelles sont les instructions ? Demanda un lieutenant.

_ En attente, dit la voix du capitaine Hanami depuis son VHF. 

_ Ouvrez le feu ! Ordonna le commandant de la marine. 

Dans un tonnerre apocalyptique, les fracas des obusiers et les rafales des mitrailleuses recouvraient les cris de guerre des soldats nippons. La bataille avait démarré. Se couvrant la tête d'une de ses pattes avant, le lézard tyran s'avança maladroitement vers le rebord de la plage. Le barrage de feu était prodigieux, bientôt le roi des monstres fut recouvert d'une volute de fumée et de flammes. 

_ Donnez tout ce que vous avez ! Hurla d'excitation un lieutenant qui encouragea ses hommes à travers son écran, soudainement pris d'une crise frénétique. 

Après pas moins de dix-minutes de tirs intensifs, les munitions commencèrent à se tarir, il fallait recharger. Lors d'une minute de répit, le colosse prit une profonde inspiration dans ses poumons, avalant tel un ogre une quantité d'air exceptionnelle. 

_ Ne relâchez rien ! Ordonna Hanami, mais il comprit que trop tard que son heure était venue.

Le monstre, non, Gojira le roi des tempêtes, poussa son terrible cri de mort. Les bâteaux tremblèrent avant de sombrer dans l'eau profonde, les occupants sentirent les organes dans leurs corps imploser, tombant inconscients. Le bureau des forces japonaises se jeta sous la table à la vue de ces images, et l'onde de choc reprit de plus belle, heurtant pour la deuxième fois les côtes de la baie de Sagami. Malgré le fait d'avoir bouché les oreilles, l'ensemble du bureau fut secoué par le rugissement antédiluvien venu des profondeurs. Après avoir décimé la marine japonaise, le géant se dirigea vers la mer. Ses plaques dorsales avaient viré au rouge, brillantes comme des braises chaudes. Il s'immergea, cherchant la fraîcheur de l'eau.



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