Guren
Yop tout le monde ! La symbolique du lotus en bouddhisme relève encore du fait que la graine et la fleur apparaissent ensemble, il s'agit de la simultanéité de la cause (la graine) et de l'effet (la fleur) dans la loi de causalité de l'univers qui est l'un des concept majeur de la philosophie bouddhique. À cela il faut rajouter que le lotus puise sa substance vitale dans la boue pour s'épanouir, en effet, au dessus de l'eau. Ainsi "la boue" représente les souffrances, les troubles, les désirs, qui sont le terreau même de notre épanouissement. Il est donc possible de transformer son karma par l'illumination, l'atteinte de la boddhéité, grâce à notre éveil à la loi de causalité. De plus, "Guren" est le nom d'un des 8 enfers glacés et symbolise la couleur de la peau quand elle éclate. Pas toujours la joie quoi. Vous pouvez dire merci à Kohei à la bêta-lecture, qui vous a évité des titres nettement plus plats XD J’en profite pour remercier les reviewers, en espérant que la suite vous plaise! vos commentaires sont toujours les bienvenus :) Natsuki passa un dernier coup d’éponge sur la table et rangea les quelques couverts qui traînaient à côté de l’évier. Natsuki se souciait peu des affaires des autres. Les siennes, en revanche, c’était une autre histoire. La raison à ça était extrêmement simple : prouver qu’elle était capable de prendre soin d’elle même et d’être indépendante avait été très tôt son ticket pour la liberté. Un cadre de vie irréprochable pour éviter de finir dans un foyer. Au final, faire un peu de nettoyage n’était pas si insurmontable que ça, au contraire. Mais la jeune femme avait sa fierté. Avouer que passer l’aspirateur la détendait lui était inconcevable. En ce moment, elle en avait besoin. Elles s’étaient assises toutes les trois dans cette même cuisine et Miyu lui avait exposée le résultat de longues nuits de recherche qu’elle avait menées avec Midori sur la Searrs. Natsuki avait eu besoin de s’isoler quelques heures après cet évènement. Bouleversée, elle n’avait même pas été capable de jeter un regard à la fillette. Depuis, à l’initiative de Midori, Natsuki et Alyssa se consacraient mutuellement un jour de la semaine. Elle avait pris Midori à part plus d’une fois à ce sujet, en espérant lui faire comprendre que la fraternité n’était pas quelque chose que l’on pouvait organiser de cette façon. Rien à faire. La prof n’en démordait pas. Les rares occasions où Natsuki avait cherché à esquiver un « sisters’day », elle avait réussi à la retrouver avant de la planter là avec Alyssa. Miyu ne le manifestait pas de la même façon, mais ces instants lui tenaient beaucoup à cœur. - J’aimerais qu’Alyssa puisse avoir une famille sur qui compter, lui avait-elle dit un jour, sans prévenir. Natsuki l’avait regardée, estomaquée par la remarque. - Tu sais…je n’ai rien contre la fratrie et tous ces trucs-là…mais je n’y connais rien. Les deux filles se connaissaient à peine. Que la cyborg emploie le mot « famille »pour les désigner la choquait. Et aller jusqu’à parler de « famille sur qui compter »…la solitaire n’aimait pas du tout le fantôme d’obligations qui se dessinait derrière ces mots. - Tu es sans aucun doute une bien meilleure famille que moi, pour Alyssa, dit-elle finalement. Miyu avait secoué la tête, son expression aussi indéchiffrable que d’ordinaire. - Non. Ce n’est pas pareil. Très bien. Natsuki passerait donc autant de samedis qu’il le faudrait pour tisser un semblant d’entente familiale entre elles…ou pour faire comprendre à Miyu et Midori que ce n’était pas possible. De toutes façons, ces deux-là étaient un véritable mystère pour elle. Le simple fait qu’elles arrivent à s’entendre était déjà surprenant. Quel plus beau contraste que le laconisme de la cyborg et l’exubérance de la jeune prof ? Que Miyu se soucie du bien-être et de l’avenir de sa protégée, soit. L’horloge en plastique suspendue au mur lui indiqua qu’il lui restait quelques minutes avant d’aller rejoindre Alyssa. - Natsuki ? La voix de son amie était étrangement enrouée au téléphone. - Euh…oui ? Tout va bien ? S’inquiéta la jeune fille. - Pas vraiment… Midori eut un rire nerveux et Natsuki l’entendit renifler à l’autre bout du fil. - Il faut que tu viennes. Tout de suite. Il s’est passé quelque chose de grave… A ces mots, Natsuki bondit de son canapé. - Quoi ? Attends, où es-tu là ? - Chez… La prof s’interrompit brutalement. Comme quelqu’un qui étouffe un sanglot. - Chez Alyssa…dit-elle finalement. - J’arrive ! J’arrive tout de suite ! Ne bouge pas ! La coupa Natsuki. Elle ne voulait pas entendre ce qu’il s’était passé. Pas comme ça, au téléphone. Elle raccrocha immédiatement, glacée. Alyssa habitait avec Miyu, dans un appartement en bordure de la ville. Au bout de quelques instants, la porte s’ouvrit sur une Midori au visage défait. - Merci…merci d’être venue aussi vite, articula-t-elle. Les yeux rougis, la prof faisait un effort visible pour ne fondre en larmes. La prof s’effaça pour la laisser passer et Natsuki aperçut un drap jeté sur la forme incertaine d’un corps. - C’est Miyu, lâcha Midori. Natsuki ferma les yeux et expira brutalement. Elle apprécia que la prof ne puisse pas voir le soulagement qui l’avait envahie. Elle s’agenouilla sur le carrelage noirci et tendit la main vers le drap. Les contours trop sévères de morceaux métalliques étaient visibles… - Non, l’arrêta Midori. Non…je t’assure…tu n’as pas envie de voir ça…murmura-t-elle. - Que s’est-il passé ? - Je ne sais pas…je ne comprends pas…la Searrs avait peut-être planqué un système dans son corps…pour la détruire s’il se passait quelque chose…pour ne pas que leur technologie soit utilisées par d’autres personnes…putain….j’en sais rien… La prof passa une main tremblante sur son visage, laissant par la même occasion une traînée de suie sur son visage. Natsuki n’osait pas imaginer ce qu’elle avait ressentie quand elle avait découvert le corps de la cyborg. - Ils l’ont tuée, Natsu…elle…elle est en miettes… Midori avait l’air prête à s’effondrer. Natsuki se leva et l’entraîna vers une chaise à l’écart. Elle n’avait aucune envie de voir son amie s’évanouir devant elle. - J’appelle Youko. - C’est déjà fait. Elle sait tout. Tout…sur le festival et le reste…Elle a aussi dû prévenir Fumi. Elle va arriver… Natsuki hocha légèrement la tête, encore choquée. Des coups sourds montèrent s’élevèrent de la chambre adjacente. - C’est Alyssa…Elle était avec moi dans la chambre d’à côté, pendant que Miyu faisait la cuisine…quand j’ai entendu l’explosion…je…je l’ai empêchée de sortir et je l’ai enfermée… Natsuki écarquilla les yeux. - Je croyais que l’on nous attaquait ! balbutia Midori, misérable. La Searrs ou une autre bande de tarés…Je ne voulais pas qu’elle se fasse blesser …et quand j’ai vu ce qui était arrivé à Miyu, je n’ai pas pu la laisser sortir… La prof s’était tassée sur sa chaise, les yeux braqués sur le sol. - Je vais la voir. Il lui fallut toute sa volonté pour simplement déverrouiller la porte. La fillette hurla et la roua de coups. Incapable de parler, elle resserra son étreinte maladroite autour d’Alyssa aussi fort qu’elle le pouvait. Comme si ce geste aurait pu changer le cours des choses et empêcher toute cette horreur de l’atteindre. Elle ne pouvait rien faire d’autre. Ce fut Youko qui raccompagna Natsuki chez elle, en voiture. Natsuki sortit du véhicule en se passant nerveusement une main dans les cheveux. - Je suis vraiment désolée, Midori, fit Natsuki avec une sincérité tendue. Je sais à quel point vous étiez devenues proches, avec Miyu… La prof haussa une épaule en évitant soigneusement son regard. Natsuki n’ajouta rien. - Tu prendras soin d’Alyssa de ma part, ce soir ? demanda finalement son amie. - Ce soir ? Je croyais qu’elle allait passer la nuit avec Youko, à l’infirmerie ? Midori secoua la tête. - Non…non, on pense qu’elle sera mieux ici. L’infirmerie est trop sinistre. Il lui faut un décor familier, expliqua-t-elle. Natsuki fit la grimace. Midori lui lança un coup d’œil intrigué. - Quelque chose ne va pas ? Natsuki leva les mains pour commencer une phrase et les laissa retomber à ses côtés avec un soupir. - Je…je ne préfèrerais pas, dit-elle finalement. Midori redressa brutalement la tête. Son visage s’était durci. En deux pas, elle fut sur elle, le regard étincelant. - C’est quoi ton problème, Natsu ? lâcha Midori entre ses mâchoires crispées. Natsuki fut incapable d’articuler le moindre son, stupéfaite par la violence dans le ton de son amie. - Ta sœur vient de perdre la personne qui lui était le plus cher au monde. Ta sœur, bordel ! martela-t-elle, son visage à quelques centimètres du sien. Le visage enflammé, Midori bouillait de fureur. Le premier instant de surprise passé, Natsuki sentit une vague de colère l’envahir en réponse et serra rageusement les poings. C’était quoi, ce pétage de plomb ? - Et bien non, changement de programme ! reprit la prof. Tu vas t’occuper de ta chieuse de frangine ! La prof prit une inspiration hachée. Jamais Natsuki ne l’avait vue dans cet état. - Prends tes responsabilités, ma vieille... Arrête ton délire, et montre-moi qu’il n’y a pas qu’un gros bout de glace là-dedans, cracha-t-elle en lui enfonçant l’index juste au-dessus de la poitrine. Natsuki se dégagea violement. Elle tira sur son t-shirt sans quitter du regard Midori qui la considérait avec tout le mépris du monde. Elle fit volte-face vers la voiture, la démarche raidie. Youko sortit finalement de la voiture pour l’aider à ouvrir la porte de l’immeuble et l’accompagner jusqu’à son appartement. La solitaire dépassa Midori en quelques enjambées, sans lui jeter un regard, muette et le visage fermé. Natsuki se retourna une fois de plus. Le canapé protesta avec un grincement métallique alors qu’elle tentait de se dépêtrer du drap qui s’était enroulé autour d’elle. En sueur, elle finit par rejeter couvertures et oreillers d’un geste exaspéré. La solitaire se sentait désespérément consciente et bien réveillée. Alyssa n’avait pas dit un mot depuis que Natsuki l’avait emmenée chez elle. Finalement, Alyssa s’était vite endormie, épuisée. La solitaire s’était retranchée dans ce qui lui faisait office de salon et aménagée un lit, sur le canapé. Quoi qu’il en soit, même si son imagination ne la tourmentait pas à ce point, Natsuki n’aurait probablement pas mieux dormi. Cette règle implacable était valable pour tout le monde. Sauf Shizuru. Natsuki se redressa et s’assit sur la banquette. Elle se demanda si les choses seraient aussi faciles si cela devait se reproduire. Avec tout ce qui avait pu se passer durant le festival, serait-elle encore capable d’abaisser toutes ses défenses, en présence de Shizuru ? De toutes façons, la présence d’Alyssa n’était pas la seule raison à son insomnie. - Pauvre andouille de prof psychopathe, maugréa Natsuki en se levant. Elle alla jusqu’à la cuisine sur la pointe des pieds et se servit un verre d’eau. La nuit allait être terriblement longue, songea Natsuki en vidant son verre d’un trait. Dans le silence, elle entendit un sanglot étouffé. Alyssa s’était probablement réveillée. Alyssa était roulée en boule sous ses couvertures dans la pénombre relative. Elle se redressa un peu en prenant conscience de Natsuki qui se tenait dans l’encadrure de la porte. Les cheveux en bataille et le visage humide de larmes, la petite fille serrée dans sa couette faisait peine à voir. - Hey…fit la solitaire, doucement. Alyssa se contenta de renifler en évitant soigneusement son regard. - Tiens, fit-elle en lui tendant un verre d’eau. L’enfant le prit d’un geste hésitant avant de le porter à ses lèvres à deux mains. Natsuki avança à quatre pattes jusqu’à se retrouver juste à côté d’elle et s’assit là, avant de passer un bras autour de ses épaules et l’attirer contre elle. Quelque chose en elle lui hurlait qu’elle faisait n’importe quoi, que ce n’était pas à elle de faire ça. Elle ne ferait que rendre la fillette encore plus mal-à-l’aise et jamais elle ne pourrait espérer apaiser sa tristesse de cette façon. Pour qui se prenait-elle, avec ses gestes maladroits et déplacés entre elles, qui se connaissaient à peine ? Et pourtant, Natsuki ne voyait pas quoi faire d’autre. Voir les gens souffrir la privait de tous ses moyens. Elle sentit Alyssa trembler un peu et se blottir imperceptiblement contre elle. - Tu sais…commença Natsuki, avant de s’éclaircir la gorge. Ça va…ça va aller, d’accord ? Pourquoi était-ce si difficile de dire quelques mots ? - Peut-être…peut-être pas tout de suite, continua-t-elle…mais avec le temps, ça va s’arranger… Ces mots déclenchèrent une nouvelle crise de larmes et Alyssa se serra contre elle, s’accrochant désespérément à son t-shirt. Natsuki s’interrompit, mortifiée et incapable d’en dire davantage.
Voici un nouveau chapitre…
Et pour l’occasion, la fanfic a aussi gagné un titre ! « Guren » signifie Lotus Rouge, en japonnais. Pour la symbolique de cette plante, je vais citer brièvement saint wikipedia :
La cuisine était impeccable.
Peu de gens connaissaient cette facette de sa personnalité. Il aurait fallu pour cela pouvoir entrer dans son appartement, ce que Natsuki réservait à une poignée de privilégiés.
Les délégués de classe l’avaient de nombreuses fois sermonnée lorsqu’elle esquivait les corvées de nettoyage. Son attitude générale n’avait fait que renforcer cette image de fille irresponsable qui lui collait à la peau depuis son arrivée à Fuuka.
Cette attitude avait été pendant longtemps son seul rempart contre des assistants sociaux en tous genres.
Pourtant, les tâches ménagères avaient le don de libérer ses pensées, ce qui était loin d’être désagréable.
On était samedi, jour fatidique baptisé par Midori le « sisters’day ».
Rien que d’y penser, Natsuki sentit des nœuds se faire dans son estomac.
Elle n’était pas prête d’oublier la fois où Miyu vint la voir, Alyssa accrochée à sa jupe comme si sa protectrice allait s’envoler.
Natsuki en savait déjà beaucoup mais au fur et à mesure que Miyu s’avançait sur le sujet, elle avait senti que quelque chose d’énorme restait à venir. La cyborg y avait mit beaucoup de tact, chose surprenante quand on la connaissait.
Cependant, Natsuki n’avait pas pu s’empêcher de bondir de sa chaise quand elle lui avait finalement annoncé qu’Alyssa était sa sœur.
Finalement ce n’était pas si surprenant. Alyssa avait été crée par la Searrs et le seul modèle biologique dont la société disposait n’était autre que Natsuki…et sa génitrice.
Peut-être la solitaire s’en était-elle doutée, inconsciemment. Rajouter une infamie de plus dans la liste de ce que sa mère avait pu faire lui avait probablement empêché de considérer cette hypothèse.
Ce que l’aînée trouvait du plus grand ridicule.
Les heures n’étaient qu’une succession de silences pesants, maladroits. Les discussions des faits communs sans intérêt. Quand la journée touchait à sa fin, Natsuki se sentait infiniment soulagée. En voyant le regard d’Alyssa, elle aurait pu parier que c’était réciproque.
Natsuki s’était résignée.
Alyssa n’aimait peut-être pas les circonstances dans lesquelles elles se rencontraient, voir son aînée l’esquiver de cette façon la blessait tout de même. La solitaire le savait.
Mais enfin pourquoi est-ce que Midori se sentait obligée de s’en mêler, avec une ferveur telle qu’on la croyait investie d’une mission divine ?
Natsuki attrapa un vieux magazine qui traînait sur sa télé et le feuilleta distraitement. N’importe quoi pour retarder le moment où elle devrait enfiler sa combinaison de moto et quitter son appartement.
A ce moment, son téléphone portable, posé sur la petite table basse, se mit à sonner.
Midori.
Natsuki décrocha immédiatement en espérant que la prof appelait pour lui apprendre qu’Alyssa ne pourrait pas être là.
Natsuki n’avait jamais entendu Midori s’exprimer de cette façon. La jeune prof avait l’air anéantie.
Elle s’empara des clefs de sa moto et se rua hors de son appartement, une peur panique au ventre.
Natsuki y arriva en quelques minutes.
Elle fut devant la porte des deux filles en un éclair et sonna brièvement, d’une main incertaine.
Derrière son épaule, l’appartement était en miettes.
Natsuki aperçut des murs noircis, une fenêtre brisée, des étagères saccagées.
Comme si une bombe y avait explosé.
L’air sentait le métal, la poudre et la chair brûlée.
Natsuki déglutit difficilement, son regard allant frénétiquement du visage blême de Midori au petit salon méconnaissable.
Natsuki fit un pas avec l’impression d’avancer au fond de l’eau tellement l’air autour d’elle s’était fait pesant.
C’était un sentiment horrible en de telles circonstances. Mais pendant d’interminables minutes, Natsuki avait craint qu’il ne soit arrivé quelque chose à Alyssa.
Par « chance », elle n’avait jamais été proche de la cyborg, leurs discussions se limitant à des politesses formelles.
Même si sa gorge refusait de se dénouer, la solitaire arrivait à garder une certaine distance face au drame.
Voir Midori dans cet état la touchait beaucoup plus.
Cela faisait probablement plusieurs minutes mais Natsuki n’en prenait conscience que maintenant.
Alyssa…pauvre gosse, quelle horreur.
La solitaire sentit une panique sourde l’envahir à l’idée de faire face à sa sœur maintenant.
Mais laisser la petite fille seule, ne serait-ce qu’une seconde de plus, était une pensée qui lui était encore plus insupportable.
Natsuki eut à peine le temps d’attraper sa sœur par les épaules pour l’empêcher de se ruer hors de sa chambre.
Elle ne devait pas voir Miyu, pas maintenant.
Son aînée ne put que la serrer contre elle.
Le cri de désespoir de sa sœur la pétrifia. Natsuki dut fermer violemment les yeux, les paupières crispées sur des larmes qui menaçaient de tomber.
Sur le siège arrière, Alyssa s’était recroquevillée contre la portière, inconsolable.
Brisée, elle avait cessé de se débattre et gardait les yeux dans le vague, le visage baigné de larmes.
Midori glissa quelques mots à Youko et la rejoignit après avoir lancé un dernier regard inquiet à Alyssa.
La détresse des autres était quelque chose qu’elle avait énormément de mal à gérer.
Quels mots pouvaient être assez justes pour apporter un peu de réconfort à quelqu’un dans ces moments-là ?
Natsuki fit un pas en arrière et la prof la retint par le col.
Elle crut un instant que Midori allait la frapper.
Et toi tu es là, à essayer de m’expliquer que non, ce soir ça t’arrange pas trop…t’avais prévu de te faire un petit plateau télé peinard, c’est ça ?
La solitaire ne s’était jamais sentie aussi humiliée de toute sa vie.
Elle serra les dents mais ne put s’empêcher de tressaillir de fureur, l’indignation et la colère frémissantes dans sa poitrine.
Natsuki ravala réparties et explications.
Inutile d’en rajouter. Ce n’était pas le moment.
Heureusement, sa sœur était trop bouleversée pour avoir pris conscience de leur face-à-face.
Natsuki ouvrit la portière et se pencha en avant.
Alyssa ne dit rien quand son aînée la prit dans ses bras et la souleva de la banquette.
Serrée contre Natsuki, elle paraissait minuscule.
Elle sentit, comme une brûlure dans son dos, les yeux de la prof braqués sur elle quand elle entra dans le bâtiment.
Avec un profond soupir, Natsuki resta étendue là, dans l’obscurité, les yeux rivés au plafond.
A deux pas d’elle, l’horloge égrenait obstinément les secondes avec une régularité qui résonnait trop clairement dans le silence pour être agréable.
Le confort de son canapé et le tictac entêtant des aiguilles n’étaient probablement pas les seuls responsables de la fuite de son sommeil et la perspective d’une nuit blanche semblait désormais tout à fait probable.
Nouveau soupir.
L’enfant était restée prostrée sur son lit, en pleurs.
Son aînée s’était assise à ses côtés, rongée par l’impuissance et ne sachant que faire.
Natsuki l’avait enveloppée dans une couverture avant de s’enfuir de la chambre, terriblement mal à l’aise.
A peine fermait-elle les yeux que l’image de sa sœur apparaissait derrière ses paupières.
Alyssa n’avait pas vu le corps de Miyu mais elle avait entendu l’explosion et le claquement du verrou lorsque Midori avait immédiatement fermé la porte, dans un reflexe aussi rapide qu’inexplicable.
Les minutes avaient dû être une véritable torture. Natsuki pouvait l’imaginer crier et taper de toutes ses forces contre la porte de la chambre, une terreur sans nom au ventre. Garder les yeux fermés plus longtemps pour chercher le sommeil était insoutenable.
L’argent qu’elle avait hérité de sa mère lui avait permis d’emménager dans un appartement de belle taille. Pourtant, cette nuit, Natsuki le trouvait trop petit.
Elle savait qu’elle ne pourrait jamais fermer l’œil facilement tout en sachant que quelqu’un d’autre se trouvait là, tout près.
Le fait qu’Alyssa soit désormais plus inoffensive qu’un chaton et profondément endormie ne changeait absolument rien au problème.
Natsuki ne supportait pas l’idée de se retrouver vulnérable et exposée aux yeux de quiconque. Fut-ce-t-il une gamine de primaire.
Lorsqu’il lui arrivait de participer aux fêtes qu’organisaient Mai et les autres, elle s’arrangeait toujours pour ne pas avoir à dormir sur place.
Si cela devait se produire, elle passait le restant de la nuit sans fermer l’œil pour rentrer chez elle dès les premiers rayons du soleil, les yeux rougis de fatigue.
Avec Shizuru, Natsuki savait qu’elle pouvait abaisser certaines de ses barrières. Elle s’était endormie plus d’une fois en sa présence, avec une facilité déconcertante.
La solitaire en avait été la première étonnée, la première fois que ça c’était produit.
Peut-être était-ce parce que Shizuru pouvait voir à travers son attitude de grande solitaire invincible. Comme si inconsciemment Natsuki savait qu’elle n’avait pas besoin de tenir ce rôle en permanence avec son amie et pouvait s’autoriser à montrer un peu de fragilité.
Elle en doutait.
Les mots que Midori lui avait jetés au visage ne cessaient de se répéter dans son esprit.
Rien que d’y penser, elle sentit son sang bouillir d’indignation.
Son amie ne lui avait même pas laissé le temps de s’expliquer.
Quelle misère, elle ne pouvait pas allumer la télévision et elle n’avait même pas pensé à prendre un livre avant de s’exiler hors de sa chambre.
Il ne manquait plus que ça.
Natsuki jeta un coup d’œil coupable vers la porte et se résigna à aller voir sa cadette.
Elle alluma la lumière dans le salon pour signaler qu’elle arrivait.
Elle n’avait plus rien de la gamine souriante qu’elle avait pris l’habitude de voir aux côté de Miyu, libérée de la Searrs et profitant d’une vie normale avec sa protectrice.
Natsuki avala difficilement sa salive, nerveuse. Comment se sortir de ce genre de situation, hein ?
Avec tout le sang-froid qu’elle pouvait rassembler, elle fit quelques pas avant de s’asseoir sur le lit.
Sa sœur la regarda faire du coin de l’œil.
Elle tremblait un peu.
En sentant Alyssa se raidir, Natsuki faillit rétracter son geste.
Elle ne saurait pas parler à Alyssa.
Comme elle ne pouvait pas la laisser se morfondre seule après ce qu’elle avait vécu.
Comment réagir ? Elle l’ignorait.
Surprise, Natsuki ne bougea pas.
Elle aurait voulu que sa sœur dise quelque chose mais Alyssa resterait probablement muette le restant de la nuit.
Elle resta ainsi jusqu’à ce qu’Alyssa s’endorme, à bout de forces.
Lorsque le soleil se leva enfin, Natsuki n’avait pas bougé d’un pouce.