La voyageuse

Après son 25e jour passé au sanctuaire, Malory, la voyageuse, fut convoquée par l'amiral Jane Shepard, dans les grands jardins du sanctuaire. Ses vêtements d'origine avaient été tronqués par des vêtements adaptés à l'époque actuelle. Elle avait eu le loisir de pouvoir confectionner forme et textile. Elle était donc vêtue à la mode de son époque, un pantalon effet jeans, des bottes effet cuir, un t-shirt simple, sa veste de cuir brun était la sienne, elle avait refusé de s'en séparer. Les deux femmes marchèrent côte à côte. La voyageuse brisa le silence.

- J'ai besoin de comprendre Shepard. Ma mémoire ne revient pas. Sacha est à veille de m'ouvrir le cerveau, dit-elle en plaisantant.

- Ne dîtes pas ça en rigolant...

- Oh...

- Elle travaille sur une façon de reconnecter certaines synapses et elle m'a avoué sa frustration de ne pouvoir vous ouvrir la boite crânienne.

- C'était de l'humour de sa part au moins ?

- Possible. Shepard rit à sa propre blague.

​

Malory recentra la conversation.

- Jane, avouez qu'il est difficile de croire au hasard. J'étais en 2024, il y a quelques semaines. Je suis maintenant en 2199, il ne reste plus que 2 milliards d'êtres-humains. J'étais morte sur le bord d'une rivière et le hasard a fait que l'héroïne, qui a sauvé la galaxie et des milliards de vies, est venue me sauver...

- Hm... Je dois t'avouer, elle se coupa. Peut-on se tutoyer ?

- Bien sûr.

- Le hasard n'y est pour rien, tu n'es pas passée inaperçue sur les radars. En fait, les satellites galariens, une autre espèce extraterrestre, ont détecté une anomalie dans la ligne temporelle de la terre, comme si le temps avait arrêté l'espace de quelques secondes. Cela n'était pas la première fois, mais cette fois-ci, tu es apparue en même temps. Pour dire vrai, le centre de commandement à Constellations pensait que cela pouvait être en lien avec les moissonneurs... Et j'ai été dépêchée à titre « d'experte », elle fit des guillemets avec ses doigts.

- Liara m'a donné de l'info sur eux, j'aurai un lien avec eux ? s'inquiéta la jeune femme.

- Toutes les hypothèses sont à considérer, dont celle d'un voyage dans le temps... Nous reste à trouver la question du pourquoi et du comment.

- Considérant que je n'ai pas d'existence légale en 2199, qu'est-ce que ton gouvernement va faire de moi ? Demanda-t-elle sur la défensive.

Shepard lui lança un regard de compassion pour la rassurer.

- Sacha m'a parlé de ton inquiétude d'être enfermée ou de devenir une expérience scientifique. Sache qu'au fil des années, nous avons compris que la diversité et l'inclusion étaient essentielles à notre survie en tant qu'espèce. Tu es libre d'être qui tu es, sans être considérée comme une expérimentation scientifique. Toutefois, des dangers demeurent et tu es sous ma garde pour cette raison.

​

L'amiral arrêta sa marche pour la regarder dans les yeux.

- Tu sais Malory, l’expérience nous a apprise que toute chose arrive pour une bonne raison. Si tu es là, c'est qu'il y a une raison, même si nous ne la comprenons pas tout de suite. Alors, allons-nous te laisser tranquille ? La réponse est oui. Allons-nous te surveiller ? Assurément, pour comprendre...

- Ça a le mérite d'être clair. Mais j'avoue que c'est mieux que d'être emprisonnée.

- En effet. Shepard laissa planer un silence, puis continua : Je dois quand même t'admettre que si effectivement, tu peux voyager dans le temps, la perspective de retourner en arrière et de prévenir l'attaque des moissonneurs nous effleure l'esprit. Des milliards de vies pourraient être sauvées.

L'amiral marqua une nouvelle pause et croisa les bras pour se donner une contenance.

- Le centre de commandement a autorisé mon intervention pour t'apporter soutien et protection. Protection, car malgré tout, on ne peut pas toujours éradiquer toutes les gangrènes... Subsiste des organisations terroristes qui pourraient vouloir mettre la main sur toi. Pour le moment, nous sommes très peu à connaître ton existence.

- Liara m'a expliquée que tu étais à la tête de l'Alliance.

- En effet, répondit Shepard.

- Donc le « centre de commandement » est quelque chose de plus grand que l'Alliance ? S'ils ont décidé que tu me prennes en charge ?

- Je suis le centre de commandement.

- Oh... laissa échapper Malory dans une légère naïveté. Donc...

- Ça faisait moins égocentrique de dire que c'était le centre de commandement qui avait pris la décision.

Malory se mit à sourire, ils étaient rares les moments où Shepard osait un trait d'humour en sa présence. La jeune femme semblait apaisée par les paroles de l'amiral. Elle commençait à réaliser qu'elle avait trouvé une alliée dans cet avenir incertain. Elle ne put s'empêcher d'observer une pensée critique sur l'humanité, qui malgré les morts, les guerres et bien qu'elle fasse preuve de plus d'inclusion, des gens toujours malveillants subsistaient... Toujours la même chanson, en somme...

​

Le lendemain, le temps était magnifique par cette journée ensoleillée. Jane Shepard était assise, adossée à un arbre immense. En tenue décontractée, les yeux fermés, elle semblait méditer. Glyphe, la boule lumineuse, flotta dans les airs jusqu'à elle.

- Bonjour amiral,

- Glyphe j'ai demandé à ne pas être dérangée, répondit-elle en gardant les yeux fermés.

- Bien amiral. Je reviendrai vous prévenir du départ de notre invitée à la fin de votre repos, précisa Glyphe.

Shepard ouvrit les yeux et se redressa rapidement. Elle vit Glyphe rebrousser chemin, l'air de rien.

- Quoi ? Comment ça son départ ? S'inquiéta-t-elle.

Glyphe revint vers elle.

- Elle n'a pas donné de précision.

- Par la déesse, les ennuis commencent ! Elle posa deux doigts au niveau de sa mâchoire, proche de son oreille. Sacha, Cortez, j'ai besoin de vous à la navette.

La militaire s'habilla de sa tenue tactique dans la navette, où Cortez, le pilote, était déjà en action. Il s'occupa d'allumer les moteurs et prépara le décollage. Sacha, la jeune femme aux yeux verts, entra rapidement dans la carlingue. Cette dernière fut surprise qu'il n'y ait pas une personne supplémentaire.

- Où est Liara ?

- En orbite, elle doit superviser une rencontre de dirigeants sur l'Espérance. Cortez, on y va oui ou non ?

- Oui amiral !

La navette décolla en douceur, s'élevant dans le ciel avec grâce et puissance. Shepard observa le paysage qui défilait rapidement en contrebas, tandis que Sacha vérifiait les instruments de navigation. L'équipage se doutait que Malory ne devait pas être loin, étant à pied. Shepard demanda à son pilote de mettre le cap sur l'ancienne capitale canadienne. Toutefois, son ordre fut arrêté par sa partenaire qui pianotait un écran virtuel.

- Je ne crois pas qu'on ait besoin d'aller si loin Shepard. Sa signature thermique indique qu'elle est en ville.

Shepard se tourna vers Sacha, l'air intrigué.

- Tu es sûre de cela ?

Sacha acquiesça, les yeux toujours rivés sur l'écran.

- Elle semble à proximité, proche de l'antenne du journal.

Cortez, le pilote, ajusta la trajectoire de la navette en conséquence. La tension montait à mesure qu'ils approchaient de leur destination. Shepard était à la fois soulagée et inquiète de savoir que Malory était dans les environs, seule. La navette se posa à proximité d'un immeuble en construction. L'équipe sortit rapidement, prête à explorer les environs. Shepard marchait en tête, la main parée à dégainer son arme, suivie de Sacha. Les ruelles étaient large, mais sombres dans cette partie de la ville. Les bâtiments étaient tellement imposants qu'il était difficile d'avoir de la lumière naturelle aux pieds des tours. Quelques âmes défilaient dans la rue, ignorant l'équipage comme si cela était normal de les croiser ici. Shepard n'eut pas à chercher longtemps, elle remarqua que la voyageuse était dans un magasin de vente de nourriture rapide. Malory était plantée devant le comptoir et discutait avec le vendeur. Shepard jeta un regard perplexe à Sacha. Elles s'approchèrent discrètement de Malory et l'amiral se racla la gorge pour attirer l'attention. La jeune femme se retourna et fut surprise de voir ses hôtes devant elle.

- Peux-tu me dire ce que tu fais ici ? demanda Shepard avec sérieux.

- Oh, Jane. Je suis en train de... Pourquoi es-tu habillée comme ça ? demanda-t-elle en l'examinant de haut en bas.

- On te cherchait !

- ... Je fais du tourisme...

- Du..., elle arrêta sa phrase, entendant derrière elle un rire étouffé.

Sacha se bidonnait. Elle lui lança un regard accusateur, qui n'eut pas l'effet escompté. Sacha riait aux éclats, devant l'amusement de Malory.

- Ma chère mère poule, lança Sacha en riant.

Ce rire déclencha une sensation étrange dans les joues et le ventre de la voyageuse, comme des milliers de fourmillements. À force de côtoyer Sacha, elle sentait s'y attacher. Cette sensation la perturba quelques instants, si bien qu'elle dut détourner les yeux. Et il y eut ce flash, cette impression de déjà-vu, une certitude étrange de la connaître bien au-delà de ces quelques semaines. Son cœur accéléra sans aucune explication. Elle ne voulait pas refaire une crise de panique, pas ici. Elle prit alors le paquet que lui tendait le vendeur et détourna les talons pour se ressaisir, laissant les deux femmes seules.

Le retour dans la navette fut agréable. Shepard fixa quelques règles et demanda d'être prévenue lorsque Malory quittait le Sanctuaire. Ce à quoi la jeune femme s'était opposée.

- Je sais Malory, mais tu n'as aucune arme, aucun pouvoir. Même si le monde a changé, il demeure dangereux. Tu aurais pu tomber sur... Je sais pas... une grosse bête.

- Une grosse bête ? Demanda avec ironie Sacha.

Shepard leva les yeux au ciel, soupira avec force, puis se taira dans le silence. Sacha s'approcha alors de l'oreille de Malory et lui chuchota ces mots :

- Shepard est l'incarnation de la bienveillance et elle tient à toi. Bon, elle te voit sûrement comme un petit animal perdu et vulnérable, mais elle va s'améliorer, fais-moi confiance.

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Malory se contenta de sourire, mais cette proximité la décontenançait. Elle avait remarqué plusieurs fois pendant le voyage que la médecin l'observait et cela provoquait une agréable sensation dans son corps et ses pensées.

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Les jours suivant cette mésaventure, Sacha s'était donnée beaucoup de mal pour croiser Malory. Cela avait donné lieu à de belles discussions, des rires et tranquillement se tissait un sentiment de confiance entre elles, sans qu'elles comprennent exactement pourquoi.

Ce jour-là, il était tôt, le soleil se levait à peine. Malory enfila sa veste de cuir. Elle traversa le sanctuaire, toujours paisible, pour se rendre dans les grands jardins. Dehors, elle observait la beauté du paysage. Tout était si différent de son époque, la nature était en abondance, l'air sentait tellement bon. Les mains dans sa veste, elle prit une grande bouffée d'oxygène en fermant les yeux, simplement pour profiter du moment. Sa décision était prise, elle devait parler à Shepard.

Elle sentit une présence non loin d'elle, se doutant de l'identité de l'inconnue. Elle attendit quelques minutes, puis tourna la tête pour la chercher du regard. Sacha lui fit un signe de la main. Elle était en tenue sportive et prit le parti de s'avancer vers la voyageuse.

- Je ne te surveillais pas, se défendit-elle.

- Je n'en doute pas, répondit Malory avec un sourire affectueux.

- Je m'entraîne à cette heure-ci. C'est la première fois que je te vois ici, je ne voulais pas couper ton moment de quiétude, expliqua-t-elle pour justifier sa présence.

- La terre est d'une beauté insoutenable, je ne comprends pas pourquoi nous ne l'avons pas protégée... dit-elle avec lassitude. Elle leva à nouveau les yeux sur Sacha : quel genre d’entraînement ?

- Parcours d'obstacles.

Malory fronça les yeux. Il n'y avait aucun obstacle à l'extérieur. La jeune athlète lui tendit une paire de ce qui s'apparente le plus à des lunettes. Malory ajusta l'objet sur ses yeux. Elle prit quelques secondes pour observer le paysage. Rien de changé jusque-là. Sacha s'approcha de son oreille, ce qui fit frémir la voyageuse.

- « activation simulation entraînement parcours 4 ».

Les lunettes s'allumèrent. Se dessinaient devant les yeux de la voyageuse des dizaines de structures holographiques. Les lunettes analysaient l'environnement pour l'améliorer. Un simple arbre devenait un obstacle à escalader, les lunettes indiquant les prises potentielles. Une haie se transformait en un défi à enjamber. Tout un parcours s'était créé devant ses yeux. La jeune femme était fascinée par cette technologie. Son sourire grandissait à mesure qu'elle tournait la tête pour observer cette chose extraordinaire.

- Veux-tu t'entraîner avec moi ? proposa Sacha.

- À un autre moment, avec plaisir, je dois trouver Shepard.

- Tu as effectivement plus de chances de tomber dessus à cette heure-ci, lança-t-elle légèrement déçue.

- Je te promets que je vais vouloir essayer cette technologie avec toi. J'espère te recroiser aujourd'hui.

Ce commentaire eut pour effet de faire rosir les joues de la jeune sportive. Elle lui répondit par l'un de ses plus beaux sourires. La voyageuse remarqua sa gène et s'en amusa. Elle rendit les lunettes à Sacha et tourna les talons. Son assurance était naturelle. Sacha la suivait des yeux, un sourire fixé sur sa bouche.

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Malory marchait jusqu'au bureau de l'amiral. Celle-ci sortit de la pièce au moment où elle s’apprêtait à cogner, ce qui provoqua un léger soubresaut chez les deux femmes.

- Bonjour Jane.

- Malory, comment vas-tu ce matin ?

- Relativement bien. Tu t’apprêtais à partir, j'aurais aimé que l'on se parle seule à seule quand tu auras un moment.

- Je vais prendre ce moment, ce que j'avais à faire n'est pas important.

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Elle invita la jeune femme à entrer dans l'immense bureau. Des moniteurs de contrôle s'étendaient sur un mur complet. Une table centrale diffusait une reconstitution holographique de la galaxie. L'image changeait régulièrement, zoomant sur des parties plus précises. Des points lumineux bougeaient selon des trajectoires linéaires. Malory était fascinée.

- Les points lumineux que tu vois sont les vaisseaux en mouvement, indiqua Shepard en pointant l'un d'eux.

- Ton monde est fascinant...

- Il l'est bien plus depuis la fin de la guerre. Je me sens chanceuse de vivre ce que je vis quand je te vois t'émerveiller de tout cela. De quoi voulais-tu me parler ?

Malory continua de contempler la galaxie et posa ses deux mains sur le bord de la table comme pour être sûre de ne pas chavirer.

- Je n'ai fait aucun progrès significatif avec ma mémoire depuis que je suis ici. Sacha a remarqué aux scans que la structure de mon cerveau est différente des normes actuelles. Elle pense que je devrais essayer une vieille méthode qui consiste à m'exposer à des situations qui pourraient déclencher les souvenirs.

- Un peu comme le stress post-trauma ? Questionna Shepard.

- Moui, ça serait ce principe-là. En espérant que ça déclenche autre chose que des traumas... J'ai la certitude d'avoir voyagé dans le temps, sauf que je ne sais pas comment, ni pourquoi... J'ai besoin de partir Shepard, de retourner là où vous m'avez trouvé... Je ne sais pas, peut-être que là-bas les souvenirs se déclencheront ?

- Je n'ai aucun problème avec cela. Nous allons t'aider et t'emmener là où tu as besoin.

- Je ne veux pas d'escorte... J'ai besoin de me retrouver Jane... Je… me sens en colère, de plus en plus, chaque jour qui passe... Je ne sais pas qui je suis.

- Tout ce que tu dis est légitime, mais tu ne peux pas me demander de te laisser seule.

- Cela m'appartient... Je sais que tu sais que je partirai avec ou sans ta bénédiction, mais je préfère que tu me la donnes. Je trouve ton époque fascinante, mais j'ai perdu le sens de mon existence. Je ne veux pas qu'on me dise qui je suis, je veux le découvrir par moi-même... Je sens que quelque chose de plus grand que moi prend le dessus sur moi, et je crois que cela n'annonce rien de bon...

Shepard fut surprise d'entendre cela, mais absorba la détresse qu'elle lui confiait. Elle prit une grande inspiration. La jeune femme était déterminée et elle ne voulait pas être celle qui entreverrait sa liberté. Elle pensa alors à sa fille adoptive.

- Que fais-tu de Sacha...?

- Je reviendrai...

- Je vois chaque jour ce qu'il y a entre vous, lança Shepard.

- Je n’essaierai pas de te mentir en te disant qu'il n'y a rien, mon être tout entier vibre quand elle est à mes côtés... Et je ne sais pas pourquoi...

- Comme si vous vous connaissiez déjà depuis longtemps, n'est-ce pas ?

- Comment le sais-tu ?

- Elle m'a dit la même chose te concernant.

- Peut-être l'ai-je croisé dans le passé ?

- Tu vas lui briser le cœur...

- Je reviendrai Shepard.

Un lourd silence s'installa entre les deux femmes. L'amiral lâcha prise.

- Comment puis-je t'aider dans ta quête ?

- Ne me suis pas, ni toi, ni l'un de tes coéquipiers. Et je souhaiterais obtenir une arme... Sans existence légale, ce n'est pas possible à moins de voler une identité.

- J’accèderai à tes requêtes, si tu me jures de rester quelques jours de plus, le temps de te faire suivre un entraînement accéléré au combat et d'upgrader ton état de santé.

- C'est d'accord.

- Ok... En tant qu'ancien Spectre, j'ai encore des privilèges, dont celui de t'octroyer une identité. Pour les armes, on te donnera le cours nécessaire. Je te suggère de parler à Sacha pour que tu puisses avoir notre monnaie, des crédits. Je ne veux rien savoir de ton arrangement avec elle, parce que sa proposition sera forcément illégale.

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Malory apprécia sa compréhension et sa compassion. Elle la remercia chaleureusement et s'en alla vers la porte. Ces formalités remplies, elle pourrait mener sa quête.

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Quelques jours seulement avaient suffi à régler tous ces détails. Shepard avait créé son existence. Elle lui avait montré, sans la ménager, les bases de l’entraînement militaire et grâce à la médecine actuelle, elle avait pu prendre masse musculaire et endurance en quelques heures. Cet exercice fut fort utile, puisque cela lui avait permis de se souvenir de son propre entraînement militaire et de son emploi pour le renseignement canadien. Ses habiletés au tir étaient, elles aussi, excellentes. Cela rassura grandement Shepard. Concernant ses crédits, tel que le lui avait conseillé l'amiral, Sacha avait trouvé une solution. Certes illégale. Elle avait détourné la monnaie dormante de comptes n'ayant plus de propriétaires.

"Sacha..." Malory y pensait sans cesse. Elle la savait triste de son départ. La médecin avait tenté inutilement de la convaincre de la laisser partir avec elle, au moins pour lui offrir une protection supplémentaire, mais la voyageuse n'avait pas fléchi. "Sacha..." Cette femme au cœur vaillant et bienveillant. L'athlète avait confié un bout de son histoire à Malory, cette soirée-là. Elles étaient allongées dans une salle d'observation galactique, intégralement vitrée. Elles contemplaient les étoiles, les vaisseaux qui passaient. Sacha lui avait montré la technologie consistant à zoomer sur l'univers. Malory en était décontenancée et fit de gros efforts pour ne pas avoir l'air d'une enfant qui joue avec son nouveau jouet.

Sacha, la belle Sacha... Elle avait 27 ans. Elle travaillait pour l'Alliance, spécialement affectée au maintien de la paix terrienne et la lutte contre les menaces pro-moissonneurs. Donc affecté à l'équipe de Shepard. C'est Sacha qui sauva le commandant Shepard après la destruction des machines. Laissée pour morte dans les décombres, l'adolescente l'avait trouvé et, du haut de ses 13 ans, s'en était occupée pendant des jours. Elle avait tout fait pour la maintenir en vie jusqu'à l'arrivée des secours. C'est le reste de l'équipage du Normandy qui arriva ce jour-là. Elle ne savait pas qui était Shepard encore, mais elle s'était déjà promis de se battre contre les moissonneurs et toutes menaces similaires pour venger ses parents, et ce, jusqu'à la mort. Quand elle comprit ce que représentait Shepard, cela n'avait que confirmer et renforcer sa volonté de protéger toutes espèces de l'anéantissement. Shepard avait essayé de l'en dissuader pendant plusieurs années. La considérant comme sa fille; elle l'avait même adoptée et ne lui souhaitait pas ce genre de vie. Sacha n'en démordant pas, l'amiral avait accepté de rester sur Terre et d'occuper la place de spécialiste des moissonneurs, comme Garrus l'était pour les turriens, Wrex pour les Grogans, Tali pour les Qariens. Cela lui permettait de garder un œil sur sa fille. Sacha le savait et loin de vouloir jouir d'un favoritisme, elle avait passé tous les galons pour en arriver à intégrer la brigade de l'amiral en tant que lieutenant. Elle était une femme forte et déterminée.

Mais voilà, en cette belle soirée d'été, cette jeune femme sentait qu'elle s'était attachée à Malory. Une douleur dans la poitrine la consumait depuis des jours sans qu'elle parvienne à comprendre. Était-ce de l'amour ? Était-ce de la colère ? Ou encore cette pensée que quoiqu'il se passe avec Malory, c'était voué à l'échec, voire à l'impossible ? Allongée sur le sol de l'observatoire, elle se sentait faible et s'en voulait. Son jugement se teintait... Mais ce n'était pas le temps de gâcher ce moment. Elle se tut et se contenta de poser sa main sur l'avant-bras de la voyageuse. Cette dernière tourna la tête, lui offrant un sourire de tendresse. Elle se redressa sur ses coudes et la scruta tendrement.

- Merci pour tout ce que tu as fait Sacha...

- Ça m'a fait plaisir... Je dois t'avouer quelque chose... J'ai le sentiment que toi et moi on... Elle se coupa, ne sachant comment finir sa phrase.

- Comme si nous nous connaissions déjà..?

- C'est exactement ce que je voulais dire. C'est la chose la plus étrange que j'ai ressentie depuis la mort de mes parents... Et cela m'inquiète de te laisser partir seule.

- Je vais revenir.

- Et si ce n'était pas le cas ? Et s'il arrivait quelque chose ?

- Je te promets que l'envie que tu m'accompagnes vibre en moi à chaque seconde, mais il y a cette autre chose, plus grande que moi qui me pousse à le faire seule. Comme si cela allait fausser les cartes, si je ne m'appliquais pas à me retrouver par moi-même.

- Jane dit que toute chose existe pour une bonne raison. Ce que l'on fait, on le fait pour une bonne raison, même si des fois ça craint...

- Pourtant, elle a changé les choses en évitant la fin de notre cycle.

- Oui. Et tout convergeait à ce que cela se passe comme ça... Ce que j'essaie de te dire, c'est que je comprends ton besoin. Mais j'ai l'impression de laisser une partie de moi en te laissant partir. Ce qui en soi est complètement absurde ! C'est vrai, on ne se connaît pas depuis longtemps, et on n'est pas... en amour. Peut-être de l'amitié à la rigueur ?

- Hum hum, répondit Malory dans un pincement de lèvre qui se voulait ricaneur.

Sacha se redressa en position assise.

- Quoi ?

- Désolée, je ne ressens pas ce genre de chose pour mes amis, lança-t-elle en plaisantant.

- Et qu'est-ce que tu ressens ? La défia-t-elle.

- Ça ne serait pas juste de te répondre et de « m’enfuir » ensuite le lendemain.

- Ouais, ça serait cruel... Ne me laisse pas te détester et reviens me donner la réponse s'il te plaît.

Malory avança son visage vers celui de Sacha et déposa un baiser sur sa joue « je te le promets » chuchota-t-elle. Un courant électrique traversa la médecin de bas en haut. Elle déposa sa main sur la nuque de la voyageuse avant qu'elle ne se retire et approcha ses lèvres des siennes. Malory accompagna le mouvement et vint embrasser sa partenaire. Le baiser fut doux, court, car un autre s'en venait. Leurs lèvres se cherchèrent, leurs langues se goûtèrent. Leur baiser fut passionné.

Liara et Shepard étaient à l'extérieur et observaient la scène de loin, derrière les immenses baies vitrées.

- Notre fille est amoureuse, dit l'asari dans un sourire.

- Une chance sur combien pour que ce soit avec le seul être humain qui ait voyagé dans le temps..?

- Rien n'arrive pour rien, ma chérie.

- C'est exactement ça qui m'inquiète...

- Laissons-leur leur intimité pour le moment. Nous nous inquiéterons plus tard.

Le jour suivant, au moment de son départ, Liara avait transféré à Malory, Glyphe la sphère lumineuse, sur l'omnitech qu'on lui avait donné. La petite boule lumineuse allait au moins pouvoir l'accompagner et faire le lien avec le Sanctuaire au besoin. C'était la seule concession de la voyageuse. Les au revoir avaient été touchants et rapides. Ce n'était pas un adieu, seulement un voyage. Elle avait ensuite embarqué dans la navette, conduite par Cortez, pour être déposée aux coordonnées de l'ancienne capitale canadienne.

Jane, Liara et Sacha observaient la carlingue s'éloigner.

- Et si elle ne revient pas ? questionna Sacha.

- J'ai foi au jugement de Shepard, répondit Liara pour la rassurer, tout en la serrant contre elle.

Shepard renchérit :

- Le hasard n'existe pas dans l'univers... Laisse-la faire son chemin Sacha. Si elle est arrivée dans notre époque, c'est qu'il y a une raison et si on ne la comprend pas tout de suite, on la comprendra un jour.

Liara regarda son amour avec tendresse, toujours admirative de sa sagesse. Elle prit sa main dans la sienne et la caressait de son pouce. Quant à Sacha, elle se contenta de rester pensive. Shepard avait compris dès le début que quelque chose naissait entre elles. Elle avait eu la chance de le vivre avec Liara et pouvait ressentir ce sentiment incroyable chez sa fille adoptive.