Godzilla: Destroyers of World

Chapitre 2 : La tempête

9119 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/11/2023 22:37

Le ciel était illuminé par une bataille céleste éblouissante. Le tonnerre faisait résonner les vitres. La pluie diluvienne s'abattait tel un torrent sur l'île, les rues étaient inondées, l'alerte rouge météo invitait toute personne à rester chez elle, à l'intérieur. De préférence, il fallait se mettre sous les tables. Les lumières clignotaient à cause de la surtension dans l'air. Les bourrasques emportaient les chaises et tables en plastique laissées dehors. Les vagues s'écrasaient sur les digues dressées, écumant par-dessus les rochers. La base était en arrêt, le temps que la tempête passe. Mais un scientifique analysait le mollusque péché sur la plage. Aucun doute, il était radioactif, il fallait le confiner. Il mit la bête dans un boîtier en plomb renforcé. Mais soudainement, alors qu'il avait oublié de l'éteindre, le compteur geiger se mit doucement à crépiter. Le scientifique ne s'en rendit compte qu'au bout de plusieurs minutes. L'intensité augmentait, jusqu'à ce qu'il crache dans ses enceintes. Il brandit le détecteur, quelque soit la direction, les radiations étaient les mêmes. Il regarda par la fenêtre l'océan pacifique, il crut voir un puissant flash dans le lointain qu'il prit pour une gros éclair, mais quelques secondes plus tard, une onde de choc retentit.


Alors qu'ils étaient en plein ébat, Emiko et Steves furent soudainement assourdis par un puissant choc qui fit rompre le verre des vitres. La pluie inondait la chambre. Ils furent projetés à terre, au milieu des éclats de verre. Steves tenta de hurler à Emiko de sortir d'ici, mais le bruit du vent couplé aux acouphènes rendait le dialogue impossible. Il saisit la femme par l'épaule et sortit de la chambre dans le couloir. Ils étaient nus, au milieu des autres personnes elles aussi affolées. Lorsque l'audition leur revint, Emiko demanda à Steves:

_ Qu'est-ce qui se passe ? On aurait dit une bombe !

_ Je crois que ça a commencé ! S'inquiéta l'américain. Les russes attaquent !

_ Les Russes ? Demanda affolée une sexagenaire en robe de chambre. C'est la fin du monde !

_ Vite ! Ordonna le militaire. Au rez-de-chaussée. 

Écoutant les ordres de l'homme nu, les civiles se dirigèrent vers le bas de l'hôtel, et commencent à se couvrir la tête. Un homme de passage, visiblement gêné par le manque de pudeur, donna un vêtement à Emiko et Steves. La tour entière tremblait sous les rafales du vent. Les éclats blancs du ciel donnaient une teinte d'apocalypse à la scène. Le tonnerre rugissait tel un monstre géant. Alors que les cris cessaient et que tout le monde était plaqué au sol, quand le calme revint, le sol se mit à trembler. Non pas par réplique comme un séisme ordinaire, mais en rythme lent. Les secousses devinrent de plus en plus fortes. Il fallait sortir d'ici. Alors que les civiles paniquaient, Martin attrapa Emiko par la main.

_ Nous devons aller au bunker le plus proche. Ma base en possède un, rejoignons les là-bas !

_ J'ai peur Steves ! Cria la femme. 

_ Suis moi !

Steves sortit du bâtiment en tenant fermement Emiko, la tempête était terrifiante. Les routes étaient inondées. Les séismes s'intensifiaient à chacun de leurs pas maladroits à travers les rafales de vent. Suivant son instinct, Martin brava la tempête à travers les ruelles, mais un bruit singulier retentit. Un effondrement. 

_ Ferme la bouche ! Ordonna l'américain en plaçant une main sur le visage de la japonaise. Respire plus !

_ Quoi ?

D'une rue derrière eux, un nuage de poussière les engloutit. L'eau était glacée, le courant menaçait de les emporter. Ce n'est qu'une fois qu'ils quittèrent le nuage de particules que madame Serizawa vit le bâtiment effondré. Elle voulut pousser un cri, probablement de peur, mais le tonnerre couvrait sa voix. 

_ T'arrêtes pas Emiko ! Hurla dans ses oreilles Steves, qui dissimulait sa terreur. On ne peut rien faire, viens !

Ils enjambèrent les courants diluviens sous une pluie battante. Les séismes firent tomber un nouvel immeuble dans le lointain. Ça et là dans les rues, des gens déboussolés, pourtant accoutumés à ces tempêtes et aux séismes, étaient, face à la nature, perdus. Sur leur gauche, un temple bouddhiste n'était plus que ruine après qu'un chalutier lui soit tombé dessus. L'ampleur des séismes avait diminué, la source semblait s'éloigner. Ce n'est qu'après ce qui leur parurent une éternité que Steves et Emiko rejoignirent la base américaine. Steves hurla en anglais dans l'interphone, et le portique s'ouvrit. Ils errèrent jusqu'à l'entrée du bunker où la porte s'ouvrit. Sans tarder, les deux rescapés entrèrent, sans calculer la présence des soldats. Les camarades de Steves toisèrent les deux étourneaux, étonnés de leur accoutrement. 

_ Nous avons du linge, dit Walter en s'approchant d'Emiko. Tenez. 

_ Arigatô, répondit la japonaise en se sentant mal à l'aise. 

_ Et vous soldat Martin ? S'empressa d'ajouter le capitaine Powder. Vous avez des explications ?

_ J'accompagnais le médecin Serizawa jusqu'à l'hôtel, répondit le soldat en se mettant au garde à vous.

_ Nu comme un ver ? Drôle de protocole soldat, nous en discuterons au calme une fois la tempête passée. Mais il y aura des conséquences. 

Walter passa une chemise et un pantalon à Martin qui les enfila sa poser de question. Il savait qu'il avait merdé, mais il savait que grâce à son erreur, il avait pu sauver Emiko d'une mort certaine. 

_ Vous avez des informations sur ce qui se passe ? Demanda Steves. La troisième guerre mondiale a démarrée ?

_ Pas de hâte soldat ! Dit froidement le gradé. Nous n'en savons pas beaucoup plus que vous, mais il semblerait qu'une explosion de type nucléaire ait détonnée depuis le sud de Toshima, probablement à ving-cinq miles d'ici. Nous n'avons aucun rapport du continent d'une quelconque attaque des russes. Nous sommes aussi dans la confusion. Si un conflit devait démarrer, ce serait ici en ce moment-même. 

_ Quelle horreur, s'enquiéta Emiko.

_ Vous ne reverrez jamais votre famille ! Se moqua un soldat américain, mais il fut rapidement reprit par un des siens.

Les soldats se regardèrent les uns les autres, car si c'était vrai pour Emiko, cela l'était aussi pour chacun d'entre eux. Le cynisme du farceur finalement ne fit que encore plus plomber l'ambiance dans le souterrain.

_ Avant d'entreprendre quoique ce soit, reprit le capitaine, nous devons attendre que la tempête se tasse. Si c'est pour raconter encore une connerie, vous pouvez vous la boucler. Compris soldats ?

_ Oui capitaine ! Dirent en chœur les militaires.

Et les heures suivantes furent silencieuses, seul le crépitement de la radio retentissait dans le bunker. Emiko se demandait si son père allait bien.


Loin de l'île, à Tokyo, au petit matin, monsieur Serizawa arriva avec les bras chargés au laboratoire. Ses collègues étaient à la fois surpris et touchés de le voir avec cette drôle de petite chose. Il passa sa carte devant le lecteur et entra dans ses quartiers. Il déposa une gamelle d'eau et de croquette à ses pieds, puis finalement, un chat fut délicatement posé à ses pieds. Un de ses collègues étonné lui posa la question:

_ Vous avez adopté ce chat ? Pourquoi l'amener ici ?

_ J'ai retenu la leçon, dit Serizawa en époussetant des poils blancs de la bête sur sa chemise. Plus de pièges ! Je ne fait qu'employer des moyens naturels, le temps que les agents d'entretiens trouvent une solution. 

Le chat commença à se retourner vers Daisuke, cherchant le contact avec ses jambes en frottant délicatement sa tête contre son pantalon. Il commença à ronronner, et Serizawa se pencha pour faire face à l'animal domestique.

_ Toi, attraper souris ! Ok ?

_ Je ne crois pas que ça marche comme ça, rétorqua son collègue qui effectuait une mesure à l'aide d'une sonde. Au fait, j'ai vérifié les calculs que tu as fait pour ton destructeur d'oxygène. Je crois que tes résultats sont faux. 

_ Ne me prend pas pour un amateur ! Dit Serizawa tout en caressant la tête du chat. Je suis plus malin que toi, c'est probablement toi qui t'es trompé, mes calculs sont parfaits !

_ Mais oui, bien sûr...

Le chat commença à se diriger vers les croquettes, mais le scientifique les retira et plaça la gamelle en hauteur. 

_ Tu attrapes les souris, après t'as la bouffe le chat !

_ Trouves lui un nom bordel ! Dit le chercheur toujours pris dans ses relevés de mesure. Ce n'est pas un objet, c'est vivant tu sais ?

_ Ce n'est qu'une location, dit Serizawa pour sa défense. Et une fois qu'il aura accompli sa besogne, je le rendrai à l'animalerie. Allez ! Au boulot !

Malgré les ordres insistant de Daisuke, le félin s'assit et fixa les yeux de son maître en poussant un léger miaulement. Comprenant qu'il n'arriverait à rien par la force, Serizawa se dirigea vers le tableau de contrôle du destructeur d'oxygène miniature. Ce n'était qu'un modèle réduit, mais il avait déjà un puissant pouvoir de fission des molécules. Il mit en route l'appareil, le logiciel semblait bien fonctionner. Les deux extrémités de l'engin s'écartèrent, les deux émetteurs se firent face à face.

_ Tu devrais revérifier tes calculs avant de lancer ça, insista son collègue qui prenait des notes de ses observations.

_ J'ai passé toute la soirée d'hier à les revérifier, affirma Daisuke alors que la version réduite chargeait l'énergie nécessaire à l'émission de fréquence électromagnétique. C'est sans risque.


Lorsque le voyant vert s'alluma sur le tableau, Daisuke lança le compte à rebours. Dix. Neuf. Huit. Le laborantin à côté jeta un coup d'œil inquiet à l'invention de Serizawa. Sept. Six. Cinq. Le chat fut attiré par un bruit inaudible et se glissa sous un meuble. Quatre. Trois. Deux. Un. Soudainement un bruit de verre éclata, un rongeur jaillit d'entre les éprouvettes, suivi du chat. La souris grimpa sur le pantalon de Serizawa qui fut apeuré l'espace d'un instant. Le chat bondit dessus, griffes déployées. Zéro. Un grondement léger commença à sortir de l'appareil. Daisuke secoua sa jambe pour faire partir les deux animaux, mais la souris se glissa sous sa chemise. Son collègue, attiré par le bruit, vint au secours de Serizawa. Alors que son équipier attrapait le chat, Daisuke saisit finalement la souris et la balança de l'autre côté de la pièce, non sans tirer un cri de peur. Un. Deux. Trois. La tension était toujours en route sur le mini-destructeur d'oxygène. Se rendant compte de la catastrophe à venir, Serizawa appuya sur le bouton d'arrêt d'urgence. Relâchant le chat, son partenaire regardait Serizawa d'un air sceptique.

_ Très astucieux le coup du chat, dit t-il. Réfléchissez pour un meilleur plan pour nous tuer la prochaine fois, Serizawa. 

Daisuke fulmina, mais il garda son calme face à son collègue. Il allait refaire des mesures, mais d'abord l'appareil devait refroidir. Il partit en pause clope.


Emiko fut réveillée par l'agitation des militaires. Elle se rendit compte qu'elle s'était endormie sur l'épaule de Steves, elle en avait presque honte. Les soldats semblaient attentif à ce qui se racontait à la radio. Le capitaine s'approcha de la doctoresse et lui tendit un cachet.

_ Iode, pour fixer les radiations.

Elle se saisit du cacheton et l'avala avec un verre d'eau qu'on lui tendait. 

_ J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Vous préférez quoi ?

_ J'ai trop mal au crâne pour commencer par les mauvaises, répondit Martin à moitié réveillé. J'aimerai bien la bonne pour changer un peu.

_ Les Russes ne revendiquent aucune attaque, dit le capitaine. On a contacté l'état major, aucune suite n'a été donnée à cet événement. C'était un cas isolé.

_ Et la mauvaise ? demanda Emiko inquiète.

_ Les Russes ne revendiquent aucune attaque. Le mystère reste entier. Par contre la tourelle de Martin a bien marchée, on a enregistré un pic d'activité du matériel de défense SOL-AIR peu après l'explosion, il aurait épuisé ses munitions, mais sans réussir à abattre la cible.

_ Impossible, rétorqua Martin. J'ai mis des missiles Patriot MIM-105 dernière génération, ils pourraient abattre un missile tactique en plein vol, voir un avion de chasse !

_ Pourtant les faits sont là, repris le capitaine Walter. Votre bébé affirme la non-destruction de la cible après dix minutes de barrage de feu. Il a épuisé toutes ses munitions, sans résultat. Nous allons faire une sortie, visiblement la tempête est calmée d'après nos relevés satellites. Prenez tous les deux une combinaison, nous ignorons encore comment c'est dehors.

Après avoir enfilé des combinaisons de plomb, un groupe de soldats ainsi que Steves et Emiko prirent la direction de la sortie. Le capitaine préféra rester à côté de la radio. Martin s'était saisit d'un M-16, bien qu'il n'avait pas l'intention de l'utiliser, c'était une précaution qu'il fallait prendre. Le protocole est le protocole. 


La porte du bunker s'ouvrit lentement, non sans laisser entrer dans la base souterraine une eau boueuse qui inonda les premiers mètres de l'entrée. Ils entamèrent la mission de reconnaissance. La sensation de cette combinaison était étouffante, mais le médecin pu observer à travers sa visière un ciel bleu dégagé, ainsi que des vols de mouettes qui tournaient en cercle au-dessus d'eux. La base militaire américaine n'avait finalement subi que peu de dégâts, la plupart du matériel était intact. Mais quand ils entrèrent plus profondément dans l'île, un spectacle d'effroi s'offrit à eux. La station balnéaire n'était plus que gravats. Les rares immeubles encore debout étaient éventrés sur les flancs, toutes les vitres explosées. Les survivants tentaient de sauver le plus de personnes coincées sous les débris, des pompiers fidèles à leur poste secourant les blessés et autres rescapés. À leur droite, un hôtel était coupé en deux.

_ Une tempête peut faire ça ? Demanda Steves étonné. 

_ Nous avons des normes de construction anti-tempête et anti-sismique, répliqua Emiko assistant au sinistre spectacle. Même si c'était une sacrée tempête, ils auraient dû tenir. 

_ Regardez ! dit un soldat qui interrompit la colonne de pionniers. 

Un navire traversait la rue, sa coque éventrée, marquée par trois grandes fentes. Ce n'était pas l'oeuvre de la tempête. 

_ Ce n'est pas un bateau de croisière qui était à quai ? Demanda le cadet. Je suis sûr qu'il doit peser plusieurs centaines de tonnes !

_ Là, venez voir.

Martin se détacha du groupe, s'avança vers l'épave. Sous l'hélice, un fragment considérable du missile de défense de Steves reposait dans un cratère.

_ Il a raté sa cible ? Demanda un soldat interloqué.

_ Non, il a fait mouche.

La réponse du scientifique militaire étonna le soldat, mais lorsque Steves retourna la carcasse, une trace de sang était visible sur le flanc. 

_ Ton engin, ce n'est pas supposé attaquer que les avions et les missiles ? Demanda un militaire qui examina le cadavre de missile au compteur geiger qui se mit à grésiller directement.

_ Il frappe toute menace émettant des rayons gamma, répondit Martin. Mais clairement ce n'est pas un missile qui a attiré son attention. 

Il détourna son regard vers la ruelle qu'il avait emprunté la veille avec Emiko, il revit le tronc d'immeuble, quelque chose l'avait détruit, et son lance-missile n'avait pas pu le stopper. Alors qu'ils investiguent, un homme d'âge avancé s'élança vers le groupe.

_ Auriez vous vu un médecin ? Je cherche Emiko Yamane !

_ Je suis là, répondit sa fille en se tournant vers son progéniteur. Ne t'approche pas, la zone est radioactive !

_ Toute l'île l'est, déclara le paléontologue. Heureusement j'avais un cachet d'iode dans ma besace, mais je ne m'attendais pas à devoir l'utiliser.

_ Vous n'êtes pas totalement protégé monsieur Yamane, dit Martin en faisant signe à Kyohei de reculer. Allez plutôt rejoindre ma base, peut être que vous pourrez vous rendre utile là-bas.

_ Je connais déjà votre supérieur, le capitaine Powder. Mais je pense que je dois vous montrer quelque chose avant. Suivez moi !

Le groupe de soldats abandonna l'épave pour suivre les traces du retraité, gravissant un tas de béton défoncé. Après quelques dizaines de mètres, Yamane stoppa le groupe d'un geste de la main, désignant visiblement un énorme cratère.

_ J'avais vu juste dans mes calculs ! S'écria le scientifique avec une note de peur dans sa voix. Regardez !

Mis à part un trou peu profond, les soldats ne comprirent pas ce qui fallait observer. Devant l'incompréhension des américains, le vieux japonais fit signe de reculer.

_ Vous êtes trop proches pour appréhender, prenez de la hauteur.

Le groupe d'explorateur gravit une butte pour mieux observer la scène, et prit conscience de l'horreur. Un énorme sillon large d'une dizaine de mètres zigzaguait à travers les routes, défonçant le bitume. De chaque côté de la tranchée, des cratères constitués de quatre extrémités plus fines suivant la trajectoire du sillon. Ils étaient à des distances régulières les uns des autres, chacun d'eux mesurait environ les mêmes dimensions, vingt mètres de long pour seize de large. Ce n'étaient pas des cratères, c'étaient des empreintes de pas. Ils venaient de l'océan au sud pour finir leurs passages vers le nord, à travers les montagnes de l'île. 

_ Plus de cent-cinquante mètres de haut, conclut le professeur. J'avais vu juste.


Après que les civiles retrouvés aient été réunis dans un stade de baseball, le capitaine Powder avertit les autorités japonaises du sinistre, et prit les devant pour garantir la sécurité de l'île. Son équipe, habillée de plomb, rassembla les personnes dans le terrain de sport et les médecins américains commencèrent à inspecter les rescapés. Ils mesurèrent le taux de radiation de chaque individu, il crevait le plafond. Emiko voulut se charger des enfants, mais lorsqu'elle vit qu'ils étaient contaminés de manière irréversible, elle voulut s'isoler du reste pour pleurer. 

_ Vous avez vu tous ces poissons par terre dans les rues ? demanda le Français de la colonie de vacances. C'est la tempête qui les a ramené là ?

_ Dur de savoir, répondit Martin en amenant de la nourriture. Vous devrez faire des examens plus avancés une fois chez vous.

_ J'ai eu de la chance, repris le vacancier. J'accompagnais ma femme et mon fils, le bâtiment s'est effondré et ...

Il n'eut jamais la force de finir sa phrase, il s'étouffa en sanglots. Il en avait visiblement trop vu. Martin se dirigea vers sa compagnie, il y avait Fred, Jerry et Rebecca. Si Fred et Jerry étaient blancs comme des linges, après tout ils étaient nouveaux et venaient du nord des Etats-unis, Rebecca était une métisse afro originaire de Nouvelle-Orléans. Mais parmi eux, c'était sans nulle doute Rebecca la plus fiable. Il était difficile de les identifier si ce n'est pas leurs carrures sous leurs accoutrements de plomb.

_ Des nouvelles de Tokyo ? S'enquit Martin.

_ Ils ont envoyé une équipe de chercheurs par hydroptère, répondit Rebecca.

_ On crève de chaud là-dedans, ajouta Fred. On est vraiment en zone radioactive ?

_ Tu n'entends pas les compteurs geigers depuis tout à l'heure ? Demanda Jerry d'un ton moqueur. Même les employés de centrales atomiques sont moins irradiés que les habitants de cette île. Mais si tu veux pas de gosses c'est pas mon problème. 

_ Faites pas les cons ! Dit Steves en pointant du doigt Fred. On est la marine américaine, je ne veux pas de mutinerie dans mon escouade. Ici on ne reverse pas les indemnités aux familles pour cause de connerie, c'est clair ?!

Ce dernier s'éloigna de ses frères d'armes, et s'approcha de Yamane qui regardait les montagnes au nord. 

_ Regardez les oiseaux, dit calmement Kyohei en observant le banc de mouette virevolter dans les terres. Ils ont dû trouver à manger.

_ Vous croyez qu'il est toujours là ? Demanda inquiet le chercheur en IA. 

_ Vous avez vu ses traces ? Il ne nous a même pas calculé, nous étions juste sur son passage. J'ai noté la présence de palme entre ses orteils, ses pattes sont semblables à celles d'un crocodilien. Mais la régularité des pas laisse penser qu'il marche sur ses pattes arrières. Il doit se reposer quelque part, nous ne devrions pas le déranger. 

_ Mais nous devons nous assurer qu'il n'est pas dans le secteur, avec tout votre respect professeur Yamane, il représente toujours une menace pour les habitants de l'île.

Le scientifique tourna lentement la tête vers l'ami de sa fille, avec un léger sourire. Il était presque en train de se moquer.

_ Votre petit pétoire ne lui a rien fait, vous vous attendiez à quoi avec vos petits calibres ? Vous avez vu de quoi il était capable en nous ignorant, imaginez cette chose en colère maintenant.


Steves avala sa salive pour libérer sa gorge. Il n'aimait guère l'idée d'une bête géante en pleine furie, mais il restait avant tout un soldat américain, il devait rapporter cette information à son supérieur, lui seul déciderait de la suite. 

_ Restez ici Yamane-sama, finit par dire le sergent Martin. 

_ Je n'avais pas l'intention de bouger. Soyez prudent, soldat.

Alors que l'ingénieur quitta Kyohei pour rejoindre Powder, il nota le nombre de rescapés face au tableau des portés disparus. Il en était recouvert, des photos de vacances prises étaient imprimées depuis les téléphones, on recensait tous les non retrouvés. Les conséquences pour Toshima seraient terribles. Il rejoignit le poste dans le bunker, où les gradés élaboraient les plans d'évacuations de l'île.

_ Sergent Martin au rapport ! Dit-il en retirant sa visière pour montrer son visage. 

_ Du nouveau sergent ? Demanda Walter dans la cacophonie des coups de fils. Nous sommes submergés ici, nos forces ne sont pas adaptées à ce genre de mission, cela relève des autorités japonaises.

_ D'après le professeur Yamane le monstre serait toujours sur l'île. Je suggère d'envoyer une équipe de reconnaissance pour nous assurer que la bête ne soit plus dans le secteur.

_ Vous avez une idée de quelle direction elle a pu prendre ? 

Martin se rapprocha de la table centrale où une carte de l'île était déployée. Il traça de son doigt le passage imaginaire de la bête.

_ Ses empreintes laissent suggérer qu'elle a traversé les montagnes centrales, en ligne droite direction du nord. Vu la trace de ses pas, cela sera du gâteau de la pister. 

_ Je refuse de vous laisser partir sergent Martin ! Vous êtes trop précieux pour prendre le risque, vous seul savez programmer cette foutue tourelle de défense anti-missiles. 

_ Sauf votre respect capitaine, cette créature a copieusement ignoré les tirs de ma tourelle, je veux voir de mes propres yeux sa constitution et les dégâts éventuels qu'elle a pu subir. Nous ne ferons que des observations de loin, il est hors de question d'intervenir. Mon équipe et moi ferons rapport de la présence ou non de l'objectif. Quoiqu'il advienne, nous rentrerons à la base après observations. 

Capitaine Powder médita sur les paroles de son subordonné, il n'aimait guère ce plan mais en même temps les forces de défense japonaises seraient bientôt là. Il pouvait encore les stopper si la chose à l'origine de ce massacre était dans le secteur, si un lance-missiles capable de désintégrer un bombardier furtif n'avait qu'à peine égratigné ce monstre, la flotte japonaise ne ferait certainement pas le poids face à lui. Il valait mieux pas trop l'exciter. 

_ Je vais retarder l'arrivée de la défense japonaise, je m'occupe du prétexte. Jusqu'à l'ordre du contraire, aucune mention du monstre dans nos rapports.

Il se pencha vers sa droite, et fit glisser à Martin un appareil photo militaire, à la pointe de la technologie américaine. 

_ Juste des clichés. Après vous rentrez à la base illico, zéro prise de risques, OK ?

_ Oui capitaine ! Hurla avec discipline Martin, satisfait du résultat de son entreprise.

_ Le taux de radiation est déjà énorme ici, rajouta Walter, gardez une certaine distance avec la cible. Nous ignorons à quel point nos combinaisons sont étanches. 

_ Oui capitaine ! Rassura Steves avant de partir rejoindre son escouade, tout en enfilant son masque.

_ Dieu bénisse l'Amérique, murmura le capitaine Powder en voyant s'éloigner l'ingénieur prodige. Et vous, sergent Thierry ? Vous arrivez à extraire la capture vidéo de la tourelle ?

Un homme jeune, mais avec les cheveux bouclés et un début de calvitie se retourna, il portait des lunettes carrées et un treillis militaire. 

_ Bien sûr, certes c'est Martin qui l'a programmé mais les composants sont de moi. Le disque dur a  été endommagé par les radiations, je dois le réparer. Je vous tiendrai informé de mon avancée dès que j'aurai du nouveau.

_ Si vous avez des images compromettantes, ajouta le gradé, classifiez-les dans un rapport top secret, censurez ce qui doit l'être.


Martin avait rassemblé son escouade, ses trois compères ainsi que Mark Hearth et Felicia Benkerg, deux vétérants des guerres aux moyens-orients. Bien qu'ils soient tous des soldats expérimentés, ils n'avaient jamais eu à pister un lézard haut comme un immeuble. Mais la tâche ne devait pas être trop compliquée, il suffisait d'un poste en hauteur et de prendre des clichés, même de loin, de la créature. 

_ On devrait lui trouver un nom de code, dit Fred en contournant une énorme empreinte. Vous n'avez pas un nom sympa pour ce machin ?

_ Peut être après identification, répondit Rebecca qui prenait la tête en évitant un arbre déraciné. 

_ Vous en pensez quoi de Bob ? Ajouta Fred parti dans son délire. Ou peut-être que c'est une fille ?

_ Il y a un dieu local sur cette île, lui dit Martin. Ils vénèrent Gojira, un dragon océanique qui apporte fertilité à la mer, il offre du poisson aux pêcheurs en échange de sacrifices. 

_ Gojira ? Se questionna Jerry. Pourquoi pas ajouter un God dedans ? Ça sonnerait plus Américain, vu que c'est nous qui allons le découvrir.

_ Godjira ? Demanda en riant Felicia. Pourquoi pas Godzilla tant qu'on y est ?

_ Ah ouais ! Approuva Fred. Je trouve que Godzilla ça sonne carrément bien ! God, Zilla, Pouf ! Godzilla !

La seule réponse de la femme soldat fut un soupir moqueur, elle trouvait souvent Fred gamin, mais là il devenait un vrai gosse à l'idée de voir un dinosaure en chair et en os. Le compteur geiger qu'ils avaient emporté s'affolait, encore plus que depuis le début du voyage au fur et à mesure qu'ils gravissaient une colline. L'immense traînée la contourna, mais l'équipe de reconnaissance décida de la gravir pour avoir un meilleur champ de vision. Il y avait des nuages qui masquaient le soleil, il était difficile d'y décerner quoi que ce soit. Le vent portait dans leur dos, emmenant l'orage vers l'archipel principal. Le ciel grondait légèrement, les échos de tonnerres lointains résonnaient. 

_ On se rapproche d'après Gégen, dit Jerry en désignant le capteur. On devrait pas le voir d'ici ? Ce n'est pas une allumette notre gars !

_ Ne bougez plus ! Ordonna Felicia qui stoppa la marche.

La respiration dans la combinaison étanche devenait de plus en plus dure. Les américains se mirent en posture de combat, armes aux poings. Bien qu'ils avaient l'ordre de ne pas tirer, la présence des armes à feu les rassurait. Fred fit un pas qui provoqua un craquement sous ses pieds. Un os appartenant au cadavre d'une vache à ses pieds. Ils marchaient dans un pâturage. 

_ Contact ! S'écria à voix basse Rebecca. 

_ Où ça ? Demanda Fred.

_ En haut de la colline.

Martin crut halluciner, car ce qu'il prenait depuis le début pour une montagne était l'objectif. Une forme grossière se détacha du ciel, elle était colossale. Son dos massif était couvert de plaques dorsales à peine visibles dans la pénombre, comme un stégosaure difforme. Il se dressait sur ses pattes arrière tel un ours, ses écailles sombres absorbaient la majorité de la lumière, ne laissant luire qu'à peine quelques reflets. Il se mouvait très lentement, lorsqu'il fit un pas ils crurent que le sol se dérobait sous leurs pieds. Il se tournait dans leur direction. Martin donna l'ordre dans la langue des signes militaire de se mettre à couvert, et chaque membre de l'escouade se mit à l'abri derrière un débris ou un buisson. Il leur faisait dorénavant face, même si la faible lumière ne laissait qu'à peine discerner ses formes, sa gueule de crocodile devait pouvoir avaler entier un bus londonien. Ses yeux semblaient petits pour sa taille, mais étaient pourtant déjà gargantuesques pour des standards humains. Ils reflétaient la lumière du coucher de soleil, laissant deviner leur teinte jaunâtre, il fixait le lointain, ne calculant même pas les frêles humains en dessous de lui. Il posa une de ses pattes avant sur le sommet de la colline pour y prendre appui. Il devait peser pas moins de plusieurs centaines de tonnes. Le sergent Martin se saisit de son appareil photo et prit plusieurs clichés à l'abri des regards. Il croyait que son cœur allait rompre dans sa poitrine, il ne tenait bon que grâce à son endoctrinement militaire. La bête, Godzilla comme l'avait appelé Felicia, finit par déporter son attention vers le nord, reprenant péniblement la marche. On pouvait entendre résonner le tambour divin de ses pieds marteler le sol à cadence lente. Le groupe se décida à atteindre le sommet de la colline après quelques minutes, admirant les traces du dieu océanique traversant la plage avant de rejoindre la mer.


Alors que tous les civils retrouvés étaient parqués dans le stade, Yamane fut le seul autorisé à rejoindre le bunker. Beaucoup d'Américains le regardèrent de travers, mais le paléontologue avait un mandat spécial de la part de Walter. Il fut face aux analyses des prélèvements des équipes du chalutier. Beaucoup de détritus marins contaminés au radium, il était étonnant que ces animaux marins n'en soient pas morts plus tôt. Kyohei savait que ses travaux seraient tenus secrets défense, Powder ne pouvait rien laisser fuiter d'ici. Il tenait entre ses mains des données qui changeraient la vision du monde, les monstres existent, et Toshima a été leur première victime. Le vieil homme se posa la question, quand son grand-père avait subi la bombe atomique, était-ce aussi terrifiant ? Il dissipa ses idées quand il tomba sur le rapport d'analyse d'un des échantillons.

_ Un agent corrosif ? Demanda en Anglais monsieur Yamane. Où avez -vous trouvé ça ?

_ Là où le chalutier était éventré, répondit un scientifique américain. Nous en avons retrouvé des résidus partout dessus. Le PH est assez bas pour dissoudre de la roche sur le long terme, mais pour nous c'est presque inoffensif. Au pire cela provoquerait une irritation de la peau, mais il suffirait de le rincer à l'eau salée pour le faire partir. 

_ Cela ne venait pas de la cargaison du chalutier ? Insista Kyohei étonné de la réponse.

_ Négatif, c'est d'origine biologique. On a retrouvé de l'ADN dedans. 

Le mystère s'épaississait, si un animal sécrétait effectivement cette matière, elle ne servait pas à la défense très clairement. Quel serait l'intérêt évolutif d'une telle sécrétion ? Mais une autre question lui taraudait l'esprit. L'origine de toute cette radiation, est-ce à cause de cet étrange animal, ou il y avait une autre origine ? Certains organismes dégagent naturellement des radiations, c'est le cas par exemple des bananes, mais un animal ne joue pas sur la radioactivité comme arme de défense, ce serait trop dangereux pour ce dernier, les risques de développer un cancer seraient considérables. Mais certaines créatures, à titre d'exemple les baleines, sont immunisés face à de tels maladies grâce au nombre conséquent de cellules dans le corps, ainsi même si une portion de ces dernières étaient malades, le nombre faisait qu'ils pouvaient effectivement encaisser le choc. Est-ce que ce monstre pouvait ainsi mieux encaisser de lourdes contaminations au radium deux cent vingt six ? Cette hypothèse lui semblait plus juste qu'un simple lézard à réacteur nucléaire. 

_ Capitaine ! Dit Thierry en amenant son rapport à son supérieur. J'ai tout tenté, mais il me faut remplacer certains composants, et j'aurai besoin de vrai matériel de micro-soudure, sans ça je ne pourrait collecter plus de données. Mais j'ai un début de vidéo. 

_ Ce sera mieux que rien, répondit Powder. Montrez moi les images.

L'informaticien diffusa l'enregistrement sur un écran de tablette. L'image était brouillée, d'une couleur noir et blanc captant les infrarouges et rayons X. Le début laissait voir l'océan pacifique secoué par l'orage. L'image tressautait par moment, la neige recouvrait la majorité de la vidéo. Mais la réticule de visée capta un mouvement au loin, et se verrouilla sur sa position. 

_ La tourelle de défense a captée une importante source de gamma, commenta Thierry en designant du doigt la source lointaine. Il a confondu avec un missile nucléaire. Dans quelques secondes il va ouvrir le feu.

La prophétie de l'ingénieur se réalisa effectivement, un barrage de missiles SOL-AIR se mit à cibler à ras de l'eau. Devant l'incompréhension de Walter et Yamane, Thierry continua de décrire la suite des évenements. Un vif éclat de lumière aveugla l'écran et quelques secondes plus tard, ce dernier fut violement secoué.

_ Ceci est l'onde de choc que nous avons confondu avec une explosion. Je pense que c'est un rugissement, mais impossible de confirmer sans l'audio.

_ Nous n'avons de micro sur cet engin ? Demanda le capitaine.

_ Hélas non, répondit simplement le sergent. Nous avons bâtit cette machine pour repousser des attaques distantes de plusieurs kilomètres, tout enregistrement sonore est inutile, du moins nous l'avons jugé. 

_ Un rugissement ? Demanda à son tour Yamane interloqué. Je l'ai moi-même entendu, probablement comme vous, mais je n'ai entendu qu'une immense détonation.

_ Simplement parce que le volume était trop fort, théorisa Thierry. Il nous a rendu quasi sourds sur le coup, mais si on baissait son intensité il serait possible de mieux l'analyser. Comme l'as suggéré professeur...

Alors que Thierry cherchait le nom du scientifique japonais, celui-ci l'aida.

_ Yamane Kyohei.

_ Yamane, merci bien, vous avez mentionné que l'animal devait mesurer cent cinquante mètre de haut environ. Voyez vous, je n'ai pas bossé que sur des tourelles, mais aussi sur des sonars, et je fais de la musique dans mon temps libre. Vous qui avez de meilleurs notions de biologies que moi, vous n'êtes pas sans savoir que plus grand est le volume des poumons d'un animal, plus le son est dans les basses et fort. Je pense que la raison pour laquelle nous l'entendions mal est que la fréquence de sa voix est tellement dans les basses, et provoque une telle pression, que nous le ressentions plus que nous l'entendions.

_ Ce type est un vrai livre de science, commenta le capitaine. 

_ Heureusement, s'offusqua le militaire aux lunettes. Sans ça vous ne m'auriez pas recruté, je me suis rendu indispensable. 

_ Vous êtes impressionnant jeune homme, complimenta Yamane.

_ Regardez là !

Thierry pointa de nouveau l'écran, alors que le point à l'horizon s'approcha, le lance-missiles continuait de cracher ses projectiles. 

_ Je comprend mieux son comportement, dit le retraité en fixant l'écran. C'est nous qui avons versé le premier sang. 

_ Vous pensez que c'est la raison pour laquelle la bête a attaqué l'île ? Demanda Walter en se frottant le menton. 

_ Elle n'a fait que se défendre en réalité, répondit Thierry qui arriva à la même conclusion que le paléontologue. Notre système de défense qui provoque une attaque sur notre base, voilà qu'il est beau notre premier rapport. 

Alors que l'image se brouilla de plus en plus en fonction du rapprochement d'une vague hérissée de trois rangées de d'ailerons, au point qu'elle ne devint plus qu'une bouillie visuelle. 

_ Que reste-t-il de la tourelle ? S'enquit le capitaine.

_ En miettes, conclut le génie en informatique. La suite vous la connaissait, il a décidé de visiter le quartier pour s'acheter des souvenirs. 

Le capitaine éteint la tablette et se saisit de la clé usb branchée dessus. Il fixa ses deux compères tout en rangeant les précieuses données dans son veston.

_ Tout ce que vous voyez ici et découvrez ici est secret d'état. Je dois contacter les grosses têtes, et toutes les pièces à conviction non essentielles, détruisez les.

_ Vraiment ?! s'offusqua Thierry. Je pourrai avoir un prix Nobel avec toutes ces preuves !

_ Soldat c'est un ordre ! Hurla Walter qui perdit son sang froid avant de se redresser dignement. Ce n'est plus de notre ressort. Qu'on m'apprête un hélicoptère, Professeur Yamane, vous venez avec moi.

Alors que les deux vieux hommes sortaient de la pièce, Thierry était à deux doigts de s'arracher le peu de cheveux qu'il avait. Il se tourna vers ses collègue et s'écria:

_ Vous avez entendu le boss ? Toutes les pièces à conviction inutiles doivent être détruites, exécution !


Yamane et Powder rejoignirent la cours extérieure de la base, se dirigeant vers l'héliport. Au même moment, un groupe de soldats en tenue de plomb s'approcha, l'un d'eux tenait un appareil photo. C'était Steves Martin et son équipe. 

_ Capitaine, mission accomplie !

_ Bien ! S'écria le capitaine d'un air satisfait en se saisissant d'un sac en plomb. Mettez votre appareil dedans, et allez prendre une douche, ça n'enlèvera pas toutes les radiations mais ça limitera les risques. Et la cible, est t-elle toujours dans le secteur.

_ Elle l'était, répondit le sergent Martin avant d'être interrompu par Fred.

_ Godzilla est parti au nord, en direction de Izu Oshima.

_ Godzilla ? Demanda le capitaine étonné.

_ C'est le nom qu'a donné Fred à notre nounours, répondit Felicia en se moquant de Fred. Je trouve ça mignon. 

_ Ce qui faut pas entendre comme connerie, disposez soldats ! Nous avons encore beaucoup à faire, les forces de défense japonaises ne devraient pas tarder. Aidez-les à rassembler les civils et procéder à l'évacuation. Pour le dinosaure nous trouverons une couverture, aucune mention de Godzilla, est-ce clair ?

_ Oui capitaine ! Répondirent en chœur l'escouade. 

_ Et vous Martin, vous rejoindrez les civils pendant l'évacuation, vous irez à Tokyo. 

Pendant un instant, impossible à voir mais certains, Martin souria, à l'idée de pouvoir rejoindre Emiko et Daisuke. Mais sa joie se dissipa quand le capitaine reprit ses instructions.

_ A mon retour, vous me donnerez votre lettre de démission. Vos comportements récents et vos implications dans cette affaire vous vaudront de la prison en temps normal, mais nous avons d'autres chats à fouetter en ces temps troubles. Estimez-vous heureux !

_ Oui capitaine ! Répondit Martin le cœur serré dans sa poitrine. 

L'hélicoptère se mit à démarrer. Walter cria une dernière fois sur les soldats.

_ Rompez ! Il se tourna vers Kyohei qui était visiblement désolé du sort de Martin. Monsieur Yamane, vous allez devenir consultant sur une affaire d'État. Vous pouvez encore décider de faire demi-tour, car une fois dans cet hélicoptère vous devrez entièrement coopérer avec les agences ultra-secrètes des Etats-Unis d'Amérique. Tout ce qui se dira devra rester ultra confidentiel et toutes révélations pourront se retourner contre vous, même votre pays ne pourra plus rien pour vous. Cela vous convient ?

Kyohei réfléchit un instant, il se sentait coupable pour Steves, il savait que c'était à cause de ses propos que l'ami de sa famille allait perdre son poste. Mais il était à un tournant majeur de l'histoire, reculer maintenant signifiait que la mort de tous ces gens serait vaine. Il hocha la tête en avant en signe de respect envers Walter, mais il avait un fardeau sur le cœur. 

_ Je viens avec vous.

_ Bien professeur, nous avons rendez-vous à Tokyo, nous partons en vol direct. 

Les deux hommes se dirigèrent vers l'appareil, mais Kyohei ne put s'empêcher de faire un signe d'au-revoir à l'Américain qu'il affectionnait tant. Ce qui lui arrivait était injuste. Bien que Martin se contenait, on pouvait sentir sa frustration et sa rage, il en irradiait à travers sa combinaison. Le véhicule aérien entama alors le décollage avec les deux hommes à bord ainsi qu'une escorte. 


Martin se dirigea vers les douches des vestiaires du stade. Même la base n'était pas équipée d'un sas de décontamination, il fallait faire avec les moyens du bord. Il se trempa d'abord en combinaison, se saisit d'un savon désinfectant et se savonna. Puis, il se débarassa de sa protection. Elle était irritante, cela le soulageait de se tremper à l'eau froide sa peau brûlante. Il nota toutefois des plaques de rougeur sur son épiderme. Coup de soleil ? Il entendit des pas dans le couloir à sa droite, et lorsque la porte fut ouverte, il aperçut Emiko qui se rendit compte de son erreur. 

_ Oups, désolé monsieur !

_ Emiko ?!

La femme s'interrompit et ouvrit la porte, jetant un coup d'oeil discret à travers celle-ci.

_ Martin ?? Que fais-tu dans les vestiaires des femmes ?

_ Des femmes ? Demanda Martin abasourdi. 

_ Josei ! Indiqua la japonaise en ouvrant la porte, montrant le kanji. Femme. 

_ Merde ! Je me suis trompé, dit le soldat en riant. Je confonds toujours, Otoko: Homme. Josei: femme. Même après toutes ces années j'ai des choses à apprendre.

Les deux amis rirent ensemble mais le silence regagna rapidement, ne laissant que le bruit des gouttelettes aspergeant Martin. 

_ Je t'accompagnerai pour le chemin du retour, décréta Steves en se rinçant. Ton père a décidé de suivre mon capitaine, il veut être consultant. 

_ C'est super, dit Emiko. Qu'est-ce que tu as sur la peau ?

_ C'est rien, mentit Steves. C'est de l'irritation, la combinaison, c'est lourd là-dessous. Tu me reluques ou quoi ?

_ La vue n'est pas désagréable, avoua la jeune femme. Mais ce qui s'est passé hier, j'aimerai que ça reste entre nous...

Martin sentit toute la tension de Madame Serizawa, il en avait presque oublié son mari, Daisuke. Lui-même s'en voulait d'avoir couché avec sa femme, il venait de trahir son meilleur ami. Il se frotta énergiquement les cheveux et répondit à son amante.

_ Pas de soucis, je suis du même avis que toi. Nous n'avons pas besoin de ça en plus.

_ Merci Martin-kun, acheva Emiko en refermant la porte des douches. 

Martin sentait un nouveau poids sur ses épaules, celui de l'adultère. 


Les hydroptères des forces de défense japonaises arrivèrent sur l'ile en fin de journée. Pas moins de dix navires s'amarrèrent à quai, avec une troupe en combinaisons étanches. Ils portaient le drapeau japonais sur l'épaule gauche. Thierry Woodshapes avait pris les commandes de la base en attendant le retour du capitaine Powder. Bien que Thierry ne comprenait pas la raison du retrait de Martin, il savait quoi faire. Il avait lui-même des médailles après tout. Un japonais ridé à la mine sévère s'avança vers la troupe américaine, tenant un mandat militaire en main. 

_ Capitaine Suwarusuwairudo, des forces de défenses japonaises. Je prend le relais pour l'évacuation des civils, ainsi que de l'enquête sur la catastrophe. 

Il regarda par-dessus l'épaule de Thierry qui le dépassait d'une tête. Il aperçut les champs de ruines laissées par la "tempête" comme il en était mention dans le rapport.

_ Ce n'est pas du chiqué ! Commenta le capitaine japonais. 

_ Nous vous laissons la responsabilité des civils, répondit Thierry, mais quand à l'enquête c'est du ressort des Etats-unis. Notre base a été contaminée au radium deux cent vingt six. C'est à nous de découvrir son origine. 

_ Mais la carcasse du chalutier recensé par vos autorités est japonaise, interrompit le gradé nippon. Voici un mandat qui autorise la société Mothra de faire une expertise des pièces à convictions présentes sur le sol de Toshima. 

Il tendit le papier face à Thierry qui s'en empara. Il le lut attentivement, ce n'était pas le travail des enquêteurs scientifiques de faire ça ? Bien qu'il connaissait le nom de Mothra, car puissante, il ignorait ce qu'une société privée pouvait bien faire ici. 

_ Cela ne change rien, affirma vigoureusement le sergent Woodshapes. Si mon pays décrète ces pièces à convictions comme appartenant aux Etats-unis, alors Mothra n'a aucun pouvoir dessus.

_ Mais faut t-il au moins qu'ils les décrètent ainsi, dit le capitaine qui tendit un second papier. Une autorisation intergouvernementale du président américain pour laisser la société Mothra enquêter. 

Thierry se figea devant l'emblème de l'aigle Américain sur le document tendu par le japonais. 

_ C'est quoi cette merde ? Se demanda t-il lorsqu'il le saisit et le feuilleta, ils portaient bien la signature du président américain. 

Les questions se bousculèrent dans sa tête, mais il savait qu'il venait de perdre le bras de fer. Il se contenta de serrer la main de Suwarusuwairudo avec un sourire crispé.

_ Merci de votre aide, capitaine.

_ Merci de la votre.

Le gradé de l'armée de force de défense donna l'ordre à ses troupes d'escorter les civils à bord des hydroptères. Steves et Emiko étaient parmi eux. Lorsque Thierry remarqua la présence de son collègue dans le rang des évacués, il se dirigea vers lui.

_ Qu'est-ce tu branles ? Tu es un soldat américain, ta place est ici !

_ Plus maintenant, réfuta l'ancien sergent. Remercie notre bon vieux capitaine.

_ Il a pas fait ça ? Si ?! 

_ Bon courage Thierry. 

_ Ces tourelles nous ont coûté des millions, et il te renvoie ? Il est con ou quoi ?!

_ Il y a mes notes dans mon bureau, trouves quelqu'un d'un peu doué avec des lignes de code et ça devrait bien se passer. 

Martin tapota sur l'épaule de son camarade, qui sentait ses forces le quitter. Alors qu'Emiko et Steves rejoignaient le pont du navire, Thierry se sentait vraiment comme un chien abandonné. Il n'avait plus son capitaine, il n'avait plus son geek favori. Avait t-il les épaules pour supporter toutes ces responsabilités ? Il ne voulait pas décevoir, il retourna à la base et s'enquit des chercheurs.

_ Est-ce que les traces du monstre ont été archivées ? Demanda le sergent Woodshapes.

_ Il nous reste encore des éléments à détruire et des lignes de texte à censurer, répondit un de ses camarades.

_ Dépêchez vous alors ! Le temps joue contre nous, la société Mothra reprend le flambeau et je pense qu'il va y avoir de la casse. 

_ Une société privée pour enquêter sur une catastrophe naturelle ? Demanda une chercheuse. C'est peu orthodoxe. 

_ L'épave récupérée avant hier les intriguent visiblement, lui répondit Thierry qui inspecta les écrans pour s'assurer qu'ils étaient éteints. Je ne veux pas prendre le risque de subir plus de radiations en restant dans ce trou à rats, dès que vous avez fini votre travail on met les voiles !

Thierry se saisit d'une clé usb sur un PC, dessus au marqueur était écrit "Films". C'était son péché mignon, les films de monstres en noir et blanc. Dessus il y avait The Beast from 20,000 PHANTOMS, son préféré. 

_ Toi, tu viens avec moi, se dit t-il en l'insérant dans la poche avant de son treillis. Où sont passées les copies de relevés des matières organiques ?

_ Le capitaine Powder les a récupéré, indiqua un chercheur qui effaçait les données d'un disque dur. 

_ Il n'est pas parti sans biscuit, ça doit être grave. Départ dans une demi-heure ! On s'active !

Les soldats de la marine apprêtèrent les navires et en moins de trente minutes, toutes traces des américain disparurent et ils partirent en direction du port de la presqu'île d'Izu. Une fois arrivés à bon port, Thierry avait bien l'intention de se mâter un bon film de monstre, il avait besoin de se détendre après une journée pareille.


Après plusieurs heures de vol, Powder et Yamane atterrirent sur un toit d'un immeuble de conception sophistiquée. Un drapeau américain y était planté, indiquant la nationalité de cette tour. Les deux compères descendirent de l'hélicoptère, tenant fermement les pièces à convictions pour éviter qu'elles ne s'envolent. Là, un groupe d'agents en costard les rejoignit, l'un d'eux parla en anglais à Kyohei, mais bien qu'il soit accoutumé de la langue, le bruit des pâles couvrait la voix de son interlocuteur rendant inaudibles ses propos. Il se contenta de suivre la troupe en descendant des escaliers qui les amenèrent devant une porte blindée. Oubliant presque sa combinaison anti radiations, Kyohei suivi les agents en noirs qui lui firent signe de s'arrêter.

_ Allez dans ces vestiaires et lavez vous autant que possible, aucune trace ne doit subsister monsieur. 

_ A la guerre comme à la guerre, commenta le capitaine en faisant un signe de la tête au professeur de le suivre. Promis, je ne ferai pas tomber la savonnette. 

_ Je n'aurai jamais cru que prendre des vacances soit si épuisant, répondit le retraité à peine remit de ses émotions. 

Ils pénétrèrent dans un vestiaire à l'odeur de javel prononcée, ils enlevèrent leurs combinaisons puis leurs vêtements. Yamane se sentait mal à l'aise lorsque le capitaine ventripotent enleva sa chemise. 

_ On est vraiment obligé de faire ça ensemble ?

_ Ne faites pas votre chochotte monsieur Yamane. Chez nous il n'y a aucune pudeur entre hommes, vous n'avez jamais pris les bains chauds dont les japonais sont si friands ?

_ Dans ma jeunesse, dit avec nostalgie le scientifique. Maintenant je ferai fuir les jeunes.

Les deux hommes rirent en se déshabillant, masquant le malaise. Ils prirent la douche, elle était glacée, les deux hommes se saisirent d'une brosse et appliquèrent le savon dessus.

_ Pour être honnête avec vous, fini par dire Powder, je ne devrais pas être ici. Je ne suis pas accrédité pour être tenu au courant de ces informations.

_ Où sommes nous exactement, demanda Kyohei en frottant son dos. 

_ Officiellement, dans une tour d'une entreprise délocalisée au japon, officieusement, nous sommes dans un bureau qui n'existe pas. Seuls les plus hauts gradés sont au courant de son existence, pour ma part je ne fais que suivre le protocole. 

_ Un protocole ? 

_ Big G. Il a été créé en 1954 après un événement tenu secret. Même moi j'ignore la nature de cet incident, mais on m'a donné l'instruction de rejoindre ce bureau dans le cas éventuel où cela se reproduirait. 

_ Se reproduirait ? Vous voulez dire que c'est déjà ...

_ Arrivé ? Oui. Toutes les bases militaires américaines en eaux du pacifique sont soumises à ce protocole, aujourd'hui je serai dans la confidence. Tout comme vous, professeur Yamane.

L'eau cessa de couler, ils en avaient fini. Des vêtements et des serviettes avaient été déposés à l'entrée des vestiaires. Une tenue militaire et un costard gris. 

_ Il n'est pas à ma taille, dit Kyohei en voyant le vêtement surdimensionné pour lui. 

_ On se moque de la présentation aujourd'hui monsieur Yamane. Ce qui compte c'est ce que nous allons dire. Il ne faudra rien oublier. 

Les deux hommes finirent de se sécher, de s'habiller et rejoignirent le couloir de béton, où les agents de sécurité les attendaient. 

_ Monsieur. Capitaine. Suivez-nous.

Yamane avait le trac, il avait l'habitude des exposés publics, mais déjà il nageait dans la chemise qu'on lui avait confiée, et de plus il était en terrain inconnu. Avait t-il bien fait de suivre cet Américain ? Il pouvait disparaître sans laisser de trace, peut-être même avaient t-ils déjà maquillé sa disparition. Les agents poussèrent une porte renforcée qui mena dans un bureau extrêmement sobre. Il y avait un bureau en arc de cercle ainsi que dix sièges. En face, un pupitre avec un micro et un scanner, ainsi qu'un écran derrière. Un ordinateur portable reposait sur une table à côté. Lorsque Walter et Kyohei passèrent la porte, les agents barraient les sorties, vigilants au moindre geste. Dix hommes et femmes entrèrent d'une porte au fond de la pièce, et se campèrent sur les sièges. Un projecteur éclaira la scène. 

_ Yamane, dit le capitaine en designant le pupitre.

Les deux vieux hommes firent face à l'assemblée. L'heure des révélations était arrivée.



Laisser un commentaire ?