Guren

Chapitre 13

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:30

Bonjour à tous, chers lecteurs !
La rentrée m'a bien occupée ces derniers temps mais je suis tout de même parvenue à tenir à peu près mes délais...Au passage, merci à ceux qui me laissent régulièrement des reviews, véritable carburant pour le vénal auteur que je suis, j'ai presque l'impression d'avoir un petit fan-club autour de cette fic ^^ (et merci aussi aux timides qui lisent sans reviewer, je sais qu'il y en a quelques-uns ;) )
Je profite de ces notes pour préciser quelques petites choses, concernant le temps qui s'est écoulée entre le départ de Shizuru pour Kyoto et ses retrouvailles avec Natsuki: Au Japon, la rentrée des classes à lieux entre fin Avril et début Mai. Le chapitre actuel se déroule grosso-modo en plein mois de novembre, il s'est donc écoulé six à sept mois pendant leurs séparations.

De même, voici quelques aides concernant le vocabulaire utilisé dans ce chapitre. Il n'y a qu'un seul nouveau mot à ajouter dans le lexique de ce chapitre, mais je saisis l'occasion pour rappeler des plus anciens:

Aizukotetsu-kai : La 6e organisation yakuza du Japon, basée à Kyoto. Son nom vient de Aizu, la région, « Kotetsu » qui est un type d’épée japonaise, et enfin « -kai », un suffixe qui signifie « société ». Cette organisation regroupe une centaine de clans (dont le Fujino-kai qui est évidement fictif) pour un effectif estimé à 4500 personnes.

Baito : ce terme est utilisé par les étudiants pour désigner les petits boulots réalisés après les cours, pendant les week-ends ou les jours fériés au Japon.

Honke/Bunke : Désigne respectivement les branches principales et secondaires d’une famille. On peut y voir une sorte de hiérarchie. Ces termes sont nettement moins d’actualité de nos jours.

Kyodai/Shatei : Kyodai signifie « grand frère ». Sorte de lieutenant dans la hiérarchie des yakuza, ils constituent un rang intermédiaire avec les échelons inférieurs (constitués par les Shateï, « petits frères »).

katagari: Désigne une personne qui n'est pas un yakuza.

Yamaguchi-yumi : La première organisation Yakuza du Japon, basée à Kobe.

Mes excuses enfin, sur la taille de ce chapitre qui est relativement court comparé au précédent, je tâcherai de me rattraper sur le suivant. Bonne lecture !

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Un étrange mélange d’odeur fauve et de javel flottait dans l’air aseptisé de sa cellule et mais après tant de jours passés ici, la petite fille n’y prêtait plus attention. Tout était si blanc, si aveuglant. Le sol, les murs, le plafond…sa cellule était désespérément vide et unie. Les lumières pâles des néons s’y réverbéraient et nimbaient la pièce d’un éclat scintillant. On n’éteignait jamais, ici. Alyssa avait depuis longtemps perdu toute notion de temps et la lumière finirait par la rendre folle.

À moins qu’elle ne périsse livrée en pâture à une des créatures qui partageaient cet immense hangar avec elle, ou à cause d’un yakuza impatient à la gâchette facile.
Alyssa ne quittait pas des yeux l’orphan qui lui faisait face. D’énormes barreaux les séparaient, ainsi que plusieurs épaisseurs de verre blindé, mais la petite fille savait que, s’il en avait eu la possibilité, il aurait pu traverser tout ceci comme des feuilles de papier.

Elle se souvenait parfaitement de lui et l’avait surnommé Cauchemar. Alyssa l’avait invoqué alors que l’étrange étoile de HiME portait ses pouvoirs à leur apogée. C’était une créature terrifiante, incroyablement puissante. La fillette l’avait réalisé à l’instant où il s'était matérialisé. Elle avait failli mourir, ce jour-là. Dans un réflexe désespéré, elle l’avait scellé, marquant son essence pour qu’il ne puisse pas tuer un homme et consumant du même coup toutes ses capacités à invoquer des orphans.

Cauchemar l’ignorait superbement. Lui aussi ne l’avait sûrement pas oubliée. La petite fille reporta son attention sur les autres monstres qui l’entouraient, chacun confiné dans une cage. Durant les années qu’elle avait passé dans les laboratoires de la Searrs, Alyssa en avait invoqué des centaines, chaque fois plus puissants et plus impressionnants. Aujourd’hui, elle doutait de pouvoir en contrôler ne serait-ce que la moitié. On lui avait expliqué ce que l’on attendait d’elle : « Dresse ces créatures pour nous, et si tu y arrives on te laissera en vie ». Mais bien sûr. Comme si Alyssa pouvait laisser des fous dangereux s’amuser avec des monstres pareils, domptés par ses soins. La petite fille essayait de gagner du temps : Elle avait rendu docile le plus faible du lot et prenait tout son temps avec les suivants. Natsuki était en vie, elle y croyait dur comme fer. Et sa sœur ne tarderait sûrement pas à la sauver.

Alyssa sentit le poids d’un regard sur elle et tressaillit lorsqu’elle réalisa que les yeux dorés de Cauchemar s’étaient rivés sur elle. Elle déglutit péniblement et tendit son pouvoir, effrayée. La présence de la créature la submergea comme une lame de fond.

- Qu’avons-nous là ?

La voix résonnait dans sa tête, indifférente, presque amusée. Cauchemar s’insinua dans ses pensées et s’y attarda un instant, comme pour profiter de la terreur de la petite fille. L’orphan se glissa le long de ses veines. Pétrifiée, Alyssa sentit comme un poison glacial se mêler à son sang alors que l’essence de la créature s’infiltrait dans son corps. Incapable d’esquisser le moindre geste, Alyssa était à sa merci.

- Tss…si fragile…finalement, le corps humain est moins compliqué que je ne l’aurais cru.

Quelque chose lui comprima la poitrine et elle crût qu’il allait lui broyer le cœur.

- Oh, pardon, s’excusa une voix moqueuse.

Cauchemar se retira et Alyssa se retrouva entraînée avec lui, aspiréepar un tsunami de puissance et de volonté contre lequel elle était aussi démunie qu’un insecte. La petite fille se débattit dans des méandres de pouvoir qui étaient plus tumultueux qu’un torrent alors que la créature menaçait de l’arracher de son propre corps et l’engloutir dans son essence.

L’orphan brisa son influence et Alyssa se retrouva seule, l’esprit vidé. Elle ne se souvenait pas s’être effondrée. La fillette recula précipitamment, haletante. Devant elle, Cauchemar la regardait encore et elle aurait parié voir une lueur d’amusement jouer dans ses yeux d’or. Il n’aurait pas pu la tuer, se raisonna Alyssa. Elle l’avait marqué. Il voulait juste l’effrayer.

- Libère-moi, et on se fera la malle tous les deux, chuchota une voix dans sa tête.

Alyssa sursauta. Elle n’avait même pas senti Cauchemar s’introduire de nouveau dans ses pensées.

- C’est ça ouais, maugréa-t-elle en retenant un frisson.

L’Orphan bâilla l’air de rien, découvrant des mâchoires aussi larges qu’un coffre de voiture et des crocs plus gros que sa main. Alyssa remonta ses genoux contre sa poitrine en espérant ne pas paraître aussi terrifiée qu’elle ne l’était. Cauchemar se redressa et les contours de sa silhouette ondulèrent comme ceux d’un mirage. Son corps se déforma jusqu’à prendre l’apparence d’une énorme panthère à l’endroit où se trouvait une créature aberrante un clignement d’yeux plus tôt. Il s’ébroua et s’amusa à changer de forme une fois de plus.

- Frimeur, marmonna Alyssa pour se donner un peu d’aplomb.

Natsuki, où es-tu ?

**********************

C’était presque devenu un rituel. À chaque fin d’après-midi, Shizuru retrouvait Natsuki qui l’attendait, postée près des marches menant à l’Université. Certains soirs, elles ne se voyaient que quelques minutes avant que Shizuru ne s’enferme dans sa chambre pour s’atteler à la montagne de travail qui l’y attendait et qui semblait ne jamais vouloir décroître. Parfois, elles marchaient ensemble jusqu’à l’appartement et y restaient jusqu’à tard le soir. Shizuru prétextait rentrer sur le campus et rejoignait alors une des réunions nocturnes du Fujino-kai, dans son monde de violence noir et gris, peuplé de yakuza en costume. Natsuki, poussée par un espoir insensé, partait se perdre dans des bars enfumés coincés dans les ruelles des quartiers malfamés de Kyoto, en quête d’informateurs. Ses blessures guérissaient vite mais pas assez pour lui permettre de tenter une opération en force. L’inaction la rongeait.

Les jours s’écoulaient et semblaient emporter dans leur fuite toute la confiance qu’avait pu rassembler la solitaire. Des cernes étaient apparues sous ses yeux voilés par les tourments et Shizuru voyait le découragement obscurcir chaque jour un peu plus le visage de son amie. Natsuki voulait y croire et s’accrochait à cette pensée folle qu’un mandat serait délivré pour qu’une enquête soit menée. Chaque heure privée de nouvelles sapait un peu plus ses forces et, lorsque Shizuru la quittait, sa silhouette voutée par l’angoisse semblait aussi fragile qu’un château de cartes.

Paradoxalement, la solitaire parlait bien plus qu’elle ne l’avait fait jusqu’alors. Leurs discussions du soir ne portaient pas toujours sur Alyssa : Natsuki n’aurait pas supporté d’examiner des impasses en sa compagnie pendant des heures alors qu’elle passait ses journées à ressasser une situation qui restait désespérément au point mort.

- Au fait, Shizuru, comment ça se fait qu’il n’y ait personne d’autre dans cet appartement ? Il est assez grand pour héberger une famille au complet !

- Il appartenait à mon grand-père. Il est mort peu après la rentrée et je l’ai reçu en héritage.

Natsuki écarquilla les yeux.

- Désolée, bégaya-t-elle, très vite. Je ne savais pas.

- Ne t’en fais pas pour ça. Je le connaissais très peu. Les rares fois où nous nous sommes parlé, nous n’étions pas en très bon terme, expliqua-t-elle. Ça faisait au moins cinq ans qu’on ne s’était pas adressé la parole.

- Oh, je vois. Et…ta mère n’est pas à Kyoto, en ce moment ? Je pensai que tu rentrerais chez toi, pour les week-ends.

Shizuru soupira et quelque chose dans son expression avertit Natsuki qu’elle n’avait probablement pas posé la question la plus facile.

- Ma mère est à l’hôpital, avoua Shizuru avec un sourire désolé.

Devant elle, Natsuki se recroquevilla, mortifiée, et son regard se vissa sur le sol avec une expression coupable.

- C’est grave ? demanda-t-elle d’une petite voix.

Shizuru secoua lentement la tête. Natsuki la regardait avec autant de remords que si elle était responsable de l’état d’Izuko.

- Plus maintenant, je suppose. C’est comme ça, depuis ma naissance.

Shizuru se tut. Après tant d’années, elle pensait qu’elle aurait pu expliquer plus en détail la situation de sa mère mais les mots se dérobaient dès qu’elle essayait de former une phrase, tel de l’eau entre ses doigts.

- Peut-on parler d’autre chose, s’il te plait ? demanda-t-elle finalement.

Natsuki approuva très vite. L’espace d’un battement de cil, une infinie tristesse s’était reflétée dans l’expression de Shizuru.

- Ce n’est pas une question de confiance…

- Arrête, tu n’as pas à te justifier, l’interrompit Natsuki. Plus de questions pour ce soir, promis.

Après quelques tentatives, la discussion reprit sur un sujet plus léger. Natsuki surveillait Shizuru du coin de l’œil. Pendant ses jours de convalescence, elle avait eu tout le temps d’observer le comportement de son amie. Comme autrefois, son maintien et ses expressions irradiaient la maîtrise de soi et l’enveloppaient d’un halo de confiance sereine et imperturbable. Mais aujourd’hui, Natsuki avait senti cette aura frémir comme la flamme d’une chandelle.

Leur relation s’était considérablement améliorée en l’espace de quelques jours et Shizuru lui offrait de temps à autre ces légers sourires qu’elle n’esquissait que pour elle, alors que la folie du Festival n’était encore qu’un embryon de cauchemar. Du baume sur son cœur, et Natsuki chérissait le moindre d’entre eux, avec l’intensité de ceux qui redécouvrent ce qu’ils ont cru perdre à jamais.

Pourtant, c’était comme si une part de Shizuru avait disparu pendant ces longs mois d’absence. Comme si on l’avait dépouillée de l’insouciance tranquille qui teintait la moindre de ses tirades, quand elle taquinait Natsuki et que ses yeux carmin pétillaient d’amusement lorsqu’elle parvenait à la faire tourner en bourrique.

Quelque chose clochait. Il était encore bien trop tôt pour que Shizuru se permette toutes les familiarités d’autrefois, à supposer qu’elle en ait toujours envie. Natsuki en était consciente. Pourtant, cela n’expliquait pas que toute sa nonchalance se soit volatilisée aussi brutalement. La solitaire se demanda si Shizuru était tout à fait honnête lorsqu’elle lui avait dit que la mort de son grand-père ne l’avait pas affectée. Ou alors s’était-il passé d’autres évènements, à Kyoto ?

Natsuki fronça les sourcils. Quelque chose lui soufflait que Shizuru ne lui confiait pas toute la vérité.

**********************

- La demande de mandat a échoué.

Shizuru ferma les yeux un instant, comme pour mieux absorber la nouvelle. Des mois passés au Fujino-kai l’avaient forcé à développer un tel scepticisme qu’elle n’était même pas étonnée. Seul l’espoir de Natsuki l’avait empêchée de considérer plus tôt que cette piste était morte.

- Je suis désolé, Fujino. Ces types ont le bras long. On ne pourra tenter aucune recherche officielle.

- C’était inévitable, je suppose, soupira Shizuru.

Natsuki allait être effondrée. Nagoshi en profita pour changer de sujet :

- J’ai reçu vos infos sur Takamura, le type qui était impliqué dans le trafic d’Orphans. Nos gars sont sur le coup, avec un peu de chance, on pourra l’intercepter et…

Shizuru l’écoutait à peine. La seule chose qu’elle avait en tête était cette petite fille laissée aux mains d’une bande de fous furieux et sa grande sœur qui dépérissait à vue d’œil.

Voir Natsuki dans cet état l’affectait chaque un instant un peu plus et transformait l’armure qu’elle avait forgée autour de ses sentiments en une carapace de sable prête à tomber en poussière au moindre coup de vent. Quelques instants passés avec Natsuki avaient suffi à réduire à néant des murs bâtis par des mois de rancœur. Shizuru avait honteusement conscience de sa faiblesse, mais refusait d’y réfléchir d’avantage. Ce n’était pas le moment. La jeune femme raccrocha au nez de Nagoshi sans plus de cérémonie et composa le numéro de Kohei. Le jeune Shatei était devenu par la force des choses son second au sein de la hiérarchie du clan, lorsque Shizuru devait superviser certaines actions pour le groupe. Il y avait déjà quelques espions qui avaient infiltré Asward et envoyaient des comptes rendus réguliers mais elle avait depuis pris la tête des opérations en temps que Kyodai et multiplié les informateurs : si jamais la demande de mandat n’aboutissait pas, elle voulait vérifier par ses propres moyens ce qui se passait dans leur locaux, heure par heure. Corruption, chantage, tout était bon pour en savoir un peu plus.

- Est-ce que tu as des nouvelles de nos équipes de recherche ? demanda-t-elle au jeune yakuza.

- Oui. Il n’y a rien, tous leurs labos sont en règle. Pas de bestiole étrange, ni d'expérience louche.

- Ils ont sûrement des installations non-déclarées, insista-t-elle. Ce sont elles qu’il faut que l’on découvre.

- On a retrouvé des traces d’une ancienne base de recherche aux États-Unis, mais il n’y a plus rien là-bas, l’endroit est désert.

- Je pense que ce n’est pas la peine de chercher si loin, ils sont surement installés au Japon sinon ils ne se seraient pas amusés à livrer des Orphans en partance d’Osaka.

- Nos gars sont sur l’affaire mais nos informateurs ne peuvent pas avoir accès aux données top-secrètes, ça fait des semaines qu’on est bloqué de ce côté. à moins d’être un ponte du groupe, ou un flic bardé de mandats, on n’arrivera à rien.

- Alors essaie de voir si un de leur dirigeant pourrait se laisser corrompre, ou s’il a des habitudes que l’on pourrait utiliser contre lui pour le faire chanter. Il doit bien en avoir un dans le lot qui a une maîtresse ou qui fait du détournement de fond…

Elle parlait comme un yakuza chevronné, désormais.

- Et transmets-moi la liste de tous ces gens, s’il te plait. Peut-être que je peux arriver à quelque chose de mon côté.

Nagoshi et les fichiers de la police pourraient peut-être lui donner des informations sur eux, si jamais les informateurs du Fujino-kai rentraient bredouilles.

- Très bien, je m’en occupe. Il reste des fichiers cryptés dans le CD que tu m’as donné l’autre jour. Je travaille dessus, avec un peu de chance ils contiennent des infos sur ce que l’on cherche.

- Merci de ton aide.

Shizuru raccrocha avec un soupir défait. Elle n’avait plus qu’à annoncer la mauvaise nouvelle à Natsuki, songea-t-elle en attrapant sa veste.

*************************

- Les salauds ! C’est pas possible, comment ils ont pu faire ça ?

- Natsuki, je…

- Une gamine, une pauvre gamine, retenue par une bande de cinglés et personne n’en a rien à foutre ! rugit-elle. Qu’est-ce que ça coûte aux flics d’en avoir le cœur net, hein ? Ces enfoirés, tous corrompus jusqu’à l’os ! Les salauds ! Quinze jours pour prendre une décision pareille, ils se foutent de qui ?

Sa paume s’abattit avec violence sur le mur, avec toute sa force de HiME, et le plâtre se fendilla à l’endroit de l’impact.

- Et merde !

Natsuki lui tournait le dos mais Shizuru devinait ses muscles tendus sous la fureur, dans la courbure de ses épaules et la façon dont elle se tenait. Ses poings étaient serrés, frémissants de rage comme si elle se retenait de réduire en miette la première chose qui lui passerait sous la main.

- Ils comptent faire quoi ? Attendre gentiment qu’on découvre un jour son corps au fond d’un fossé ? Les enfoirés !

Elle se tourna vers Shizuru, comme pour la prendre à témoin. Ses yeux verts étincelaient et ses traits s’étaient plissés en un masque de colère féroce. En quelques enjambées, elle parcourut le salon d’un bout à l’autre comme un fauve en cage avant de se laisser tomber sur le canapé.

- Merde…

Elle jura de nouveau dans un souffle et passa une main fébrile sur son visage.

- C’est dégueulasse, murmura-t-elle, écœurée. Ce n’est qu’une gosse…

Sa fureur s’était éteinte aussi brutalement qu’elle était apparue et plus rien ne masquait le ton plaintif qui perçait douloureusement dans ses mots. La déception qui voilait son regard était d’une amertume mordante et désespérée. Shizuru s’avança vers elle mais la solitaire se leva, les épaules voutées, sans prendre la peine de ramener en arrière les longues mèches d’ébènes qui venaient masquer son visage.

- Je vais faire un tour. Je…je reviens, laisse-moi quelques heures.

Shizuru hocha lentement la tête et ne chercha pas à la retenir.

*************

La nuit tombait lorsque Natsuki regagna l’appartement. Dehors, le vent s’était levé et des trombes d’eau s’abattaient sans merci sur la ville, plongeant Kyoto dans un crépuscule liquide et gris où les premières lueurs des lampadaires s’allumaient comme des feux-follets. Shizuru était au téléphone avec Kohei et étudiait le passé d’un membre du conseil d’administration d’une entreprise liée à Asward. Elle raccrocha en voyant la solitaire apparaître dans l’encadrement de la porte, trempée de la tête au pied. Natsuki s’ébroua et fit son entrée sans paraître le moins du monde incommodée par les gouttelettes d’eau qui dévalaient son visage humide.

Elle adressa un salut à Shizuru et cette dernière haussa un sourcil. Le visage fermé, Natsuki se tenait devant elle avec un aplomb qu’elle ne lui avait pas vu depuis la Guerre des Himes. La dernière fois que ses yeux verts avaient eu un tel éclat, c’était juste avant qu’elles ne s’affrontent à Fuuka. Tout dans l’attitude de sa chère solitaire était la manifestation d’une détermination sans faille. Comme si la pluie avait lavé le découragement qui l’avait frappé. Natsuki avait une force morale hors du commun, Shizuru le savait. La jeune femme n’était pas du genre à s’apitoyer sur son sort indéfiniment. C’était toujours lorsque la situation paraissait la plus sombre qu’elle parvenait à se reprendre en main, elle l’avait prouvé à plusieurs reprises.

- J’ai décidé de considérer une autre piste, commença Natsuki, sans préambule. Laissons tomber les flics, je me demande encore comment j’ai été assez stupide pour croire qu’ils allaient nous trouver une solution miracle après tout ce temps. Il y a des yakuza planqués partout chez Asward, des types avec suffisamment d’influence pour se mettre la police dans la poche.

- Il y a effectivement beaucoup de chances qu’ils y soient pour quelque chose, concéda Shizuru qui n’aimait pas le tournant que prenait la discussion.

- Il faut qu’on passe par eux.

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

- Est-ce que le clan de ta famille pourrait m’aider ? insista Natsuki, inflexible.

Danger.

Évidemment. La solitaire n’était pas stupide et elle avait passé suffisamment de temps à se familiariser avec les quartiers mal famés de Kyoto pour avoir une idée des principales organisations criminelles qui y sévissaient. Il y avait probablement plusieurs familles portant le nom de Fujino en ville, mais il suffisait de demander aux bonnes personnes pour savoir que le Kumicho du clan s’appelait Kenjiro Fujino. Qui n’était autre que son cousin.

Shizuru ne songea même pas à nier ou à lui demander d’où elle tenait son information.

- Non. N’y pense même pas.

- Pourtant, tu t’entends bien avec ton cousin et…

- Je lui ai déjà demandé son aide, inventa Shizuru pour gagner du temps. S’il a le moindre indice, il nous préviendra, je te le promets.

- Peut-être que si je peux rencontrer certains yakuza, on pourra arriver plus vite à un résultat.

Shizuru se leva. Devant elle, Natsuki la regardait comme pour la mettre au défi de la contredire. La solitaire revint à l’assaut :

- Pourquoi est-ce que tu ne m’as jamais parlé de ça ?

- Pour tout un tas de raisons, dont certaines ne regardent que moi. Et c’est une facette de ma famille dont je ne tire aucune fierté, bien au contraire.

- Shizuru…

- C’est un monde qui n’est pas le tien. Jamais ils ne t’aideront, ils se fichent de cette histoire. Tu n’es rien pour eux. C’est un univers extrêmement compliqué dans lequel tu n’as aucune influence. Ne t’approche pas d’eux, ce ne sont pas des gens à qui on peut se fier, s’il te plaît.

Shizuru ne pouvait pas laisser Natsuki envisager de telles options. Elle, si belle, si libre, dans un univers aussi abject…elle ressentit un élan de panique à cette idée.

- Et si ça vaut le coup ? rétorqua Natsuki en levant le menton. Shizuru, tu n’es pas ma mère et…

Shizuru l’interrompit, glaciale.

- Il y a vingt ans, on a enlevé ma mère parce qu’elle était la fille du Kumicho du Fujino-kai. Des yakuza l’ont livré à la pègre américaine, en représailles parce que le clan boycottait des offres du marché noir américain. On l’a détenue pendant des semaines et…elle était enceinte lorsqu’on l’a retrouvée. Elle a caché sa grossesse jusqu’au dernier moment tellement elle avait honte ! Elle a tenté de se suicider, quelques jours avant l’accouchement et on m’a sauvé de justesse. Depuis, ma mère est à l’hôpital psychiatrique avec des séquelles à vie.

Natsuki s’était tue, sidérée.

- Mon oncle a traqué les responsables pendant des années…pour cette chose absurde qu’ils appellent l’honneur du clan. Il a abattu le violeur lui-même, dans un bar. La police l’a arrêté et il a été exécuté. L’honneur était sauf, murmura-t-elle avec dédain, la gorge nouée par la tristesse et le dégout.

Et je suis une paria, le rappel vivant de ce qui s’est produit, acheva-t-elle mentalement. Elle savait que la peine qui s’inscrivait sur ses traits était indescriptible, mais ça n’avait plus aucune importance. Quel gigantesque gâchis…

La solitaire avait pâli violemment à ces mots.

- Shizuru je… elle s’interrompit, incapable de dissimuler son horreur et regrettant honteusement sa dernière tirade.

C’est…terrible. Je ne sais pas quoi dire. Je suis désolée.

- C’est du passé, j’ai mis tout cela derrière moi. J’ai eu la chance de tomber sur les bonnes personnes.

Shizuru tâcha de reprendre le contrôle de sa respiration qui s’était affolée.

La première phrase n’était pas totalement vraie, mais elle savait avec une terrible certitude qu’elle n’aurait jamais réussi à supporter le fardeau d’une telle culpabilité pendant toutes ces années sans le soutien infaillible de Nakajima et la présence de Kenjiro qui l’avait défendue bec et ongles face au mépris de son grand-père et du clan tout entier.

- C’est un monde affreux. Reste en dehors de tout ça, je t’en supplie. Tu n’obtiendras rien d’eux parce que tu n’es qu’une katagari et il pourrait t’arriver la même chose, Natsuki, la même chose…

L’espace d’un instant, Natsuki vit un réel effroi traverser son regard et elle réalisa que l’idée qu’elle subisse le même sort que sa mère terrorisait la jeune femme.

- Je…je ne peux pas rester en dehors de tout ça Shizuru, commença-t-elle en choisissant ses mots avec précaution. Ce sont des types de ce genre qui détiennent Alyssa…partie comme sont les choses, je vais devoir les affronter, un jour.

Devant elle, Shizuru hocha sombrement la tête.

-C’était…une idée stupide de ma part. Je n’essaierai pas de les contacter directement. Ni eux, ni le clan de ta famille. Je n’oublierai pas ce que tu m’as dit.

Comment aurait-elle pu ? Le choc qu’elle avait ressenti avait gravé les confessions de son amie dans sa mémoire et hanterait ses pensées pendant des jours. Natsuki s’approcha lentement d’elle. Les yeux de Shizuru balayèrent frénétiquement la pièce et elle finit par détourner le regard, comme si elle avait honte.

- Hey…

Elle posa une main sur son épaule en espérant lui faire lever les yeux mais Shizuru s’écarta et lui tourna le dos.

- Tu n’y es pour rien dans tout ça, je ne sais pas ce que ta famille t’as raconté, mais tu n’as aucun reproche à te faire, aucun.

- Je sais.

- Si c’est à cause de ça que tu n’as jamais été en bon terme avec ton grand-père, permets-moi de te dire que c’est un imbécile.

- Ça n’a plus d’importance, il est mort. Et les yakuza ne sont pas réputés pour leur ouverture d’esprit, tu sais ? Une femme, une enfant non-désirée et métisse ! J’aurais difficilement pu faire pire, quoique…

Elle eut un rire nerveux.

- Je n’ose même pas imaginer ce que ça serait s’ils savaient en prime que je suis homosexuelle.

C’était la première fois qu’elle énonçait ce fait à voix haute. Le mot était étrange, trop long, avec une sonorité qu’elle jugea désagréable. Bah, elle n’était plus à une révélation près ce soir, et de toute façon c’était loin d’être un secret pour Natsuki, songea-t-elle avec ironie. Contre toute attente, elle sentit les bras de la solitaire se refermer autour d’elle et l’humidité de ses habits trempés par la pluie traversa ses vêtements lorsque son amie la tira contre elle. Shizuru cligna des yeux, abasourdie.

- Je me demande comment je dois le prendre, après ma dernière tirade, fit-elle remarquer, mine de rien.

Il y a quelques mois, Natsuki l’aurait lâchée sur le champ en rougissant comme une pivoine. Elle sentit la surprise de la solitaire lorsque celle-ci retint son souffle un instant de trop, avant que Natsuki n’éclate de rire.
Un rire joyeux qui lava d’un coup toute la tension qui régnait dans la pièce et qui résonna en écho dans son corps tant elles étaient proches.

- Tu ne devrais pas te définir ainsi, Shizuru. Tu es bien plus que ça, après tout. Et s’ils ne l’ont pas compris, ce sont vraiment des idiots.

L’espace d’un instant, toute la tendresse qu’elle ressentait autrefois pour Natsuki refit surface. Sans réserve ni culpabilité.

************************************

- Ce sera vite fait, je t’assure. Deux ou trois jours, tout au plus. De toute façon, tu es en vacances dès demain, non ?

- Oui, mais pour être honnête, j’espérais en profiter pour rattraper le retard que j’ai à l’Université. Je n’ai pas envie de quitter Kyoto, en ce moment.

Pas tant qu’il n’y avait pas l’ombre d’une piste qui aurait pu indiquer où était détenue Alyssa.

- J’ai beau être Kumicho, la fortune du groupe c’est toi ! Et crois-moi, quand on vient vérifier l’état d’une alliance avec un autre clan, plus on a un portefeuille garni, mieux ça se passe. Surtout si on négocie avec le Yamaguchi-gumi. Ces types sont de vrais requins.

- Je ne suis pas la fortune du groupe. L’héritage de grand-père est gelé jusqu’à ce que tu puisses y avoir accès, après tout.

- Mais tu es de la Honke, et donc la première sur la liste. Pour l’instant.

- Tu es obligé d’y aller ? demanda-t-elle, boudeuse.

Kenjiro arqua un sourcil et lui adressa un coup d’œil sceptique.

- Ne fais pas comme si tu étais étonnée, Hime-chan. Le Fujino-kai est l’un des clans les plus anciens de l’Aizukotetsu-kai. La question ne se pose même pas.

- Kenji, soyons honnête, je ne servirai à rien là-bas. Personne ne me connaît.

- Ma chère cousine, tu serais étonnée du nombre de légendes urbaines qui commencent à fleurir à ton sujet.

Shizuru se retint de lever les yeux au ciel, atterrée.

- Tu m’en vois ravie.

- S’il te plaît, Shizuru. Je n’ai pas envie de te laisser seule à Kyoto.

La jeune femme plissa les lèvres, agacée. Elle connaissait parfaitement son cousin et l’entêtement dont il pouvait faire preuve. Le dissuader de l’amener à Kobe lui prendrait autant de temps que de faire le déplacement. S’ils avaient bien une chose en commun, c’était la persévérance hors-norme qu’ils pouvaient déployer quand ils avaient une idée en tête.

- Quarante-huit heures, pas plus.

Kenjiro se fendit d’un large sourire.

- Merci, je te revaudrai ça.

- J’y compte bien.

Son cousin secoua la tête, amusé, avant de touiller son café d’un air contrarié.

- Cette histoire devient complètement folle. Ça fait longtemps que j’aurais dû être désigné comme héritier principal. Tu aurais déjà dû quitter le Fujino-kai et reprendre une vie normale. Je ne sais pas ce que fiche l’administration mais ils ne sont pas pressés.

Shizuru ne releva pas. Elle aurait mis sa main à couper que Nagoshi faisait tout de son côté pour retarder toutes les procédures au maximum.

- Prépare tes affaires, on quitte la ville demain à la première heure.

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- Je m’excuse de t’annoncer ça sans prévenir. Avec tout ce qui s’est produit, j’ai complètement oublié que je devais m’absenter à Kobe. Le meeting est prévu depuis longtemps et je n’ai pas vraiment le choix…

- Pas de problème, assura Natsuki. Je suis une grande fille.

- Je reviens dès que possible. Dans deux jours, au plus tard.

- C’est une visite de courtoisie ?

- Pas vraiment, expliqua Shizuru. Les bureaux des élèves de l’université de Kobe et Kyoto sont en partenariat pour beaucoup de projets scientifiques. Je m’y rends avec les autres membres du conseil étudiant, en tant que représentante des élèves de mon année, pour parler de tout ceci en détail.

Ces mensonges lui donnaient envie de vomir. Shizuru avait douloureusement conscience de l’aisance avec laquelle elle pouvait créer de toutes pièces des excuses. Même si cette entorse à la vérité n’était pas la plus grave, la jeune femme avait honte d’exploiter de cette façon la confiance qui s’était progressivement installée entre Natsuki et elle.

- Même ici, tu fais du travail supplémentaire. Honnêtement, je ne sais pas comment tu fais, quand je vois le boulot qu’on vous donne à la fac…

- Crois-moi, c’est juste de l’organisation, la coupa Shizuru.

Mortifiée, elle espéra que la légèreté de son ton masquait suffisamment la gêne qui vint mordre sa conscience. Natsuki hocha simplement la tête, sans s’apercevoir de son trouble.

- Bon courage alors.

Shizuru en profita pour aborder ce qui lui tenait réellement à cœur.

- S’il te plaît, ne tente rien tant que je ne suis pas rentrée. Je sais que tu ne supportes plus d’attendre, et je le comprends tout à fait. Mais à deux, nous serons plus efficaces s’il y a le moindre souci et qu’il faut se battre. On pourra se protéger mutuellement.

Peu importe la façon dont on pouvait décrire sa relation avec Natsuki. La seule chose qu’elle savait était qu’elle ne pourrait pas se sentir tranquille si elle savait que la solitaire comptait se frotter seule aux yakuza.

Natsuki haussa les épaules avec défaitisme.

- Parti comme c’est, j’ai peur de ne pas avoir beaucoup de scoops dans les quarante-huit heures…

Shizuru dut se faire violence pour ne pas insister et obtenir une promesse ferme. Elle n’avait rien à imposer à Natsuki, après tout.

- Préviens-moi s’il se passe quoi que ce soit, dit-elle simplement.

Elle n’aimait décidément pas du tout cette situation.

****************

Natsuki poussa le battant de la porte en frissonnant et accueillit la chaleur régnant dans l’appartement avec un soupir de contentement. Dehors, le vent faisait régner un froid vif et mordant qui annonçait l’hiver. Elle avait passé la journée à errer dans les rues en espérant que le simple fait de marcher pourrait atténuer le sentiment d’inutilité qui l’écrasait. En vain.
Découragée, la solitaire ôta ses chaussures qui atterrirent en vrac dans un coin et partit se réfugier dans la cuisine.

Ses blessures n’étaient plus qu’un mauvais souvenir et Shizuru était absente pour deux jours. C’était l’occasion ou jamais d’agir, médita-t-elle en préparant un sandwich. Pas d’opération de grande envergure. Un peu de repérage peut-être, près d’un des plus grands laboratoires de la société, histoire de s’assurer qu’il ne s’y tramait rien de louche…

Natsuki gagna le salon où Shizuru avait rangé son ordinateur. Son amie l'avait laissé à sa disposition pour qu'elle puisse y rassembler le peu d’informations qu’elle avait glané en parcourant la ville ces derniers jours.
La solitaire eut un instant d’hésitation lorsque le bureau apparut à l’écran. Elle se ravisa et ouvrit un de ses fichiers. Natsuki fit défiler des lignes de textes qu’elle connaissait par cœur et les parcourut du regard sans vraiment les voir.

Elle devait en avoir le cœur net.

N’y tenant plus, la solitaire referma le dossier d’un clic de souris et lança le client de messagerie. Natsuki entra le mot de passe que Shizuru utilisait lorsqu'elle était à Fuuka, à l'époque où elle lui prêtait régulièrement son PC. Il était toujours valide. Quelque chose clochait dans toute cette histoire. Depuis que Shizuru lui avait dévoilé sa situation, la jeune femme avait le désagréable pressentiment que son amie ne lui avait pas tout révélé. Ce n’était qu’un sentiment fugace, une vague impression qui frémissait à la lisière de son esprit et qui ne s’appuyait sur rien de concret. Une intuition. Mais Natsuki Kuga savait que, dans une enquête, son instinct la trompait rarement.

La liste des mails apparut, impeccablement triée et ordonnée. Shizuru classait soigneusement son courrier, nota Natsuki en observant la présence de quelques dossiers. Elle cliqua sur « Baito »…et constata que le travail de son amie n’avait rien à voir avec un petit boulot ordinaire. Absolument rien à voir.
Des relevés de comptes en banque. Des comptes-rendus de réunions. Des CVs d’hommes d’affaires. Des listes de noms et de lieux rédigées dans un jargon incompréhensible d’abréviations et d’initiales…

Les Yakuza.

Natsuki considéra l’écran, atterrée.

- Oh, Shizuru…

Le dernier mail était arrivé une heure avant. Deux lignes de textes expliquaient que le fichier joint venait du CD crypté et donnait les coordonnées GPS d’un bâtiment contrôlé par Asward et qui n’était déclaré dans aucun document officiel. Natsuki prit le temps de copier les fichiers sur une clé USB avec la plupart des mails du dossier et quitta l’appartement sur le champ.

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