Le début du jeu
Chapitre 2 : Lancer de dés (première partie)
5561 mots, Catégorie: K+
Dernière mise à jour 08/04/2020 13:42
Bonjour, ou bonsoir ! Afin de faciliter la lecture, j’ai découpé le chapitre « Lancer de dé » en deux parties, les prochains seront d’ailleurs plus courts. Ceux qui l’ont déjà lu devront donc se rendre directement au quatrième chapitre, « Battre les cartes ».
Désolée pour le dérangement occasionné par ce changement, et bonne lecture quand même j’espère ! Le chapitre suivant arrive dans les prochains jours, enfin !
Lancer de dé (première partie)
En dépit d’une fin de journée pluvieuse, la luminosité sépulcrale filtrant aux travers des larges baies vitrées se montrait bien plus sombre que ce à quoi il aurait été possible de s’attendre. Alors que la colonnade de fenêtres transparentes aurait dû fournir une clarté suffisante pour consulter paisiblement les piles de rapports encombrant le pourtant imposant bureau en chêne verni (comment, en à peine quelques semaines, Tony se retrouva noyé sous une masse de rapports bien loin des théories quantiques qu’il affectionnait habituellement, il se serait trouvé bien en peine de répondre), les puissants néons cheminant sur tout le contour supérieur de la salle permettant de justesse leur lecture.
Relisant pour la énième fois chaque dossier relatif à l’apparition des Skrulls sur la Terre, à la recherche d’un détail, une précision, lui ayant précédemment échappés, il finit par grogner d’agacement, reposant la lourde liasse de feuilles cartonnées sur le côté – entre la pile « Urgent » et celle « Urgent mais pas important », classification arbitrairement choisie par l’ingénieur. Il devait se rendre à l’évidence ; se concentrer sur la minuscule écriture incroyablement serrée de Hill se révélait au-dessus de ses forces. Il lui restait bien les rapports tapés sur un clavier d’ordinateur, à tout hasard…Pourtant, il n’esquissa pas l’ombre d’un mouvement en direction du contenu remplissant l’épaisse chemise d’un rose flashy. Quand on occupait la position de Directeur du SHIELD, les distractions devenaient vite drastiques, sinon quasiment inexistantes. Voir le visage gêné des bleus venant lui apporter les documents demandés, peinant à croire qu’ils tenaient réellement entre leurs mains une enveloppe jaune canari ou vert rayée d’orange acidulé, valait le détour.
S’accordant une brève pause mentale, il jeta un regard vers la droite. Là où, pour la venue de Steve la veille, le coin de la pièce se trouvait dépourvue d’ameublement, aujourd’hui, pour le divertissement de Tony Stark attendaient soigneusement une table de travail prenant la forme d’une demi-lune. Trop petite pour permettre la création d’inventions révolutionnaires, elle permettait néanmoins le bricolage de quelques bibelots destinés à lui permettre de décompresser, voir de trouver une bonne excuse quand Hill s’attardait dans son bureau pour les recommandations d’usage. Ayant elle-même occupé la fonction de directeur du SHIELD quelques années, son présent bras droit ne se gênait pas pour abreuver le nouveau patron de conseils plus ou moins avisés. Autant comprenait-il l’importance de savoir employer un semblant de diplomatie devant les grands de ce monde – et encore n’avait-il en réalité nullement besoin de se plier à cet exercice, étant lui-même l’un d’entre eux –, par contre, il ne souhaitait pas vraiment savoir pourquoi Hill eut besoin de découvrir comment faire disjoncter les toilettes publiques. Et encore, se doutait-il que Fury n’était pas totalement étranger à cette soudaine et furieuse envie de l’instruire. Enfin, il réglerait cette histoire en temps voulu. Pour le moment, l’ensemble des outils, de toutes tailles et de toutes formes, du simple marteau au fer à souder se déployait tentaculairement dans une invasion en règle de l’alliage de plastique et de métal gris composant l’espace de création (il travaillait au moyen de fabriquer une sorte de faux-mur pour pouvoir stocker des appareils plus perfectionnés sans grignoter l’espace réservé au travail administratif. Pas sûr que Pepper, qui insistait tant pour séparer vie privée et vie professionnelle, se trouve ravie de cette décision). Tous convergeaient vers le présent objet de bricolage de Tony, trois pièces d’armure séparées, une paire de gants avec répulseurs, un plastron et une paire de jambières. Si elles ne se trouvaient pas encore tout à fait opérationnelles, le métal les recouvrant commençait déjà à être stylisé en rouge et or, sauf le plastron, émeraude et noir, un essai expérimental histoire de changer un peu. Un projet auquel il tenait beaucoup, et qu’il jugeait révolutionnaire. Des morceaux d’armures fonctionnant de manière indépendante, mais pas seulement; après quelques ajustements, Tony pourrait permettre à une armure entière de tenir dans ces trois pièces disposées aux endroits stratégiques. Tout cela en les rétractant les unes dans les autres. Une particularité qui l’enthousiasmait au plus haut point. Sans être parvenu à un résultat pleinement satisfaisait, il avait déjà élaboré une dizaine de plans possibles pour réduire au minimum le volume de l’armure nécessaire.
Outre ceci, il intégra au métal un matériau extraterrestre retrouvé en fouillant assidûment dans les dossiers scientifiques de l’ancien SHIELD, à la barbe et au nez d’un Fury devant lequel il niait encore et toujours toute implication. Baptisé Sakor par les ingénieurs et autres physiciens travaillant dans nombre de laboratoires gouvernementaux, ce matériau détenait l’étrange capacité de stocker l’énergie, pour ensuite la redistribuer à son environnement proche. Si sur sa planète d’origine, le Sakor servait exclusivement à l’agriculture, et par moment au retournement des champs, le SHIELD, après l’avoir récupéré suite à une collision entre un vaisseau nomade et un satellite (les conditions de l’accident restant étrangement floues dans le rapport numérique), tenta d’en fabriquer des armes. Hélas pour l’organisation, quand les scientifiques parvenaient à le stabiliser suffisamment pour débuter un essai de tir, une trop grande quantité de Sakor finissait grillé au trente-sixième degré. Perdant ainsi ses propriétés, il en devenait irréversiblement inutilisable, au point de devenir inintéressant et relégué au fin fond d’un placard sordide. Jusqu’à ce que Tony Stark en personne ne revienne l’en déloger, ne le travaille au corps, jusqu’à pouvoir l’intégrer à son prototype d’armure rétractable, pour le coup auto-alimentée en permanence. Plus de risque de s’écraser à cause d’une énergie trop faible pour le maintenir en vol !
Enfin, du moins c’était ce que voulait la théorie. Bien sûr, il allait devoir faire quelques ajustements, afin de trouver l’équilibre parfait entre stockage et distribution d’énergie, sans parler de deux ou trois bricoles qui…
Grognant de frustration, puisque ne pouvant s’atteler à concrétiser ses idées, il déboutonna plus encore sa veste, hésitant franchement à l’envoyer rejoindre sa veste ébène, déjà nonchalamment renvoyée sur l’un des canapés disposés en arc de cercle. Une précaution presque inutile pour tenter de lutter contre l’affreuse chaleur tropicale régnant dans la Tour. L’air se trouvait si sec, qu’il éprouvait l’impression que la sueur coulant le long de ses tempes s’évaporait sitôt émergée. Lui qui ressentait depuis sa plus tendre enfance une forte répulsion à l’égard des footballeurs américains, ou tout autre sportif, ressortant du terrain d’entraînement couronnés de larges auréoles de sueur, il n’osait imaginer l’état de ses propres vêtements ! Raison pour laquelle, avec une concentration bien plus élevée que celle mise pour éplucher nombre de feuilles ennuyantes à son goût, il s’efforçait de ne pas s’avachir contre le dossier de sa chaise, sentant déjà des perles humides couler le long de sa colonne vertébrale. Oh, il avait bien eut envie de laisser au placard son costume bien trop officiel – et beaucoup trop épais par un temps pareil ! –, revêtant uniquement sa combinaison préférée T-shirt-survêtement ; cependant, après une brève réflexion, il conclut que, Steve devant repasser en fin de soirée faire le rapport de ses premières filatures, lui rappeler qu’il était désormais son supérieur, et non uniquement l’ingénieur peu intéressé par les responsabilités autre que celles qu’il généraient, ne pouvait que lui être bénéfique. En bon petit soldat de la propagande, Captain America accordait sans nul doute une grande importance aux ordres des têtes couronnées !
Peut-être, tant que sieur Bucky Barnes n’était pas impliqué, évidemment ! Au nom de l’amitié, la bannière étoilée décida stupidement d’agir de son propre chef, contre le gouvernement, contre les Avengers, contre tout à la vérité. Pourquoi ? Pour un meurtrier incapable de garder sa lucidité ! Autant lui, en dépit de toute sa fierté mondialement connue, avait-il accepté de revoir son jugement, de se rendre en personne dans cette fichue base sibérienne, tout cela sur une simple supposition comme quoi il se serait trompé. Rien ne l’obligeait pourtant, il avait juste choisi de faire confiance à celui qu’il appelait « son ami » quelques jours auparavant. Steve, par contre, refusait de voir le danger que représentait Barnes, avec un entêtement confinant à l’obsession. Ou au ridicule. En prenant énormément de recul, Tony parvint à admettre que cet homme, conditionné inlassablement par Hydra au point de finir le cerveau lavé – un bon petit soldat, tout comme Rodgers, mais dans le camp opposé – ressemblait plus à une victime. Mais au fond, quelle importance ? Avant tout, il se trouvait coupable. Coupable de milliers de meurtres commis de sang-froid. Coupable de briser un nombre incalculable de famille. Coupable de créer des orphelins, des enfants traumatisés, des adolescents perdus et des adultes brisés de chagrin. Car Tony, contrairement au Captain, il s’en trouvait persuadé, ne se voilait pas la face. Les cibles d’Hydra avaient fort peu de chances d’être des terroristes en puissance, ou autre marginal de la société. Des innocents, bien évidemment. Tout autant victimes que le Soldat de l’Hiver.
Coupable d’avoir tué sa mère, Maria Stark…
Désormais certain de son incapacité à se concentrer correctement, Tony repoussa les feuilles volantes s’éparpillant autour de ses mains, telles une nuée de mouches bleues attirées par la sueur rendant sa peau moite. Bon sang, la climatisation venait-elle de tomber en panne ou quoi ?
– JARVIS, ne t’avais-je pas demandé de maintenir la température intérieure à vingt degrés ? Il doit bien en faire cinquante dans cette fournaise !
Comme à son habitude, l’IA ne mit que quelques secondes pour prendre à son tour la parole. Un décalage bien minime, quand l’homme comparait ses performances à celles des trois années écoulées. D’accord, Vision restait une création incroyablement avancée, autant en terme de technologie, qu’au niveau magique. Cependant, il n’avait rien à voir avec JARVIS, le véritable bébé de Tony, il l’avouait sans honte ; un simple système vocal à la base, transformé année après année en meilleur système d’Intelligence Artificielle connue du monde entier. Oui, Tony se sentait on ne peut plus fier de sa création, et FRIDAY, qu’il crut pouvoir charger des fonctions de son prédécesseur, se révéla bien fade à ses yeux. Pourtant, cette dernière détenait des capacités analogues à celles de JARVIS, pourtant, il lui manquait quelque chose d’essentiel, sans qu’il ne puisse déterminer quoi. Aussi, ayant pris la précaution de sauvegarder une copie des codes de programmation de l’IA, avait-il travaillé d’arrache-pied pour lui redonner la vie, devant parfois chercher durant de longues heures, dans les gigantesques greniers de la Tour, ses toutes premières notes la concernant. Enfin, à sa grande fierté, réussit-il à créer une ébauche de JARVIS, sans cesse peaufinée, jusqu’à le recréer de toutes pièces. L’ingénieur accéléra le processus dès qu’il réalisa devoir endosser le rôle de Directeur du SHIELD, aussi restait-il quelques lacunes, par exemple le temps de réponse non-immédiat de l’IA. Mais dans l’ensemble, le résultat final était presque identique, comme si sa destruction fut seulement un mauvais rêve issu de la psyché de son inventeur. Dès qu’il aurait un peu plus de temps, une fois cette histoire de Skrulls réglée sans doute, Tony effectuerait les derniers réglages, et ce ne serait effectivement plus qu’un vague souvenir.
– La climatisation tourne à plein régime, comme vous l’avez demandé, monsieur. Cependant, la température refuse de descendre en dessous des trente-neuf degrés, malgré mes efforts.
La voix robotique paraissait presque…vexée de son impuissance. Une autre nouveauté ça, depuis quelques temps, l’IA semblait adopter certains comportements plus humains, incompatibles avec sa nature robotique. Pourtant, Tony ne s’en inquiétait pas. N’était-il pas réputé pour réussir l’impossible ? La seule chose qui l’intéresserait, serait d’étudier de manière plus approfondie ses calculs, afin de découvrir comment une telle chose se trouvait possible. Quitte à réitérer si le besoin – ou l’envie – s’en faisait sentir.
– Voyons, ne sous-estime pas tes capacités mon grand ! A moins que tu n’aies décidé de me faire cuire comme un œuf ? Dans ce cas, je tiens à préciser que je ne suis absolument pas comestible.
– Très drôle, monsieur.
– Bien, cherche une défaillance dans le système de refroidissement.
– Il n’y en a aucune, monsieur.
Tony laissa un petit sourire fleurir sur ses lèvres. Alors comme ça, JARVIS en venait à prendre des initiatives ? Une formule qui ferait à coup sûr fureur dans le monde de l’industrie, se vendant à des prix faramineux. Enfin, si jamais l’ingénieur n’en avait ne serait-ce que l’idée. Ce qui n’était pas le cas.
– Dans ce cas, toute la ville est-elle en train de fondre sur place ? plaisanta-t-il, étirant copieusement ses muscles endoloris par une longue station assise.
De nouveau, quelques secondes s’écoulèrent, durant lesquelles Tony envisagea sérieusement, soit de retirer sa chemise (après tout, il s’agissait de son chez-lui), soit de s’arrêter là pour aujourd’hui et d’aller se dégourdir les jambes à l’extérieur. Si encore, l’air ne ressemblait pas à une cocotte-minute géante à ciel ouvert. Afin de tromper son impatience, il saisit un stylo décapuchonné depuis belle lurette (de toute façon, chercher son bouchon revenait à trouver un clou dans un magasin d’outillage), battant régulièrement contre le plan de travail en bois massif. Un bruit jugé au minimum agaçant par tout être normalement constitué, amorti par le set en plastique à demi recouvert de papier. Représentant, sur un mètre par deux, l’ensemble des armures portées à un moment ou un autre Iron Man, Tony conçut de ses mains le motif, un équilibre d’agencement et de disposition afin de tout placer sans que l’ensemble ne fasse cafouillis. Enfin, sur ce dernier point, il n’était pas certain de réussir totalement, mais peu importait, sa création lui plaisait. Encore évitait-il prudemment de rajouter les modèles encore inconnus du grand public.
Un bon moyen de se rappeler, même s’il n’en voyait que l’arrière-plan rouge et or, qu’avant d’être le Directeur du SHIELD, aussi prenant soit ce travail, il restait Iron Man. Un Avengers, l’Homme de Métal, sauvant le monde à plusieurs reprises de la catastrophe grâce à son armure ultra-perfectionnée. Un jour, Rhodes lui fit remarquer que cette formule devenait on-ne-peut-plus ringarde ; considération entièrement ignorée par son ami, pas du tout de cet avis.
Tiens, il devait passer en fin de journée voir le militaire, une fois la désagréable (aucun doute à ce sujet) entrevue avec Captain America passée. Depuis la chute du premier, durant la Civil War, l’ayant privée de l’usage de ses jambes, Tony passait des jours entiers à acheter, réviser et améliorer de coûteux équipements, exosquelettes, armures de son invention, afin de lui permettre de marcher comme avant. Et, sans se vanter, il s’en sortait plutôt bien. Ne sachant pas dévoiler ses sentiments envers les autres, l’ingénieur prenait l’habitude de témoigner son affection par le biais de son argent, que ce soit en offrant des costumes hors de prix à un adolescent sous son aile, ou un colonel Rhodes nécessitant son concours pour pouvoir continuer à exercer le métier qui le passionnait tant, aussi difficile soit-il. Bah, il en parlerait au psy qu’il n’avait pas.
La voix de JARVIS manqua le faire sursauter. Signe qu’il laissait bien trop dériver ses pensées en vérité ; décidément, une promenade dans un parc quelconque lui ferait le plus grand bien…
– La température extérieure avoisine les dix-huit degrés, monsieur.
Tony écarquilla les yeux, incertain de bien entendre. La chaleur venait-elle de court-circuiter son IA ? Aussitôt, il repoussa cette idée, agacé même de l’avoir eue. Absolument impossible, pour seulement endommager sa création, il fallut un Ultron (1) déchaîné, alors une petite chaleur équatoriale…
– Tu veux dire que seule la Tour est envahie par une chaleur digne des pays tropicaux ?
Attendant la réponse, il se leva, frottant machinalement sa barbiche de trois jours. Les bruits de ses pas étouffés par le nouveau matériau recouvrant le sol (une création récente de l’ingénieur, à ses heures perdues, possédant la douceur d’une moquette combinée à la solidité du carrelage. Il se battait encore pour déposer le brevet comme la « Starkissime », un nom refusé, il ne voyait pas pourquoi), il se posta devant son mini-bar, se servant un verre rempli d’eau-de-vie. Sentant la fatigue arriver, il n’aurait pas supporté un liquide empli de saveur. L’eau-de-vie, c’était parfait, presque sans goût selon le sien, pas de risque de finir la tête dans la cuvette. Pepper n’apprécierait sûrement pas de le voir boire à cette heure, songea-t-il fugitivement. Quant à savoir quel nombre finit dans son gosier durant la journée…eh bien, n’ayant pas compté, le problème (et encore, un bien grand mot pour de brefs instants de plaisir) était résolu !
À présent servi, il revint vers son bureau, lorgnant avec découragement le travail l’attendant, immobile, mais pourtant plus épuisant qu’un concert de hard-rock au premier rang. Une expérience personnelle d’ailleurs. A l’ère de la technologie la plus avancée, l’utilisation de techniques aussi…rudimentaires pouvait surprendre. En particulier quand il s’agissait de Tony Stark, le plus grand inventeur de tous les temps de l’humble avis de sa propre personne. Pourtant, depuis la révélation du problème Skrull, l’homme mettait un soin tout particulier à réduire drastiquement les possibilités pour ces extraterrestres de pirater ses dossiers. Et si cela devait passer par des heures perdues à scruter les pattes de mouches de son bras droit (sérieusement, Hill était-elle donc incapable d’écrire correctement?), mettant une demi-heure pour comprendre que le « a » était en fait un « e », là où les holographes permettait une lecture condensée en un quart d’heure, tant pis ! Le monde pouvait croire que jamais le grand Stark ne s’abaisserait à de telles inepties, cela arrangeait bien le principal concerné ! Et que ces foutus Skrulls pensent la même chose en passant ! Steve également tiens.
D’ailleurs, n’avait-il pas allumé, la veille, volontairement un maximum d’écrans holographiques pour maintenir cette illusion ? Rien de bien méchant, heureusement, les journaux télévisés, quelques dossiers sans réelle importance (quand ils ne contenaient pas d’informations destinées à créer de fausses pistes), etc. Devoir faire appel aux services des renégats de la Civil War prouvait suffisamment son manque de moyens, pas la peine d’en rajouter en avouant que plusieurs dossiers concernant le SHIELD et Stark Entreprises ont disparus en même temps que les employés soi-disant fidèles.
Jusqu’où l’invasion Skrull s’étendait-elle ?
Décidément, il allait revoir le temps de réponse de l’IA,soupira-t-il intérieurement, remontant ses manches sur ses coudes. Peine perdue, la moiteur ambiante empêchait toute tentative de se rafraîchir. Si cela continuait, la promenade hors de ces murs risquait de devenir obligatoire. Hors de question de faire un malaise dans sa propre Tour ; par contre, l’idée de voir un Captain America crevant de chaud tout en tentant de paraître impassible le réjouit. Un petit instant, juste le temps de siroter quelques gorgées ne remédiant en rien à la sécheresse de sa gorge.
– Eh bien, monsieur, reprit JARVIS comme étonné, en réalité, la chaleur est élevée dans un cercle d’une dizaine de mètres autour de la Tour, avant de revenir à un niveau acceptable au-delà.
– Attends un peu…Tu veux dire que nous sommes sous cloche ? traduisit Tony.
– Il est possible de le définir ainsi, monsieur.
– D’accord...Scanne la zone en question, et donne-moi toutes les informations que tu trouves dessus.
Un mauvais pressentiment venant titiller sa conscience, Tony délaissa le bureau des tortures, s’avançant jusqu’au immenses baies vitrées. Composant le mur donnant sur l’extérieur, il verrait bien si quelque chose sortait de l’ordinaire, conclut-il en y appuyant son avant-bras. Il grimaça quand sa peau nue entra en contact avec le verre surchauffé. Pourtant, il s’y accommoda rapidement, finissant par l’oublier tandis qu’il observait les rues grouillantes en contre-bas. Des dizaines et des dizaines de silhouettes de toutes tailles, et de toutes formes, en vélo, moto, à pied, courant vers l’arrêt de train, ou de bus, ou qu’en savait-il au fond ? Distinguant un petit homme courant d’un bout à l’autre de la place, comme si un incendie se déclarait sur son arrière-train, Tony paria pour un homme d’affaires pressé, ou un lapin blanc déguisé en retard. En dépit de cette foultitude de visages, coulés dans un moule informe et grouillant vu de haut, tantôt ondulant vers la gauche, tantôt happé par un ressac les emmenant à l’opposé de leur destination, les couleurs restaient les mêmes. Toujours du gris, bleu foncé, marron délavé, noir, kaki, des jeans, des impers, peu importait car les tons ne variaient guère, cela finissait invariablement par se fondre au sein de la gigantesque fourmilière humaine. Excepté quelques originaux à la crête violette ou orangée, et parés de vêpres flashy, hurlant par-dessus la cacophonie des transports en communs, ou des voitures jouant à qui klaxonnerait le plus fort, et le plus longtemps. La sortie des bureaux, évidement, devina l’homme sans consulter sa montre. Et dire que les gens supportaient cette amas surpeuplé de chair chaque jour. Pour un peu, Tony sentait la nausée le reprendre. Un sentiment à la fois ancien et nouveau ; rien d’étonnant, Tony Stark se trouvait réputé pour ses paradoxes.
Pepper se trouvait-elle dans l’un des bus venant de quitter l’arrêt ?
Il secoua rudement la tête, désespéré de son idiotie inhabituelle ; la femme d’affaires disposait de son propre véhicule personnel avec chauffeur, pourquoi irait-elle mettre les pieds dans un cloaque bondé, humant la transpiration à chaque inspiration ? La chaleur encore, sans nul doute, qui gênait ses capacités de réflexion. Pour un peu, il envierait Steve, sûrement habitué à supporter un mercure s’envolant bien au-delà des trente degrés. Captain America, se corrigea-t-il, crispé. Cela faisait longtemps qu’ils n’étaient plus amis. Ah, et puis non, il se rappela qu’en réalité, seule la Tour subissait cette température insolite.
– Je repère une quantité importante d’éléments en suspension dans l’atmosphère autour de la Tour, monsieur.
– Comment ça, des éléments ? Soit un peu plus précis.
– Je ne peux pas. Je n’ai jamais vu une chose pareille. Il m’est seulement possible de vous dire qu’il s’agit de particules minuscules, presque indétectables.
La voix de l’IA parvint difficilement aux oreilles de l’ingénieur, à travers un brouillard lointain et particulièrement opaque, tandis que ses doigts serrèrent le cristal fin de son verre comme s’il se trouvait en mesure de l’étrangler par la seule force de sa pensée.
Dans les cieux, les nuages s’amoncelaient à une vitesse inconcevable, étant donné le faible vent balayant les déchets abandonnés sur les trottoirs. Ou plutôt, une immense couverture moutonneuse s’élargit, encore et encore, jusqu’à former un puits de ténèbres au-dessus de l’imposante masse de métal abritant l’homme. Même Tony, peu passionné par les beautés de la nature, aurait pu finir admiratif devant ce spectacle. S’il n’était pas si annonciateur du pire, à moins qu’il n’interprète mal le discours de JARVIS. Se distendant, elle prit l’apparence d’un tableau peint suite à une frénésie créatrice, des dizaines de coups de pinceaux écarlates, pourpres et orangé côtoyant quelques coins cendrés échappant à cette déferlante. Des traits horizontaux pour la plupart, parfois traversés de verticales courbées, toutes partant du centre du puits en large traînées paresseuses, circonscrites cependant à une zone ne dépassant pas les dizaines de mètres autour de la Tour.
Rien d’étonnant, si Tony ne se trompait pas, leur manipulation restait encore difficile et nécessitait énormément d’énergie.
S’arrachant à ce spectacle, il mit au diable la prudence, enclenchant le dispositif holographique.
– JARVIS, contacte immédiatement Maria Hill ! Dis-lui que les Skrulls ont récupérés les Bosons !
Seul le silence répondit à l’homme, alors qu’il s’acharnait inutilement à tenter de régler les holographes inexistants. Abandonnant au bout de quelques secondes, pressé par le temps, il tira la poignée d’un de ses tiroirs de bureau, démontant l’un de ses stylos jusqu’à ne plus posséder que la fine cartouche d’encre rouge, la glissant à travers un minuscule trou afin de soulever son double fond. Une idée récupérée dans un de ces animés prisé par les jeunes, au grand désespoir de Pepper l’ayant traité de gamin, arguant qu’il ferait mieux de grandir.
-JARVIS, bon sang, mais qu’est-ce que tu fais ?
Les néons blanchâtres clignotèrent une fraction de seconde, avant de cesser de fonctionner dans un grésillement inquiétant. De plus en plus mal à l’aise, Tony récupéra le portable de Captain America, ouvrant le clapet brutalement, résonnant étrangement dans ce silence assourdissant.
Aucune tonalité ne vint rassurer l’homme. Seul un vide angoissant lui répondit, l’écran ne prenant pas même la peine de se parer des petites écritures digitales propres aux téléphones.
– Monsieur, grésilla JARVIS, mal assuré, je perçois un dysfonctionnement dans mes systèmes…Comme si quelque chose me poussait à…dormir…
– Hors de question, siffla l’ingénieur.
Il ne laisserait personne shunter de nouveau son IA ! Résistant à l’envie de lancer au loin l’inutile portable, il préféra le ranger prudemment dans la poche arrière de son pantalon. Vu qu’il n’avait guère l’intention de s’asseoir dans les prochaines heures, l’appareil ne risquait probablement rien.
– Lance la procédure « Fantôme » ! Trouve un circuit parallèle, et remonte-le jusqu’à te trouver à l’abri. (un silence, alors que la luminosité s’accrut. Étrangement, contrairement à l’heure passée, Tony y voyait comme en plein jour…Un jour de fin du monde, plutôt) JARVIS ?
Aucune réponse. Il ne pouvait qu’espérer que l’IA ait exécuté ses ordres à temps. Il devait en être ainsi !
Un grondement puissant, empli de promesses douloureuses, déchira la chape silencieuse ayant pris possession des alentours. Tony imaginait parfaitement le visage des passants, en bas de la rue, probablement en train de sortir leurs propres téléphones portables afin de filmer la scène. Mieux valait pour eux qu’ils ne s’approchent pas trop près, si les suppositions de l’ingénieur se révélaient exactes. Mais il n’allait certainement pas s’approcher des vitres pour vérifier.
Au contraire, il s’en éloigna, marchant à grandes enjambées nerveuses vers les solides battants blindés menant sur le couloir. Bloqués, bien entendu, refusant obstinément de s’ouvrir malgré la tentative de Tony. Comprenant qu’il n’arriverait à rien, il activa la commande manuelle, coulissant un panneau dissimulé dans le mur, juste à côté de la porte. Un petit rien dans l’ensemble des précautions prises personnellement dès qu’il apprit que les Skrulls possédaient des bombes électro-magnétiques. Cependant, de tels engins ne pouvaient mettre JARVIS hors service pourtant ! Que se passait-il dehors, pour paralyser à ce point…
Un premier éclair illumina la pièce plongée dans une obscurité crépusculaire. Empoignant à deux mains le levier, Tony l’inclina vers lui. Sans un chuintement, le S démesuré se rompit, laissant apparaître plus sombre encore que le bureau de l’ingénieur, à défaut de se parer de fenêtres.
Alors qu’il allait s’y engager, une sorte de regret l’arrêta net. Alors que le bon sens lui ordonnait de descendre au plus vite afin de se trouver un abri, voir d’atteindre soit son véhicule personnel, soit l’un des Quinjet attendant sagement dans un immense hangar au rez-de-chaussée, il l’ignora délibérément. Faisant volte-face, il revint d’abord à son établi, vidant sur le sol le contenu d’un sac-à-dos autrefois rempli de composants à jeter dans la déchetterie. Une fois ceci fait, il rejoignit en une glissade contrôlée le solide meuble massif occupant la plupart de l’espace de la pièce, mettant pêle-mêle dans le sac-à-dos les notes écrites de sa main résumant la plupart des dossiers étalés en format annuaire. En particulier, tout ce qui avait trait aux Skrulls et à leurs manigances. Délaissant le reste, faute de temps, il marqua une nouvelle pause.
S’il prenait la peine de s’encombrer des Versets Sataniques du SHIELD, pourquoi laisserait-il ses dernières créations derrière lui ?
Constatant, ses plans envoyé en vrac côtoyer la présente menace la plus importante de la Terre, qu’il ne pouvait guère se charger de plus, un affreux dilemme se présenta devant l’ingénieur habitant son âme.
Que privilégier ? Les gants ? La plastron ? Les jambières ?
L’idée d’abandonner ne serait-ce qu’une particule de métal sur l’établi manqua lui crever le cœur.
Alors qu’il peinait à se décider, un choc brutal contre les baies vitrées le ramena à ses préoccupations premières. S’attendant à croiser le regard sanguinaire d’un extraterrestre, décidé à ne lui laisser aucune chance de s’en sortir, il constata, surpris, qu’il n’en était rien. La cause des secousses régulières, encore légères, se trouvait être nul autre qu’une pluie diluvienne, pilonnant avec violence métal et verre. Voyant multitude de lézardes courir le long des murs, Tony siffla un juron sanglant. Contemplant une dernière fois ses œuvres étalées sous ses yeux, à peine glissées légèrement plus à droite qu’elles ne l’auraient dues, il empoigna les jambières, les enfilant promptement afin de gagner du temps. Se promettant solennellement que quoi qu’il arrive, il ferait payer au centuple leurs actions à ces maudits Skrulls !
Sans un regard en arrière, il franchit le seuil de la porte, enfilant les bretelles du sac-à-dos autour de ses épaules. Oui, il leur ferait payer pour tout ce qu’ils avaient déjà fait…