Sous l'affiche d'un film pornographique

Chapitre 20 : Chapitre XX

5045 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/12/2020 19:03

Chapitre XX



Si avoir été aimé est un miracle,

alors avoir aimé est aussi un miracle, un miracle.

J’étais heureux. Ça me suffit.

Je ne regrette rien. Un miracle, un miracle. *

Miracle – amazarashi

Il y eut un bruit de déchirure, suivi de celui de deux corps tombant contre le sol.

Chat Noir rouvrit les yeux, pour constater que la Valentine akumatisée avait amorti sa chute. Il s’était quand même cogné le crâne contre le sol, mais entre lui et elle, c’était elle qui avait le plus souffert de sa violente perte d’équilibre.

« Je te l’avais dit ! » s’exclama Porte-Bonheur en dégainant son yo-yo tandis que l’adolescent roulait au sol afin de s’éloigner de la jeune femme.

Il la vit faire quelques moulinets, avant de capturer le petit papillon qui s’était échappé. Mais d’où ? Valentine allait bien – si ce n’était qu’elle était toujours sous l’emprise de l’akuma puisqu’elle n’était pas encore redevenue elle-même –, le cataclysme ne l’avait donc pas touchée. Tant mieux.

Près d’elle gisait un tas de poussière, probablement les restes de l’objet cataclysmé. Était-ce bien le livre ? C’était la seule chose qui manquait à cette scène de crime.

Le papillon fut libéré par Porte-Bonheur, et l’instant d’après, une nuée de minuscules coccinelles vinrent réparer les dégâts causés par leur combat, à commencer par le remue-ménage au CDI. Valentine reprit son apparence d’origine, ainsi que ses esprits, et afficha un rictus de douleur tandis qu’elle se remettait difficilement debout, en se tenant le flanc, là où elle avait indiqué s’être blessée. Chat Noir vint l’épauler, et l’aida à s’asseoir sur une chaise.

« Est-ce que tout va bien ? demanda-t-il. Vous aviez drôlement l’air de souffrir.

– Ma tête est à deux doigts d’exploser souffla-t-elle. Merci, petit. »

Elle posa sur son épaule sa main droite. Un éclat d’argent vint attirer l’attention du blondinet. Ce n’était que son bracelet, se dit-il, mais il avait le désagréable sentiment de l’avoir déjà vu quelque part. Elle devait sûrement le porter assez fréquemment, et il ne l’avait remarqué qu’aujourd’hui ; il n’était pas le plus grand observateur ni le plus perspicace, il le savait bien.

Valentine lui souriait gentiment. Elle semblait particulièrement ravie d’avoir été secourue. Ce sourire innocent qui s’affichait sur ses lèvres gonfla de fierté le cœur d’Adrien. Heureusement, elle allait bien…

« Désolée de vous avoir infligé tout ça, soupira-t-elle. J’essayais juste de protéger un de mes élèves, je crois qu’il était la cible du Papillon… Est-ce que vous l’avez vu ?

– Je l’ai mis en sécurité lorsqu’il m’a prévenu de ce qui vous était arrivé, assura le blondinet. Remettez-vous bien, d’accord madame ?

– Ne m’appelle pas comme ça petit, j’ai l’impression d’être une vieille dame quand tu m’appelles comme ça. »

Il se tourna vers son acolyte, et lui ordonna discrètement de le retrouver plus tard dans la journée, à un endroit précis, pour qu’ils fissent plus ample connaissance. En attendant, puisque sa bague l’avertissait en bipant qu’il n’était plus très loin de la dé-transformation, il prit la poudre d’escampette en sautant sur le toit du bâtiment. Une fois hors de la vue de quiconque, il se glissa dans une des salles du dernier étage, profitant de cette solitude pour se dé-transformer. Un rapide passage sur le toit lui permit de remettre la main sur le sac de Valentine, et il se hâta de la retrouver au CDI, où elle discutait avec Alya, Nino et Marinette.

« Ah, Adrien, fit-elle en le voyant arriver, ravie de te revoir. Désolée encore de t’avoir poussé tout à l’heure…

– Je suis content que vous alliez bien, et que ce soit fini. Tenez, j’ai retrouvé votre sac là où vous l’aviez laissé… »

Marinette et Alya observaient en silence le duo formé par le collégien et l’étudiante. Ils formaient une drôle de paire, et il était difficile de savoir ce qui se tramait entre eux. Ils semblaient plutôt proches, alors qu’il était rare de voir Valentine accompagnée de quelqu’un d’autre que des enseignants qu’elle assistait. Et puis, ils devaient bien avoir sept ans d’écart au moins, ils ne pouvaient pas avoir une telle relation…

Les joues de Marinette virèrent au rouge. Non mais qu’allait-elle s’imaginer ? Ils devaient juste avoir sympathisé, rien de plus.

« Vous avez l’air drôlement proches, l’assistante et toi, lança Nino à mi-voix lorsqu’elle fut enfin partie – non sans boitiller –, prétextant un travail à faire. Qu’est-ce que tu lui as fait ?

– Rien, il nous arrive de discuter. Vu qu’elle étudie le chinois, ça m’est déjà arrivé de lui demander de l’aide. Elle est très gentille en vrai. Et tout à l’heure, on s’est croisés, juste avant que le Papillon n’attaque. »

Le douloureux souvenir de la souffrance qu’elle avait exprimée revint le hanter. Ses traits tirés, ses doigts crispés… Il secoua la tête, tentant de se la vider de ces images désagréables. Tout allait bien, elle avait juste été un peu secouée, ce qui était tout à fait normal. Qu’aurait-il pu faire de toute façon ? Si lui avait été touché par l’attaque, jamais Porte-Bonheur ne s’en serait sortie seule. Après tout, c’était sa première mission, puisqu’il ne l’avait jamais vue auparavant, et elle aurait certainement eu du mal à gérer les civils, l’akumatisée et les dégâts collatéraux en même temps. Lui-même et Ladybug avaient fait face à bon nombre de difficultés lors des premiers combats…

« Tu ferais mieux de t’intéresser à des filles de ton âge, ricana son ami en lui donnant un coup de coude, avant de tourner la tête en direction de Marinette et Alya, cachées un peu plus loin derrière des étagères.

– Voyons, Nino, ce n’est qu’une amie. Et puis, je suis sûr qu’elle en aimerait un autre. Elle et moi on est trop différents.

– Tu peux rien dire tant que tu n’as pas tenté ta chance. À ma connaissance, elle n’a encore personne ! »

Adrien lui rendit un sourire gêné, incapable de savoir où se mettre. Comment pouvait-il faire comprendre à son ami qu’il ne partageait aucunement son opinion ?

« Il n’était pas autant grognon quand j’étais Rena Rouge, souffla Alya. Tu as vu comment il me parlait ? Il remettait en cause mon autorité ! Alors que j’avais raison, c’était le livre !

– Laisse-lui une chance, répliqua gentiment son mentor. Vous étiez un peu dans le vif de l’action, et il avait eu des informations visiblement erronées. Peut-être qu’il s’est passé quelque chose entre le moment où Adrien a fui et le moment où elle s’est transformée ? Ou alors il n’a juste pas bien vu où s’était logé l’akuma ? On en sait rien, et à moins que vous deux ne vous revoyiez pour en reparler, vous n’en saurez rien.

– Ouais. N’empêche que j’avais raison sur ce coup-là. »

Alya campait sur ses positions, et il serait dur de la faire changer d’avis. Marinette haussa les épaules, un peu agacée, mais ne releva pas, préférant laisser couler et attendre que leurs problèmes se réglassent entre eux deux. Pauvre Chat Noir, songea-t-elle tout de même en se repenchant sur les livres qui se présentaient à elle, j’aurais dû y penser avant de lui donner la partenaire la plus bornée qu’il puisse avoir. Elle en attrapa un, et retourna à sa place, où discutaient paisiblement Adrien et Nino, ce dernier s’en allant justement au moment où elle s’asseyait. Elle le remercia silencieusement, et revint à ses affaires en ouvrant le livre à la première page, simple prétexte pour pouvoir observer le blondinet qui s’affairait à faire quelques exercices de mathématiques.

L’expression de son visage lorsqu’il réfléchissait était fascinante. Ses fins sourcils se fronçaient, ondulaient au rythme de ses émotions et de sa concentration. Lorsqu’il se heurtait à une difficulté, sa peau se plissait au niveau du nez, formant une moue adorable. Puis, quand la réponse lui venait enfin, un petit sourire venait étirer ses lèvres. Ses yeux verts brillaient d’excitation, et s’arrondirent légèrement lorsqu’il releva la tête et vit qu’elle l’observait. Au lieu de paniquer et de se confondre en excuses comme elle le faisait si bien habituellement, elle lui offrit son plus beau sourire naturel.

« Tu t’en sors ?

– Je pense que oui. Une fois qu’on a la méthode, ça va tout seul, j’ai l’impression.

– Attends, fit-elle en refermant le livre et en attrapant son cahier de maths, je vais les faire aussi. Ça t’embête pas qu’on prenne un livre pour deux ? J’ai oublié le mien. »

Il l’invita à prendre la place de Nino ; côte à côte, ils y verraient mieux, assura-t-il.

Un peu plus loin, Alya et Nino les regardaient avec fierté, ravis de voir leur petit couple fantasmé se réaliser.

*

Guettant les environs depuis le toit de la cathédrale Notre-Dame, Alya – ou plutôt, Porte-Bonheur – attendait la venue de son compagnon d’armes.

En bas flânaient le long des quais de nombreuses personnes. Un couple d’amoureux partageant une glace. Un groupe d’amis assis sur le rebord, les jambes pendant dans le vide, et une enceinte Bluetooth crachant une musique plutôt agitée. Des policiers pressés de rentrer à la préfecture, sûrement hâtés par l’heure de la débauche qui approchait.

Et surplombant tout ça, elle se trouvait là, balançant ses jambes, l’une après l’autre, et secouant la tête en suivant le rythme d’une chanson qui lui passait par la tête. Elle espérait seulement que son retard ne serait pas vu par sa famille ; sa sœur aînée était supposée s’occuper des jumelles, mais elle nourrissait très facilement des soupçons aussi. Elle soupira.

« Eh bien ? Tu n’es pas heureuse de retrouver le fameux Chat Noir ? » plaisanta une voix non-loin de là.

Le blondinet vint s’asseoir avec souplesse à ses côtés, et l’imita, tendant tous ses membres pour s’étirer, avant de simplement poser ses mains derrière lui et se pencher en arrière. Ses talons caoutchouteux cognaient la pierre du bâtiment dans trop faire de bruit. Il tourna son visage vers elle, et afficha un air espiègle. Il ressemblait déjà bien plus au Chat Noir qu’elle avait connu en tant que Rena Rouge.

« Ravi de faire ta connaissance, Porte-Bonheur, sourit-il à pleines dents – et quelle dentition parfaite ! Elle n’avait jamais vu ça, hormis chez les acteurs hollywoodiens – en posant sur elle ses yeux verts à la pupille fine, telle celle d’un œil de chat. Et excuse-moi pour tout à l’heure, j’étais un peu sur les nerfs.

– Pas de souci. Je me doute bien que ça a dû te surprendre que je sois là, et pas Ladybug.

– J’admets que ça m’a déconcerté, » rit-il amèrement.

Mais ça avait été la preuve qu’il cherchait. La confirmation que ses soupçons étaient justifiés.

Et cette simple idée le faisait sourire bêtement. Si bien que, lors du cours d’anglais par lequel s’était finie la journée – où d’ailleurs Valentine n’était pas venue, probablement à cause de son akumatisation et de sa douleur ravivée –, il avait été réprimandé à plusieurs occasions pour son manque d’attention.

« C’est pour ça, le retard ? Parce que tu ne voulais pas me revoir ? railla Porte-Bonheur en roulant des yeux, un sourire moqueur sur les lèvres.

– Pas du tout, fit-il en haussant les épaules avec détachement, j’avais juste des affaires à régler. »

Par-là, il fallait comprendre « parlementer avec son père, grâce au soutien du gorille, pour pouvoir finalement annoncer par message à Marinette qu’il serait là mercredi », mais il avait opté pour la version courte. La nouvelle coccinelle n’avait pas besoin d’en savoir autant sur sa vie privée.

« T’as fait du bon travail tout à l’heure. Ça m’a impressionné, pour une première fois tu as su exactement quoi faire et comment.

– Ladybug m’a tout expliqué, avant de me remettre le Miraculous. Quel dommage qu’elle ait dû prendre sa retraite si tôt, soupira-t-elle.

– C’est un métier à risque. Je comprends qu’elle en ait eu assez. Mais maintenant, on a du sang neuf ! Et vu que tu maîtrises déjà pas mal de choses, je me fais pas trop de soucis pour la relève ! »

Elle sembla ravie par ces compliments.

« Cette Tigresse, fit Porte-Bonheur en levant le nez vers le ciel, vous savez quoi d’elle, en vrai ?

– À part qu’elle a volé le Miraculous du Tigre au Gardien et qu’elle est dangereusement calculatrice ? Malheureusement, pas grand-chose.

– Elle est si redoutable que ça ?

– Tu n’as pas idée… »

Même s’il n’avait pas trop le cœur à parler de ça, son devoir l’appelait à expliquer à sa nouvelle comparse tous les détails dont ils avaient connaissance. Elle l’informa que Ladybug s’en était déjà chargée, et cela suffit pour qu’il se tût.

« Méfie-toi de tous ceux qui t’entourent. Camarades de classe, professeurs, amis, même ta famille, ils pourraient tous te trahir, involontairement. Et si tu trouves quelqu’un de suspect, qui pourrait avoir un lien avec le Papillon, Mayura ou Tigresse, n’hésite surtout pas à m’en parler.

– Il en va de même pour toi, mon petit chat, ricana-t-elle en retour.

– D’une, je t’interdis de m’appeler comme ça. De deux, c’est toi la novice et moi le professionnel, alors tu me dois le respect. Compris ? »

Ils rirent à l’unisson pendant quelques instants. Finalement, se dirent-ils, ils étaient bien tombés sur un compagnon d’armes fiable. Cette pensée rassura quelque peu Chat Noir, qui ne pouvait cesser de s’interroger quant à l’état dans lequel devait se trouver Ladybug après avoir renoncé à Tikki.

Les cloches de la cathédrale sonnèrent. Ce fut le signal du départ pour le blondinet, qui se releva et épousseta sa tenue.

« Cendrillon doit rentrer pour ne pas se montrer en haillons devant son prince ? blagua Porte-Bonheur en posant sur lui son regard noisette.

– Tout le monde n’est pas libre de son temps, ma chère, rétorqua-t-il avec un large sourire. Sur ce, je te dis à la prochaine, en espérant que ce ne soit pas en plein combat, mais plutôt autour d’un verre ! »

Il s’élança à l’aide de son bâton, et disparut au loin. Alya resta là encore quelques minutes, perdue dans ses pensées. Lorsqu’elle revint à elle, elle embrassa une dernière fois du regard la vue qui s’offrait à elle, et repartit, elle aussi, en direction de l’appartement familial.

*

La sonnette d’entrée retentit à travers tout l’appartement, arrachant à Marinette un sursaut ainsi qu’un cri de surprise. Elle savait pourtant qu’il viendrait cet après-midi-là, cela avait été décidé depuis presque deux jours ! Elle manqua de peu de lâcher le verre qu’elle avait dans ses mains et s’apprêtait à poser sur le plateau. Elle serra les dents, tenta de contenir tout le stress qui s’emparait d’elle, et prit la direction de la porte.

Elle tourna la clé dans la serrure pour la déverrouiller – quelle manie que de s’enfermer chez soi ! – et vit apparaître le visage tout souriant d’Adrien. Il portait son sac de cours sur le dos, et tenait dans une main une petite boîte enrubannée de bolduc, tandis que l’autre se leva pour faire un mouvement accompagné par sa voix :

« Salut, Marinette.

– Salut, répondit-elle en retenant un bégaiement ou deux. Entre, fais comme chez toi ! »

Elle se décala pour lui permettre d’entrer, ce qu’il fit sans plus attendre. Il lui tendit le petit paquet, sans perdre cet immense sourire qui lui allait si bien :

« Je nous ai ramené un petit quelque chose. Il y en a aussi une part pour tes parents. Je sais que c’est un peu bizarre d’offrir des pâtisseries à des boulangers… Mais je me suis dit que ça nous ferait tous plaisir !

– Attends, fit Marinette en reconnaissant l’emballage ainsi que l’autocollant qui fermait le tout. Tu as vraiment acheté ça à la boutique ? Tu t’es donné beaucoup trop de mal… »

Il afficha un sourire un peu gêné, avant de répondre :

« Je me voyais mal venir avec autre chose que les gâteaux de la meilleure boulangerie de la ville ! »

Deux religieuses au chocolat et deux fraisiers – que Marinette savait excellents – trônaient dans la boîte et s’affichèrent à elle lorsqu’elle l’ouvrit.

« Tu en as trop fait. Mais merci beaucoup ! C’est très gentil, Adrien. »

Elle se hâta de les mettre au réfrigérateur, afin que les gâteaux ne souffrissent pas plus de la température ambiante, et demanda à son invité ce qu’il préférait entre du jus de pomme, du jus d’orange et du sirop à la pêche. Comme ce à quoi elle pouvait s’attendre, il choisit le premier, et elle s’empressa de verser la boisson dans le verre destiné au blondinet. Cette fois encore, elle avait prévu les petits gâteaux qu’il préférait et, le dirigeant vers sa chambre, elle lui proposa une petite partie du jeu Ultimate Mecha Strike III, qu’il ne put refuser.

Chacun sur son fauteuil, face à l’ordinateur auquel ils avaient branché la console, et manette en main, ils se livrèrent à un combat acharné, ne s’autorisant des pauses que pour boire un peu ou grignoter. À force de s’écrier coup après coup, leurs gorges s’étaient asséchées, et leurs corps réclamaient grandement du sucre.

Le portable d’Adrien sonna ; la notification indiquait un nouveau message de la part de Valentine. Il l’ouvrit et le lut, le temps d’une courte pause. Entre quelques autres excuses pour l’incident qui avait eu lieu plus tôt dans la journée, elle prenait des nouvelles de l’adolescent, qui lui répondit par l’affirmative.

« Je voudrais vous remercier pour votre aide, ajouta-t-il à la fin du SMS. J’ai trouvé le courage d’aller lui en parler. »

« Est-ce que ça va ? demanda Marinette en se penchant vers lui, cherchant à discrètement voir le nom du destinataire de ce message qu’il envoyait avec un léger sourire. C’est ton père ?

– Non, rit doucement le blondinet, avant d’expliquer. C’est Valentine, l’assistante de Mme Bustier. Elle est gentille, elle m’a beaucoup aidé ces derniers jours.

– C’est pas un peu bizarre qu’elle soit si proche de toi plutôt que des autres élèves ? s’enquit l’adolescente en s’enfonçant dans le dossier de sa chaise, l’air perplexe. Je l’ai toujours trouvée un peu… bizarre. »

Face à la mine intriguée d’Adrien, elle poursuivit :

« Elle a toujours l’air triste, et j’ai remarqué qu’elle portait souvent des bandages aux poignets. Je comprends pas cette personne.

– C’est vrai que parfois elle paraît un peu étrange, acquiesça-t-il. Mais tu sais, elle m’a beaucoup aidé en chinois, et quand j’avais quelques problèmes. En fait, elle me fait un peu penser à une grande sœur qui veillerait sur moi. C’est un peu bête, je te l’accorde.

– Non, non, je comprends le sentiment, fit-elle en dissimulant du mieux possible son soulagement. Un instant, je me suis demandé s’il n’y avait pas anguille sous roche, » rit-elle finalement.

Après avoir repris leur partie – les scores étaient diablement bien trop serrés, il était extrêmement dur de les départager –, ils ne virent pas les heures passer, et ne finirent par s’arrêter que parce que leurs yeux commençaient à piquer, et parce que Sabine était venue les voir pour prendre de leurs nouvelles. Marinette proposa à son invité de rester pour le dîner, ce qu’il ne put refuser – comment pouvait-il se passer de la chaleur de ce foyer ? – et confirma après une très rapide négociation avec le Gorille.

Une fois encore, Adrien savoura chaque instant qui s’offrit à lui dans ce cercle familial adorable. Lorsque vint le dessert, le père de Marinette vint lui asséner un grand coup dans le dos, une accolade à laquelle il ne s’était malheureusement pas préparé. Il fut surpris par un tel acte de gentillesse – était-ce seulement le mot ? – et ne put que répondre par un sourire gêné.

« Ah, si Marinette pouvait nous ramener un homme pareil, je crois que je serais le plus heureux des pères ! » avait lâché Tom, pour au final faire rougir aussi bien sa fille que l’invité à leur table.

Après avoir débarrassé la table, la brunette proposa à Adrien de se poser un instant sur la terrasse, histoire de profiter de la fraîcheur de la soirée. Il était encore tôt, et un certain nombre de voitures passait dans les carrefours en contrebas. Quelques oiseaux qui avaient traîné des ailes pour rentrer au nid formaient des nuées noirâtres sillonnant le ciel à la recherche de leur maison. L’adolescent songea un instant à sa propre chambre, dans laquelle il devrait s’enfermer une fois rentré, pour n’en ressortir qu’au matin le lendemain. Son havre de paix, qui ressemblait parfois plus à une prison, n’attendait plus que lui. Mais il avait tant envie de rester un peu plus longtemps ici, de profiter de la chaleur que lui apportait Marinette…

« Il faut que je te dise un truc, finit-il par dire alors que tous deux étaient étendus sur des transats, chacun ayant un petit plaid recouvrant les jambes, et un mug rempli d’un chocolat chaud fait maison encore fumant.

– Quoi donc ? interrogea Marinette, dont le cœur commençait à battre dans un bruit assourdissant ; allait-il lui parler de ses sentiments ?

– C’est un secret. Je compte sur toi pour le garder, sourit-il sans détourner son regard du ciel assombri par l’absence de soleil, et faiblement éclairé par la lune qui formait un sublime croissant. Je peux te faire confiance, non ? »

Ses yeux verts croisèrent le bleu de ceux de Marinette. Elle sentit le rouge lui monter aux joues.

« Tu peux tout me dire, souffla-t-elle timidement en se tournant pleinement dans sa direction, maintenant assise en travers de la chaise longue, ses pieds touchant le sol de pierre refroidie.

– Tu me promets de ne pas rire ? De ne pas t’enfuir ?

– Pourquoi je fuirais ? Je te rappelle que je suis chez moi, rit-elle allègrement, avant de tremper ses lèvres dans la boisson chaude.

– C’est vrai… »

Il soupira. Après un long silence qui parut être une éternité, il finit par prononcer les mots difficiles qu’il aurait dû garder pour lui-même à tout jamais.

« Je suis Chat Noir. »

Marinette manqua d’en faire tomber sa tasse. Elle passa par tous les états : de la sidération à la gêne la plus profonde en se souvenant de ses adieux avec le félin. Par tous les kwamis de l’univers, une telle coïncidence était-elle seulement possible… ?

« Quand je demande à mon kwami de me transformer, grâce à cette bague, je deviens un super-héros, ajouta-t-il. C’est aussi formidable que ça ne m’emprisonne. Je suis obligé de mentir à ma famille, à mes amis, et même à mes acolytes. C’est un peu difficile, parfois, » souffla-t-il en regardant tristement la chevalière qui trônait à la base de son doigt.

L’adolescente ne sut que répondre. Que pouvait-elle dire après tout ? Elle ne pouvait décemment pas lui annoncer qu’elle avait été Ladybug, non, c’était impossible !

« Je te comprends, murmura-t-elle en inspirant et expirant profondément. J’ai dû longtemps mentir moi aussi, pour protéger mon entourage. »

Il tourna la tête vers elle, intrigué. Ses yeux d’un émeraude perçant le supplièrent d’en dire plus.

« Avant… j’étais Ladybug, finit-elle par annoncer, baissant son visage qui prenait seconde après seconde la teinte de la honte. Mais comme tu le sais, depuis que Tigresse a vu mon visage…

– Tu es sérieuse ? »

Il restait incrédule.

« Tu me dis la pure vérité ? »

La prenait-il pour une menteuse ? Cela lui en avait tout l’air.

« Demande à Tikki, c’est elle qui te le dira. Ou à Plagg, il sait qui je suis après tout. »

La petite créature sortit de la chemise du blondinet, uniquement pour saluer la brunette et confirmer ses propos. Puis il disparut aussi facilement qu’il n’était apparu, les laissant de nouveau seuls en face à face.

« Je… Je t’avoue que je ne sais pas quoi dire.

– Moi non plus. J’avais toujours cru que Chat Noir était quelqu’un de plus vieux, plus mature… Mais en fait, ça ne m’étonne qu’à moitié que c’est toi. Je veux dire… »

Elle se retint d’ajouter le moindre mot supplémentaire, se reprenant au dernier moment. Qu’allait-il penser d’elle si elle lui disait tout ce qu’elle pensait de lui ? Et maintenant qu’elle s’en souvenait, n’avait-elle pas été quelquefois odieuse avec son acolyte, à force de le rembarrer lorsqu’il tentait de la séduire ? Voilà qu’elle rougissait de plus belle. Cette situation était si… délicate.

« Je t’avoue que je ne sais pas quoi te dire… C’est si inattendu…

– Est-ce que… tes sentiments sont toujours les mêmes ? osa finalement demander Adrien, dont les doigts s’emmêlaient et se démêlaient. Je veux dire… Pour moi, que ce soit Ladybug ou toi, ça reste la même personne… »

Marinette réalisa soudainement que, en effet, Adrien était Chat Noir. Comme si cette évidence ne l’avait pas percutée plus tôt. Et Chat Noir aimait Ladybug. Qu’en était-il de ses propres sentiments ?

« Je… »

Ses joues virèrent au rouge. Pour peu, la tasse se serait échappée de l’étreinte de ses fins doigts. Elle la posa au sol, afin d’être sûre de ne pas la casser par inadvertance.

« Adrien, il faut que je te dise quelque chose moi aussi. C’est un secret que je garde depuis longtemps… »

Il se pencha vers elle à son tour. Chacun assis de travers sur le transat, les coudes posés sur les genoux, moins d’un demi-mètre les séparait l’un de l’autre. Leurs pensées s’affolaient dans tous les sens, alors que leurs confessions respectives provoquaient un émoi indescriptible. Le blondinet était suspendu aux lèvres de l’adolescente, impatient d’en savoir plus. Une part de lui désirait ardemment qu’elle lui confiât des sentiments qui lui seraient assurément réciproques.

« Adrien… Je t’aime. Depuis maintenant très longtemps. »

Voilà. Elle l’avait dit. Les mots avaient franchi sa gorge et ses lèvres. Sur celles d’Adrien se dessina un immense sourire, qui découvrit ses dents blanches.

« Et puisque pour toi Ladybug et moi sont la même personne… Je crois que, pour une fois, je ne refuserai pas les avances de Chat Noir… »

Ses joues la brûlèrent ardemment. Elle était prête à parier qu’elle ressemblait à une grosse pivoine désormais.

« Marinette, souffla-t-il en tendant ses mains vers elle pour se saisir des siennes – comme elles étaient si chaudes ! –, si tu es sûre de toi… Alors je serai toujours là pour toi. Que tu sois Ladybug ou non je te protégerai, et je t’aiderai. »

Elle sentit les larmes monter tandis que la joie l’envahissait. Que pouvait-il y avoir de mieux que de savoir ses sentiments partagés par l’être tant aimé ?

Il se redressa, et écarta ses bras, l’invitant à une embrassade qu’elle ne refusa pas.

Jusqu’à ce que les parents de Marinette les appelassent pour prévenir que le chauffeur d’Adrien était venu le récupérer, ils restèrent enlacés, humant le parfum l’un de l’autre, savourant la naissance de leur couple d’adolescents.



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*『愛されたのが 奇跡だったら 愛した事も 奇跡 奇跡

幸せだった それでよかった 後悔しない 奇跡 奇跡』


「奇跡」 - amazarashi

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