Mass Effect - Chemin de loyauté

Chapitre 2 : Sombres vérités

4918 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 28/09/2023 21:45

MASS EFFECT - CHEMIN DE LOYAUTÉ

CHAPITRE 2 - SOMBRES VERITES



Shepard

…………….. Mais……… où……… tête………. lourde…… terre…… tourne… Envie de….. vomir…………… Urgh, je me sens………. horrible….. 


“Elle…….. à elle ! …..mandant…? Commandant…. vei……. ous….. cement…”


Cette voix… Ma tête vibre… Les yeux toujours fermés, encore dans le brouillard, je gémis faiblement, reprenant petit à petit le contrôle de mes muscles et de mon esprit. La vache, j’ai l’impression de peser deux tonnes !


“C’est bien, doucement, allez-y.”


Cette douce voix de femme, je crois la reconnaître… La nausée me prenant de plus en plus à mesure que je reprends conscience, je cligne faiblement des yeux, la lumière agressant mes rétines, et le monde tournant beaucoup trop vite autour de moi. Je n’avais jamais pris de cuite de ma vie, mais je devais m’en rapprocher !


Je sens une main gantée tenir doucement la mienne. Lentement, je m’habitue à la lumière ambiante, parvenant enfin à ouvrir les yeux. Je… crois reconnaître l’infirmerie du SR1-Normandy… Et je vois, assise à mes côtés, le médecin en chef du vaisseau : le docteur Chakwas. Celle-ci me sourit doucement, tapotant la paume de ma main.


“Vous voilà revenue parmi nous.” Soupire-t-elle avec soulagement. “Vous nous avez fait une sacrée fra-”


Elle n’a pas le temps de finir sa phrase, mon malaise prenant violemment le dessus. Je sens que je deviens blême, et que tout ce que j’ai pu récemment avaler s’apprête à sortir. Chakwas a de sacrés réflexes, me tendant à temps un seau en fer dans lequel je déverse tout mon mal-être. Elle tient respectueusement mes longs cheveux bruns, me laissant me vider sans gêne.


“Là, là, ça va passer.” Me rassure-t-elle. “Je suis désolée, avec tous les tranquillisants que je vous ai injectés, une telle réaction était à prévoir. Sans compter vos quinze heures de coma…”


Des tranquillisants ? Quinze heures dans le coma !? Bon sang, qu’est-ce qui avait pu se passer après que la balise…… Tout me revient alors, tandis que je reprends mon souffle… Cette douleur à la tête… Cette douleur atroce, la pire souffrance que j’ai jamais endurée…… Et toutes ces images, toutes ces horreurs qui m’étaient apparues en… vision…? Merde, mais qu’est-ce que cette balise m’avait faite…?!


Je me relève péniblement, une main sur le cœur en essayant de me calmer. Je sens également un bandage autour de ma tête, mon front piquant dessous. Avais-je été blessée durant mon inconscience ? Je n’avais vraiment pas la forme, le Docteur Chakwas avait certainement dû bien me droguer pour que je sois dans un tel état. Je la regarde avec beaucoup de fatigue, constatant tout de même la gravité dans ses yeux.


“Docteur, dites-moi tout…” Je lui demande faiblement. “Que m’est-il arrivé…?”

“... Lorsque le Lieutenant Alenko et le Maître-Artilleur Williams vous ont conduit à l’infirmerie, vous étiez dans un état très préoccupant.” Explique-t-elle gravement, vidant le seau souillé dans un coin. “Même si je désapprouve la méthode radicale qu’il a employé, le Lieutenant vous a probablement sauvé la vie… ou la raison…”


Mon corps se glace à cette annonce. À ce point…? Je me souviens de cette douleur insoutenable, mais… pas d’après… Que m’avait donc fait cette balise pour… à moitié me rendre folle, selon ses dires…? Elle s'assoit près de moi, me scrutant profondément.


“Cette balise vous a fait quelque chose, j’ai l’impression.” Continue sombrement Chakwas. “Physiquement, vous allez bien… hormis, hélas, la blessure que vous vous êtes occasionnée à la tête… D’après le Lieutenant, vous sembliez tellement souffrir… que vous avez essayé, par tous les moyens, de stopper votre mal…”


Je touche mon bandage, l’estomac noué. Je m’étais blessée… volontairement…? Merde… Merde merde merde !!! Un tel détail n’allait pas échapper dans le rapport de mission…!


“Mais pour ce qui est de l’activité cérébrale…” Avoue-t-elle les lèvres pincées. “Vous êtes parcourue d’ondes bêta anormales, disons, qui agissent comme des décharges électriques dans votre cerveau. À un tel niveau de radiation, une telle chose aurait dû vous tuer net, ou vous plonger ‘au mieux’ dans la folie… mais pour une raison que j’ignore, votre implant L3 a pris la majeure partie des dégâts, vous évitant une telle finalité.”

“... Il était déjà défectueux, ses défauts ont peut-être miraculeusement absorbé le gros du choc…?” Je tente de trouver une explication.


Le Docteur Chakwas connaissant ma situation médicale depuis Akuzé, peut-être y trouverait-elle des éléments de réponse ? Malheureusement, à son regard, je comprends qu’il ne s’agissait que de l’unique ‘bonne’ nouvelle…


“Peut-être est-ce le cas… mais pas sans conséquence, Shepard…” Poursuit-elle plus bas, tenant mon bras comme pour me soutenir. “La balise… a fait complètement exploser votre implant. Tous les morceaux, certes très infimes, ont été éparpillés de votre nuque jusqu’à votre cerveau. Commandant, c’est un miracle que vous ayez survécu, mais…”


Elle s’interrompt, baissant les yeux. Mon cœur bat la chamade d’angoisse, bon sang, qu’essayait-elle de me dire !?


“... Mais je ne pourrai désormais plus utiliser mes pouvoirs biotiques, c’est ça…?” Je complète, priant presque pour que cette explication soit la bonne.

“Non, je ne crois pas que vos pouvoirs aient disparu. Il semble même que l’explosion ait fait que l’élément zéro contenu dans votre implant semble s’être éparpillé dans votre corps.” Rétorque le Docteur, secouant la tête. “Mais une telle énergie diluée dans un corps non-Asari, sans implant ou technologie pour la contrôler correctement… J’ai peur que vos capacités biotiques, selon la situation, ne deviennent hors de contrôle. Et… Je crains surtout que vous ne pourrez désormais plus les utiliser sans conséquence plus fâcheuse encore que de simples fatigues ou migraines… La douleur que vous avez ressenti en touchant cette balise risque de se reproduire très régulièrement à l’avenir, en utilisant vos dons biotiques, en étant soumise à de fortes émotions, voire même au repos… Si vous n’avez pas mal maintenant, c’est à cause de tous les tranquillisants que je vous ai administrés, et de ce coma dans lequel vous avez été plongée pour votre bien. Mais une fois leurs effets estompés…”


Le souffle court, je m’effondre sur la table d’auscultation, les yeux rivés sur le plafond. C’était une blague… Une très mauvaise blague… Ce n’était pas possible, ça… ça ne pouvait pas encore empirer, pas… pas encore…! J’allais me réveiller, réaliser que tout cela n’était qu’un mauvais rêve, que… que je n’étais pas… encore plus un poids mort !


“I-Il n’y a rien à faire…!?” Je demande, la voix tremblante. “Une opération chirurgicale, un traitement, n’importe quoi !”

“Une intervention serait beaucoup trop risquée, au vu du nombre de morceaux et de leur étendue.” Chakwas répond honnêtement, soupirant. “Et vous donner des calmants pour des migraines passagères était acceptable, mais pour des crises qui risquent d’être continues… Je crains les effets à long terme… Sans compter la dépendance que cela pourrait engendrer. Je regrette Commandant, je ne vois aucune solution…”


C’était de pire en pire ! Je possédais déjà une fragilité certaine, et voilà maintenant qu’elle allait encore plus s’aggraver ! Qu’allait-il advenir de moi, comment pouvais-je espérer servir à quelque chose si de telles douleurs me prenaient de manière intempestive à l’avenir !? Etais-je vouée à n’être qu’une vermine inutile !? 


Complètement démoralisée, je cache mes yeux au creux de mon bras, me retenant fortement de craquer. Je sens le regard impuissant du Docteur sur moi, devant encore plus me contenir. Je devinais parfaitement ce qu’elle pensait… Ce que tous les docteurs que j’avais cotoyé ne cessent de me dire depuis Akuzé… Mais je… je n’avais pas le droit… Je n’avais pas le droit…


“Commandant… Il en va désormais de votre santé physique et mentale…” Soupire-t-elle tristement, posant une main sur mon épaule. “Vous devez prendre du recul, enfin penser à vous, et vous reposer. Vous devez refaire votre vie, voire même… la partager avec quelqu’un…”


Je ne peux contenir un petit ricanement triste. Faire ma vie ailleurs…? Vivre normalement…? Fonder une famille…? Mais depuis toute petite, je le souhaitais ardemment…… mais ce choix m’avait été arraché il y a bien longtemps…


“Tu intégreras l’Armée, que tu le veuilles ou non.

Tu me remercieras plus tard.”


… Pour l’honneur des Shepard… Pour défendre l’Humanité…… Il n’y avait pas d’acte plus noble, et y renoncer serait comme trahir ce devoir sacré… Y renoncer…… serait comme cracher sur sa mémoire, leur mémoire…… Je n’avais pas le droit…


Mais je ne peux expliquer mon ressentiment au Docteur Chakwas. La porte de l’infirmerie s’ouvre, laissant entrer le Capitaine Anderson. Je me relève prestement, dissimulant un gémissement de douleur.


“Shepard…” Murmure le Docteur, ne cachant pas son inquiétude.

“... Le devoir avant tout, Docteur…” Je lui réponds faiblement, un sourire triste aux lèvres.


Car malgré l’aggravation de mon état… la mission se poursuivait… Et devant l’air grave du Capitaine, elle n’allait pas s’améliorer… Cependant, en voyant mon état blême, il semble se radoucir, tenant doucement mon bras.


“Comment va mon commandant en second ?” Demande-t-il avec une sincère sollicitude.

“Ça ira Capitaine, je m’en remettrai.” J’affirme aussi calmement que possible.


Mais il n’était pas idiot. Fronçant légèrement les sourcils, il demande au Docteur Chakwas de nous laisser seuls quelques instants. Elle hoche la tête et s’en va rejoindre son bureau, non sans me lancer un dernier regard chargé de sens. Je n’aimais pas l’inquiéter ainsi… Elle avait toujours fait preuve de bienveillance à mon égard, et je savais qu’elle ne voulait que mon bien. Je… Je savais pertinemment que je faisais preuve d’inconscience, mais… il le fallait…… Même si je ne voulais pas inquiéter les quelques personnes à qui je tenais secrètement…


Le Capitaine Anderson s'assoit alors à mes côtés, me scrutant intensément.


“Shepard, j’ai lu le rapport rédigé par le Lieutenant Alenko. Je vous prierai d’être honnête avec moi.” M’ordonne-t-il gravement.


Je ne pouvais en vouloir à Kaidan d’avoir indiqué tous les aboutissements de la mission dans le rapport, c’était une obligation. J’en subirai les conséquences comme tout bon officier. Je soupire, massant doucement mes yeux.


“Alors vous savez que cela a été la merde, Capitaine…” Je réponds faiblement, n’osant pas le regarder. “Un échec, il n’y a pas d’autres mots… Jenkins, Nihlus, et de nombreux colons sont morts. Un assassin, un traître est en liberté. Quant à la balise…”

“... Elle a malheureusement été détruite.” Annonce le Capitaine d’une voix sombre. “Alenko et Williams m’ont expliqué qu’elle a explosé quelques instants après qu’ils vous aient embarqué à bord du Normandy. Probablement à la suite de son activation, d’une surcharge.”

“...... De mieux en mieux…” Je rétorque, complètement défaite.


Une journée de merde, vraiment… Un fiasco pur et dur… Une honte pour l’Humanité… Je les entendais déjà tous… et je ne pourrais leur donner tort…


“Shepard, vous avez fait de votre mieux, mais personne n’aurait pu prévoir les événements d’Eden Prime.” Essaye-t-il de me consoler. “Le retour des Geth… Saren à leur tête… Shepard, la situation est grave, très grave. Ce Saren… est l’un des Spectres les plus respectés et compétents du Conseil.”


… C’était donc un des compagnons de Nihlus… qui l’avait aussi lâchement assassiné…? Comment pouvait-on tomber aussi bas !? Les Spectres étaient censés représenter ce qu’il y avait de mieux dans la Galaxie ! Et voilà que l’un d’entre eux était désormais à la tête des Geth !? Pourquoi ?!


“Il faut le dénoncer au Conseil.” Je grogne, serrant fortement le poing. “Vous avez bien récupéré ce Powell, comme je l’ai demandé ?”

“Oui, mais malgré qu’il soit un témoin clé… connaissant la protection dont bénéficie les Spectres, surtout Saren, je crains que cela ne soit pas suffisant…” Concède le Capitaine avec gravité.


… Sous-entendait-il qu’il avait déjà eu affaire à lui…? J’aurais aimé en savoir plus, mais l’heure n’était pas aux questions.


“Nous nous rendons à la Citadelle, pour y exiger une audience avec le Conseil. En espérant que l’Ambassadeur Udina fera comprendre l’urgence de la situation.” Continue le Capitaine, croisant les bras. “Saren est extrêmement dangereux, et déteste l’espèce humaine. Qui sait à quel dessein serviront les Geth et les connaissances de la balise…”


Très probablement au pire… Espérons que le Conseil se rende compte de la gravité de la situation… Car j’avais l’intuition que le destin de la Galaxie en dépendait…


“... Je sais que je vous en demande beaucoup, au vu de ce que vous avez traversé…” Continue-t-il plus doucement. “Mais votre propre témoignage sera essentiel. Puis-je compter sur vous…?”

“Bien sûr… même si je doute qu’ils prennent en considération les propos d’une dingue…” Je rétorque faiblement, détournant les yeux avec honte.


Mes propos sont forts… mais je sens mon courage vaciller… Encore une fois, on me demandait quelque chose qui me paraissait bien au-delà de ce dont j’étais capable. Il était évident que l’Alliance avait reçu le rapport d’Eden Prime, et que ce dernier serait probablement bientôt connu du Conseil. A sa lecture… personne ne me prendrait plus au sérieux…


“... Vous avez lu ce qui s’est passé… et le Docteur Chakwas vous a sûrement informé de mon état actuel…” Je continue gravement, tête basse. “L’Alliance, et encore moins le Conseil, ne prêteront aucune attention aux mots d’un soldat souffrant de syndrômes post-traumatiques sévères. Surtout si c’est pour leur dire…”


Je m’interromps, serrant les poings avec hésitation. Non, tout cela n’avait aucun sens, le Conseil ne s’appuierait jamais… sur une vision… Mais devant le regard insistant et inquiet du Capitaine, je ne peux que lui avouer la vérité.


“... En touchant la balise, j’ai eu une vision…” Je murmure, la voix tremblante en me rappelant toute son horreur. “Des images qui me tailladaient la tête… Des images… de mort, de destruction, de guerre… Des… Des machines géantes… qui anéantissaient tout un peuple… Avec des souvenirs d’Akuzé qui s’y mélangeaient…”


Pas étonnant que j’ai failli en devenir folle… Je regarde avec honte le Capitaine, les lèvres pincées en voyant qu’il ne me regarde pas avec reproche… mais avec tristesse… Le même regard qu’il m’avait offert en me sauvant d’Akuzé… Je cache mon visage dans mes mains, sentant mes yeux s’embuer, tandis qu’il me caresse doucement le dos, silencieux.


“Je… Je parlerai au Conseil… M-Même s’ils doutent de moi…” Je balbutie d’une voix brisée. “Je prouverai la culpabilité de… de Saren… Et ensuite…”

“Et ensuite, vous prendrez le repos auquel vous auriez dû aspirer depuis longtemps déjà.” Annonce soudainement le Capitaine.


Je relève soudainement mon visage en larmes, le regardant avec choc. Que voulait-il dire par là…?! Non, il… il ne voulait quand même pas… se débarrasser de moi…?! Non, non non non, je devais continuer, il le fallait, il le fallait !!


“Capitaine, j-je ne peux pas me retirer, je ne peux pas abandonner mon poste !” Je tente de me justifier, tremblant d’angoisse. “J-Je sais bien que je ne vaux rien dans l’état actuel des choses, m-mais par pitié, n-ne m’empêchez pas d’accomplir ma mission ! Je peux encore servir, je-”


Le Capitaine Anderson stoppe net mon discours, attrapant ma main et la serrant fort pour me calmer. Je le scrute avec des yeux écarquillés, secouant la tête d’incompréhension.


“Vous n’êtes pas moins que rien, Alison.” Commence-t-il doucement. “Mais vous restez humaine. Une humaine à qui un poids trop lourd pesait sur ses épaules. Notamment en mémoire de votre père…”

“... Capitaine, pitié…” J’essaye de le convaincre, la voix brisée.

“Vous vous êtes forcée à poursuivre votre devoir, alors que votre corps et votre esprit étaient meurtris.” Continue-t-il. “Vous avez déjà beaucoup accompli, et vous auriez mérité depuis longtemps d’aspirer à une vie paisible. Ayant connu l’Amiral Shepard, je me souviens à quel point il exigeait la perfection et la droiture, au détriment de tout sentiment. C’était un grand officier, et l’Humanité lui doit beaucoup… mais malgré le respect que je lui voue toujours, il a omis son rôle le plus important : celui de père.”

“... Il… Il……… Il voulait le meilleur pour moi…” Je gémis, le regard baissé. “I-Il m’a inculqué la détermination, l-le sens du devoir, l-l’honneur-”

“Des valeurs admirables… mais pas si elles mettent en danger l’intégrité.” Me coupe-t-il, soupirant. “Même le meilleur officier doit savoir reconnaître lorsqu’il est temps pour lui de se retirer, pour son propre bien. Après Akuzé, personne ne vous en aurait voulu de prendre du recul, afin de vous soigner comme il se doit. Je regrette… qu’un tel héritage ne vous ait poussé à aller au-delà de vos limites…”


… Je savais à quel point il avait raison… Que j’avais été jusqu’à mes derniers retranchements… et que j’allais bientôt en payer le prix fort… J’aurais dû, dès Akuzé, renoncer à tout cela, enfin embrasser la vie normale que j’avais longtemps souhaité… Mais le fantôme de mon père continuait de me hanter, me rappelant constamment ce pour quoi j’avais été éduquée et entraînée. Il aurait eu si honte si j’avais renoncé… Quel choix avais-je donc, hormis honorer sa mémoire…?


“Votre père n’est plus, Alison.” Finit-il sombrement, sans arrière pensée malsaine derrière ces mots. “Vous ne devez plus rien à personne. Il est temps pour vous de trouver votre propre voie, de vous remettre enfin après toutes ces tragédies, de prendre le temps de vous soigner dans de meilleures conditions. Je vous y aiderais, j’appuierais cette décision auprès de l’Alliance, mais je vous en prie, réfléchissez à mes paroles.”


Une telle sollicitude me touche, et je ne peux que me recroqueviller sur moi, retenant au mieux mes gémissements plaintifs tandis que je déverse mes larmes. Était-ce réellement possible…? Pouvais-je vraiment espérer… retourner à une vie normale…? Pourrais-je enfin… essayer de retrouver la paix…? Mon mal ne disparaîtrait jamais, je le savais pertinemment… mais vivre ainsi la rendrait au moins plus soutenable… Pouvais-je me permettre d’y croire…?


Je reste ainsi pendant de longues minutes, la main toujours dans celle du Capitaine… Depuis le moment où il m’avait sauvé d’Akuzé…


—--


Au milieu des carcasses… des trois Dévoreurs, je… je suis… inerte… Recouverte de sang et… de boyaux… Une vision de cauchemar… Yeux vides… Sans âme…… Morte… Morte… Comme… Comme tous les autres…


… Un vaisseau… J’entends…… un vaisseau…… Non… Dans ma tête… Vais mourir ici… Personne n'est venu… Personne ne viendra… Sol tremble… Je pleure… Non, ils… ils reviennent, il… il y en a d’autres… Vais mourir… Vais…


“Il y a un survivant !”


… J’entends… les fantômes des morts… Je deviens… dingue… Sourire de folle… Je ricane… Je pleure encore plus… Tout est fini, je… je vais mourir ici…


… Un homme… En beau… costume… La peau sombre… Pas de mon commando, pas… pas un civil… Qui… Je le contemple… sans vraiment le regarder… J’ai… J’ai plus conscience… de rien…


“Alison !? Mon Dieu, vous êtes vivante…!”


… Non, pas vivante… Morte… Morte… MORTE !!!! Je lève les yeux… vers le ciel sombre… Je crie… Je crie… Pourquoi… POURQUOI !!!??? L’homme… Sans se soucier du sang sur moi, il… il me prend dans ses bras, me… me serrant fort…


“Ça va aller, ça va aller… C’est fini…”


Je pleure encore plus, m’effondrant dans ses bras en gémissant… Oui, tout était fini… Tout était… fini…


—--


… Il avait toujours été là pour veiller sur moi… Me faisant prendre conscience au fil des années… que j’aurais voulu que mon père soit plus comme lui… S’il n’avait pas fait partie de la mission de sauvetage… S’il n’avait pas été là pendant ces six dernières années… Je n’aurais pas donné chère de ma peau… Peut-être devrais-je effectivement n’écouter… que les personnes qui se soucient véritablement de moi…?


Me sentant d’un coup très las, je m’essuie les yeux, avant de le scruter avec beaucoup de fatigue… et de reconnaissance.


“Je… Je vous promets que… que je… je vais… sérieusement y songer…… Merci…… Merci Capitaine… Pour tout…” Je murmure faiblement, serrant gentiment sa main dans la mienne.

“C’est bien.” Répond-t-il, visiblement soulagé. “Un dernier petit effort, et je vous promets que ce sera bientôt fini. Ensuite, vous prendrez une retraite bien méritée.”

“... C’est sûr que… que vu le rapport… personne ne va me retenir…” Je ricane tristement, me redressant un peu.


… Tant pis… Ils trouveraient un autre Spectre humain… Qu’ils se débrouillent sans moi… J’avais assez donné. Je… Je devais me faire à cette idée… Pour mon bien…


“Capitaine, en approche de la Citadelle.” Annonce par intercom la voix de Joker. “Arrivée prévue dans trente minutes.”

“Bon, c’est là que tout va se jouer.” Soupire le Capitaine Anderson. “Vous sentez-vous d’attaque, Commandant ? J’aurais voulu vous accorder plus de repos, mais…”

“Je pense avoir assez dormi comme ça.” Je rétorque doucement. “Je vous promets que ça ira. Allons voir ces bornés du Conseil.”


Souriant à ma remarque, il me tapote gentiment l’épaule, visiblement rassuré de me voir mieux… et de nouveau souriant. Avec l’espoir d’un avenir meilleur à portée… je ne pouvais renoncer. J’en finirai avec cette ultime mission, et ensuite…… Il était plus difficile que je ne le pensais de me projeter, mais peut-être était-ce cela l’intérêt ?


Le Capitaine sort le premier de l’infirmerie, tandis que j’enfile mon armure N7, que le Docteur Chakwas avait précautionneusement rangé. La Citadelle avait beau être considérée comme un paradis dans la galaxie, avec les récents événements, je me méfiais de ces illusions de sécurité et de paix. De nouveau parée, je sors quelques minutes après, arrivant directement au réfectoire. Assis à la plus grande table, je remarque Kaidan et Ashley, qui semblent en pleine discussion, une expression soucieuse au visage. Qui passe à la surprise et au soulagement lorsqu’ils me voient sortir.


“Shepard !” S’exclame le Lieutenant en oubliant toute hiérarchie. “Vous allez bien ?! Votre tête, ça va !? Bon sang, le Capitaine vous a probablement dit ce que j’ai dû faire, je vous jure que si j’avais trouvé une autre solution, je-”

“Kaidan, Kaidan, du calme.” Je le rassure, tenant son bras en le regardant avec un gentil sourire. “Vous n’avez à vous excuser de rien. C’est plutôt à moi de m’excuser de vous avoir mis dans un tel pétrin…”

“Aucun de nous n’aurait pu prévoir ce que cette foutue balise était capable de faire.” Grogne le maître-artilleur, le poing serré. “Tous ces morts, toute cette merde, juste pour ça…”

“Nous veillerons à ce que tout ça ne soit pas arrivé en vain.” J’annonce fermement. “Saren et les Geth seuls sont responsables de cette situation, et nous allons bien le faire comprendre au Conseil. La tâche sera ardue, le Capitaine vient de m’apprendre que Saren était un des Spectres les plus respectés…”

“Raison de plus pour tout leur balancer, même si cela ne doit pas leur plaire.” Continue Kaidan, le regard franc. “On vous appuiera Commandant, ne lâchons surtout pas l’affaire.”

“Saren va comprendre sa douleur.” Ashley finit, faisant craquer ses poings avec un mauvais sourire.

“Eh. Avec vous, je sais que nous aurons toujours une chance.” Je ris doucement. “Merci à vous deux. Pour tout. Je… Je vous dois la vie, et même la raison, et ça, je ne l’oublierai pas.”


Souriant gentiment, Kaidan secoue la main de gauche à droite, comme pour insinuer que ce n’était rien. Il avait toujours été gentil, poli et agréable avec moi, et aujourd’hui… il avait montré bien plus que ses capacités et son honneur. Il avait montré… que je pouvais lui confier ma vie sans hésiter. Lorsque tout ceci sera enfin terminé, je veillerai à le remercier comme il se doit… peut-être, enfin, en m’autorisant à devenir amie avec lui…?


Je remarque cependant le regard soudain bas d’Ashley. Comme si… elle évitait subitement mon regard… Levant un sourcil, je pose une main sur son épaule.


“Quelque chose ne va pas, Ashley…?” Je lui demande avec une sincère inquiétude.

“... Je… Je tenais à m’excuser de mon attitude, chef..” Elle admet gravement, me scrutant avec honte. “Je n’aurais pas dû douter de vous, ni vous parler comme je l’ai fait. J’aurais dû… J’aurais dû voir la femme forte et courageuse que vous êtes dès le départ…”

“... Bah, pas vraiment, vos mots visaient juste…” Je ricane tristement, haussant les épaules. “Vous n’avez pas à vous-”

“Si, justement ! Je… Je sais ce que c’est que d’être dans l’ombre d’un parent, pour le meilleur, comme pour le pire…” Me coupe-t-elle, lèvres pincées. “Je… Je sais que ça n'a pas été facile pour vous, que vous avez vécu l’enfer… et beaucoup perdu…”


… Était-elle au courant… de la tragédie personnelle qui m’avait touchée…? Non, c’était impossible, je… je savais que la vérité avait été dissimulée, qu’une explication tronquée avait été publiquement communiquée… Ashley ne pouvait être au courant de ce qui s’était réellement passé… à moins d’avoir des relations hauts placées… Que sous-entendait-elle par ‘être dans l’ombre d’un parent’...? Mais en voyant son expression honteuse, je préfère laisser cette pensée de côté pour l’instant.


“Ashley…” Je murmure, attristée de la voir dans un tel état.

“Je regrette. Vraiment. Je n’aurais pas dû vous juger ainsi, j’aurais dû… comprendre plus tôt…” Continue-t-elle, baissant les yeux. “... Pardon Commandant…”


Venant de cette femme forte et fière, de telles excuses sortaient vraiment de l’ordinaire. Je lance un discret regard à Kaidan, qui se contente juste de hocher la tête en souriant. Il avait dû avoir une petite conversation avec elle, lui permettant de ne pas mettre en doute ses mots. Mais même sans lui, au vu de son attitude, je n’en aurais pas douté non plus.


Souriant gentiment, je lui prends les mains, les serrant tandis qu’elle me contemple avec surprise.


“Vos excuses me touchent, je vous remercie pour vos mots.” Je lui dis sincèrement. “Il n’y a rien à pardonner, soyez-en assurée. Je sais à quel point je n’ai pas donné une bonne première impression, et je le regrette.”

“... Tout ce que vous avez vécu vous a rendu différent, mais j’aurais dû accepter que ce n’était pas un mal.” Conçoit-elle, serrant en retour mes mains. “Permettez-moi donc de rester à vos côtés le temps d’achever cette mission, pour prouver ma loyauté.”

“Autorisation bien sûr accordée.” J’accepte avec un grand sourire. “À condition que vous me laissiez vous payer un coup à tous les deux une fois tout ceci fini !”


Ils semblent surpris par ma proposition, mais hochent tous deux vivement la tête, visiblement enchantés par cette proposition. Leur offrant un dernier sourire, je me dirige vers la passerelle… une expression bien plus sereine au visage.


Malgré le futur qui restait incertain, je… je me sentais bien plus apaisée… Peut-être les choses finiraient-elles par s’arranger, en fin de compte ? Un dernier petit effort, et ensuite… Ensuite, je pourrai enfin aspirer à la paix. Un dernier passage à la Citadelle, et je trouverai un endroit où vivre paisiblement… loin de cette vie forcée…


… Pardonnez-moi Père… Mais je deviendrai la première Shepard à vivre en dehors de l’Armée…… Et si vous aviez un tant soit peu d'affection pour ma personne, vous bénirez cette décision de là où vous êtes…… Pour mon bien…

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