Le secret
- Bon sang, Cooper ! ça fait combien de temps que vous servez avec Kaidan ? Cinq ans ?
- Quatre. Je ne vois pas le rapport.
- Pourquoi vous ne lui avez jamais posé cette question à lui ?
Seven le regarda, interloquée, et un peu ironique.
- Vous avez déjà essayé de prononcer le nom de Shepard en sa présence ? On peut pas dire qu’il réagit très bien.
Garrus ferma les yeux et appuya sa tête contre le mur en soupirant. Kaidan était vraiment le pire abruti que la galaxie n’ait jamais connu.
- C’est lui, murmura-t-il.
Le Turien rouvrit les yeux face au silence de sa compagne. Elle le regardait d’un air franchement décontenancé, attendant plus d’explications. Il fut frappé de constater que cette possibilité semblait ne jamais avoir traversé l’esprit de la jeune femme.
- Shepard a eu une histoire avec Kaidan, pendant la poursuite de Saren. A ma connaissance, votre père, ça ne peut être que lui.
Les yeux de Seven s’écarquillèrent, le sang se retira de son visage. Tandis qu’elle accusait le choc, ses mains se mirent à trembler. Des vagues d’énergie noire pulsèrent sur sa peau.
- Oooooh, on se calme lieutenant ! s’exclama le Turien en levant les mains dans un geste d’apaisement.
La jeune femme ferma les yeux, pris plusieurs respirations hachées. L’énergie s’éteignit.
- Désolée.
- Pas de problème, je sais que les biotiques ont un peu de mal avec les émotions. Quand Jack a appris pour Shepard… Disons que ça a fait un gros cratère.
- J’ai pas le quart de la puissance de Jack. Au pire, vous auriez un peu cogné le mur.
Seven avait repris quelques couleurs. Elle croisa les bras et regarda le mur en silence un long moment. Les pensées s’agitaient dans son crâne, contrôlées, pour l’instant. Garrus gardait les yeux fixés sur elle, malgré une apparente décontraction. Il attendait, une réaction, une question. Elle ne vint qu’après de longues minutes.
- C’est pour ça que vous ne vous supportez pas ? Vous et le major ?
- C’est lui qui ne peut pas me sacquer. Personnellement, je l’aime bien. C’est un vieil ami, un très bon soldat, et un grand meneur d’hommes. Même si là, il s’est foiré en beauté. C’est compliqué Cooper, reprit-il avec un soupir. On est des soldats. On sait que nos vies peuvent s’arrêter du jour au lendemain, que chaque balle peut être la dernière, pour nous et pour nos camarades. On a tous perdus des hommes, des amis, on ne s’y habitue jamais totalement, mais on est conscients de tout ça.
Shepard était différente. Ils avaient vécu pendant des années, portés par elle, par sa vision, par sa force, son assurance. Elle les avait profondément changés, bien avant d’activer le Creuset. Avant de monter sur le Normandy, Garrus n’aurait jamais imaginé qu’il se sentirait plus proche d’humains, de krogans ou d’une quarienne que des représentants de sa propre race.
- Cette femme a eu plus d’importance dans nos vies que quiconque, et je ne parle pas seulement d’Alenko et moi. Tous ceux qui ont servi sur le Normandy ne se remettent pas vraiment de sa mort. On avance, on vit, mais ça nous hante encore.
Poussé par le silence de Seven, Garrus acheva :
- Je sais qu’elle est morte, ma raison le sait. Mais je lui ai dit un jour que je l’attendrais, et quelque part, je crois que je continue à le faire. Depuis vingt-cinq ans.
- J’aurais voulu la connaître, répondit Seven en essuyant une larme. Tout le monde autour de moi chante ses louanges, narre ses exploits… et moi, qui suis issue d’elle, je ne l’ai jamais vue.
Maladroitement, Garrus tendit la main vers la jeune femme et la posa sur son épaule.
- Vous lui ressemblez terriblement, vous savez. Vous avez sa fougue, et sa force. Son ironie, et sa manière de ne suivre que les règles qui l’arrangent. Cette affection surprenante pour les Krogans aussi, ajouta-t-il avec un petit rire. Vous saviez que le grand chef Urdnot Wrex la considérait comme une sœur ?
Seven laissa échapper un petit rire.
- Effectivement, c’est quelque chose qu’on a en commun.
- Il faudra que vous alliez le voir sur Tutchanka. C’est sympa depuis que la planète est redevenue viable. Vous ressemblez à votre père aussi Cooper, poursuivit Garrus avec plus de sérieux, votre révolte face à l’injustice, votre intransigeance, votre sens du devoir, c’est lui tout craché.
La jeune femme hocha la tête et laissa échapper un sourire.
- Vous feriez mieux de dormir un peu Cooper. Pour le moment, on ne peut rien faire. Je vous raconterais tout ce qu’il y a à savoir sur votre mère si vous le souhaitez, plus tard.