Guren
Tout d’abord, quelques mots de vocabulaire pour mieux s’y retrouver dans ce chapitre :
Hime : Signifie « princesse ». Je sais qu’on est dans la section « Mai Hime » mais on ne sait jamais !
Ara : "Tic de langage" de Shizuru. Ce mot est placé en tête de phrase et est assez difficile à traduire puisqu'il peut traduire la surprise, le dépit, l'ironie...Toutefois, on peut tenter de l'assimiler à un "Oh" ou un "je vois".
Honke/Bunke : Désigne respectivement les branches principales et secondaires d’une famille. On peut y voir une sorte de hiérarchie au sein d’une famille mais ces termes sont moins d’actualité de nos jours.
Kumi-in : Littéralement l’homme engagé. Ce terme désigne une personne extérieure au clan qui a un simple rôle d’exécutif. Si cette personne s’en montre digne, elle pourra par la suite intégrer les rangs de l’organisation.
Kyodaï : Les grands frères. Sorte de lieutenant dans la hiérarchie des yakuza, ils constituent un rang intermédiaire avec les échelons inférieurs (constitués par les Shateï, « petits frères »).
Ninkyôdô : Littéralement, la voix chevaleresque. Il s’agit du code d’honneur des yakuza qui comporte 9 règles :
1) Tu n'offenseras pas les bons citoyens
2) Tu ne prendras pas la femme du voisin
3) Tu ne voleras pas l'organisation
4) Tu ne te drogueras pas
5) Tu devras obéissance et respect à ton supérieur
6) Tu accepteras de mourir pour le père ou de faire de la prison pour lui
7) Tu ne devras parler du groupe à quiconque
8) En prison tu ne diras rien
9) Il n'est pas permis de tuer un katagari (personne ne faisant pas partie de la pègre)
Inutile de préciser que ce code est de moins en moins appliqué et peu de clans suivent encore cette éthique, particulièrement en ce qui concerne la dernière règle…
D’autres notes sont en fin de chapitre, histoire de ne pas spoiler tout de suite la suite du texte !
Et maintenant, où en étions-nous…
La semaine s’annonçait catastrophique. Shizuru ne s’était jamais imaginée que ses cours à l’université lui demanderaient tant de travail. Voilà à peine dix jours qu’elle était rentrée et déjà exercices, polycopiés et notes de cours s’amoncelaient sur son bureau. Seiko avait passé une partie du lundi soir à paniquer complètement et même Hideki était sorti de classe l’air peu rassuré.
Shizuru, de son côté, avait pris les choses avec un calme olympien. Elle avait passé les deux dernières soirées enfermée dans sa chambre mais ce qu’elle étudiait n’avait rien à voir avec les mathématique ou la physique : elle avait soigneusement épluché les dossiers de l’inspecteur Nagoshi et mené quelques enquêtes complémentaires. La seule chose qui lui paraissait évidente était que ses chances de survie dans cette histoire étaient désespérément minces.
Si je dois mourir avant la fin de la semaine, je suppose que ce n’est pas la peine de s’inquiéter si mon travail prend du retard, songea-t-elle avec un regard en biais sur ses classeurs, avant de piocher une autre liasse de papiers relatant l’épopée sanglante d’un jeune clan boryokudan et se replonger dans ses lectures.
Les Gurentai. Le gang qui intéressait les forces de police n’avait rien d’une bande de saints. On leur attribuait une demi-douzaine d’assassinats sur des officiels et d’autres yakuza, sans avoir pu le prouver. Un autre document détaillait leurs activités, parmi lesquelles le trafic d’armes figurait en tête de liste, talonné par le trafic de drogues.
Une autre pile de feuilles soigneusement agrafées rassemblait des informations sur le Fujino-kai, le clan de sa famille. Shizuru constata sans trop s’étonner que le nom de son cousin, Kenjiro, figurait dans la liste des individus suspectés d’être des yakuza. Elle vérifia attentivement les autres noms et ne vit pas le sien.
Finalement, la jeune femme avait relu attentivement le testament original de son grand-père. Quelque chose clochait. Son existence était trop insignifiante aux yeux du vieil homme pour qu’il lui ait légué le moindre yen. Et alors qu’elle examinait le document, un détail lui sauta aux yeux.
Elle avait finalement compris ce qui avait dû se passer...
Shizuru traversa la rue et se retrouva sur la place. Elle parcourut les environs du regard, cherchant parmi les gens massés près de la camionnette d’un marchand de glaces ou assis sur les bancs.
Un homme d’une vingtaine d’années avait pris place sur le rebord de la fontaine centrale. Il était vêtu d’un costume impeccable, bien différent du jean troué qu’il portait le jour de son départ mais Shizuru le reconnut aussitôt.
- Kenjiro !
L’homme releva la tête et son visage se fendit d’un large sourire.
- Voyez-vous ça ! Tu as bien grandi depuis la dernière fois que je t’ai vu ! Lança-t-il, réjoui, en avalant la distance qui les séparait de ses grandes enjambées.
Shizuru fit mine de s’incliner pour le saluer mais il la prit par les épaules et la serra brièvement contre lui.
- Allons, depuis quand es-tu aussi formelle avec moi, Hime-chan ? Dit-il en riant.
- Excuse-moi…ça fait tellement longtemps que je ne t’ai pas vu. Tu es tellement élégant que je n’ai pas pu m’en empêcher, expliqua-t-elle avec un sourire radieux.
Kenjiro avait gagné en prestance mais sa gentillesse n’avait pas changée. Sa présence était aussi chaleureuse que lorsqu’ils s’étaient quittés. Comment avait-elle pu être aussi inquiète lorsqu’elle l’avait appelé la semaine dernière ?
- Superbe, hein ? Déclara-il en pivotant sur lui-même, très fier, pour lui faire admirer son costume. Allez, viens, je connais un restaurant fabuleux dans le quartier !
Shizuru se laissa entrainer par son cousin, gagnée par son enthousiasme alors qu’il se lançait dans le récit d’une de ses dernières mésaventures.
- Tu aurais dû voir sa tête, c’était impayable, conclut Kenjiro avant de vider son verre d’un trait.
Shizuru avait passé une bonne partie du repas à rire, ses soucis de la veille oubliés. Elle aurait donné cher pour que les choses puissent continuer ainsi : évoquer des souvenirs avec Kenjiro, parler de ses études, se concerter plus longtemps au sujet de sa mère et l’écouter raconter toutes ses histoires avec une telle joie de vivre.
Dire que la semaine dernière mes principaux soucis consistaient à remplir des papiers administratifs et me poser des questions existentielles en regardant mon téléphone…j’ai été bien naïve, songea Shizuru en faisant tourner l’eau dans son verre.
C’est la mort dans l’âme qu’elle résolut de mettre fin à cette discussion. Shizuru y avait beaucoup réfléchi et bien qu’elle ait cette idée en horreur, Kenjiro était la seule personne qui puisse l’aider à parvenir à ses fins. Après avoir pesé le pour et le contre, la jeune fille avait renoncé à avouer à son cousin qu’elle était un pion dans une opération policière. Moins il en saurait, mieux il pourrait se protéger si les choses venaient à mal tourner.
- Il paraît que Grand-père est mort ? Demanda-t-elle doucement.
Kenjiro écarquilla les yeux avant de prendre un air désolé.
- En effet. J’aurais dû savoir que tu serais vite mise au courant.
- Oui, en fait…
Shizuru se pencha pour chercher quelque chose dans son sac.
- J’ai reçu ça, en début de semaine, déclara-t-elle en tendant le testament à Kenjiro.
- Je vois. Évidemment, murmura le jeune homme. J’ai été stupide. Je m’excuse de ne pas avoir pu t’en parler plus tôt. En vérité, je comptais le faire aujourd’hui mais je n’avais pas envie de plomber nos retrouvailles tout de suite.
Il avait l’air sincèrement navré. Shizuru réalisa avec un certain malaise que c’était exactement la réaction à laquelle elle s’attendait…et celle qu’elle espérait.
- C’est ce que je pensais. J’espérais que tu puisses m’en dire un peu plus. En toute franchise, ça ne me rassure pas vraiment.
Kenjiro joignit les mains devant lui, l’air soucieux. Tant d’événements entraient en jeu qu’il ne savait pas de quelle façon aborder le sujet. Toutefois, la jeune femme coupa court à ses réflexions en lui demandant, simplement :
- Est-ce que Grand-père voulait t’adopter ?
Le jeune homme arqua un sourcil avant de se rappeler à qui il avait affaire. Comment avait-il pu oublier qu’aucun détail n’échappait jamais à sa cousine ?
- Ravi de voir que ta vivacité d’esprit n’a pas changé, Hime-chan, fit-il avec amusement, une lueur de fierté dans le regard. Comment as-tu deviné ?
Shizuru lui prit le testament des mains et le plaça à côté de la lettre du notaire que lui avait remis l’inspecteur Nagoshi.
- Simplement parce que dans le testament original, grand-père désigne son héritier comme « le plus âgé et le plus apte de la famille principale ». Et, soyons honnête, je doute qu’il se souciait assez de moi pour me léguer le moindre yen ! La façon dont il a formulé les choses est assez vague pour suggèrer qu’il pensait à quelqu’un d’autre que moi quand il a rédigé ça.
Kenjiro hocha sombrement la tête.
- C’est en effet ce qu’il s’est passé. Grand-père voulait m’adopter, de façon à faire de moi son héritier direct et m’apporter un statut qui soit le plus légitime possible. C’est pour ça qu’il n’a cité aucun nom précis. Seulement, il est mort avant que les démarches n’aient abouti…et tu es donc prioritaire par rapport à moi sur l’héritage, d’après les notaires, conclut-il en survolant des yeux la lettre formelle où le nom de sa cousine apparaissait clairement. Tu es de la honke, après tout, déclara-t-il d’un ton sentencieux.
Shizuru se retint de lever les yeux au ciel. Si ce genre de termes convenait aux notaires ou à son cousin, elle trouvait ce distinguo entre les deux branches de la famille parfaitement ridicule.
Tant de complications alors que nous ne sommes plus que trois à porter le nom de Fujino !
Son cousin était mal-à-l’aise. Le pli soucieux qui barrait son front offrait un beau contraste avec le visage insouciant qu’il présentait quelques minutes auparavant.
Shizuru le regarda faire rouler ses baguettes entre ses doigts. Une manie qui apparaissait dès qu’il était nerveux. Elle sut alors qu’elle avait vu juste et que la situation était extrêmement simple.
- Est-ce que…mes jours sont en danger ?
Kenjiro la regarda et soutint son regard sans broncher, ses yeux bruns rivés aux siens. Encore une fois, elle avait mis dans le mille.
- Je ne laisserais jamais personne te faire du mal. Jamais, martela-t-il.
Shizuru sourit.
- Qu’en pensent tes collaborateurs ?
Kenjiro pinça les lèvres.
- Beaucoup de mal, en vérité. Grand-père te lègue une véritable fortune et perdre tout ça serait un coup dur pour le Fujino-kai.
- Ara.
- Ce n’est pas drôle, pesta Kenjiro.
Il semblait furieux. Furieux et impuissant.
- J’imagine que je ne peux pas renoncer à mes droits là-dessus...
- Tu ne peux pas renoncer. Grand-père exclut tout le monde de son testament, mis à part son successeur direct. Si tu refuses ses biens, c’est l’Etat qui récupère tout. Laisse-moi te dire que ça revient à te tirer une balle dans la tête.
- Pourquoi ne m’a-t-il pas tout simplement déshéritée ?
Kenjiro haussa un sourcil.
- On ne déshérite pas les gens comme ça, c’est une sacrée procédure. Surtout quand de telles sommes sont en jeu. Surtout dans un milieu comme le notre. Il était beaucoup plus facile et discret d’adopter un nouvel héritier plutôt que de te renier. En plus, cela permettait de m’incorporer à la honke et me donner toute la légitimité pour lui succéder dans tous les domaines. Ce n’était pas forcément indispensable vis-à-vis de l’organisation mais Grand-père y tenait.
- Je vois, fit Shizuru.
Le vieil homme appréciait beaucoup Kenjiro. Il n’était pas si étonnant qu’il ait voulu lui témoigner son estime en cherchant à l’inclure dans la famille principale.
D'autre part, son cousin ne l’avait dit qu’à demi-mot mais il suggérait clairement qu’il allait prendre la tête du Fujino-kai.
Ce détail était tout aussi capital : un simple yakuza ne serait pas en mesure de laisser une femme intégrer les rangs d’un clan. Mais s’il s’agissait d’un membre influent de l’organisation, alors peut-être…
Shizuru se redressa, s’efforçant de rester cette personne calculatrice et détachée qu’elle avait besoin d’être maintenant. Elle ne pouvait pas laisser l’affection qu’elle éprouvait pour son cousin la distraire. Il lui suffisait de quelques mots pour régler cette conversation odieuse.
Ara, Nagoshi-san, aviez-vous pensé à tout ça quand vous avez déclaré que j’avais toutes les cartes en main pour réussir ?
En y repensant, l’inspecteur avait probablement menti quand il lui avait annoncé qu’il ignorait pourquoi elle avait hérité. Peut-être souhaitait-il la tester et voir ce qu’elle connaissait de la situation du Fujino-kai pour savoir dans quelle mesure elle pouvait être manipulée.C’était un concours de circonstances idéal : Shizuru, prise entre les feux des yakuza et de la justice, avec un cousin aimant prêt à tout pour l’aider…elle était vraiment la candidate parfaite.
- Pour l’instant, mon autorité et le Ninkyôdô te protègent mais…
Le Ninkyôdô, le fameux code des yakuza, la voie chevaleresque. Kenjiro n’avait pas changé. Malgré tout ce temps au contact de la pègre, il respectait encore scrupuleusement ces règles. C’était tout à son honneur mais ça ne suffirait pas à sauver la vie de Shizuru. Le Ninkyôdô n’était qu’une relique pour la plupart des yakuza, lui-même en était conscient.
- Les démarches d’adoption ne sont pas abandonnées, puisqu’elles ont eu lieu avant la mort de Grand-père, plaida-t-il. Je peux encore être reconnu comme le successeur légitime. A ce moment-là, il te suffira de renoncer à ton héritage et tu seras hors de danger.
Shizuru eut un triste sourire.
- Je serais morte d’ici là, Kenjiro. Si je disparais, les notions de bunke et honke perdent tout leur sens et rien ne t’empêchera d’hériter.
Son cousin resta silencieux.
Il savait pertinemment que Shizuru avait raison et qu’il ne pouvait plus espérer gagner du temps. Un des membres du clan finirait par perdre patience et alors Shizuru serait la proie des assassins.
- Est-ce que…
Sa cousine s’interrompit, comme si elle mesurait ce qu’elle s’apprêtait à dire. Kenjiro fit un geste d’encouragement pour lui signifier d’aller jusqu’au bout de ses pensées.
- Si tu as une question ou une idée, n’hésite pas.
- Est-ce qu’il serait possible de m’intégrer parmi tes collaborateurs ? Demanda finalement sa cousine. Comme un associé ou quelque chose du même genre ?
Kenjiro la considéra un instant et son regard trahit sa surprise. La résignation lui fit baisser les yeux aussi vite lorsqu’il réalisa que sa cousine n’aurait jamais dit une telle chose à la légère et qu’elle avait pesé chaque mot.
- C’est une idée périlleuse.
- Je sais. Je suis consciente des risques.
- Je n’en doute pas, l’interrompit Kenjiro. Mais je ne pensais pas que tu aborderais toi-même ce sujet.
Il aurait été idiot et insultant de croire que la jeune femme ne connaissait pas aussi bien que lui les dangers que représentait le monde des yakuza : Shizuru savait parfaitement de quoi elle parlait.
- En vérité, je ne te cacherais pas que j’avais envisagé cette possibilité, déclara-t-il simplement.
- Cela me protègerait-il ?
Kenjiro plissa les lèvres en un sourire désabusé et laissa échapper un rire amer.
- Te protéger…Eh bien, je ne suis pas sûr que t’associer avec les yakuza soit le meilleur moyen de te laisser vivre une petite vie joyeuse et sans histoire. Sans compter que les cas où des femmes ont officiellement intégré nos rangs sont rarissimes…depuis quand réfléchis-tu à tout ça ? Demanda-t-il brusquement, l’air inquiet.
Il ne pouvait pas croire que l’idée que lui suggérait Shizuru lui était venue au cours de la discussion. Kenjiro connaissait et comprenait parfaitement l’aversion de la jeune fille pour le milieu de la pègre. Il ne faisait aucun doute que sa cousine saisissait la gravité de la situation et avait envisagé même les pires possibilités pour se sortir de ce guêpier, avant de retenir cette « solution ».
- Disons peu de temps après avoir reçu cette lettre, inventa Shizuru. J’ai compris ce qu’il se passait et j’ai…envisagé des options.
- Je suis sincèrement désolé.
- Tu n’y es pour rien.
Sa voix posée n’avait trahie aucun trouble. Il décela juste une pointe de regret sous la l’affirmation portée par cette simple phrase. Kenjiro prit le temps de considérer sa cousine et son air tranquille. Il n’arrivait pas à savoir d’où lui venait une telle résignation mais son sang-froid face à la situation l’impressionnait.
Kenjiro se redressa dans son siège, bien décidé à laisser de côté son hésitation et aider sa cousine à rester en vie.
- Alors je vais voir ce que je peux faire. Je ne peux rien te promettre, mais peut-être que si j’arrive à te donner une certaine appartenance au Fujino-kai et que l’héritage reste sous les yeux de toute l’organisation, tu auras une certaine immunité vis-à-vis des yakuza de notre clan.
Shizuru hocha brièvement la tête pour marquer son approbation. Ç’avait été beaucoup plus facile que prévu, il lui avait suffi de pousser la discussion dans le bon sens et exploiter une solution qui s’imposait d’elle-même. Elle n’avait nulle envie d’en rajouter. Qu’est-ce qui était le plus pénible ? Mentir à Kenjiro en exploitant la situation telle qu’elle était ? Ou savoir qu’elle allait devoir rallier une de ces organisations qu’elle méprisait plus que tout ?
- Je ferais de mon mieux pour t’aider, assura Shizuru.
- Et moi je ferais en sorte que rien ne puisse t’arriver.
Le soleil se couchait quand Shizuru poussa la porte de sa chambre. Elle se débarrassa de son sac et de sa veste qui atterrirent sur le lit. Dehors, une sorte de brouillard s’élevait autour des bâtiments avec la fraicheur du soir et les habitations en bas de la colline du campus semblaient prises dans un cocon de brume. Sa chambre étroite, pleine à craquer, avait quelque chose de rassurant. Shizuru ne pensait pas considérer aussi vite ces quelques mètres carrés comme refuge face au monde extérieur et pourtant c’est ce qu’elle ressentait à cet instant, en allumant une petite lampe qui dispensa une lumière orangée sur le mobilier.
Elle s’assit dans son fauteuil de bureau alors qu’elle prenait lentement conscience de la situation inextricable dans laquelle elle se trouvait. Sa discussion avec Kenjiro et ses longues soirées de réflexion lui revinrent en tête, accompagnées des dialogues qu’elle avait imaginés, les réactions prévues et anticipées de son cousin. Shizuru se revoyait sans peine à l’époque du Festival, agissant seule, dans l’ombre. Elle avait épié les faits et gestes de chaque HiMEs et analysé leurs comportements. Combien de fois avait-elle abattu des orphans sans que personne ne s’en doute ? Protégeant Natsuki de ces créatures tout en préservant le secret de son identité de HiME ?
Nagoshi avait raison. La manipulation et la violence ne lui étaient pas étrangères. Une fois de plus, elle devait mentir à une personne qui lui était chère et dissimuler ses objectifs.
La jeune femme rassembla les liasses de feuilles qui tapissaient son bureau avec un certain dégoût.
Elle songea pour se tranquilliser que le Fujino-kai était loin d’être la pire des organisations et ceci grâce à son grand-père qui avait tout fait pour que ses subordonnés respectent scrupuleusement le Ninkyôdô. Il avait été un des derniers oyabun de tout le Japon à agir ainsi, en arguant que ce code d’honneur était leur fierté et ce qui distinguait les yakuza de simples criminels. De ce point de vue, Kenjiro était tout comme lui. Shizuru le revoyait des années plus tôt, les yeux brillants d’excitation, alors que les informations télévisées passaient en boucle des images de ces yakuza qui distribuaient vivres et tentes à la population après le tremblement de terre de Kobe, bien avant que les autorités ne puissent organiser des secours. Son cousin avait toujours été sensible à cet esprit chevaleresque qui animait certains clans, protégeant les gens dans des situations où la police pouvait difficilement agir. C’était pour cela que Kenjiro avait rejoint le Fujino-kai, sous l’influence de leur grand-père.
Shizuru n’avait pas la naïveté de croire que ce genre d’actions faussement désintéressées suffisaient à pardonner les autres activités illicites des gangs.
Suivant le flot de ses pensées, un autre souvenir lui revint. Un souvenir sombre. Kenjiro à ses côtés, elle se promenait dans les rues de Kyoto, dans une ruelle quasiment déserte. Elle n’avait pas douze ans. Devant eux, un jeune homme apostrophait un couple âgé, les manches de sa chemise retroussées dévoilant des tatouages colorés. Extravagant, il parlait fort, faisait de grands gestes en lançant des insultes. Kenjiro venait d’achever ses études au lycée. Quand le yakuza tapageur bouscula le vieil homme, il fut sur lui en quelques enjambées, l’attrapa par le col et le plaqua contre un mur. Il évita de justesse un coup de couteau avant de lui expédier son poing en plein visage. Shizuru avait été assez proche pour entendre les os craquer. Son cousin fulminait, rouge de colère. Le couple s’était enfui. Kenjiro ôta sa veste et arracha la manche de sa chemise, dévoilant un dragon s’enroulant autour de son biceps.
- Casse-toi, pourriture ! Hurla-t-il.
Le yakuza braillard était à terre, le nez en sang, rampant pour se relever.
- Dégage de là, ce quartier appartient au Fujino-kai ! Casse-toi ! Si je te revois, je te tue !
Kenjiro était fou furieux. Il ne supportait pas ce genre de comportement qu’il qualifiait de honteux pour un yakuza. S’en prendre à des faibles, sans raison, était le comble du déshonneur.
Ce jour-là, Shizuru avait vu glisser le masque de gentillesse et d’insouciance de son cousin. Elle aurait souhaité effacer ces images de sa mémoire tant elles étaient en contradiction avec ce qu’elle connaissait de lui. Jusqu’à présent, elle avait soigneusement dissocié le jeune homme des affaires de la pègre. Le Kenji souriant qui peuplait ses souvenirs d’enfance lui suffisait. La jeune fille n’avait aucune envie de refaire la connaissance d’un Kenjiro yakuza, pilotant des affaires louches de sang-froid. D’ici la fin de la semaine pourtant, ce serait chose faite. Après avoir affronté sa mère, ce serait une autre facette de sa famille qu’elle ne pourrait plus choisir de simplement ignorer.
Seiko fit quelques pas dans l’amphithéâtre. Son regard survola la salle et les têtes des étudiants déjà installés qui discutaient dans un joyeux désordre. Il ne lui fallut pas longtemps avant de repérer ses deux amis. Une fois encore, ils s’étaient installés au plus près du mur, remarqua-t-elle avec agacement. Elle n’arrivait pas à savoir si cela leur donnait un soutient supplémentaire ou s’ils espéraient que cela les rendrait moins visibles de l’estrade et trouvait ça ridicule dans les deux cas.
L’un comme l’autre étaient avachis sur la table, le visage plongé au creux de leurs bras. Elle découvrait Hideki dans cet état quasiment tous les matins mais jamais elle n’aurait imaginé que Shizuru puisse l’imiter avec tant de brio.
Elle fut à leurs côtés en quelques foulés énergiques, bien décidée à les embêter un peu avant le début du cours.
Un choc sourd contre la table incita Shizuru à ouvrir un œil. Une canette de café était posée juste à côté de sa main, suffisamment proche pour qu’elle sente la chaleur contre ses doigts.
- Bois ça, ça ira mieux, lança la voix dynamique de Seiko au-dessus d’elle.
- Il est hors de question que je boive ne serait-ce qu’une goutte de cet infâme jus de chaussette, philosopha Shizuru avant de tourner la tête de l’autre côté.
- Je peux le prendre ? Demanda Hideki avec une envie à peine dissimulée. Il fixait la canette comme si c’était le Saint Graal et Seiko leva les yeux au ciel.
- Vas-y.
Le jeune homme tendit le bras, avala le contenu de la cannette d’une seule lampée et reprit sa position d’origine.
- Vous avez une de ces têtes…
- J’ai bouclé ce fichu exo de maths…et après j’ai fini ce concerto de Rachmaninov, murmura Hideki dont les yeux se mirent à pétiller. Depuis le temps que je voulais le jouer…
Une pièce de plus de 45 min, précisa mentalement Shizuru. 3e concerto, un morceau épuisant, tout aussi bien pour le pianiste que pour l’auditoire, surtout à 2h du matin. Hideki avait joué sans relâche et même s’il avait baissé le son de son synthé, Shizuru n’avait pas été épargnée par ses accords en cascade.
- Mal dormi, résuma-t-elle simplement.
Elle avait passé la moitié de la nuit à tourner dans son lit pour chercher le sommeil mais la musique d’Hideki n’était pas la seule responsable. Ses pensées revenaient inlassablement sur sa discussion avec Kenjiro et elle ne cessait de s’imaginer devant l’immeuble du Fujino-kai. Cette après-midi, elle y serait. Au fur et à mesure que les jours passaient, il devenait de plus en plus difficile de dormir, comme si son esprit prenait enfin la pleine mesure de ce qu’elle s’apprêtait à faire. Shizuru tentait de se raisonner en se raccrochant à Kenjiro : tant qu’elle serait sous sa protection, elle ne risquerait rien et tout irait bien, ce n’était qu’une simple formalité. En vain. Ce qu’elle allait accomplir était trop contre-nature pour qu’elle puisse simplement attendre en toute sérénité. Ce gang avait empoisonné la moitié de sa vie, après tout.
Les hommes du Fujino-kai n’allaient pas en croire leurs yeux. Shizuru essaya de trouver un peu de réconfort en imaginant leurs têtes, sans grand succès.
- Essaye de te reposer, ce midi. L’année commence à peine…
Shizuru grimaça. Elle n’avait pas encore pris le temps de se pencher sur ses cours. Encore un autre problème à gérer. Comment était-elle supposée suivre ses études tout en jouant les espionnes pour la police ?
- J’aurais du en profiter pour ouvrir un classeur, au moins ç’aurait été plus productif, soupira-t-elle.
- Si tu veux, on pourra y jeter un coup d’œil ensemble, ce soir. Ce sera plus simple, au moins pour les exos, proposa Hideki.
Shizuru accepta de bon cœur en espérant qu’elle puisse en avoir encore la force après l’après-midi qui s’annonçait.
Le siège du Fujino-kai faisait partie intégrante d’un gigantesque hôtel de luxe au cœur de Kyoto.
Contrairement à d’autres organisations, on n’avait pas jugé nécessaire d’étaler les symboles du clan au-dessus de la porte d’entrée, nota Shizuru en sortant de la voiture.
Une discrétion toute relative : tout le monde savait quel genre de personnes possédait cet immeuble.
Un tapis rouge menait à l’intérieur de l’hôtel. Les longues portes vitrées flanquées de deux employés en costume à l’allure guindée donnaient sur un intérieur luxueux à l’occidental, recouvert de marbre du sol au plafond.
Kenjiro traversa le hall d’un pas de conquérant en jetant au passage un salut désinvolte au réceptionniste, avant de s’engouffrer dans un ascenseur assez grand pour contenir une voiture.
Shizuru le suivit sans accorder le moindre regard aux employés ou au décor fastueux qui l’entourait.
Plus que jamais, elle aurait besoin de son masque cette après-midi. C’était la première fois qu’elle mettait les pieds dans le quartier général du clan Fujino mais même si tant d’opulence l’impressionnait, elle ne devait rien en laisser paraître. Tout ceci lui appartenait, après tout.
Kenjiro se tenait juste devant elle. Elle ne pouvait pas voir son visage mais sa posture suggérait une assurance tranquille et décontractée. S’il était nerveux, lui non plus n’en montrait rien.
Arrivé au dernier étage, les portes de l’ascenseur coulissèrent sans bruit. Une sorte de hall donnait sur d’autres pièces illuminées par d’immenses baies vitrées. Certaines croulaient sous les ordinateurs qui clignotaient en ronronnant. D’autres ressemblaient à des salles de réunion ou des bureaux. Le décor d’une véritable petite entreprise, jugea Shizuru. Il ne manquait plus que le comptoir de réception avec les secrétaires et la machine à café.
- Ah ! Te voilà !
Un homme venait de surgir d’un bureau. Il devait avoir une soixantaine d’années, des rides accentuées par un visage crispé de colère et des cheveux d’un gris acier. Il fut devant Kenjiro en un éclair. Malgré son âge, la façon dont il se déplaçait et sa stature de lutteur donnaient l’impression qu’il aurait pu casser en deux le premier venu sans fournir le moindre effort.
- C’est vrai ce qu’on raconte ? Tu l’as vraiment acceptée comme ça ? Sans réunir tes lieutenants ?
Kenjiro haussa une épaule.
- L’affaire était trop urgente. Ras-le-bol de devoir parlementer avec les avocats de Grand-père ! Inutile de perdre du temps avec ces conneries judiciaires, tu sais bien que j’ai horreur de la paperasse !
- Tu penses vraiment que l’Aizukotetsu-kai va tolérer ça ?
- Je l’espère bien, rétorquât-il. Les clans de Kyoto sont toujours libres de choisir leurs membres à ce que je sache.
La dureté qui perçait sous ces mots indiquait clairement qu’il n’avait pas envie de plaisanter davantage sur le sujet.
- Quel grade ?
- Kumi-in. Elle n’est pas encore un membre à part entière. Mais si les choses traînent, elle passera Kyodaï .
L’homme manqua s’étouffer.
- Kyodaï ! Comme si elle en avait l’étoffe !
- N’oublie pas qu’elle pourrait être à ta place en toute légitimité si l’envie m’en prenait.
L’homme souffla par les narines comme un taureau furieux. L’envie de protester le démangeait.
- Quelque chose ne va pas, Ryushi ?
Le colosse finit par détourner le regard et inclina légèrement la tête.
- Non. Tu es oyabun maintenant et si ce sont tes ordres, ils seront respectés. Mais sache que je la testerais. Elle se doit d’être à la hauteur, il en va de l’honneur du clan.
Kenjiro se contenta de murmurer son approbation et se remit en route comme si la conversation n’avait jamais eu lieu.
Ryushi le regarda s’éloigner et se fendit d’un sourire dédaigneux lorsque Shizuru passa devant lui.
- Tiens, l’enfant de la honte ! Déclara-t-il comme s’il découvrait sa présence. Toujours dans nos pattes…tu n’as vraiment aucune fierté, fit-il sombrement. A ta place, je me serais suicidé depuis des années.
Il ne cherchait même pas à dissimuler son dégoût. Shizuru lui rendit le sourire le plus léger qu’elle puisse esquisser sans tomber dans l’impertinence et suivit Kenjiro sans un mot.
Son cousin avait probablement tout entendu.
La jeune fille lui était reconnaissante de ne pas s’être interposé : c’aurait été reconnaître qu’elle était en position de faiblesse et une insulte au peu d’honneur qu’il lui restait.
Kenjiro la fit entrer dans un bureau spacieux et étonnamment bien rangé. Le mobilier austère et minimaliste convenait davantage à son grand-père qu’au caractère de son cousin et le décalage fut d’autant plus frappant quand il prit place dans le large fauteuil sombre.
- Depuis quand es-tu kumicho ?
- Deux jours. Ça s’est fait le lendemain de nos retrouvailles. Le clan a des obligations face à l’Aizukotetsu-kai et il fallait que ce soit réglé le plus vite possible. Nous n’avons même pas eu le temps de faire une cérémonie !
A croire qu’il l’attendait pour prendre les rênes du groupe songea Shizuru. Nul doute que sa première décision avait été l’admission de sa cousine au sein du Fujino-kai. Kenji avait pris des risques.
- Ne fait pas attention à lui. Ryushi a un sale caractère mais c’est le plus loyal de tous. Tu le connais, il fait passer le clan au-dessus de tout.
Shizuru n’en doutait pas un seul instant : c’était pour cette raison qu’il la méprisait tant après tout. Pour l’avoir vu plusieurs fois pendant son enfance à Kyoto, elle se souvenait parfaitement de lui et son attitude n’avait pas changé.
- Je m’y ferais.
- Tu seras en sécurité ici, personne dans ce clan ne tentera quoi que ce soit contre toi. En revanche, si Ryushi ou n’importe qui d’autre veut te tester, je ne pourrais pas m’y opposer.
- C’est normal. Ne t’inquiète pas pour moi.
Kenji ne pouvait pas se permettre de favoriser l’un des membres du clan, c’était contraire à la logique des yakuza. Jamais elle ne serait acceptée s’il agissait ainsi, tout les deux en étaient conscients. Shizuru devait faire ses preuves seule, c’était l’unique solution pour qu’elle espère gagner un peu de respect au sein du groupe.
- Tu devras participer à certaines de nos opérations, il va y avoir pas mal de problèmes à régler dans les jours à venir et on aura besoin de tout le monde. On a quelques soucis, des sortes de guerre de territoire, expliqua Kenjiro.
- Je pensais que les clans de l’Aizukotetsu-kai s’étaient mis d’accord sur le partage de la ville, s’étonna Shizuru pour l’encourager à continuer.
- Si tu savais ! Gémit-il d’un ton faussement ennuyé. C’est loin d’être le cas mais dans l’ensemble nous arrivons à trouver des compromis. Non, le vrai problème c’est l’émergence d’une sorte de nouvelle bande organisée. Des fous-furieux qui se font appeler les Gurentai. Difficile de savoir d’où ils sortent mais en tout cas, ils ont les dents longues ! Ils essayent de s’imposer dans le trafic d’armes et harcèlent les autres clans en mettant à sac des commerces qui nous appartiennent, ce genre de choses. Rien de trop grave en surface, mais on pense qu’ils auraient pu tuer quelques hommes des clans voisins. Il faut que l’on étouffe la situation le plus vite possible.
Shizuru acquiesça d’un air entendu. Comme le prévoyait l’inspecteur Nagoshi, la police n’était pas la seule à avoir des ennuis avec les nouveaux venus. D’habitude, les vieux clans yakuza et les autorité se fichaient mutuellement la paix. Ainsi allaient les choses : même si des accrochages survenaient, le système japonais avait besoin des yakuza et on leur laissait une certaine marge de manœuvre pour leurs activités. La façon de faire des Gurentai les classait bien à part. Trop menaçants pours les anciens clans, trop incontrôlables et violents pour les forces de police, ils s’étaient mis tout le monde à dos.
C’était une bonne chose songea Shizuru. Il lui suffirait de jouer les intermédiaires entre les deux pour les prendre en étau. Les Gurentai seraient démantelés ou absorbés par un groupe plus puissant et tout rentrerai dans l’ordre.
- Pour l’instant, il faut que tu mémorises les noms et les visages d’un maximum de personnes, ici. Je te décrirais les membres les plus importants. N’emporte aucun document chez toi, aucune information ne doit filtrer. La police en sait déjà largement assez. Tout doit rester là-dedans, déclara Kenji en appuyant son index contre son front.
-Entendu.
Kenjiro esquissa un sourire désolé en la voyant si résignée et se laissa aller contre le dossier de son fauteuil.
- Ce n’est décidemment pas comme ça que j’imaginais nos retrouvailles, tu sais. Tu as revu des gens sur Kyoto depuis ?
Shizuru retint un sourire en l’entendant changer de sujet. Il semblait plus affecté par sa nouvelle situation qu’elle ne l’était elle-même.
- Personne. J’ai perdu contact avec quasiment tout le monde en cinq ans. Mais je comptais rendre visite au docteur Nakajima, tu as eu de ses nouvelles ?
Une lueur d’inquiétude traversa le regard de Kenjiro.
- Nakajima ? Tout va bien, Hime-chan ?
- Bien sûr ! S’amusa sa cousine. J’aimerais bien la revoir, c’est tout. Nous sommes restées très proches, tu sais ?
En vérité, c’était la seule personne avec laquelle Shizuru avait réellement entretenu une correspondance, du moins pendant ses premières années à Fuuka. La jeune fille lui devait énormément. Sans son aide, elle serait peut-être morte depuis des années pour l’honneur du clan, comme le souhaitait des gens tels que Ryushi.
- Ca fait un bon bout de temps que je ne lui ai pas parlé, avança Kenjiro sans avoir l’air convaincu.
- Je l’appellerais dans la semaine.
- Shizuru ? Tout ça est temporaire, tu le sais bien ?
Son cousin avait l’air soucieux. Maintenant que Shizuru était liée au Fujino-kai il était encore plus nerveux que la jeune fille et évoquer la psychiatre avait suffi pour l’inquiéter pour de bon.
Elle leva la main en signe d’apaisement.
- Ne t’inquiète pas pour moi, je sais tout ça. Ce ne sont que quelques mauvais mois à passer et après tout va s’arranger. Je tiendrais le coup, assura-t-elle d’un air tranquille.
Kenjiro finit par hocher la tête d’un air dubitatif et ils étaient en pleine discussion lorsque Ryushi entra dans le bureau pour proposer de prendre Shizuru avec lui pour une affaire de routine, la nuit prochaine.
Notes :
En temps normal, aucune femme n’est admise chez les yakuza, hormis éventuellement l’épouse de l’Oyabun. La seule yakuza à avoir dirigé un clan (et sur une courte période) était la femme du kumicho du yamaguchi-gumi de Tokyo après la mort de son époux, jusqu’à ce qu’un successeur lui soit désigné. Pardonnez-moi cette belle entorse à la tradition !
Quand aux Gurentai, ils ont réellement existé dans les années 50 lors du développement de la pègre de l’après-guerre. Il s’agissait d’un groupe violent, nettement moins organisé. Les Gurentai ont fini par être absorbés par des clans plus importants qui sont à l’origine du Yamaguchi-yumi ou de l’Inagawa-kai de Tokyo.
Enfin, si vous cherchez plus d’information sur les yakuza, wikipedia a une page assez complète sur le sujet, notamment en ce qui concerne la hiérarchie avec un joli schéma explicatif. Faites attention toutefois, certaines informations sont à vérifier, comme celles qui concernent les recrues des yakuza : d’après d’autres sources, les non-japonais peuvent très difficilement espérer faire parti d’un clan…