Sous l'affiche d'un film pornographique

Chapitre 14 : Chapitre XIV

5159 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/09/2020 23:50

Chapitre XIV



Ces yeux fermés ; ces yeux gelés ;

Cette main que j’ai touchée – juste cela.

Jusqu’où me mènera cet itinéraire ?

Ce rêve est éphémère…


Que ce monde brûle !

Qu’il brûle ! Qu’il brûle !

Gouttes de pluie. Échappe-toi.

Échappe-toi. Échappe-toi. *


Clair de lune, brûle la ville – amazarashi



« Sentez-vous ce désespoir, Nathalie ?

– Oui, monsieur.

– Je le ferai mien. »


Dans l’immense pièce circulaire de l’observatoire se tenaient Gabriel et son assistante. Lui observait l’infinie étendue urbaine grouillant sous ses yeux. Elle se contentait de poser son regard sur sa silhouette qui lui apparaissait à contrejour.


« Une telle rage, une telle tristesse… Je ferai de cette femme une de nos alliées les plus redoutables.

– Nous pourrions utiliser Lila Rossi et Chloé Bourgeois. Notre victoire en serait assurée.

– Bientôt. » Il serra le poing d’impatience, tout en tentant de retenir son exaltation. « Bientôt ils seront à moi. Je le sens. Nous n’en avons plus pour longtemps. »


Nooroo, à qui on avait magiquement fait disparaître la bouche, s’approcha timidement de son porteur. Las d’observer la nuit parisienne, il avait envie de passer à l’action.

Le petit Nooroo terrorisé avait laissé place à un autre, plus déterminé, quoiqu’un peu anxieux à l’idée d’affronter son ravisseur, bien que le mot fût faible.


« Qu’y a-t-il, Nooroo ? demanda l’homme, lui redonnant ainsi la possibilité de parler.

– Il me faut vous mettre en garde, Maître. Son kwami… le kwami du Tigre est très spécial. Autrefois, il s’est opposé à la volonté du Mage et des Hommes, et a manqué de peu de causer un grand chaos. Si vous décidez de soumettre ce kwami à vos désirs, il vous faudra être très prudent. »


Gabriel haussa un sourcil, intrigué. Jamais n’avait-il entendu Nooroo parler avec autant de conviction. Dans sa voix était perceptible une grande inquiétude – probablement fondée, d’après ses dires – quant à l’avenir de son porteur.


« Je te remercie de m’avoir averti. J’élaborerais une stratégie en fonction des atouts que nous aurons. Et je compte bien tous les tenir entre mes mains. »


Il s’éloigna, et quitta les lieux en premier. Son assistante, qui s’était faite silencieuse jusqu’alors, se tordit de douleur dans une quinte de toux. Elle retint une grimace en constatant le sang qu’elle avait craché dans la paume de sa main.


« Je suis désolé que vous ayez été impliquée de cette manière, souffla Nooroo en s’approchant d’elle. Personne ne devrait souffrir autant que vous.

– Je n’ai pas besoin de la pitié d’une divinité de pacotille, grommela-t-elle en se redressant.

– Nul besoin d’être aussi méchante, répliqua-t-il sans perdre de sa gentillesse. Personne ici ne vous comprendra aussi bien que moi.

– Tu es le kwami de la transmission, pas de l’émotion. Tu n’as rien à voir avec ça.

– Mon pouvoir est amplifié par l’humeur, sourit Nooroo en virevoltant. Et nous sommes dans une situation similaire. »


Nathalie le regarda avec un air autant soupçonneux qu’intrigué. Elle tira de la poche de sa veste un mouchoir en tissu dont elle se servit afin d’essuyer sa main tachée. Sans attendre qu’elle ne répondît, Nooroo reprit, avec le calme dont il faisait toujours preuve.


« Vous désirez l’aider, mais votre cœur vous ordonne le contraire, n’est-ce-pas ? »


Elle garda le silence, trop fière pour admettre sa faiblesse, mais ses yeux glacés le figeaient sur place.


« Vous l’aimez. Vous voulez qu’il vous aime. Mais c’est une autre qu’il désire. Sa femme, non ?

– Tu ne pourrais pas comprendre. Tu ne sais rien de lui. »


Nathalie restait sur la défensive, tel un animal apeuré, mais ne se retenait pas pour autant de cracher son venin.


« Il ne se confie pas, ce n’est pas ce genre d’homme. Mais je l’observe beaucoup. J’ai remarqué l’alliance qu’il ne porte plus que rarement ; elle laisse des creux sur son annulaire. Et son cœur… Son cœur n’est habité que par l’amour qu’il porte à sa famille. Pas vous. »


Elle fit mine de bien prendre la nouvelle. Mais il savait pertinemment qu’elle souffrait.


« Moi aussi souhaite l’aider. Je n’ai pas vraiment le choix, il est mon Maître. Mais en tant que kwami, je place toujours mes espoirs envers mon porteur. Le problème est que je ne peux aussi bien trahir mon Maître que mes semblables. »


Il vint se placer à hauteur de ses yeux, et plongea les siens dans ces iris de glace qui, d’ordinaire le faisaient frémir tant ils le mettaient mal à l’aise.


« Mademoiselle Sancoeur, vous et moi pouvons tout arranger. Vous pourriez enfin atteindre le bonheur auquel vous aspirez, et que vous méritez. Faites-moi confiance.

– Balivernes. »


Nathalie haussa les épaules et tourna les talons, prenant la direction de l’ascenseur de verre par lequel elle quitta les lieux.


De retour sur le rebord de la fenêtre en forme de rosace, Nooroo souriait.

Il n’avait pas fait plier l’assistante comme ce à quoi il s’était attendu, mais il était parvenu à semer le doute dans son esprit, et son cœur.


Bientôt, se dit-il, je pourrai retrouver ma liberté et retourner auprès des miens.


*


L’ambiance dans la salle de classe était particulière ; certains élèves – pour ne pas dire tous – chahutaient, ne pouvant retenir leur excitation. L’une de leurs camarades, la jeune Lila Rossi, avait annoncé son retour ; il fallait toujours qu’elle se fît remarquer.

Cette fois-ci, elle revenait d’un séjour au Bengladesh, où elle avait – selon elle – participé à l’enseignement scolaire de jeunes orphelins défavorisés.


« Elle est tellement géniale, s’étaient exclamés certains.

– Il n’y a pas plus altruiste qu’elle, avaient renchéri d’autres.

– C’est vraiment un modèle à suivre, » concluaient-ils enfin.


En temps normal, Marinette aurait grommelé sarcastiquement dans son coin, convaincue que c’était là un énième mensonge de cette diva en constante recherche d’attention.

Mais ce jour-ci, elle avait bien plus important à penser. Lisant et relisant encore et encore ses notes, elle guettait nerveusement le moment fatidique où son binôme serait appelé à se présenter au tableau pour réciter l’exposé.

Elle avait pensé à tout : le diaporama existait en plusieurs copies sur tout autant de supports, y compris sur l’ordinateur portable d’Adrien, qu’il gardait dans son sac ; elle l’avait vérifié lorsqu’il s’était absenté l’histoire d’une minute ou deux.

Tout était parfait, en théorie.

Elle était tellement concentrée sur ce qu’elle considérait être son unique chance de pouvoir vivre son histoire avec Adrien qu’elle avait totalement ignoré cette vidéo envoyée par Lila afin d’annoncer à tous son retour au collège.


Mme Bustier, toujours épaulée par son assistante, finit par ramener l’ordre dans la salle, marquant ainsi le début du cours, qui commença par un rappel des objectifs de la séance. Marinette sursauta lorsqu’elle entendit son nom, alors qu’il n’avait été prononcé que dans une simple énonciation des groupes de passage.

Décidément, se dit-elle, elle était vraiment à bout de nerfs.


« Lequel de vos deux groupes veut passer en premier ? » demanda l’enseignante en scrutant tour à tour les quatre visages.


Les concernés s’interrogèrent mutuellement du regard, jusqu’à ce qu’Alya, voyant la mine désespérée de Marinette qui la suppliait silencieusement de se porter volontaire afin d’obtenir un peu plus de temps pour réviser, levât la main.


« Nino et moi on va passer en premier, fit-elle.

– Sérieux ? J’aurais voulu qu’on passe après, se lamenta son camarade.

– Il fallait le dire avant, c’est trop tard. Et puis, faudra bien qu’on passe à un moment donné, » rit-elle.


Ils se levèrent et s’installèrent sur l’estrade. Ordinateur connecté au vidéoprojecteur, diaporama lancé, ils débutèrent leur exposé traitant d’une organisation à but non-lucratif au nom si compliqué que même l’acronyme semblait presque imprononçable, et qui œuvrait dans les pays en voie de développement notamment, afin de lutter contre la déforestation et la destruction des habitats naturels des espèces animales et végétales en voie de disparition.

Si Adrien les écoutait attentivement, félicitant intérieurement son ami pour sa débrouillardise et Alya pour son aisance, Marinette, non-loin de lui, ne perdait pas une minute du temps supplémentaire qu’elle avait obtenu, et révisait d’arrache-pied, répétant en silence chacune de ses phrases, et s’exerçant à prononcer correctement les mots chinois.

Puis vint le moment fatidique où tous applaudirent mécaniquement les deux orateurs, et où l’enseignante et l’assistante leurs firent quelques remarques plutôt positives. Ils rendirent les carnets de travail comme il venait de leur être demandé. Après avoir répondu à quelques questions, ils rangèrent l’ordinateur, rassemblèrent leurs notes et retournèrent s’asseoir sur leurs chaises.


Puis Marinette et Adrien furent appelés.


Toute tremblante, elle se dirigea vers l’estrade où ils prirent place une fois les préparatifs terminés. La première slide de leur diaporama s’afficha en grand sur l’écran blanc tiré et maintenu en place par un crochet, ouvrant leur oral sur une magnifique photographie de la ville portuaire de Shanghai.

Au premier rang, Alya fixait intensément son amie, qui put lire sur ses lèvres « bonne chance » ; Marinette prit une grande inspiration, et ouvrit le bal en présentant leur sujet. Sa voix, d’abord mal assurée, bégayant sur des mots pourtant simples, et à l’intensité variable, se fit plus ferme et prit de l’amplitude. Lorsqu’elle laissa la parole à Adrien, ce dernier l’éblouit de par son aisance et son accent irréprochable ; c’était donc ça, d’être un Agreste ? Il semblait terriblement parfait dans tout ce qu’il faisait, que ce fût les langues, les sports, ou même les arts. Quelque part, Marinette s’inquiétait pour lui. Se sentait-il bien malgré toute cette pression ? Elle espérait que leur amitié et possiblement leur amour, si par chance elle parvenait à se déclarer – encore fallait-il que ce fût réciproque –, pussent lui apporter un réconfort qui l’aiderait à surmonter tout cela.

Ils prirent la parole à tour de rôle, chacun la donnant à l’autre lorsque sa partie était finie. Puis, enfin, vint la délivrance, le point d’orgue de silence qui succéda à leur « merci de votre attention » fièrement énoncé. Les applaudissements, puis la prise de parole du corps enseignant.


« Vous pouvez vous rasseoir, annonça Mme Bustier en leur adressant un large sourire.

– Vous vous êtes très bien débrouillés, renchérit Valentine en posant sur eux un regard très doux. Et je dois admettre que votre prononciation du chinois est remarquablement juste. »


Elle entendit Chloé l’imiter sarcastiquement, peste comme elle l’avait toujours été, mais ne la reprit pas. Sa jalousie allait lui servir, il fallait la laisser mariner.


« C’est là qu’on voit toute la différence entre un travail sérieux et un travail bâclé à la va-vite, ou encore refourgué à d’autres, ajouta-t-elle en guettant la réaction de la fille Bourgeois, dont elle avait eu vent de la prestation. Et cela se verra encore plus dans vos carnets de travail. Pensez à me les remettre, d’ailleurs. »


Les deux adolescents déposèrent l’objet convoité sur le bureau de leur enseignante, et se réinstallèrent à leurs places.

Marinette laissa s’échapper un long, très long soupir de soulagement, tandis qu’Alya lui tapotait gentiment l’épaule.


« Je pense que tu dois te préparer pour ta confession maintenant, lui glissa-t-elle, ce qui eut pour effet de figer totalement la brunette.

– Et si j’avais tout raté ? paniqua-t-elle. Oh non, je suis sûre que j’ai tout raté… »


Au même moment, Adrien se retourna, le pouce levé, et un large sourire sur ses lèvres.


« Tu t’en es très bien sortie, lui dit-il à voix basse. C’était parfait. »


Elle sentit son cœur cesser de battre un instant.


« Bon, puisqu’il ne nous reste plus beaucoup de temps, vous pouvez y aller. Sauf Adrien et Chloé, venez nous voir s’il vous plaît. »


Les deux intéressés avaient levé le nez presque en même temps, et Marinette s’était quant à elle figée. Pourquoi étaient-ils appelés ?

Tous sortirent, à l’exception des concernés. La brunette resta près de la porte, où elle espionna les discussions. D’un côté, Mme Bustier réprimandait doucement, mais sévèrement, Chloé pour son manque de travail, et son « oubli » de rendre le carnet.


« Sabrina ne pourra pas tout faire éternellement à ta place, avait-elle entendu, suivi d’un grognement désapprobateur de la blonde. Prends exemple sur Marinette, tu as vu combien elle a travaillé avec Adrien ? Tu pourrais avoir d’aussi bons résultats qu’elle, par toi-même. »


Bien envoyé, se moqua intérieurement une Marinette jubilante.


De l’autre côté, l’assistante s’entretenait avec Adrien.

Marinette n’aimait pas vraiment cette personne ; il était difficile de savoir ce qu’elle pensait, et elle semblait souvent agacée. Pire encore : elle avait rarement vu quelqu’un avec si peu d’envie de vivre ; elle faisait tout le temps la tête, et donnait assez souvent l’air d’être sur le point de fondre en larmes. En plus de cela, elle l’avait régulièrement vue porter des bandages sur les avant-bras, remontant parfois jusque sur les poignets. C’était, pour elle, extrêmement étrange et curieux.


« J’ai parlé avec ton père, Adrien. Beaucoup de choses l’ont étonné, tu devrais plus souvent te confier à lui. Je pense que ça te soulagerait.

– Depuis que ma mère est morte, répondit-il, il est plus distant. Et plus souvent dans son bureau, seul. J’ai peur que le Papillon le prenne pour cible.

– Je suis désolée, ce n’est pas un problème que peuvent régler tes professeurs. Mais rassure-toi, si cela venait à arriver, il serait tout de suite sauvé par Ladybug et Chat Noir, non ?

– Vous avez raison »


Il afficha un sourire forcé, qui dissimula tant bien que mal son hésitation. Tu n’es pas sûr de pouvoir le sauver, songea la jeune femme. Tu verras ce que ça fait de perdre sa seule famille. Pensant cela, elle le raccompagna à la porte qui, lorsqu’elle l’ouvrit, découvrit une Marinette soucieuse, guettant l’instant où Adrien sortirait de la salle. Valentine salua les deux adolescents avant de revenir dans la pièce qu’elle venait de quitter, un sourire ravi dessiné sur ses lèvres.


« Mes parents ont beaucoup apprécié ta compagnie, souffla Marinette tandis qu’ils marchaient côte à côte. Est-ce que ça te dirait de revenir à l’occasion ? Sans qu’on ait à travailler ou quoi.

– Tu sais combien c’est strict chez moi, répondit-il. Mais ça peut sûrement se faire. On prétextera avoir des devoirs à faire, comme ça on sera tranquille. »


La perspective d’une nouvelle journée en privé transporta de joie la brunette.

Derrière eux, un papillon violacé battait des ailes dans la direction de Chloé, alors qu’elle quittait à son tour la salle de classe.


*


Lorsque Marinette, sous l’identité de Ladybug, arriva en catastrophe sur le champ de bataille, Chat Noir l’y attendait déjà. Il la salua d’une énième blague douteuse, et lui exposa les faits.


« Elle se fait appeler la « Punisseuse », mais en réalité sous ces airs extravagants se cache cette chère Chloé Bourgeois.

– Pour une fois que c’est elle qui se fait akumatiser, et pas une des victimes de ses brimades, » ironisa la coccinelle sans réfléchir.


La remarque eut un drôle d’effet sur son acolyte, qui l’observa en plissant les yeux, comme s’il se doutait de quelque chose. Elle comprit alors qu’elle avait potentiellement donné un indice sur son identité de civile, en laissant entendre qu’elle connaissait cette fille qui martyrisait tous ses camarades.


« C’est vrai, quoi, la plupart du temps ce sont des collégiens qui se font avoir, et ils sont tous dans sa classe. Fais tes recherches un peu, vociféra-t-elle en croisant les bras.

– Si tu le dis, ma Lady, sourit le blondinet. Mais ne te vexe pas comme ça, je ne faisais qu’admirer ta beauté.

– Arrête avec ça, et finissons-en avec cette… chose. »


En face d’eux avançait hasardeusement une drôle de figure. Elle avait une allure humaine, et on distinguait aisément les traits de la fille du maire dans toute cette masse noirâtre qui grouillait autour d’elle, à la manière de miasmes émanant d’un champignon. Elle serrait dans ses mains une sorte de matraque semblable à celle des policiers, et sa voix de crécelle portait, résonnant en se répercutant contre chaque mur, clamant qu’elle allait punir tous ceux qui lui feraient du mal.


« À commencer par cette peste de Marinette, et cette assistante arrogante qui ne mérite pas sa place, » grognait-elle en avançant pas à pas, laissant derrière elle une traînée foncée, comme si même le goudron pourrissait dans son passage.


La première concernée frissonna. À coup sûr c’était à cause de ce qu’avait dit Mme Bustier. Heureusement qu’Adrien était sain et sauf, bien caché dans les vestiaires. Ils rentraient paisiblement lorsqu’ils entendirent des cris ; Marinette avait tout de suite su ce qui se passait et l’avait entrainé jusqu’à un endroit sûr, où elle lui avait ordonné de rester caché jusqu’à ce que ce fût fini, avant de s’enfuir pour se transformer en douce. Cela l’avait rassurée de trouver son acolyte déjà prêt à intervenir, mais elle n’était pas pour autant rassurée.


« Tu l’as vue agir ? Tu sais comment elle attaque ?

– Tout ce que j’ai compris c’est qu’elle ne voulait surtout à deux personnes en particulier. Évidemment, notre cher Papillon lui a aussi mis dans le crâne que nous étions ses ennemis, ce qui n’est pas faux, tu me diras. J’imagine que sa matraque fait le gros du travail, mais est-ce que ça nous assommera juste, ou bien est-ce qu’elle est chargée de magie malfaisante qui fera de nous ses esclaves ou pire, ça, je l’ignore. »


Faute de mieux, il leur fallait en savoir plus en allant au corps à corps. Ils s’élancèrent à l’unisson, observant chacun de ses mouvements, tout en tentant de trouver l’endroit dans lequel s’était réfugié le papillon maudit.

Elle les accueillit par des grognements, et même une insulte peu agréable à entendre, qui était d’ailleurs surprenante venant d’une fille comme elle. Puis elle se jeta sur eux sans plus tergiverser, et commença ses offensives.

La première chose que notèrent les deux héros fut que son arme pouvait changer de forme, notamment en s’allongeant, devenant parfois aussi longue qu’une épée. Chat Noir répliquait avec son bâton, parant coup sur coup, tout en cherchant à la désarmer grâce à une estocade à la technique dont lui seul avait le secret.

Ladybug essayait tant bien que mal d’immobiliser la Punisseuse, mais cette dernière était bien trop agile. Ses miasmes l’entouraient parfois, à la manière d’une seconde peau, juste avant que le fil du yo-yo ne s’accrochât à elle, avant de disparaître une fois les liens serrés, lui permettant de se libérer bien trop aisément.


« Arrêtez de me tourner autour, moustiques ! » hurla-t-elle, faisant ainsi exploser la masse, qui alla s’écraser contre le moindre obstacle, y compris le bouclier qu’avaient façonné à la va-vite les deux héros grâce à leurs armes.


Les vitres explosèrent les murs se creusèrent, et l’instant d’après la Punisseuse se retrouva vulnérable. Le temps que ses « projectiles » revinssent vers elle, elle n’avait plus d’armure la rendant aussi invincible ; elle apparaissait simplement vêtue d’une tenue extravagante comme on le lui connaissait si bien. Son point faible fut révélé : le pendentif qu’elle portait habituellement brillait d’une lueur anormalement sombre, et c’était de lui qu’émanaient toutes ces étranges particules qui la protégeaient.

Marinette tendit la main vers lui, espérant pouvoir le saisir et l’arracher.


« Je sais qui tu es sous ce masque, Ladybug, » articula la voix déformée de Chloé.


La surprise lui fit perdre pied, et elle reçut un violent coup de la part de son adversaire. Projetée au sol, la respiration coupée, elle dut son salut à son compagnon qui vint lui éviter de se faire arracher ses bijoux.

Après un repli stratégique, ils se retrouvèrent hors de portée de la Punisseuse, sur le toit de leur collège, autour duquel rôdait l’ennemie. Cette dernière les ignora, et continua à arpenter les rues, disparaissant au coin d’un carrefour, visiblement déterminée à « punir » quelqu’un en particulier.


« Bon, je pense que le moment est venu de faire appel à mon lucky charm, murmura Ladybug.

– Et moi à mon cataclysme, j’imagine ? »


Après un échange de regards complices, ils invoquèrent leur pouvoir spécial. Les coccinelles firent apparaître une petite sphère à l’opercule retenu par une ficelle.


« C’est bien une bombe fumigène ça, non ? fit son acolyte, les yeux grands ouverts.

– Il semblerait que oui… J’ai peut-être une idée. L’écran de fumée de la bombe l’aveuglera, et pour éviter qu’on ne s’approche, elle va sûrement encore faire cette… explosion. On évite les projectiles, je fais l’appât, tu lui fonces dessus et tu détruis avec ton cataclysme son collier.

– Rien de bien compliqué, du coup ! »


Leur temps était compté. Chaque seconde passée à attendre pouvait leur coûter bien trop cher. Ils se hâtèrent de rattraper leur cible, qui s’était rendue dans un parc voisin, et mirent le plan à exécution ; Chat Noir resta quelque peu en retrait pendant que Ladybug cherchait au corps à corps leur adversaire. Une fois qu’elle eut pleinement capté son attention, elle lança de toutes ses forces le fumigène contre le sol. La fumée s’étendit rapidement, formant un épais brouillard au travers duquel il était difficile de discerner quoi que ce fût.

La réaction de la Punisseuse ne se fit pas plus attendre. Elle hurla un grand coup, puis envoya ses projectiles dans chaque direction. C’était le signal qu’attendait le félin pour s’élancer vers elle, main droite tendue. Ses doigts griffus n’eurent qu’à effleurer le pendentif transformé par le pouvoir de transmission du Papillon pour qu’il se détruisit ; sitôt fut-il brisé que le petit insecte violacé s’en extirpa, battant des ailes afin de fuir la scène et, pourquoi pas, se trouver une nouvelle victime.

Chassant la fumée comme il le pouvait, Chat Noir permit à son alliée de retrouver l’akuma à purifier ; elle l’attrapa de son yo-yo, et le libéra presque aussitôt en un battement de cils.


« Bye-bye petit papillon, fit Ladybug en souriant, tandis que la créature s’envolait librement.

– Encore une catastrophe de mademoiselle Bourgeois d’évitée, » lui glissa son partenaire.


Il s’étira, et scruta leur environnement. Pendant ce temps, la coccinelle fit disparaître toute trace de leur combat dans un ballet d’insectes. Chloé, qui avait retrouvé son apparence normale, reprit ses esprits, la mémoire vide de tout souvenir de sa manipulation par le Papillon. Honteuse malgré tout, elle s’éloigna sans faire d’histoire ; elle avait vite compris le pourquoi du comment, et semblait cependant avoir été plutôt marquée par l’idée de s’être fait posséder.


« C’est quand même bizarre, souffla Chat Noir. Ça fait un moment qu’on a pas vu Tigresse. Elle nous aurait probablement attaqués en plein combat, là où on est le plus vulnérables.

– C’est pas plus mal qu’elle ne l’ait pas fait, maugréa son acolyte en tournant la tête vers lui. Je suis épuisée, et j’ai bien assez d’un ennemi à la fois. »


Il y eut un grondement, comme un coup de tonnerre, les éclairs en moins. Ils eurent à peine le temps de s’interroger sur son origine ; en voulant se retourner, ils constatèrent avec effroi et amertume qu’ils ne pouvaient plus bouger le moindre membre : ils étaient complètement paralysés.

Leurs instincts s’éveillèrent aussitôt.

Ils étaient dans la situation la plus précaire possible, face à un ennemi qu’ils redoutaient. L’instant d’après, une silhouette flottante apparut : Tigresse venait de faire son entrée.

Marinette grogna. Ça ne sentait absolument pas bon pour eux, et un mauvais pressentiment commençait à la gagner.


« Incroyable, ce rugissement. Il vous a comme qui dirait figés de terreur. À moins que vous ne me redoutiez tant que son utilisation était facultative ? »


L’air fier et narquois de la jeune femme irrita les deux adolescents. La brunette rétorqua, quoi qu’un peu surprise de toujours pouvoir parler.


« C’est drôle, ça, lança-t-elle avec ironie, tu arrives toujours une fois la bataille finie.

– Aurais-tu peur de te mouiller ? renchérit le félin, avec un peu plus d’assurance dans la voix que sa partenaire. Je te comprends. Nous autres chats n’aimons pas vraiment l’eau. »


Tigresse resta insensible à leurs remarques. Elle fit quelques pas à droite, puis à gauche, et posa sur eux un air dépité, presque vide du moindre intérêt.


« Je n’ai que faire de cette ville et ses habitants, soupira-t-elle en haussant les épaules. Tout irait tellement mieux si vous brûliez jusqu’au dernier. »


Peut-être avaient-ils regardé trop de films, puisqu’ils s’attendirent à ce qu’elle éclatât de rire comme le faisaient tous les antagonistes de ce genre d’histoire. À la place, elle s’approcha sereinement d’eux, sa longue cape flottant dans son passage.


« J’aimerais procéder à une petite expérience. Vous me le permettez ? »


Marinette sentit l’engourdissement de ses doigts se dissiper, et commença à réfléchir à un plan. Elle et Chat Noir n’avaient plus beaucoup de temps avec de reprendre leur apparence de civils, et ils avaient épuisé leurs pouvoirs. Mais si elle parvenait à feindre sa paralysie, peut-être pourrait-elle la prendre par surprise ?


« Oublie cette idée, souffla la jeune femme. Tu n’as aucune issue. »


Elle se rapprocha dangereusement, et ses lèvres effleurèrent presque l’oreille de Ladybug.


« Votre fin sera exactement telle que je l’aurais décidée. »


La coccinelle voulut lancer son arme afin de la ligoter, mais le yo-yo se retrouva projeté à toute vitesse au loin, d’un simple revers de cape.

Elle resta un instant interdite. Avait-elle rêvé, ou bien ce qui devait n’être qu’un bout de tissu avait bougé, et s’était semblait-il durci avec de devenir une arme ? Le coup qu’elle reçut au ventre de cette même « arme » le lui confirma. Heureusement que l’essence divine des kwamis protégeait le porteur, limitant la douleur, sans quoi elle se serait effondrée, pliée en deux. À la place, elle fut projetée contre un mur ; sa respiration se bloqua un instant.


« Eh ! hurla Chat Noir en s’élançant vers elles malgré l’engourdissement. De quel droit tu oses faire du mal à ma Lady !?

– Toi le chat, tu la fermes ! »


Bâton en main, il accourrait à toute vitesse afin de porter secours à sa camarade. Il eut tout juste le temps de voir Tigresse s’accroupir et poser sa main au sol, avant que tout ne devînt sombre. Piégé dans un dôme de roche né des graviers du sol, il se mit à crier. Tout ce qu’il entendit en retour fut l’écho de sa propre voix.


« Nous voilà enfin en tête à tête, sourit Tigresse en revenant vers sa victime, le chemin crissant sous ses talons à chaque pas. Si tu savais combien j’ai attendu ce moment. »


Elle s’agenouilla près de la pauvre Ladybug qui luttait pour reprendre son souffle, étendue au sol et recroquevillée sur elle. Sa main gauche, gantée d’un tissu imitant les rayures d’un tigre, vint se saisir du menton de l’adolescente. Son regard trahissait sa terreur alors que ses boucles d’oreilles s’alarmaient. Il ne lui restait plus beaucoup de temps avant que—


« Ne t’en fais pas. Ton secret est très bien gardé, Marinette Dupain-Cheng. »


Elle écarquilla ses yeux bleus, maigrement dissimulés par son masque à pois. Cette panique indescriptible qui creusait son si joli minois était ravissante à observer. Les pupilles qui se hâtaient de gauche à droite, les lèvres qui se tordaient en un rictus de douleur, les sourcils qui s’écartaient toujours un peu plus l’un de l’autre…

Sous son apparence anonyme, Valentine jubilait. Cette horreur était sublime, tout bonnement sublime.


Et maintenant…


« Tikki, ordonna Tigresse dans un sourire, -transforme-la. »



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* 『閉じた目 冷めた目 触れた手 それだけ

この旅程 どれだけ この夢 仮初め


世界を 燃やして 燃やして 燃やして

あまだれ 逃げ出せ 逃げ出せ 逃げ出せ』


「月光、街を焼く」 - amazarashi

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