Chroniques d'un Cor de chasse
Il était une fois Hans
Le grand hall de Seliena regorgeait de vie ce jour-là, une multitude d'équipes de jeunes et anciens chasseurs partaient en exploration pour accompagner des érudits. Au milieu du brouhaha général s'élevaient les arômes des cuisines surmenées, et la complainte des palicos qui tentaient vainement de se frayer un chemin, plateau à la main.
L'exaltation était de tous les côtés, ce jour-là, le commandant d'Astera, l'Amiral et le Général de la commission avaient à faire dans la colonie gelée.
Les murmures ici et là mentionnaient un dragon ancien blessé, ce dernier aurait été aperçu par une jeune chasseuse lors d'une banale expédition aux plaines. De ses propres mots, "une immense ombre" l'aurait attaquée, ou plutôt comme bousculée, pendant le trajet, effrayant sa propre monture et forçant par la même occasion un atterrissage en catastrophe.
Si certains avaient tout d'abord pensé à un Nergigante ou un Bazelgeuse, le chef de chasse avait tout de suite alerté la hiérarchie quand le jeune femme avait mentionné "un œil, unique, de la couleur de la foudre".
Le jeune Aiden était depuis très nerveux, il aiguillait un à un les groupes en partance, s'assurant que chaque équipe était bien complète. Il espérait, le temps d'un instant, trouver un petit havre de paix, un coin tranquille, loin des hurlements et des armures grinçantes. Mais rien de tel à l'horizon... À moins que, si ?
À l'ouest de la salle, une table juste à côté de l'ouverture était occupée mais silencieuse. Les trois chasseurs attablés étaient bien connus du rouquin : Lotus et Rush d'un côté, de l'autre, Quiver. Cependant, malgré l'excitation générale, les trois compères regardaient le bois des planches sous leur chope, le regard vide et les épaules voûtées.
Intrigué, Aiden confia son poste à l'un de ses partenaires et se dirigea lentement vers eux.
« Hé bien ? Qu'avons-nous là ? Vous en tirez des têtes de dépressifs ! »
Surpris par cette voix, les trois amis sursautèrent à en renverser leur boisson ocre. Ce n'était qu'après avoir reconnu Aiden, qu'ils se détendirent.
« Oh, Aiden ! salua Quiver, je t'en prie. Joins-toi à nous. Tu m'as l'air épuisé.
— Merci, c'est qu'il a beaucoup d'agitation aujourd'hui. Mais dites-moi, qu'est-il arrivé à votre enthousiasme ? »
Rush baissa à nouveau le regard, laissant une main frêle passer dans ses cheveux.
« Je crois que j'ai merdé... avec Hans. Il ne me l'a pas dit, il a même dit tout l'inverse mais, son regard… Il semblait si triste. »
Le rouquin haussa un sourcil et analysa les trois visages face à lui. Rush se morfondait, Quiver semblait en colère et Lotus devait calculer quelque chose d'impossible vu la tête qu'elle présentait.
Évidemment, c'était à prévoir, mais Aiden sourit. Il était heureux, sincèrement. Sur les quatorze, ou quinze groupes qui avaient effectué plus d'une mission avec Hans, très peu avaient eu cette attitude après coup. Le rouquin comprit alors qu'il y avait toujours de l'espoir avec eux, c'était sans doute pour ça qu'il n'avait pas croisé Hans, assis au pied du vaporium, ruminant sur le sens même de son existence.
« Très bien, dit-il simplement. Il vous a fait quoi ? Le coup du débardeur dans le Givre Éternel ? La marche dans une flaque de poison ? Ou dans une tornade de Kushala Daora peut-être ! Quand même pas les couteaux de lancer ? »
Quiver gloussa malgré lui aux situations listées, en y pensant, rien de tout ça ne l'étonnerait maintenant de la part de Hans. Mais Rush ne répondit pas à la question avec la même légèreté, il regrettait vraiment ses paroles et encore plus que le barde les ait "lues".
« Il nous a cuit un steak paralysant sur un barbecue portatif.
— Oooh ! Je ne l'avais pas entendue depuis un moment celle-là. Alors dites-moi, lequel d'entre vous lui a gueulé au visage ? »
Lotus se mordit la lèvre, c'est vrai qu'ils auraient pu, auraient peut-être dû faire cela dès le départ… "Non", pensa-t-elle finalement. Pendant quelques secondes ce jour-là, elle avait souhaité y croire.
« On l'a laissé faire, finit-elle par avouer. On a fait comme il nous a indiqué et nous avons attendu.
— Mais j'avais fait plus de recherches, avant la mission, ajouta Rush. Il n'est pas connu des érudits ou des botanistes, ni même de l'intendance ! Je—
— Tu as pensé qu'il était un bon à rien ? Un profiteur qui n'était pas à sa place et qui logeait à l'allée parce qu'il était arrivé à l'installation ? » le coupa Aiden.
Rush laissa sa tête tomber lourdement sur la table, ses cheveux mi-longs cachaient entièrement son visage.
« On pensait discuter entre nous, dit Quiver. Et on perdait un peu patience, on a eu un moment de doute, c'est vrai.
— Mais le bougre lit sur les lèvres, sourit en coin le rouquin. Je comprends mieux vos têtes. »
Il soupira un coup, puis posa sa main sur l'épaule du capitaine, exactement comme Hans l'avait fait lors du départ du Fief Glorieux.
« Écoutez, vous êtes pas les premiers à douter. Mais, y en pas beaucoup comme vous qui se sont remis en question. Hans n'est pas facile, mais il vous aime bien, croyez-moi. Sinon, il serait venu gratter à ma porte ! »
Les yeux de Lotus changèrent, une lueur apparut, comme un prédateur qui sent enfin le parfum de la viande fraîche. Finalement, son calcul impossible venait de prendre sens grâce à cette nouvelle variable.
« Aiden, tu le connais si bien, Hans ? Je veux dire, rien ne t'étonne et tu as l'air de lui faire totalement confiance. »
De grands yeux firent face à la jeune blonde en réponse. Rush se releva et Quiver posa son regard sur le rouquin, tous deux très intéressés. Aiden, en mauvaise posture, semblait embarrassé. Il connaissait les trois amis depuis leur arrivée à Seliena, soit presque huit mois, et depuis maintenant un mois qu'ils côtoyaient le barde, jamais il n'avait mentionné une quelconque amitié avec lui.
« Ah, ha ha… Hum, oui, on est arrivé ensemble à Astera il y a deux ans environ, avoua-t-il en se frottant l'arrière de la tête. Mais, il n'aime pas trop que je parle de lui.
— Vraiment ? demanda Lotus, les yeux scintillant, presque menaçante.
— Ouais… On a fait pas mal de chasse ensemble, mais c'est un gars plutôt réservé. Son histoire, tout ça, tout ça, il préfère en parler lui-même. »
La jeune femme s'appuya coudes sur la table, avançant lentement vers Aiden assis face à elle. Des informations, plus d'informations, elle adorait les détails, les histoires, les ragots et les anecdotes secrètes, encore plus quand leur propriétaire n'aimait pas les partager.
« Hey, Lotus, il va peut-être pouvoir te raconter ça finalement, » lança Quiver en levant le doigt vers l'entrée.
Une grande tignasse d'argent en pointe venait de franchir la porte, à moitié emportée par une bourrasque d'air glacée. Le barde tapotait sa cape de la guilde pour en ôter la neige quand il aperçut Aiden et le lancier aux longs cheveux lui faire signe. Avec grâce et sourire, il leur répondit avant de s'approcher.
Au grand dam de Rush, qui ne savait pas vraiment par où commencer ses excuses.
« Hans, appela-t-il finalement la voix tremblante en se relevant. Je... Je tenais à m'excuser. J'ai douté de toi et j'ai fait des recherches que je n'aurai pas dû faire. J'ai semé le trouble dans l'équipe. Ce n'était pas digne d'un capitaine. »
Il resta ainsi quelques secondes, dans l'attente d'une réponse ou d'une remarque cassante. Il était prêt. Mais seule une main délicate et ferme se présenta, même pas dans son visage, mais sur son épaule.
« Je te l'ai déjà dit. Je ne t'en veux pas, » sourit le barde en s'asseyant face à Lotus, à la place la plus près du ciel, à côté de Quiver.
Le jeune capitaine, perturbé, se reposa sur le banc et but un peu de sa bière qui n'avait plus rien de frais. Si seulement il l'avait consommée plus tôt au lieu d'appréhender une conversation qui n'avait finalement pas lieu.
« Hans, Aiden nous a raconté que tu avais chassé avec lui à Astera ? questionna Lotus, animée par une forte curiosité.
— Oh, un peu, hésita le barde. En de rares occasions. »
Sentant que l'homme n'entamerait pas cette discussion de lui-même, Aiden décida de lui forcer un peu la main. Cette équipe était faite pour lui, il devait parler un peu de lui s'il voulait que les choses se passent bien. Lors de soirées arrosées, le barde avait avoué à Aiden avoir parlé avec ses trois nouveaux camarades de leurs aventures passées et même de leur ancien quatrième compagnon, plus âgé, qui avait pris sa retraite avant leur départ pour le Nouveau Monde. Le rouquin se persuada alors de rétablir une injustice ! Hans était bien trop curieux de la vie des autres pour ne pas partager un peu sa surprenante histoire !
« En de rares occasions, tu dis ça, mais nous avons tout de même traqué le Zorah Magdaros sur plus d'un mois !
— Le Zorah ?! Tu faisais partie des équipes qui l'ont chassé ? » s'étonna Quiver
Le barde se claqua le front de la paume, la soirée promettait d'être longue mais amusante, grâce à Aiden. Très bien, si le groupe le souhaitait, il allait leur conter l'histoire de "Hans".
« Il va vous falloir plus de boisson pour suivre cette aventure mes amis ! s'exclama-t-il.
— Je m'en occupe ! »
Rapide comme l'éclair, Quiver siffla Korak, son fidèle palico, qui partait plus souvent à la chasse à la boisson fraîche qu'à la faune locale. Cependant, il ne grogna même pas à l'idée de ravitailler le groupe et partit se faufiler à travers la foule.
« Alors, cette traque du Zorah ? insista Lotus qui était fascinée par la migration des dragons anciens et par la montagne mouvante.
— Elle a démarré alors que nous n'étions même pas arrivés à Astera, commença Hans en échangeant un regard complice avec Aiden. Ce tas de cailloux a fait chavirer notre embarcation. On a bien failli y rester mais au moins, nous avons pu voir la bête en face. »
Et ainsi Hans entama son récit par le voyage du dragon-volcan. L'imposante montagne de roches et de lave avait transformé l'écosystème sur son passage, affolant les monstres des contrées alentours et ouvrant la voie vers la compagnie perdue : la 3ème flotte. Le premier siège avait été des plus difficiles, mais beaucoup de chasseurs, comme Aiden, y avaient trouvé une raison à leur venue dans le Nouveau Monde.
C'était chargés d'émotions qu'ils avaient ensuite répondu à l'appel du commandant, pour repousser le Zorah définitivement, avant que ce dernier ne détruise totalement l'équilibre du Nouveau Monde.
« C'était comment l'assaut ? s'excita Quiver. J'ai entendu dire qu'un harpon spécial explosif avait été construit pour l'occasion ?
— Ton intérêt pour les choses explosives m'inquiète de plus en plus, soupira Rush.
— Mais tu as raison ! s'écria Aiden, il était énorme ! Il avait été assemblé dans la proue d'un des navires pour donner le coup fatal !
— C'était impressionnant, j'aurai vraiment aimé qu'on ait un système similaire pour tuer le Shara Ishvalda ! rit Hans.
— Le Shara ?! réalisa Lotus, attends ! Tu fais partie des étoiles de Saphir ? »
Il s'agissait d'un titre honorifique attribué à tous les chasseurs qui avaient participé à sauver Astera et le Nouveau Monde, soit en participant à la chasse au Xeno'jiva, un dragon ancien qui se nourrissait de l'énergie de ses semblables, soit en éliminant le Shara Ishvalda, un autre dragon ancien, véritable montagne vivante capable de commander le sol sous les pieds des malchanceux. Les deux monstres étaient de véritables colosses, puissants, ils maîtrisaient en plus des énergies mortelles et exerçaient un grand contrôle sur la terre et leur environnement. Les missions visant à les éliminer faisaient partie des récits célèbres d'Astera et de la colonie de Seliana. Lotus se demanda pourquoi Hans ne commençait pas sa présentation par-là, aucun chasseur n'aurait pu douter de lui.
« Tu fais partie des colons du coup ? J'avais raison, en conclut Rush.
— En effet, tu avais raison sur ce point, mais j'ai obtenu la chambre dans l'allée grâce à nos combats contre le Shara, j'ai voulu le rendre après mon dernier assaut contre un Safi'Jiva, mais la commission a refusé… »
Le barde s'égara dans ses pensées, pas assez longtemps pour que Lotus puisse réagir à l'annonce d'un affrontement avec un Safi'Jiva, que beaucoup considéraient comme le roi des dragons anciens tant ses écailles rouges et son souffle mortel inspiraient le respect comme la peur. Peu de chasseurs en avaient aperçu un, seules deux équipes et l'Amiral avaient été mandatés pour cette mission, malheureusement, elle ne fut pas un succès, et personne n'avait pu en entendre les retours.
La jeune femme voulut poser mille questions, mais elle resta bouche bée, interrompue par une voix rauque et puissante qu'elle connaissait trop bien, alors que la silhouette de l'homme à l'allure de Rajang apparut devant elle.
« Hééé ! J'ai croisé ce p'tit gars avec des bières fraîches ! s'exclama l'amiral en tenant le palico de Quiver par le col d'une main et un plateau de boissons de l'autre. Je peux me joindre à vous ?
— Amiral, bien sûr !
— Oh Aiden ! je ne t'avais pas vu, qu'est-ce qui vous attire tous ici, en cette journée agitée ? Pas de chasse ?
— Non ! ton sosie capillaire nous raconte ses belles aventures ! » rit Quiver
Il déposa le palico au pied de la table et avança vers la joyeuse troupe, en récupérant un tabouret voisin. Il se dirigea vers le fond, dos au ciel et commença le service des boissons, bien évidemment, il y en avait une de plus, pour lui. Hans, toujours serviable, se leva légèrement, pour l'aider à distribuer, mais une large main, avec une sacrée poigne, le força à se rassoir.
« T'inquiètes l'ainé, je m'en occupe ! »
Rush, qui venait tout juste d'être servi et qui profitait de sa nouvelle bière, cette fois, rafraîchissante, recracha tout le liquide doré qu'il avait en bouche sous la surprise. Au grand malheur de Quiver qui se trouvait en face de lui. La bière, coulant le long de sa chevelure noire ne pouvait cependant pas dissimuler la stupéfaction sur son visage, véritable reflet de l'expression de Lotus. Aiden, quant à lui, riait aux éclats.
« L'aîné ? bégaya Rush, regardant une fois l'amiral, puis Hans et à nouveau en direction de l'amiral puis du barde.
— Je sais qu'il a les cheveux plutôt grisonnants, mais tout de même, Amiral ! Sans vous blesser, vous avez plus de soixante-cinq ans ! releva Lotus.
— Soixante-sept pour être exact, jeune femme ! Alors soyez gentille de respecter vos anciens, ce barde grisonnant y compris ! s'esclaffa-t-il.
— L'aîné ? répéta à nouveau Rush, en regardant Hans, les bras étendus devant lui, paume vers le ciel. Vraiment ? Mais t'as quel âge toi !?! »
Le barde plissa les yeux et compta un peu sur ses doigts, il semblait beaucoup réfléchir à la question. Trop réfléchir pour être honnête du point de vue de Lotus. On ne pouvait pas calculer à ce point son âge ! Si ?
Il prit bien une dizaine de secondes pour finir sa réflexion, avant de sourire à Rush, fier de lui et d'annoncer sans aucun complexe :
« Cent-dix-neuf ans ! J'en aurai Cent-vingt le mois prochain ! »
Cette déclaration manqua de tuer Quiver qui s'étouffa avec sa bière. Il devait avoir mal entendu, c'est ça, la musique du barde, les hurlements de l'Amiral, tout ceci avait endommagé ses oreilles. Il toussa de nombreuses fois, frappant la table du poing, sans faire attention aux visages pâles de ses deux fidèles compagnons.
« Combien !?! » cria-t-il
Et Aiden éclata dans un fou rire, accompagné de l'Amiral qui s'en donnait toujours à cœur joie lorsqu'il s'agissait de vendre la mèche concernant l'âge improbable du musicien.
« Cent-dix-neuf, affirma Hans, le plus calmement du monde. J'ai eu une vie assez mouvementée. »
Lotus avait l'impression que ses yeux allaient quitter leurs orbites, "une vie mouvementée", c'est tout ce qu'il trouvait à dire ? Il avait l'âge de certains Wyvériens de la colonie et ça ne le dérangeait pas plus que ça ? Sans ajouter qu'il continuait la chasse comme un joyeux trentenaire !
« Va falloir que m'en racontes plus que ça, Hans ! Parce que je ne te lâcherai pas ! le menaça-t-elle. Tu es demi-wyvérien ?
— Ah non, tout aussi humain que vous ! dit-il en prenant une gorgée de liqueur de courage.
— Hans ! s'offusqua Quiver.
— Très bien, très bien, soupira le barde, au fond, il aimait raconter cette histoire, son histoire. Je suis né dans un village très reculé de l'Ancien monde, Kokoto, il ne devait pas y avoir plus d'une vingtaine d'habitants. J'étais un jeune orphelin qui ne savait ni quoi faire de sa vie ni quel était son prénom !
— Attends, Hans n'est pas ton nom ? l'arrêta Lotus.
— Techniquement si, mais ce n'était pas celui que je portais à l'origine. Dans le village, le chef m'interpellait souvent. Il criait "Hé ! Toi là !", "Hé toi ! Viens m'aider !", "Toi ! viens ici"."
Aiden s'étouffa en tentant de retenir son rire, appréhendant la chute du début de son long voyage humoristique. Rush quant à lui, pensa entrevoir le dénouement et eut soudainement très peur de comprendre.
« J'étais si jeune, je ne pouvais pas savoir ! se défendit Hans. J'ai pensé que c'était mon prénom… "Toi". »
Il baissa la tête en rythme avec Lotus qui claqua sa main contre son front. Si les boulets avaient un roi et que ce roi priait un dieu, alors sans aucun doute la statue dorée devant laquelle il s'agenouillait était à l'effigie de Hans, barde de guerre, orphelin autrefois nommé "Toi". Quiver lui, trouva quelque chose de doux et de touchant dans ce fait. Un enfant orphelin naïf et serviable qui n'avait pas pensé plus loin qu'à s'approprier le "nom" par lequel on l'avait toujours appelé.
« Et que faisait le jeune "toi" dans le village ? ricana Lotus, très amusé par cette anecdote.
— C'était un village de chasseurs ! Alors j'ai suivi mes aînés et j'ai appris la chasse ! C'était il y a si longtemps, mais je me souviens encore de mon premier Rathalos ! »
Quiver s'extirpa dans ses pensées quelques instants, cent-vingt, c'était il y a vraiment, vraiment longtemps. Troublé, il demanda :
« Tu chassais déjà au Cor ? »
L'Amiral partit dans un fou rire.
« Ils sont vifs ces gamins Hans ! Ils me plaisent !
— Ah non, ça n'existait pas mon cher Quiver, ta lance explosive non plus. »
Le jeune chasseur se décomposa, pas d'explosion ? Pas de souffle flamboyant imitant les dragons ? Mais avec quoi chassaient-ils, ces anciens ?
« Quelle était ta première arme ? Quelque chose de basique sans doute vu l'époque. Oh ! s'écria Rush, un marteau ! Ça frappe un peu comme ton instrument.
— Pas du tout, répondit Hans, j'utilisais un fusil-arbalète, énorme ! Il faisait au moins deux fois mon poids ! »
Ce fut au tour de Lotus, de recracher toute sa bière, en voulant éviter le barde qui lui avait causé la surprise, elle se tourna légèrement, d'instinct et Quiver en paya à nouveau le prix.
« Toi ? Courir après des Rathalos, fusil-arbalète lourd sur l'épaule ? J'ai du mal à le croire, rit Rush.
— C'est normal, je ne courais pas, trancha Hans, tu te souviens, la viande ? »
Étrangement, cet événement déplaisant déclencha un nouveau rire général. Finalement, les méthodes préhistoriques de Hans n'avaient plus rien d'étonnant puisqu'il datait également d'une centaine d'années.
C'était sur ce ton léger et humoristique que Hans continua le récit de son histoire, parfois en vers ou en chanson, mais toujours le sourire aux lèvres. Le jeune orphelin avait fini par débarrasser son village de plusieurs menaces et avait décidé de prendre la route pour devenir un chasseur plus aguerri. Ses voyages l'avaient amené au petit village de Pokke, réputé pour ses excellentes guildes de chasse et ses forgerons innovants. C'était dans l'une de ses forges émérites que Hans avait découvert pour la première fois la corne de chasse. À l'époque, c'était encore considérée comme une arme expérimentale, il fallait des volontaires pour la saisir au combat et donner des retours. Mais déjà autrefois, peu de chasseurs avaient été attirés par la chasse musicale, Hans s'était donc dévoué à cette tâche et, lorsque le forgeron, reconnaissant et fier de partager sa création, lui avait demandé un nom pour le registre, le très jeune barde aux cheveux bruns avait choisi le nom qu'il porterait : "Hans". Ni nom de famille, ni titre, simplement un nom qu'il désirait graver dans la mémoire des chasseurs qu'il allait rencontrer, celui d'un barde amical qui chanterait les exploits de ses compagnons.
Il avait chassé pour la guilde de Pokke jusqu'à ses vingt-six ans, très souvent en compagnie de deux chasseurs qu'il avait rencontrés sur place. Ensemble, ils avaient tué un légendaire Lao Shan Lung, un dragon ancien qui pouvait vivre plusieurs millénaires et qui ne laissait sur son passage que les cendres des villages dévastés.
Ses deux camarades avaient repris les rênes de la guilde, Hans lui, avait aidé le cor de chasse à gagner le titre d'arme ainsi que des adeptes. La passion que cette arme lui inspirait était déjà virulente à l'époque, il avait donc repris sa route pour amener sa musique plus loin et découvrir de nouvelles sonorités. Ses pas l'avaient mené à Yokumo, non pas un village de campagne, mais une grande ville, possédant plusieurs guildes de chasseurs.
Il y avait trouvé une équipe et avait fini par atteindre une véritable maîtrise de son arme. Les missions s'étaient succédées et s'étaient couronnées de succès : Rathalos, Kezu, Gravios, lui et ses amis s'étaient fait un nom au sein de la guilde, ils étaient des maîtres. Ils avaient fait tombé un Alatreon et Hans avait trouvé une compagne, une femme qui allait partager sa vie.
« Tu étais marié ? l'interrompit Lotus.
— Oui, sourit tristement le barde.
— Qu'est-elle devenue ? Tu as des enfants et des petits enfants ? demanda Quiver, curieux.
— Je ne sais pas, avoua l'homme aux cheveux d'argents, des larmes chaudes émergeant de ses yeux vairons. Elle m'a perdu. »
Et Hans pleura lentement, en silence, sans arrêter son récit. Mais il n'y eut ni rires, ni sourires et même l'amiral cessa de consommer sa boisson.
Suite à leurs exploits, l'équipe de Hans avait été convoquée pour une mission de la plus haute importance. Deux dragons anciens s'affrontaient pour la domination de la contrée. D'un côté il y avait un Akantor, terrible monstre de feu et de lave, dont les souffles fondaient l'acier comme les montagnes, de l'autre, un Ukantor, seigneur des glaces qui n'avait rien à envier à un Velkana, l'air qu'il relâchait était si froid qu'il gelait les autres créatures d'un simple contact. Les chasseurs de l'époque racontaient que seule la chaleur d'un Akantor pouvait fondre la glace et vice-versa, il fallait le gel d'un Ukantor pour attiser la flamme de sa némesis.
Leur affrontement perpétuel était une menace pour la ville autrefois. Les guildes avaient proposé une unique solution : éliminer les deux titans pour laisser le temps à l'écosystème de se développer à nouveau. Personne ne voulait risquer un affrontement entre deux générations car, un jour, les descendants de ces géants seraient venus rejoindre leurs anciens.
Hans et ses équipiers avaient affronté les titans en collaboration avec une autre équipe, l'une vaincrait le feu, l'autre la glace. Face à l'Ukantor, le barde avait joué ses meilleures mélodies, ses camarades avaient mené de glorieux assauts, le combat avait duré, mais aucun chasseur n'avait cédé, le décor autour d'eux était devenu cristallin, le sol glissant, mais ils restaient concentrés sur leur adversaire.
Dans ses derniers instants, l'Ukantor, avait libéré toutes ses forces, créant une véritable caverne de glace autour des chasseurs. Lorsque le coup fatal lui eut été infligé, il s'était écrasé dans un lourd fracas, brisant les murs et le sol cristallin, emportant tout avec lui dans un immense gouffre bercé d'un souffle glacé. Le bouclier du groupe avait chuté, criant d'effroi, les deux épéistes s'étaient extirpés miraculeusement de la zone, aidés par le barde qui les avait propulsés. Ce dernier n'avait pas reparu lorsque tout s'était finalement effondré.
Après plusieurs jours de recherches, ni le lancier, ni le musicien n'avaient été trouvés. La guilde avait alors interrompu toutes recherches dans les gouffres de cristal et glaciers escarpés. Les deux chasseurs avaient été déclarés morts en mission et leurs noms avaient été gravés dans le blason d'or à l'entrée du village, aux côtés de tant d'autres.
La compagne d'une vie avait perdu son barde aux cheveux sombres comme la nuit ce jour-là. Et Hans ne savait pas ce qu'elle était devenue.
« Comment as-tu survécu à l'attaque ? Pourquoi tu n'es pas retourné la retrouver après ? Elle devait espérer ton retour plus que tout ! demanda Lotus, intriguée et compatissante.
— Dans sa chute, l'Ukantor avait tout gelé autour de lui, les chasseurs qui m'ont retrouvé m'avaient parlé d'un immense œuf de glace qui enrobait toute la zone où nous avions combattu. Un jeune Akantor était venu reprendre le domaine, en formant son nid, il a fait fondre partiellement la structure. C'est comme ça que le groupe qui m'a sauvé a réussi à me retrouver.
— Hans, s'inquiéta Quiver, combien de temps es-tu resté dans la glace ?
— Quatre-vingt-trois ans Quiver, d'après les chasseurs. »
Les souvenirs du barde n'avaient jamais dépéri malgré l'âge. Il se souvenait du visage de ce jeune homme, blond, des cheveux très courts et deux grands yeux bleus gorgés d'effroi et de stupéfaction. À l'époque, l'archer avait dû croire apercevoir un fantôme ou une vision.
Hans ne savait pas comment, mais il s'était réveillé sur un lit immaculé dans une chambre ivoire avec la peau pâle comme la mort et les cheveux blancs. Et ce visage était la première image qui succédait à la noirceur du gouffre dans lequel il avait chuté.
Malgré lui, le blondinet avait réussi à afficher un sourire confiant et les premiers mots que le barde avait entendu avaient été : "Tout ira bien, on s'occupe de toi.".
Pendant plus d'une semaine, beaucoup de visages flous avaient défilé à son chevet. Aucun ne semblait appartenir à l'un de ses amis ou à sa bien-aimée. Il avait appris plus tard, grâce à d'anciens registres de la guilde, que ces derniers étaient morts et qu'elle avait quitté le village un mois après sa disparition. S'était-elle mariée ? Avait-elle eu une longue et belle vie, des enfants ?
Hans avait erré dans les ruelles de Yokumo et était resté de marbre des heures durant devant l'ancien emplacement de son foyer, comme un vieil artefact que l'on avait oublié de déposer aux archives.
D'une certaine façon, cette nouvelle vie n'avait rien de plus à lui offrir que des souvenirs douloureux et beaucoup de questions. À la guilde, personne ne connaissait Hans, soixante-quatorzième nom parmi les trois cent-vingt-deux de la stèle dorée. Cette dernière n'était plus à l'entrée du village, elle reposait sur un mur derrière le comptoir de l'intendance locale.
Il avait disparu du village aussi soudainement qu'il y était réapparu, prenant la route vers une nouvelle vie. Son chemin l'avait mené jusqu'à Bherna, plus haut, dans les montagnes. Sans jamais rejoindre de groupe, il s'était élevé parmi les légendes de la guilde. Au bout de trois ans, il avait entendu parler des recrutements pour une mission dans un continent éloigné. Alors il s'était décidé à quitter définitivement l'Ancien Monde, ne laissant qu'un seul nom sur un registre déclarant "mission accomplie" pour l'élimination d'Amatsu, seigneur des vents.
Le grand dragon or et ivoire était réputé pour ses tempêtes destructrices. Sans bruit annonciateur, le vent s'abattait avec rage sur ses proies, depuis les cieux, rien ni personne n'était en mesure de l'atteindre. Lorsque les toits et les maisons s'envolaient, les hurlements des bourrasques recouvraient jusqu'aux pleurs et cris d'effrois des victimes. Une seule solution s'offrait aux malheureux : attendre, laisser passer la tempête et reconstruire une fois le drame passé. Seulement, tous les quinze ans, l'Amatsu descendait au sommet d'une montagne afin d'y attirer une femelle, c'était l'opportunité rêvée pour les plus braves chasseurs. Au terme d'une longue ascension, ils se retrouveraient sous les écailles étincelantes, armés jusqu'aux dents et entourés de balistes de fortune qu'ils devaient assembler sur place. C'était un défi dont peu revenaient, mais à chaque saison migratoire, nombreux étaient les fous à répondre présent.
Ainsi, Hans avait rejoint la Cinquième Flotte à l'âge de cent-dix-sept ans, avec la promesse de démarrer réellement sa seconde vie.
« Pour quelqu'un qui était censé démarrer une nouvelle vie, ça aurait été bon de rejoindre une équipe ! Tu sais, lier des liens ! le coupa Rush.
— Je... je rejoins des groupes ! se défendit Hans la voix tremblante.
— Mais définitivement, répliqua Lotus.
— Si ! protesta Hans, vous êtes là désormais.
— Mais tu es là depuis deux ans Hans ! ajouta Quiver, pourquoi ne pas avoir gardé un groupe, je suis sûr que d'autres ont aussi su t'écouter. »
Aiden sauta sur l'arrivée du général de la Commission dans le grand hall pour sauver la situation.
« Amiral ! dit-il d'une voix forte et distincte, le général vient d'entrer !
— Oh ! Merci gamin, excusez-moi un instant, je reviens.
— Hé ! l'interpella Hans avant qu'il n'ait pu quitter la table, c'est à propos de lui ? »
L'Amiral soupira en ébouriffant sa crinière, évidemment, le barde ne lâcherai pas l'affaire, c'était un vieil homme têtu.
« Reste là l'ancien, si les informations sont croustillantes, je reviens vers toi. »
Il fit un signe de la main et partit en direction du général qui l'attendait au centre du hall. Le barde n'écoutait même plus ses camarades, il garda les yeux fixés sur les deux gradés, tentant d'apercevoir les mouvements de leurs lèvres.
« Hé là ! cria Aiden en le bousculant, les bras levés pour lui obstruer la vision. Il a dit qu'il reviendrait, alors on écoute pas discrètement !
— Pfff, de toute façon, on entend rien avec ce vacarme, ricana Hans l'air innocent.
— Hans, la prochaine mission, je m'assois sous un arbre, je me fais cuire un steak et je te laisse bosser tout seul, tu sais ça ? lança Quiver, sans crier gare.
— Quoi ? s'étonna Hans, alors que Rush et Lotus gloussaient silencieusement.
— Un Lao Shang, un Amatsu, un Alatreon et un Ukanlos, même s'il a partiellement gagné, énuméra le lancier. Alors tu as bien profité de vacances, à rester en retrait quand tu nous accompagnais tranquillement, un peu grâce à moi ! Maintenant je sais que tu en es capable !
— Sois indulgent Quiver ! J'ai passé plus de quatre-vingt ans dans la glace ! Je suis plus tout jeune ! Je dois me ménager. »
Pour la énième fois de la soirée, le groupe éclata dans un fou rire gorgé de vie. Le barde s'arrangeait décidément pour être vieux quand ça servait son propos. Ils enchaînèrent les boissons, oubliant la conversation menée par le général et l'amiral quelques mètres plus loin.
Aiden, porté par la boisson, divulgua quelques anecdotes maladroites sur son compère musicien qui détourna bien vite l'attention sur son ancienne assistante.
« Et, ce jour-là, où elle a chevauché malgré elle un Deviljho ! J'ai fait exprès de tourner autour de la bête pendant une bonne minute sans l'aider ! rit Hans en buvant.
— Ha ha ha ! Je me souviens de sa tête lorsqu'elle est arrivée à Astera ! Légendaire ! enchaîna Aiden. »
Rush se prit au jeu et dénonça bien vite le comportement parfois affligeant de ses deux amis aux cheveux longs. Mais le retour de bâton fut immédiat, Lotus lâcha prise et raconta les débuts catastrophiques de son capitaine, du temps où le jeune homme s'était essayé à la volto-hache, "une arme de leader" comme il l'avait souvent dit. Le bougre était incapable d'utiliser convenablement ses atouts défensifs.
« Je passais mes journées à lui crier : prends une morpho-hache, au moins tu t'encombreras pas d'un bouclier ! hurla Lotus en levant sa bière.
— Oh là ! les interpella l'Amiral en revenant vers eux bras levés. Vous avez commencé sans moi ! S'il vous reste un peu de sérieux, j'ai du nouveau. »
Instantanément, les visages de Hans et de ses compagnons se transformèrent et ils écoutèrent en silence, concentrés.
« Très bien, je préfère ça, commença l'Amiral. Hans, c'est confirmé. Le balafré a été aperçu. Et avant que tu ne poses la question, oui ! On te donne la mission, c'est toi qui le connaît le mieux. Tu prends n'importe quelle équipe, choisis et quand on est sûr de sa position, il est à toi. »
Sans rien ajouter de plus, leur supérieur leur fit un signe de la main, retrouva le général et sortit du grand Hall. Laissant le groupe un peu perplexe. Rush n'avait qu'une question en tête, sans aucun doute la même que ses deux jeunes amis : "Quoi ?", mais il ne la posa pas, du moins, pas directement. Espérant abuser de l'état jovial de son partenaire centenaire, il se contenta de le fixer intensément en haussant les sourcils.
« Ah non, répliqua froidement Hans. Tant que je ne suis pas persuadé de vous emmener, je ne dirai rien. »
Quiver soupira, le dos voûté et la tête vers la table. Il était déçu, le ton sec du barde était assez rare, mais il était lourd de sens. Ils n'auraient pas d'explications, pas ce jour-là du moins. Extirper les récits du passé de Hans était déjà un grand pas en avant ! Lotus, à défaut, décida de persévérer dans cette voie. Elle abusa de l'amour de la boisson du rouquin et du barde pour leur soutirer de plus en plus d'informations. Le ravitaillement arrosé délia la langue du chasseur de la 5ème, il plongea son assistante, ainsi que celle de Hans, dans le ridicule. Les deux jeunes femmes avaient vécu toutes sortes d'émotions en compagnie de leurs partenaires respectifs.
« Je l'ai envoyée suivre une fausse piste ! Si vous aviez vu sa tête ! Même un Diablos enragé aurait été moins effrayant ! » annonça fièrement Aiden.
Puis arriva un second plateau de boissons, servi par le fidèle Korak qui n'avait pas cessé de faire des allers-retours au comptoir de la cantine depuis le début de l'événement. Mais où étaient donc ses camarades palicos quand il avait besoin d'aide ?
« Il est si serviable ! avoua Rush, le mien est une plaie ! »
Le barde réalisa qu'il n'avait jamais rencontré les acolytes pelucheux de ses équipiers depuis leur chasse. Apparemment, Lotus les envoyait sans cesse en safari, à la recherche de matériaux et d'informations.
« C'est un bon entraînement ! se justifia-t-elle.
— Monstre, murmura Hans en la dévisageant. »
Pauvre amis à poils, ils ne devaient connaître que repos et plats copieux d'après le barde. Le combat devait rester un exercice exceptionnel ! Beaucoup trop de ces chers compagnons étaient blessés aux côtés de chasseurs trop peu expérimentés. Leur loyauté allait finir par leur coûter la vie, c'était inacceptable.
C'est alors que vint le troisième plateau, pour noyer ces sombres pensées sous la mousse. Après celui-ci les chasseurs bien joyeux en perdirent le compte. Les conversations devenaient de plus en plus floues, les paroles de plus en plus inaudibles. Mais chacun y trouva une forme de bonheur et se libéra du stress de la chasse ou de la tristesse qui les berçait habituellement.
Le soleil quitta le groupe en premier, puis les chasseurs un à un quittèrent le grand hall. La plupart des groupes avaient fini leurs recherches et obtenu de nouvelles directives pour la journée suivante. Le camarade du rouquin apparut brièvement, accusant son ami d'abandon, il évoqua un manque de respiration, ou peut-être de responsabilités ? Les paroles semblaient difformes et bien trop bruyantes aux oreilles des cinq chasseurs. Ils s'éloignèrent encore de la réalité, bercés par les anecdotes improbables d'un barde ivre.
« Hey, Hey ! Ai-den ! tenta d'articuler Hans, Tu- Tu te souviens de la fois où j'ai tué… un Ra-thalos avec sa Rathian ? »
Un éclat de rire, puis un grand "BOUM", sortie triomphale du barde qui s'effondra au sol, jambes en étoiles, sans renverser une seule goutte de sa précieuse boisson. Ce fracas sonna le glas de leur charmante soirée. Rush, le moins amoché du groupe – si on pouvait en trouver un qui ne vacillait pas – se dirigea vers son ami pour le ramasser.
Avec l'aide des bras forts de Quiver, les deux hommes portèrent un centenaire, qui chantait maintenant à tue-tête une ode au Dodogama, jusqu'à ses quartiers.
Lotus se retrouva seule face à Aiden, ils décidèrent d'un commun accord de prendre le chemin de leurs habitations également. Leur chemin se séparait au marché, car Aiden logeait également dans la zone honorifique de Seliana. Sous la neige et la nuit, Lotus eut un éclair de lucidité. D'un voix douce, comme si elle craignait de briser son interlocuteur, elle demanda simplement :
« Aiden, qui est "Az" ? »
Un léger sanglot s'éleva jusqu'aux oreilles de la jeune femme. Le visage d'Aiden, les yeux gorgés de peines et les joues ruisselantes de larmes fit face au regard inquiet de la blonde.
« Une amie. Demande à Hans de te conter leur légende, moi... Je ne peux pas. »
Et le chasseur s'éloigna rapidement après l'avoir poliment saluée. Sa démarche était maladroite, mais ses pleurs l'accompagnaient à chaque pas, jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière des habitations.
Lotus rentra seule, la tête pleine de réponses à tirer, classer et interpréter et ainsi que de questions à poser, de mystères à démêler. Une étape essentielle selon elle pour que la confiance règne pleinement à la chasse en compagnie du barde. Peu importe qui était le "Balafré", elle allait convaincre Hans de les y faire face.