Mass Effect - Chemin de loyauté

Chapitre 1 : Eden Prime (Partie 2)

5982 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 06/09/2023 21:07

MASS EFFECT - CHEMIN DE LOYAUTÉ

CHAPITRE 1 - EDEN PRIME (Partie 2)



Shepard

Laissant ce spectacle de désolation derrière nous, nous progressons à travers le campement de base, la nature laissant de plus en plus la place à des constructions humaines. Et plus nous avançons, plus nous constatons la présence de Geth. 


“Le train de marchandises permettant de rejoindre le spatioport se trouve plus loin en contrebas.” Nous explique Ashley, tandis que nous nous dissimulons derrière des caisses. “S’il y a plus de Geth…”

“C’est que la balise a dû y passer.” Finit Kaidan, partageant la même idée. “Elle aurait été déplacée au spatioport ?”

“Il va bien falloir vérifier par nous-même.” Je réponds en hochant la tête, tout en rechargeant mon pistolet. “En espérant qu’elle n’était pas dans le vaisseau-mère… On ouvre un passage et on y va.”


Approuvant, mes compagnons se tiennent prêts. Je respire un grand coup, avant d’ordonner l’assaut. Les Geth sont plus nombreux que nous, mais nous parvenons à nous en sortir sans trop de casse, le technoblindage de nos armures nous protégeant de toute attaque létale pour l’instant. Nous réussissons à les abattre, mais je sais que la suite risque de devenir compliquée, nos munitions descendant à grande vitesse. Si leur nombre devenait trop important, il nous faudrait agir autrement et improviser. Je partage cet avis à mon commando, qui récupère les quelques munitions laissées dans les armes des êtres synthétiques, tandis que je couvre la zone.


Toujours aucune trace de Nihlus. Mais bon sang, qu’avait-il bien pu se passer pour recevoir un tel silence de sa part !? C’était un Spectre, même une situation aussi compliquée ne me semblait pas hors de sa portée…!


“Nihlus, ici Shepard, répondez bon sang !” Je tente une nouvelle fois, grognant à travers mon intercom. “Vous êtes où ?!”


Aucune réponse… mais je fronce les sourcils lorsque j’entends un faible son émis non loin de ma position. Et j’ai l’impression d’entendre un… “Vous êtes où ?!” …?


“Nihlus ?” Je continue, prêtant bien plus attention cette fois.


Et j’entends bien ma voix être répétée, mais faible et grésillante, comme si entendue à travers… un intercom… Craignant le pire, je lève mon pistolet et m’approche prudemment de la plateforme d’entrée de la gare. Et mon corps se glace lorsque je découvre l’horrible vérité au détour d’une caisse…


“Non !” Je crie, les yeux écarquillés sous l’effet du choc.


Face contre terre, baignant dans son sang bleu, avec l’arrière du crâne explosé… était allongé Nihlus… Mort… Sauvagement abattu… Voilà pourquoi il ne répondait plus à nos communications… Merde, c’est pas possible, c’est pas possible, cette mission tournait vraiment au désastre !!!


M’ayant entendu crier, Kaidan et Ashley se ruent à mes côtés, et contemplent avec autant de choc la dépouille du Turien.


“C’est pas vrai…!” S’exclame Kaidan, le poing serré. “Qu’est-ce qui a bien pu se passer !?”

“Vu son état, il a été descendu à bout portant.” Ashley constate, l’air sombre. “Les Geth ne lui ont laissé aucune chance.”


Je serre le poing, tremblant à la vue du corps. Je n’ai pas la même émotion que j’avais eu à la mort de Jenkins, Nihlus n’ayant pas été sous mes ordres ou un proche. Mais je ressens une profonde colère. Nous aurions dû rester ensemble depuis le départ, peut-être que cela ne se serait pas produit ! J’en avais assez de cette mission, combien de morts serait nécessaire pour l’accomplir !? Tout ça pour une balise, tout ça pour l’avancée et la gloire de l’Humanité ! Mais les commanditaires de cette mission n’étaient pas ceux qui risquent leur peau !


“Merde merde merde…!” Je grogne, me faisant mal à force de trop serrer le poing. “Ces saletés vont pay-”

“C-Ce ne sont pas les Geth qui o-ont fait ça…”


Surpris, nous levons tous les trois nos armes, pointant un homme sortant de derrière un grand amas de caisses. Paniquant d’être mis en joue, il lève les mains en signe de paix, tremblant.


“N-Ne tirez pas, j-je suis humain !” Gémit-il, les yeux larmoyants.


Grognant d’agacement, je fais signe à mes deux compagnons de baisser leurs armes, regardant avec méfiance l’individu en face de nous. Ce n’était quand même pas lui qui avait tué Nihlus !?


“Cet homme s’appelle Powell.” Me murmure Ashley après avoir semble-t-il deviné mes pensées, tout en le scrutant avec désapprobation. “Il a une mauvaise réputation dans le coin, ayant été pris plusieurs fois pour acte de contrebande. Mais croyez-moi, il a pas le profil d’un tueur, je doute même qu’il sache tirer.”

“Vous faisiez quoi derrière ces caisses ? Vous nous espionnez ?!” Interroge gravement Kaidan à la suite des mots de la tirailleuse.

“N-Non ! J-J’étais déjà là q-quand le vaisseau-mère est a-arrivé, et que les Geth n-nous ont envahi ! J-J’y suis resté caché pendant l’attaque, i-ils m’ont pas trouvé !” Répond Powell avec peur. “C-C’est pas un crime q-que de faire une petite sieste e-entre deux jobs, si ?”

“... Et en plus, il a survécu par pure fainéantise.” Siffle Ashley, dégoûtée.


Je ne pouvais pas critiquer la réaction d’Ashley. Cet homme n’était définitivement pas un modèle de courage et de sérieux, et ne m’inspirait pas beaucoup de respect. Mais tout le monde n’était pas né soldat, qu’aurait-il pu faire de plus face à ces monstres ? Se laisser envahir par la peur… Je ne connaissais que trop bien…


—--


L’un des Dévoreurs en a fini avec une de ses victimes… Jetant le reste de son diner de sa gueule putride, il se rue sur un soldat cherchant désespérément à s’enfuir. Je regarde avec des yeux vitreux le reste de bras ensanglanté. Un bras gauche. Et… Et à son annulaire…… un anneau que je ne connaissais que trop bien…


… Morte… Morte… Morte…! Morte…!! Morte ! Morte !! MORTE !!! MORTE !!!!!!


“Commandant ! Commandant ! Faut bouger !”


Tandis que le Caporal Thomas me secoue le bras, j’ai l’impression de sortir d’un mauvais rêve, tandis que ma respiration s’accélère et que je peux enfin reprendre le contrôle de mon corps. J’avais… J’avais été… complètement déconnectée… Une proie facile… Victime d’un effroi qui m’avait entièrement glacé… Je n’aurais pas été secouée… je n’aurais probablement même pas vu la mort venir… Gémissant, je me détourne, courant à la suite du Caporal.


… Et essayant par tous les moyens de chasser cette image de ma tête pour me reconcentrer sur le présent… Mais… ce bras…… J’avais échoué…


… Je l’avais abandonné…


—--


Je cligne plusieurs fois fortement des yeux pour m’ôter ce souvenir de la tête. Reprenant ma concentration, je scrute fermement le dénommé Powell.


“Vous dites que ce ne sont pas les Geth qui l’ont tué ? Qui alors ?” J’interroge avec fermeté.

“U-Un autre Turien !” Explique-t-il rapidement, comme si sa vie en dépendait. 

“Un Turien ? C’est impossible, aucune arrivée de Turien n’a été récemment enregistrée sur Eden Prime.” Réfute Ashley avec froideur.

“J-Je vous jure !” Continue Powell d’une voix tremblante. “E-Et votre gars semblait le connaître, i-il l’a appelé Saren !”


Saren ? Ce nom ne me disait rien, et en interrogeant silencieusement mes compagnons du regard, je comprends qu’eux non plus. 


“Q-Quand il l’a reconnu, v-votre Turien a baissé sa garde. Et l’autre e-en a profité p-pour lui tirer dessus par derrière !” Finit Powell d’une voix cassée.

“Nihlus devait faire confiance à ce Saren pour n’avoir rien vu venir, il ne devait pas s’attendre à être ainsi trahi.” Comprend Kaidan avec gravité, regardant le cadavre à nos pieds.


Pire que ça… Non seulement l’allié supposé de Nihlus l’avait lâchement assassiné… mais ce dernier semblait collaborer avec les Geth. Je doutais fort qu’il aurait pu passer sans encombre le nombre de Geth que nous venions d’abattre si mon hypothèse ne se confirmait pas… 


“I-Il a ensuite pris un train de marchandises pour le spatioport, et il était escorté par plusieurs G-Geth !” Finit Powell, confirmant mon horrible suggestion, avant de serrer les dents. “Il avait avec lui cette foutue balise prothéenne ! J-Je sentais depuis le début qu’elle allait nous attirer des ennuis !”

“Il y a longtemps de cela !?” Je demande fortement devant cette information.

“O-Oui, quand même…!”


Merde, la situation devenait critique ! Les questions me taraudent l’esprit, mais nous n’avions pas le temps d’y réfléchir. Si ce Saren avait pris de l’avance avec la balise, il pouvait nous échapper à tout moment !


“Joker, ici Shepard.” J’appelle par mon intercom, réagissant de suite. “La situation est grave, nous venons de retrouver le cadavre de Nihlus, je vous envoie sa position.”

“... Merde, quand je vous disais que je la sentais pas, cette mission…” Rétorque gravement le pilote.

“Vous aurez aussi un autre survivant à récupérer, il faut impérativement qu’il rejoigne la Citadelle.” Je continue, voulant à tout prix ramener ce témoin clé. “Restez calqué sur notre position, récupérer la balise va devenir plus compliqué. Terminé.”


Des Geth, un Turien semblant être à leur tête, un vaisseau-mère d’origine inconnue, une balise prothéenne… Tout cela prenait de trop grandes proportions, que se passait-il à la fin !? Je me tourne vers Powell, lui ordonnant fermement de rester dans le secteur pour être récupéré par le Normandy (ce qu’il n’ose pas refuser devant nos regards insistants), avant de scruter une dernière fois le cadavre de Nihlus.


Qu’importe l’évaluation qu’il devait me faire subir. Tant pis si cela compliquait mes chances de devenir le premier Spectre humain. Aussi Turien ou Spectre qu’il était… il restait un être de valeur et avec de fortes compétences, qui méritait mieux que d’être ainsi abattu… Je ne ressentais que du dégoût pour l’être abject qui lui avait fait subir ça… Ce Saren serait confronté à la justice pour ce meurtre odieux, j’en faisais le serment sur son cadavre.


Je fais signe à mes deux compagnons de se tenir prêts, avant d’avancer vers la gare. Comme je le craignais, les Geth sont encore plus nombreux, nous barrant la route vers le train de marchandises. Il était évident qu’ils protégeaient l’unique moyen d’accéder au spatioport, et donc à la balise. Nous nous dissimulons derrière des caisses pour échafauder un plan.


“Si nous utilisons toutes nos cartouches ici, la situation va être compliquée à gérer une fois au spatioport.” Je m’inquiète, sourcils froncés. “Mais cela ne me plaît pas de laisser des Geth en vie, si l’Alliance souhaite reconstruire Eden Prime en toute sécurité…”

“L’Alliance enverra les ressources nécessaires pour éradiquer les Geth restants.” Rétorque Ashley. “Je suis d’avis que nous passions en économisant un maximum de nos cartouches. Mais comment ?”

“Nous avons toujours nos pouvoirs biotiques.” Suggère Kaidan, me regardant sérieusement. “Vous êtes avec moi, Commandant ?”


Les lèvres pincées, je regarde le quai que nous devions traverser pour rejoindre le train, envahi d’une bonne dizaine de Geth. User de mes pouvoirs biotiques n’était jamais une solution que j’appréciais. Mon implant L3 ayant subi quelques dommages après le traumatisme d’Akuzé, utiliser mes pouvoirs occasionne souvent des maux de têtes, voire de la fatigue. Je ne souhaitais en aucun cas devenir un poids mort pour mes compagnons, mais… nous n’avions pas vraiment le choix…


“On ouvre un passage et on fonce.” J’approuve d’un hochement de tête. “Sprintez jusqu’au train, et que le premier arrivé le fasse démarrer.”


Et j’espérais de tout cœur qu’il n’y aurait pas d’accident en cours de route… Après une dernière grande inspiration, je donne le signal, et nous fonçons tous les trois vers le quai. Les Geth nous repèrent et lèvent leurs armes pour nous tirer dessus, mais Kaidan et moi ne leur laissons pas le temps de réagir. Le haut de nos corps est soudain entouré d’une sombre lumière bleue, comme des vagues dégagées de nos peaux. Nous visons nos adversaires, avant de propulser cette énergie hors de notre corps, la leur jetant comme des ondes bleutées et parvenant à les faire tomber, à les éjecter, voire à leur faire perdre quelques membres. Seule une petite poignée reste encore debout, mais Ashley nous couvre avec son pistolet, tandis que nous piquons un sprint jusqu’au train de marchandises. Mais un à un, les Geth que nous avons touché se relèvent, et nous entendons des tirs dans notre dos.


“PLUS VITE !!!” Je hurle malgré mes poumons brûlants.


Ashley est la première à se ruer à l’intérieur du train, l’activant. Kaidan suit de près, me couvrant de quelques tirs bien placés et me permettant de me jeter à l’intérieur du train avant que la porte ne se referme sur moi. Les Geth plombent le train de marchandises, détruisant plusieurs vitres, mais il parvient tout de même à s’éloigner rapidement sans subir de dégâts importants. Nous étions à l’abri, pour l’instant.


Allongée sur le sol, je reprends mon souffle, le cœur battant, avant de lever mon pouce avec un petit sourire.


“Bien joué.” Je les félicite.

“Rien de tel qu’un petit sprint pour bien se réveiller, hein Commandant ?” Ricane Kaidan, tandis qu’il me tend la main pour m’aider à me relever.

“Je m’en serais bien passée, croyez-moi, mais-”


Je suis soudainement interrompue par un mal de tête fulgurant. Dents serrés et gémissant, je me rétracte sur moi-même, tenant ma tête d’une main tremblante. Merde… Merde, c’était pas le moment…


“Commandant !” S’exclame Kaidan d’une voix inquiète, alors qu’il me fait m’asseoir. “Reposez-vous quelques minutes…”

“F… Faites de même…” Je gémis, me tenant toujours le crâne avec douleur. “Je… Je vais bien, ça… ça ira…”


Mais il reste cependant à mes côtés, visiblement soucieux de mon état. Doté d’un des implants L2 salement réputés, il ne pouvait que comprendre ce que je ressentais, lui-même subissant des migraines à intervalle trop régulier. Mais il semblait parvenir à dominer sa souffrance, ce que j’admirais chez lui. J’aimerais pouvoir avoir la même force…


Mais malgré la douleur, je constate le regard lourd de sens d’Ashley. Elle paraissait sincèrement inquiète, mais en même temps… dubitative… Je n’avais pas besoin de beaucoup réfléchir pour deviner ce qu’elle pensait…


“Permission accordée pour exprimer vos pensées, artilleur...” Je dis calmement, essayant de me relever un peu.

“... Je me demande juste si vous arriverez à achever cette mission, Commandant…” Dit-elle très honnêtement, sans détourner les yeux. “Utiliser vos pouvoirs biotiques semble vous faire souffrir, et… Eh bien, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer vos… réactions devant certaines situations. Je veux juste être certaine que nous pouvons compter sur vous pour nous en sortir.”

“Williams, vous dépassez les bornes.” Menace Kaidan en la regardant fixement. “Vous n’avez pas à juger ainsi le Comman-”

“Laissez Kaidan, ce n’est rien.” Je soupire, massant mes yeux.


N’importe quel officier l’aurait accusé d’insubordination, et lui aurait fait chèrement payer une telle conduite. Mais… quel intérêt lorsque la vérité est dite ? Et il était évident qu’elle ne disait pas cela avec un ton de reproche, mais plutôt de constatation… et d’inquiétude. Je n’avais malheureusement pas montré la meilleure image de moi-même, encore moins en étant à la tête d’une telle mission. Je… savais pertinemment que je n’avais pas les épaules pour toutes les responsabilités que l’on souhaitait me confier… Mais il m’était encore plus difficile de voir l’incertitude dans le regard de mes hommes. Il était de mon devoir de montrer que je ne les décevrai pas… malgré tout…


Je tapote la place à côté de moi, faisant signe à Ashley de s’approcher. Elle vient sans montrer de réelle hésitation, mais je vois dans ses yeux qu’elle semble surprise de ma réaction calme.


“Vous avez peur que je vous conduise à la mort, Ashley ?” Je l’interroge doucement, tandis que j’essaye de calmer ma migraine en massant mes tempes.

“Je n’ai pas peur de mourir, j’ai signé en connaissant les risques.” Répond-t-elle fermement. “Mais… j’ai vu trop de camarades mourir aujourd’hui, parfois à cause de mauvaises décisions de nos supérieurs. Je n’ai pas envie de revivre ça. Veuillez pardonner mon manque de respect, mais…”

“C’est vrai que vous êtes du genre franche, et je ne peux que vous conseiller de faire attention à qui vous parlez ainsi.” Je ricane faiblement, avant de la regarder plus sérieusement. “Mais c’est important pour moi d’écouter mes hommes, même si cela ne doit pas me plaire.


Ashley ouvre grand les yeux, visiblement déconcertée par mes paroles. Elle n’avait probablement connu que des relations strictes et uniquement basées sur la hiérarchie avec ses supérieurs. Mais lorsque nos vies dépendaient des autres, j’estimais qu’une relation de confiance et de respect était davantage à privilégier qu’un lien purement autoritaire.


“Je regrette de vous avoir fait douter de moi, artilleur.” Je continue posément. “Il est… des choses qui reviennent me hanter, parfois au pire moment…”


Je soupire, détournant les yeux et regardant le paysage défiler dehors. Je vois bien du coin de l'œil qu’elle hésite à m’en demander plus, mais je suis reconnaissant à Kaidan de la couper dans son élan. Pas maintenant…


“Moi aussi, j’ai vu trop de personnes mourir aujourd’hui. Mais même si je dois souffrir le martyr, je ne m’arrêterai pas avant d’avoir accompli ma mission, et de vous avoir conduit en sécurité.” J’annonce gravement. “Doutez de moi, je ne vous en voudrais pas. Cela ne changera pas le fait que je ferai tout pour ne pas perdre à nouveau quelqu’un.”


Jenkins… Nihlus… Tous ces colons… J’avais déjà trop échoué, je… je refusais de poursuivre sur ce chemin… La mission serait accomplie, et j’aurai encore mes deux compagnons à mes côtés à la fin. Même si je devais en baver, même si… je devais y passer…


“Un officier digne de ce nom fera toujours passer ses hommes avant sa propre vie.

Le sacrifice fait partie de notre devoir. C’est un privilège de mourir pour les autres.”


… Peut-être une des seules phrases justes qu’il m’ait jamais prononcées…


Apparemment davantage convaincue, Ashley me contemple avec plus de détermination, levant son pistolet.


“Alors comptez sur moi jusqu’à la fin, Commandant. Et… merci d’avoir été franche.” Ajoute-t-elle avec un léger sourire. “Un officier admettant ses erreurs… Ce n’est pas commun.”


Je ris doucement à ses mots, me contentant de tapoter son épaule. Elle avait eu raison d’être honnête avec moi, autant percer l’abcès de suite. Elle était une femme de valeur, il était de mon devoir d’obtenir sa confiance pour pouvoir complètement compter sur elle. Car c’est ainsi que je concevais l’armée. Je jette un coup d'œil à Kaidan, souriant doucement en le voyant approuver d’un hochement de tête, le regard admiratif.


… J’avais presque l’impression d’être en compagnie d’amis… C’était agréable… et presque douloureux de devoir à tout prix conserver une certaine distance entre nous. Admettre certaines de mes lacunes était une chose… Avouer ouvertement mes traumatismes en était une autre…


Quelques minutes passent avant que nous atteignons l’entrée du spatioport, nous permettant de souffler un peu et de nous préparer. Ma migraine est moindre, ne m’handicapant plus autant. Même si, comme je le redoutais, les choses se compliquent. A peine le train stationne-t-il que nous sommes attaqués de tout bord par des Geth en embuscade. Nous nous réfugions derrière les sièges, attendant la bonne opportunité pour contre-attaquer. 


“Une vraie partie de plaisir !” Grogne Ashley, avant de tirer dans la tête d’un Geth à travers une vitre brisée.

“... Merde !” Dit soudainement Kaidan, sourcils froncés. “Commandant, à 10 heures.”


Je me tourne vers la position qu’il indique, et écarquille les yeux devant ce qu’il avait vu, à une trentaine de mètres de notre position : un détonateur, suffisamment grand pour faire exploser une bonne partie du spatioport !


“Les Geth nous ont laissé un cadeau de bienvenue.” Dit le Lieutenant.

“Et un bon moyen de faire disparaître toute preuve de leur venue.” Je rajoute, sifflant entre mes dents. “Et quelque chose me dit qu’ils n’en ont pas laissé qu’un seul…!”

“Je sais comment désamorcer ce genre de détonateur.” Informe Ashley, me soulageant d’un poids. “Mais vu leur nombre, je vais avoir besoin d’être couverte, le temps de m’en occuper.”

“Kaidan, je compte sur vous pour ça.” Je lui demande, tenant fermement son bras. “Protégez Ashley, pendant que j’essaye de trouver la balise.”

“A vos ordres Commandant… mais soyez prudente…” Confirme-t-il, non sans inquiétude.


Je lui lance un petit clin d'œil, essayant de le rassurer. Je devrais pouvoir me débrouiller, et je serais davantage sereine en sachant qu’ils se protègent mutuellement. En espérant que la balise était toujours dans le coin…


Une ouverture nous étant finalement offerte, nous sortons du train de marchandises, le duo prenant prestement la direction du détonateur, tandis que je progresse aussi vite que possible à travers le spatioport. Parfois usant de mon pistolet, parfois de mes pouvoirs biotiques (malgré les effets secondaires), je parviens à avancer et à supprimer les Geth sur ma route. Comme je l’avais craint, je croise deux autres détonateurs sur le chemin, priant pour que mes deux compagnons arrivent à les désamorcer à temps… La progression est longue et difficile, devant plusieurs fois me dissimuler pour laisser mon technoblindage se réactiver, mais je finis par atteindre l’une des plateformes principales du spatioport.


Et je la trouve enfin. La balise prothéenne. Une barre verticale d’un métal inconnu d’environ trois-quatre mètres de hauteur… Tout ça pour ça ?! J’espérais vivement qu’elle en valait le coup ! Je détruis les Geth surveillant cet objet ancien, sécurisant enfin le périmètre. Je n’entends plus de tirs derrière moi, je suppose donc avec soulagement que Kaidan a exterminé tous les ennemis restants. Et pas d’explosion non plus, Ashley devait être sur la bonne voie. 


Rangeant mon pistolet à mon ceinturon, je m’approche un peu de la balise, la scrutant curieusement. Elle était peut-être d’apparence très simple, mais elle restait quand même un des derniers vestiges des Prothéens. Par contre… était-ce mon imagination, ou bien semblait-elle… scintiller…? Fronçant les sourcils, je fais un pas de plus dans sa direction, voyant effectivement une maigre lumière verte qui l’entourait. Était-ce normal ? Je n’ai malheureusement pas le temps d’y réfléchir… la lumière verte s’intensifiant d’un coup… avant qu’une attraction phénoménale ne m’attire jusqu’à la balise !


“MERDE !!!” Je grogne, essayant de me dégager.


Mais rien n’y fait, je suis de plus en plus attirée par la balise, sans aucune possibilité de m’en extraire. Merde merde MERDE, MAIS QUELLE CONNE !!!


“KAIDAN !!! ASHLEY !!!” Je hurle de toutes mes forces en dernier recours.


Mais je ne suis plus qu’à quelques centimètres de la balise, ils n’arriveront pas à temps ! Non non non !!! Il se passait quoi PUTAIN !!!??? NON, je devais résister, je devais résister !!!! Non !!!!


“A L’AAAAAIDE !!!!” Je crie une dernière fois, avant que mes mains ne touchent la ba-


MORT GUERRE CHAIR CHAIR A L’AIDE MONSTRES SANG SANG DÉVOREURS MORT MORT MORT DESTRUCTION MACHINES MORT DESTRUCTION DESTRUCTION DESTRUCTION FIN FIN FIN A L’AIDE AKUZE MONSTRES SANG SANG MORT MORT VAISSEAU MORT MORT MORT MORT MORT MORT MORT MORT


“AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!”


—--


Ashley

Je pousse un soupir de soulagement lorsque je désactive le dernier détonateur, le minuteur étant proche du zéro. Cela avait été intense, mais la zone était désormais sécurisée. Je me permets de retirer mon casque, essuyant mon front suintant, avant de sourire fièrement au Lieutenant.


“C’est fait, il n’y a plus rien à craindre.” J’annonce, reprenant mon souffle.

“Bien joué Williams.” Me complimente-t-il en souriant. “Nous n’aurions pas réussi sans vous.”

“... Bah !” Je ricane en gesticulant la main, détournant les yeux.


Enfin… ce compliment n’était pas désagréable à entendre. Même si tout pouvait être toujours pire, ma situation sur Eden Prime n’avait jamais été une partie de plaisir. La colonie n’avait rien d’extraordinaire à offrir, hormis son côté symbolique, mais les officiers et dirigeants en charge d’elle ne pouvaient s’empêcher de péter plus haut que leur cul. Et… de bien me rappeler ma situation familiale et personnelle… Des sales cons, tout juste bons à recevoir les médailles et à rabaisser les subordonnés. Au moins… avec ce commando, j’avais eu l’impression d’être réellement utile, et de pouvoir m’exprimer librement. Cela me changeait, je ne m’en plaignais p-


“AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!!!!”

“Qu’est-ce que-” Je m’exclame, regardant vivement autour de moi.

“... Le Commandant !!” Le Lieutenant reconnaît la voix avec horreur.


Imaginant le pire, nous fonçons en direction de la source de la voix… et ce que nous y découvrons nous glace le sang. Auréolée d’une lumière verte reliée à la balise, le Commandant Shepard… flottait à deux mètres dans les airs, hurlant d’une douleur sans nom, les yeux écarquillés tournés vers le ciel. Mais merde, il s’était passé quoi !?


“La balise était pas comme ça la dernière fois que je l’ai vu !” Je constate avec choc, comprenant qu’elle s’était activée d’une manière ou d’une autre. 

“Il faut faire quelque chose !” Le Lieutenant poursuit, regardant son chef avec horreur.


Elle semblait avoir vraiment mal, pour une raison que nous ignorons. Les veines ont explosé dans ses yeux convulsés, elle est prise d’interminables soubresauts… et ses cris et pleurs de douleur étaient très difficiles à entendre, même pour des soldats habitués à des horreurs. J’ignore ce qui était en train de lui arriver, mais si nous ne faisions rien, cette torture lui coûterait la vie ou la raison !


Je me tourne vers la balise prothéenne, comprenant qu’elle était seule responsable de son état. Je connaissais les ordres d’extraction donnés par l’Alliance, mais… une vie humaine valait plus que ce machin, aussi antique soit-il ! Ayant pris ma décision, je lève mon pistolet, prête à faire feu… et remarque avec surprise que le Lieutenant fait de même avec son fusil d’assaut, me scrutant sérieusement.


“On a pas le choix !” Explique-t-il sans hésitation. “J’assumerai les conséquences, mais détruisez cette saleté !”

“... A vos ordres !” J’approuve strictement, poursuivant ma visée.


Tant pis, nous aurions tous les deux de graves problèmes, mais nous aurions au moins la conscience tranquille ! Mais alors que nous sommes prêts à faire feu, la lumière entourant la balise faiblit de plus en plus, avant de complètement disparaître. Le Commandant tombe alors lourdement au sol, libérée de son emprise… mais pas de son mal, hurlant toujours de douleur. Pire, elle semble tellement souffrir… qu’elle commence à éclater son crâne au sol, espérant abréger sa souffrance dans cet instant de folie. Elle parvient même à s’ouvrir le front, qui commence à saigner. MERDE ! Je me rue sur elle, l’attrapant dans mes bras pour l’empêcher de se faire du mal, mais elle continue d’essayer de s’achever.


“Commandant !!! Arrêtez !!!” Je tente de l’interrompre, faisant tout pour qu’elle ne bouge pas. “C’est moi, Ashley, revenez à vous !!”


Mais c’est inutile, Shepard est totalement plongée dans sa souffrance, sa voix déraillant à force de crier. Je ne sais pas quoi faire pour l’aider, elle parait totalement hermétique à-


“Pardon Commandant.” Dit soudainement le Lieutenant en s’approchant.


Sa main est alors entourée d’une aura bleue foncée, qu’il pose sur le front du Commandant… avant de faire exploser son énergie biotique. La tête de Shepard est violemment éjectée en l’arrière, ne restant en place que parce que je la tenais fermement. Ses yeux se révulsent… avant qu’elle ne se fige dans mes bras, le corps encore parcouru de convulsions.


“MERDE, LIEUTENANT !” Je m’exclame, ne m’étant pas attendue à une telle réaction. “Vous lui avez fait quoi ?!”


Essayant de garder son calme malgré son choc apparent, il prend le pouls du Commandant, avant de pousser un soupir de soulagement.


“Elle est encore vivante.” Confirme-t-il d’une voix tremblante. “Je… Je ne voyais que ça pour l’arrêter. Mais son pouls est trop rapide, elle doit être prise en charge en urgence.”


Il se permet de se rapprocher de l’oreille du Commandant, où se trouvait son intercom.


“Joker, ici le Lieutenant Alenko, demande une extraction d’urgence ! Le Commandant est à terre !” Appelle-t-il gravement.


Nous n’entendons qu’une vague réponse, espérant juste que le Normandy arriverait à temps. J’ôte prudemment le casque de Shepard, posant une main sur son front. Elle était bouillante… Je la serre fort contre moi, craignant qu’une autre crise ne la prenne. Merde, qu’est-ce qui avait bien pu se passer pour la mettre dans un tel état !? Comme je l’avais craint… avait-elle finalement craqué…? Avais-je eu raison de douter de sa condition face à une telle mission…? Elle m’avait paru, certes, très humaine et… bien plus ouverte et agréable que la plupart des officiers que j’avais croisé… Mais elle m’avait surtout semblé…… fragile et instable… La balise avait-elle détruit le peu de force qui restait en elle…?


“Qu’est-ce qui a pu se passer, bon sang…?!” Je grogne, la regardant avec désarroi. “La balise lui a fait je sais pas quoi, mais… Elle n'était déjà pas en condition optimale ! Je… Je regrette, mais quelqu’un d’autre aurait dû être choisi pour cette mission ! Elle-”

“Artilleur, vous avez entendu parler du massacre d’Akuzé ?”


Je me stoppe devant la question grave du Lieutenant, tandis qu’il ne cesse de contempler avec crainte le Commandant, veillant sur un quelconque changement de son état. Akuzé, oui, bien sûr que j’en avais entendu parler, n’importe quel humain savait ce qui s’était pa-


…………… Oh merde…… Je n’avais pas fait le rapprochement, car……… Non……… Cette Shepard… Et la Shepard d’Akuzé………


“...... C’est elle…? C’est elle… la seule survivante d’Akuzé…?” Je comprends d’une faible voix, regardant Shepard avec horreur. “Mais… Mais elle…”

“A vu et vécu l’Enfer sur Akuzé.” Finit le Lieutenant, me regardant avec fermeté. “Et personne, pas même le meilleur soldat au monde, ne pourrait en sortir indemne. Même pas un officier. Ne vous permettez pas de la juger quand vous ignorez ce qu’elle a pu traverser. Elle a tout fait pour continuer après cela, mais… Eh bien, je crois que seuls les Geth auraient pu continuer sans craquer un jour.”


Je me pince les lèvres, serrant inconsciemment le Commandant dans mes bras comme pour la protéger, tandis que je regarde son visage meurtri avec honte. Je m’étais trop fiée aux premières apparences… Au point presque d’en perdre mon humanité… Akuzé avait été une tragédie, être la seule survivante d’une telle horreur…… Elle s’était battue jusqu’au bout pour résister à un tel syndrôme post-traumatique… en vain…


Un autre souvenir me revient alors, me serrant le cœur. De part mon… lien familial, j’avais connaissance d’une grande majorité des officiers de l’Alliance. Et il y a six ans… l’horrible coincidence de deux événements proches ne pouvait qu’expliquer la femme meurtrie qui nous avait commandé aujourd’hui…


“... S’est-elle déjà ouverte à vous…?” Je demande.

“... Non, pas sur ce sujet, et je préférais attendre qu’elle fasse le premier pas.” Confie-t-il tristement, le regard bas. “J’aimerais parfois qu’elle s’ouvre à moi, mais… son traumatisme doit être trop grand pour qu’elle veuille le partager…”


Je me demande s’il n’éprouvait pas quelque chose de plus fort pour elle. Mais en le regardant plus fixement, je ne vois pas de signe pouvant prouver qu’il puisse être amoureux. Il devait juste beaucoup la respecter, et partager avec elle assez de points communs pour vouloir être un ami, et non pas qu’un simple soldat à ses yeux… Une relation admirable… et dont aurait peut-être bien besoin le Commandant au vu des horreurs qu’elle a traversé…


Le Normandy est tout proche, ses moteurs vrombissant de plus en plus fort à mesure de son approche. Soupirant, je caresse les longs cheveux bruns de Shepard, essayant par tous les moyens de calmer ses convulsions, tandis que je regarde profondément le Lieutenant.


“Gardez-le pour vous pour l’instant… mais Akuzé n’est pas le seul traumatisme qu’elle a vécu il y a six ans…” Je commence gravement.

“Que voulez-vous dire…?” Le Lieutenant m’interroge, sourcils froncés.

“... Le Commandant Shepard d’Akuzé était connue pour être la fille de l’Amiral Michael Shepard. Il était officier général de l’Alliance, ayant fait ses preuves maintes fois par le passé lors de conflits terriens et stellaires. Et était aussi réputé pour être un homme très dur, n’attendant que le meilleur de ses hommes… et probablement de sa fille…”

“... Était…?” Achève-t-il, semblant comprendre.

“... Lui, sa femme et son fils cadet… sont morts dans un crash de vaisseau… quelques jours après qu’elle ait échappé d’Akuzé…” Je finis, le regard bas.


Le Lieutenant me regarde avec choc, avant d’observer sombrement Shepard… Pas étonnant que l’on puisse finir ainsi brisée… Vivre l’enfer, et perdre sa famille entière en l’espace de quelques jours… Je comprenais maintenant pourquoi elle était dans cet état… Et tandis que le Normandy apparaît enfin à notre vue… nous ne pouvons qu'espérer qu’elle finisse par sortir de ce cauchemar sans fin… Même si ce que nous venions de vivre ne nous rendait pas optimistes…

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