Le Prince & L'Idiot
A CŒUR, A COR & A CRI
Il pleut des cordes et des rigoles d'eau ruissellent sur les carreaux de la fenêtre d'Arthur qui les contemple sombrement, les bras croisés, son épaule appuyée contre le mur de pierres froid.
Il est d'une humeur massacrante et tout le château le sait. Il a incendié le garçon d'écurie, laissé les chevaliers et leurs écuyers endoloris et trempés après un entraînement infernal, renvoyé son repas en cuisine après avoir renversé le pichet de vin dans son assiette et prétexté que la cuisse d'agneau n'était pas assez cuite, lancé tous ses vêtements sales à la tête de Merlin quand celui-ci est venu chercher la lessive, cassé à peu près tout ce qui pouvait l'être dans sa chambre.
Et maintenant il est seul dans le silence et la chambre dévastée que le soir assombrit.
Ce n'est pas assez sans doute que le mariage soit à la fin du mois et qu'il n'y ait absolument rien qu'il puisse faire pour l'empêcher. Non, il fallait que les choses tournent encore plus mal.
Son père a la goutte et il est encore plus mauvais que son fils quand il souffre de son pied. Il croirait n'importe quoi, tant que ça le distraie de la douleur.
Mais cette fois, il a dépassé les bornes.
Dans la cour, les serviteurs enlèvent les restes du bûcher noirci, sous la pluie battante. Morgane doit dormir, maintenant, épuisée à force d'hurler et de supplier. Arthur ne l'a jamais vue dans un état pareil. Il ne s'était même pas douté à quel point elle avait enfoui sa rancœur envers leur père…
Il se demande si elle a traversé les mêmes doutes que lui, si elle aussi a eu envie de fuir le royaume et de nier son nom.
Surement.
Il pensait qu'elle était plus forte que lui - et sans doute elle l'était, à réussir à sourire à Uther malgré la vérité. Mais ce soir sa petite sœur gît dans son lit, brisée de chagrin et d'amertume.
Et la migraine qui bat sous les tempes d'Arthur lui donne la nausée.
Il comprend la colère de son père, la nécessité de faire un exemple, mais… était-ce vraiment nécessaire ? La femme les a servis longtemps, elle était âgée et elle a demandé pardon à genoux dans la grande salle, ses yeux gris pleins de larmes fixés sur Morgane.
Mais Aredian, l'homme qui est maintenant le nouveau conseiller du roi, n'a pas cillé et l'a condamnée.
La nourrice de Morgane, accusée de sorcellerie, vient d'être brûlée sur la place centrale. On a découvert des livres de magie et de brunes racines tordues dans sa chambre et elle a avoué sous la torture avoir pratiqué des enchantements.
Arthur ne cesse d'être dérangé par un grattement à l'arrière de son crâne : elle a dit qu'elle ne cherchait qu'à soulager sa maîtresse de ses cauchemars.
Est-ce si mal ?
Il se mord les lèvres, les sourcils si froncés qu'ils creusent une ride douloureuse au milieu de son front.
Aredian est… bizarre. Son rire est celui d'un homme qui n'a pas toute sa raison et ses paroles mielleuses tapent sur les nerfs du prince. Il déteste les coups d'œil vicieux que l'homme aux cheveux d'un roux filasse lance dans les coins et se sent hautement mal à l'aise chaque fois que les yeux pâles du conseiller se posent sur lui.
Arthur se frotte le menton et se redresse en s'apercevant que son épaule est engourdie et glacée après cette longue station immobile.
Peut-être que les choses se règleront d'elles-mêmes quand le beau temps reviendra...
Le tocsin ébranle soudain le château et Arthur soupire.
- Qu'est-ce, encore… ? grommelle-t-il en se dirigeant vers la salle du trône.
Son humeur ne s'améliore pas quand il apprend que c'est Aredian qui a convoqué tout le monde. Apparemment, il a découvert un autre sorcier entre les murs de Camelot.
- Et j'ai le regret de vous dire qu'il est parmi nous, maintenant, annonce dramatiquement l'homme à la peau couperosée en arquant le poil pisseux de ses sourcils.
Arthur retient son envie de vomir devant la joie malsaine du conseiller.
Certaines personnes sont vraiment malveillantes et sordides, même en remplissant simplement leurs fonctions.
Aredian tourne sur lui-même dans un cliquetis de gri-gris – il en a une quantité impressionnante autour du cou – et pointe son gant de cuir dans la direction de l'assemblée.
- C'est ce garçon… Merlin.
Uther écarquille les yeux, incrédule, et Arthur manque de s'étouffer. Pour la première fois depuis quelques jours, un sourire moqueur se fraye un passage sur son visage.
- Merlin ? répète-t-il.
Même les blagues pourries de Gwaine sont plus crédibles.
Mais ce n'est pas une plaisanterie et ça devient vite un cauchemar péniblement réel. Merlin est jeté dans une cellule et Arthur se retrouve à devoir fouiller les appartements du vieux médecin. Des pots en grès s'écrasent au sol, répandant des poudres et des herbes piles, des feuilles de parchemin volent de tous côtés, les livres si précieux sont brutalement jetés au sol et les potions qui bourboutaient tranquillement sont renversées. Et soudain, à la grande horreur du prince, on découvre un artefact de sorcellerie dans une des jarres. Pétrifié au milieu de la pièce ravagée, Gaius soutient le regard torve et étrangement amusé d'Aredian.
- Je sais de source sûre que ceci n'appartient pas à Merlin, articule le vieil homme d'un air de défi.
Et pour cause, pense Arthur qui ne comprend vraiment pas comment on en est arrivé là et a de plus en plus mal à la tête.
- Ah bon ? Et pourquoi donc, je vous prie ? s'enquiert Aredian d'une voix onctueuse, l'air de se délecter de la situation.
- Parce que… parce que c'est à moi, répond Gaius en redressant ses épaules fatiguées avec détermination.
Arthur a envie de crier que c'est vraiment la chose la plus débile qu'il n'a jamais entendue et que ça ne va rien arranger, mais Aredian semble s'en contenter, comme si c'était ce qu'il souhaitait entendre depuis le début.
Il y a vraiment quelque chose d'étrange dans la façon dont il regarde Gaius, une haine inexplicable qui luit imperceptiblement derrière la politesse glaciale de ses mots.
Arthur met ça de côté pour le moment et descend aux cachots d'un pas énervé pendant que son père reçoit le conseiller. Certainement Uther va réagir. C'était une chose de laisser condamner le serviteur maladroit et idiot d'Arthur, mais le roi n'est pas fou. Il ne laissera pas accuser le vieux médecin qui l'a servi pendant plus de vingt-cinq ans sans lui accorder un procès équitable.
Le soldat déverrouille la grille et la lueur de la torche envahit la cellule. Merlin est assis par terre, tout au fond, recroquevillé contre le mur sale et quand il lève ses yeux bleus terrifiés, brillants de larmes contenues, Arthur se radoucit.
- Tu es libre, dit-il gentiment.
Merlin le regarde à peine et se précipite dehors… pour croiser les deux gardes qui amènent Gaius.
- Arthur ? Qu'est-ce qui se passe ?
La voix blanche du serviteur s'enfonce sous les côtes du prince comme un coup de poignard.
Il avale sa salive.
- Tout ira bien, Merlin. Ne t'inquiète pas, ce sera vite réglé.
Oh, comme il ment facilement.
Comme s'il cherchait à se convaincre lui-même que tout ceci n'est pas vraiment en train d'arriver.
Quel genre de royaume trahit ses plus fidèles serviteurs ?
Arthur exige des explications, mais son père le renvoie sèchement. Gaius sera soumis à la question et tout viendra en lumière. Il n'y a pas de raison de se montrer si fébrile.
Des trombes d'eau continuent de s'abattre sur Camelot et l'humidité envahit les moindres recoins, glissant dans les jointures des meubles et des muscles comme une douleur grinçante que même les grands feux allumés dans les cheminées ne parviennent pas à chasser.
Arthur a mal aux dents et se tient avachi dans son fauteuil, les yeux bleus durs fixés sur les flammes, le menton dans la main, les sourcils froncés et ses mèches blondes pendant sur son front.
N'y a-t-il vraiment rien à faire ?
Il est descendu aux cachots, hier soir, après le rapport d'Aredian à Uther. Il a vu Gaius et son estomac s'est noué d'indignation. Le vieillard a tellement souffert. Il était effondré sur la paille de sa cellule, dans ses vêtements en haillons maculés de sang et de sueur, le visage marbré par ses rides violacées de fatigue, les yeux bouffis, les lèvres gercées, ses cheveux blancs collés et emmêlés. L'ecchymose sur son front dégarni a étrangement fait plus de peine au prince que la vue de ses doigts brisés.
- Gaius…
Il n'a pas su quoi dire d'autre.
Pourquoi avoir fait ça ?
Ne saviez-vous pas que la sorcellerie était interdite ?
Défendez-vous, pour l'amour du ciel !
Il est remonté dans ses appartements plongé dans ses pensées et ne s'est pas aperçu que Guenièvre l'avait suivi.
- Votre Altesse ?
Il s'est retourné, étonné d'entendre la voix douce et inquiète derrière lui.
- Tu voulais me parler, Guenièvre ?
La jeune femme a pris une profonde respiration, les mains crispées sur son tablier. Ses cheveux sombres et frisés tombaient en cascades sur sa robe mauve et quelques mèches folles effleuraient les courbes délicates de son visage de satin caramel.
- Sire. Gaius ne peut pas être coupable. Il ne… il ne ferait jamais une chose pareille. Il doit y avoir une explication.
- Je sais, a répondu simplement Arthur, en détournant le regard des yeux en amandes fixés sur lui comme s'il pouvait changer cette horrible situation. "Mais on ne peut rien faire à cause de ce stupide bracelet soi-disant magique. On doit attendre la fin des interrogatoires. Gaius n'aurait jamais dû garder quelque chose d'aussi dangereux chez lui..."
Guenièvre s'est mordu les lèvres et a fait un pas en avant.
- Vous savez que cette torture finira par le briser, a-t-elle insisté. "Ce n'est qu'un vieil homme, comme… comme Alice."
Sa voix s'est étranglée et Arthur s'est souvenu que la nourrice de Morgane avait été comme une mère pour la jeune servante orpheline.
- Il finira par avouer n'importe quoi et ce sera trop tard !
Il a fini par la renvoyer, gentiment mais fermement.
Les mots de Guenièvre raisonnent dans sa tête le lendemain, quand deux gardes trainent le médecin de la cour titubant dans la grande salle et le jettent aux pieds du roi.
Je pensais que vous étiez différent ! Que vous aviez le cœur d'un grand roi… je me suis trompée… est-ce que vos codes de chevalerie ont si peu d'importance ? Je croyais que vous croyiez en la justice et que vous aviez juré de protéger les faibles et les innocents !
Elle tremblait de colère et de crainte devant sa propre audace, quand elle a quitté ses appartements, mais elle avait gardé le menton levé et maintenant, ses yeux noirs sont dardés sur Arthur au milieu de la foule.
- Il a avoué, Votre Majesté, annonce Aredian avec un sourire carnassier, en tirant sur les cheveux du vieux médecin pour lui faire relever la tête.
Gaius gémit et il n'y a pas une personne dans l'assistance qui ne sente pas son cœur se serrer – parce qu'il n'y a personne, ici, qui n'a pas un jour été soigné par le compatissant médecin.
- Je… suis… coupable… sire… moi seul… suis coupable…
Arthur trouve la formulation étrange, mais il n'a pas le temps d'y réfléchir davantage parce que ses yeux tombent sur Merlin.
Son serviteur a l'air sur le point de tomber dans les pommes.
Oh non.
Le roi s'est levé d'un air contrit.
- Gaius sera exécuté demain à l'aube, annonce-t-il sombrement. "Je le condamne à être brûlé vif en place publique, comme tel est le sort qui attend toute personne s'adonnant aux pratiques néfastes de la sorcellerie."
Le vieillard ferme les yeux et se laisse trainer hors de la salle sous le regard satisfait d'Aredian, tandis qu'un brusque mouvement sépare la foule en deux. Arthur n'hésite pas une seconde et se rue sur Merlin avant que cet idiot ne s'attire des ennuis. Il attrape le garçon efflanqué qui se débat et étouffe sous son gant les paroles qui pourraient le faire tuer, se hâte d'emporter son serviteur hystérique loin de la vue d'Uther et de son conseiller.
Merlin donne des coups de pieds dans le vide, mord dans le cuir épais du gant, enfonce son coude dans le visage du prince qui ne se laisse pas émouvoir et le porte, le tire, le pousse jusqu'aux cachots.
- Je sais que tu es bouleversé alors je ne te mettrais pas en cellule, grince-t-il en tordant le poignet maigrichon de Merlin dans le dos de celui-ci.
- Alors qu'est-ce que vous faites ? halète le garçon hors de lui.
- Je bafoue la loi, réplique Arthur, déterminé, en se dirigeant vers la grille derrière laquelle est enfermée Gaius.
La clé à peine tournée, Merlin se précipite à l'intérieur de la cellule et se jette dans les bras du vieux médecin qui réprime une exclamation de douleur et enlace le dos secoué de sanglots de son pupille.
- Ils n'ont jamais voulu me laisser vous voir, gémit le garçon en pelotonnant son visage ruisselant de larmes contre l'épaule de son mentor.
Arthur pince les lèvres.
Est-ce que Merlin a passé les deux derniers jours en bas, au bout du couloir qui mène aux cachots ?
Si les gardes l'ont retenu là, il a dû entendre tout ce qui se passait, sans jamais pouvoir intervenir… sans pouvoir voir ce que l'on faisait au vieillard.
Le prince sent un frisson fuser le long de son échine.
Il aurait dû s'en douter et chercher Merlin au lieu de déduire bêtement que celui-ci s'était caché pour pleurer quelque part après l'arrestation du médecin.
Gaius, visiblement, en est arrivé aux mêmes conclusions, si Arthur en croit le regard lourd de reproches qu'il adresse au prince tout en caressant les boucles noires de Merlin et en chuchotant des mots de réconfort.
Le prince contemple les doigts frémissants du vieillard et se demande qui a pris la peine de les bander proprement.
Quelqu'un a réussi à franchir le barrage et à venir prodiguer quelques soins au prisonnier.
Quelqu'un qui doit certainement croire en l'innocence de Gaius.
Le garde qui a ouvert la cellule se racle la gorge.
- Il sera bientôt de retour, marmonne-t-il.
Arthur hoche la tête.
- Merci, dit-il brièvement à voix basse, avant de s'approcher et de détacher doucement Merlin de son mentor.
- Viens. Tu ne peux pas rester plus longtemps…
Le garçon, visiblement à bout de nerfs et d'épuisement – Arthur commence à se demander si son serviteur a seulement mangé ou dormi depuis l'arrestation de Gaius – se laisse faire, hébété.
Le vieil homme lève les yeux et croise le regard du prince.
- Vous devez prendre soin de lui, Sire, murmure-t-il d'une voix rauque à force de crier sous la torture.
Arthur sent sa gorge se nouer.
Il acquiesce simplement et entraine Merlin hors de la cellule, en le soutenant à moitié.
Quand la grille retombe, il sent un grand froid et il est soulagé d'avoir quelque chose à faire, parce que tout semble soudain si noir et si désespéré qu'il pourrait devenir fou. Il emmène Merlin dans ses appartements – il ne sait pas où d'autre il pourrait le laisser – et l'assoit devant la cheminée, un peu brusquement.
- Reste là, okay ? Ne va pas vagabonder stupidement dans les couloirs et t'attirer plus d'ennuis, t'as compris ?
Les deux saphirs se lèvent vers lui. Des larmes sont accrochées aux longs cils qui les ombragent et scintillent à la lueur des flammes.
- Pitié, Arthur… supplie Merlin d'une voix très basse. "S'il vous plaît, ne le laissez pas mourir… pitié, Arthur…pitié…"
Le prince se mord les lèvres.
Il donnerait n'importe quoi pour être ailleurs, pour affronter plutôt une créature monstrueuse ou une armée, pour avoir Lancelot ou Gwaine à ses côtés et les laisser s'occuper de cette forme fragile qui va finir par se briser à force de chagrin.
Mais Merlin est son serviteur. Sa responsabilité.
Et Gaius est non seulement un de ses sujets, mais aussi un homme qui l'a guidé et accompagné pendant toute son enfance.
Il ne peut pas juste ignorer ce qui se passe et blâmer son père ou le système ou…
Il serre les dents et s'accroupit devant le fauteuil, tapote le genou anguleux de Merlin.
- Reste ici, répète-t-il avec autorité. "Je reviens tout à l'heure."
Le menton tremblant, le garçon hoche la tête.
Dieu que ses oreilles ont l'air pathétique à la lueur du feu…
Arthur se redresse et quitte la pièce en la fermant à clé par prudence. Il dévale les escaliers et retourne aux cachots seulement pour y être arrêté par les deux soldats qui gardent l'entrée du couloir.
- Lord Aredian a interdit que l'on voie le prisonnier.
- Je suis le prince, riposte Arthur avec hauteur.
Les hommes se tortillent, embarrassés, mais ne cèdent pas. Le jeune homme, outré, est sur le point de créer un scandale lorsque Sir Léon apparaît au coin des escaliers, un petit balluchon de linge à la main.
Il sursaute quand il voit Arthur et le prince réalise brusquement qui est le mystérieux personnage qui a soigné les doigts du vieil homme. Il entraine le chevalier loin des oreilles indiscrètes et le somme de s'expliquer.
Sir Léon bredouille un peu, puis sa voix s'affermit et ses yeux lancent des éclats de colère quand il explique à quel point la situation lui parait injuste. Guenièvre est venue le trouver quand Arthur a refusé de l'aider et le chevalier si intègre s'est laissé convaincre par la jeune servante que quelque chose n'était pas clair dans cette série d'évènements.
- Lord Aredian et Gaius se connaissent d'il y a vingt ans, chuchote-t-il. "J'ai pu surprendre une de leurs conversations et si l'on pouvait seulement convaincre Gaius de parler contre lui, tout s'arrangerait, j'en suis sûr."
- Il resterait le bracelet, corrige Arthur en fronçant les sourcils.
- Ceci ne poserait plus problème si l'on fouillait les appartements du conseiller, grogne le chevalier mystérieusement. "Mais Sire, le plus important, c'est que le roi entende la vérité. Gaius a de graves torts dans cette affaire, mais Sa Majesté lui pardonnera, j'en suis sûr."
- Que voulez-vous dire ?
Sir Léon hésite, puis semble comprendre qu'il n'obtiendra le soutien du prince que si celui-ci a toutes les clés en main.
- Gaius a laissé accuser le fils de Lord Aredian d'un crime de lèse-majesté, il y a vingt ans. Alors que c'était son propre fils qui était coupable. Le jeune homme a été exécuté sous les yeux de son père.
Les yeux d'Arthur s'écarquillent.
- Gaius a été marié ?
Le chevalier fait la grimace.
- Pas vraiment, non, d'après ce que j'ai compris, répond-t-il avec réticence.
Arthur se frotte le menton en essayant de trier ses pensées confuses.
- Qu'est devenu le fils de Gaius ?
- Je ne sais pas, dit Sir Léon. "J'ai l'impression que ce n'était pas quelqu'un de très recommandable. Apparemment, il a été banni plus tard, pour un autre crime."
- Et vous dites que Lord Aredian a fait en sorte de piéger Gaius pour se venger ? Pourquoi après toutes ces années ?
- Peut-être qu'il n'a découvert la vérité que maintenant, suggère le chevalier. "Sire, si nous voulons sauver le médecin de la cour, il vous faut parler au roi dès ce soir."
Le prince se mordille les lèvres en faisant quelques pas, concentré.
- Nous ne pourrons pas le sauver sans preuves solides. Et ce sera la parole de Gaius contre celle de Lord Aredian… Mon père n'acceptera jamais que l'un de ses conseillers soit humilié.
- Sire !
La voix pressante de Sir Léon lui fait lever les yeux et Arthur se trouble en voyant le même espoir que Guenièvre et que Merlin dans les prunelles du chevalier.
- Vous êtes le seul à pouvoir renverser la situation. Le roi accorde de la valeur à ce que vous dites, même si cela vous semble être le contraire. Si vous étiez seulement… calme et posé, quand vous vous opposez à lui, vous verriez qu'il ne prendrait pas la mouche et vous écouterait."
Arthur quitte la pièce où ils ont discuté mal à l'aise, inquiet et convaincu qu'il est un imbécile de croire qu'Uther va accorder la moindre importance à ses paroles simplement parce qu'il ne sera pas en train de crier ou de chercher à le provoquer pour lui faire entendre raison.
Bizarrement, cela lui rappelle une chose que Lancelot lui répète souvent.
"Votre emportement sera votre perte, Altesse. Apprenez à réfléchir avant d'agir et cessez de vous mettre dans tous vos états. La dignité d'un roi, Arthur, c'est de faire preuve d'autorité même en silence."
Il prend une longue respiration avant de frapper à la porte des appartements de son père.
Il préfère clairement foncer dans le tas comme Gwaine, mais il va essayer, pour une fois. Si c'est tout ce que cela prend pour sauver le vieux médecin et le ramener à Merlin, pour que Guenièvre cesse de le regarder avec un tel désappointement, alors il va le faire, quoi qu'il en coûte.
Le lendemain, la pluie tombe toujours à sauts, clapotant sur les pavés de la cour, détrempant les bottes de paille entassés autour du bûcher et ruisselant comme des larmes sur les carreaux de la fenêtre, mais Arthur se sent plus en paix qu'il ne l'a été depuis des siècles.
Okay, des jours.
Tout est fini.
Uther a objecté à tous ses arguments, mais il a paru assez agréablement surpris par l'attitude respectueuse de son fils pour accepter d'ajourner l'exécution et de revoir les faits. Sir Léon a produit un témoin qui a avoué avoir vendu à Lord Aredian le fameux bracelet de sorcellerie et quand le roi a interrogé Gaius, celui-ci a confirmé l'histoire de vengeance – après avoir hésité suffisamment longtemps pour que la chemise d'Arthur se trempe de sueur.
C'est là que Lord Aredian a perdu les pédales et créé un tel chaos qu'il a amené sur sa tête son propre jugement.
Le roi s'est contenté de lui interdire de paraître de nouveau devant la cour : il ne pouvait pas décemment le bannir alors qu'il était clairement décidé à garder Gaius près de lui en dépit de la trahison vieille de vingt ans.
Uther est sans doute beaucoup plus attaché au vieux médecin qu'il ne laisse le voir.
Tout est bien qui finit bien, même si Merlin semble encore traumatisé et qu'il a déjà provoqué une dizaine de catastrophes depuis ce matin.
Gwaine, Lancelot et Perceval ne vont certainement pas tarder à rentrer à Camelot – ce doivent être ces torrents de pluie et les inondations qu'elles provoquent sur les routes qui les empêchent d'être déjà revenus de leur quête.
Qu'est-ce que Lancelot a dit, déjà ? Le trident du Roi Pêcheur. Mais bien sûr. Comptez sur Lancelot pour se mettre à la recherche de trucs insensés…
Quand ils seront là, Arthur compte bien partir à la chasse pendant trois jours et profiter au maximum de leurs éclats de rire insouciants, tout en s'assurant que Merlin reprenne des couleurs. Le bavardage insolent et léger de son serviteur lui manque plus qu'il ne l'avouerait jamais.
Il croise Guenièvre dans le couloir et lui sourit sans cesser de siffloter joyeusement.
Elle hésite, se mordille les lèvres en contemplant la corbeille de linge dont elle est chargée, puis relève la tête et le salue brièvement avant de continuer son chemin.
Les joues roses et un air béat sur le visage, Arthur reste planté au milieu du couloir.
Elle lui a souri… et elle avait l'air fière de lui.
Cette journée est décidément la meilleure de sa vie.
Il flotte jusqu'à sa chambre où il trébuche en entrant sur le seau d'eau sale de Merlin qui est en train de laver le sol avec une brosse, agenouillé dans une flaque de savon.
Il le taquine, s'enquiert de la santé du vieux médecin qui est encore alité, puis se jette sur son lit avec ses bottes, ignorant délibérément les 'tsk' désapprobateurs de son serviteur, croise les bras sous sa nuque et se consacre pleinement aux rêves bleus qui voltigent autour de lui comme des papillons drogués.
Tout est beau, tout est magnifique, tout va bien.
Jusqu'au moment où le tocsin se remet à sonner.
Arthur cherche quelqu'un à étrangler en arrivant à la grande salle – quelqu'un d'autre que son serviteur qui trottine derrière lui avec ses oreilles hérissées de trouille comme un lapin pris en cible – mais il reprend vite son sang-froid en découvrant les corps alignés sur le sol, enveloppés de draps blancs.
- … et il y en a des dizaines d'autres, termine d'expliquer Sir Léon, debout dans sa longue cape rouge maculée de boue. "Deux villages ont été quasiment décimés et on compte déjà cinq autres cas dans la ville basse. Votre Majesté, c'est une épidémie."
A SUIVRE