La première Eve
Chapitre 19 : Et rien que la vérité
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Dites-moi enfin quel est votre désir le plus profond, Chloé Jane Decker ?
CHLOÉ
Elle plissa le front avec un soupir et une petite moue. Même la ligne tombante de ses épaules devait le révéler pour elle : il venait encore de remettre ça, alors qu'ils parlaient si gentiment. Pourquoi donc sa franchise sans filtre l'impatientait-elle toujours autant ? Elle aurait dû s'en douter. C'était loin d'être la première fois. Il était comme ça. Accepte-le ou quitte-le.
Malgré elle, son ton s'était fait un peu plus agressif quand elle répondit les bras croisés.
— Oh mais il y a tellement de choses que je voudrais ! Puisque vous demandez, mon plus profond désir est que vous me fassiez assez confiance pour expliquer ce qui s'est passé avec votre sœur. Ou me dire la vérité sur votre famille. Ou faire pour de bon ce que vous avez promis, une fois, sur mon répondeur. Voilà ce que je désire !
Interdit, il resta immobile, exsudant soudain un malaise tangible. Elle n'aurait pas dû mais elle éprouva un bref sentiment de triomphe de l'avoir ainsi acculé.
— Je... je ne vous ai jamais menti sur ma famille.
— Mais vous gardez des secrets. Des choses que vous me cachez. Si vous étiez disposé à me raconter toute l'histoire maintenant, je pourrais demander à Dan de passer prendre Trixie pour gagner une demi-heure... Par contre, pas question d'annuler notre Mardi Tacos.
Elle ne lui avait jamais formellement demandé de venir dîner un soir en famille. Elle en avait eu pourtant si souvent envie mais s'était ravisée à chaque fois, certaine qu'il débouterait au motif que c'était trop ennuyeux. Elle le trouvait si prévisible qu'elle pouvait même imaginer sa réponse. "Vous, moi et la demi-portion ? Certainement pas le genre partie à trois qui pourrait m'intéresser".
Pour le moment, il gardait les mâchoires serrées et dans ses yeux dansait une émotion plus sombre que jamais. D'un geste poli et invitant, il lui désigna du bras le large canapé de cuir fauve, à proximité.
— Toute l'histoire excéderait votre temps disponible, Inspectrice. Mais peut-être voudriez-vous vous installer plus confortablement ?
— Ah ? Alors, vous êtes d'accord ?
— Envoyez les questions et j'essaierai d'y répondre de mon mieux.
Elle ne fit pourtant pas un mouvement.
— Mais vous n'aimez pas ça, n'est-ce pas ? Vous n'avez aucune envie de m'en parler...
— Évidemment que je ne veux pas !
En à peine une fraction de seconde, l'humeur venait de se débarrasser de tout badinage pour se faire très tendue. Et ça venait entièrement de lui. Chloé cligna des yeux, incertaine de ce qu'elle devait dire, faire ou même ressentir... La façon dont il venait de la rembarrer très directement la vexait. Elle se redressa, sachant qu'elle allait devoir faire avec cet aveu brutal. Accepte-le ou quitte-le. Des pans entiers de son passé n'étaient donc pas pour elle, et c'était tout. Avec un profond sentiment d'échec et de chagrin pour la confirmation éclatante qu'il n'avait pas confiance au bout de plus de deux ans, elle prit sa main – celle qui portait à nouveau la gemme noire, qui avait retrouvé sa place. Il la laissa faire sans réagir et tous deux s'assirent avec appréhension.
Cela valait-il la peine d'essayer encore ?
— Et pourquoi ça ? D'habitude, vous êtes plutôt fier de vous-même...
Un petit sourire totalement factice joua sur ses lèvres quand il répondit par une autre question.
— Vous souvenez-vous de cette enquête avec les paparazzis ? Et de ce moment où j'ai cru que VOUS alliez déclencher une bonne bagarre avec ces couards pathétiques, constamment à vous harceler pour vos inoubliables scènes topless dans High School Jacuzzi ?
— Oui. Où voulez-vous en venir ?
— Nous pouvions nous comprendre là-dessus, vous et moi. J'ai également un passé. Et j'ai beau essayer, et essayer encore, d'être aujourd'hui quelqu'un d'autre, ce passé finit toujours par me rattraper et me mettre à genoux. Et j'ai connu des circonstances où la position était nettement plus agréable.
Pas très sûre de ce qu'elle devait inférer, Chloé le regardait de la même façon qu'on fait face à un puzzle en vrac. Était-il encore en train de parler par métaphores ? Ou pas ?
— Est-ce que... vous avez dû aussi en montrer plus que vous ne vouliez, autrefois ? Ou pas seulement montrer ?
Son regard sombre se fit perplexe et elle précisa :
— Vous m'avez expliqué que vous aviez été mis à la porte de chez vous quand vous étiez jeune. Est-ce que c'est ça que vous avez dû faire pour ne pas mourir de faim ? Être stripteaseur dans des clubs ? Tourner dans des films porno ? Vous prostituer ? Je ne suis pas là pour vous juger, vous savez. En fait, ça expliquerait même beaucoup de choses. Vous pouvez me le dire, je n'en parlerai jamais à personne et cela ne changera rien à l'estime que j'ai pour vous.
Il sourit et secoua la tête négativement.
— Et bien, Inspectrice, même si j'adore les danseuses exotiques peu vêtues et les acteurs porno... Non. Je n'ai jamais été forcé à des relations sexuelles, rien ne s'est jamais produit sans mon consentement complet. Et je n'étais pas aussi jeune que vous pourriez le craindre. Mais je prends bonne note, si votre fantasme est de faire de moi votre call boy...
Elle resta bouche bée et ses bras impuissants retombèrent lourdement sur l'assise du canapé.
— Mais non ! Comment pouvez-vous dire ça sans être complètement flingué à l'intérieur ? Je suis votre amie, Lucifer. Ne plaisantez pas comme si ça n'avait rien d'important. Je suis inquiète de la teneur de votre passé. Je veux savoir ce que je peux faire pour vous aider à le surmonter. Parlez-moi, s'il vous plaît !
— Mais, je n'ai rien à surmonter, je vais parfaitement bien...
— Non pas du tout ! Lucifer, vous venez de me dire à peine dix minutes plus tôt que vous gardiez le lapin parce que vous n'alliez "pas bien". Vous ne pouvez pas aller bien et mal en même temps !
— Ah ! Finalement, quelqu'un qui me comprend ! Je ne cesse de dire au bon docteur Linda que vos émotions humaines sont complètement insensées. Mais elle est têtue. Elle soutient que "les émotions sont par nature n'importe quoi".
Dans son travail d'inspectrice, elle savait habituellement quand il fallait arrêter de mettre la pression à un témoin. Linda n'avait probablement pas dit une telle chose. Soucieuse de ne pas saborder le travail de la thérapeute, Chloé décida prudemment de changer de sujet.
— Et votre famille est toujours en ville ?
— Non. Enfin, je veux dire... Amenadiel est encore là, mais c'est parce qu'il ne peut pas s'en aller.
— Je l'ai croisé tout à l'heure. Il m'a demandé si j'étais rétablie. Ça avait l'air de le préoccuper. Plus que vous, manifestement.
— Je savais que vous alliez bien. Maze me l'a dit.
— Mais j'aurais été contente d'entendre votre voix...
— Oh, je ne pense pas. Vous ne m'auriez pas trouvé de bonne compagnie. Trop effréné, trop vorace et trop camé pour vous. Et vous auriez été obligée de m'arrêter pour consommation de stupéfiants.
Elle claqua de la langue avec impatience. Cette fois, ce qu'il disait l'inquiétait au plus haut degré car il avait déjà été dans cet état une fois.
— Lucifer, vous avez le droit d'avoir le moral dans les chaussettes, comme tout le monde… Mais vous n'avez pas besoin de rester seul si ça arrive... Vous ne voulez vraiment pas me dire ce qui s'est passé avec votre sœur pour que vous soyez si abattu ?
— Croyez-moi, bien des choses se sont passées avec ma sœur, Inspectrice. Est-ce que vous ne pouvez pas être un peu plus précise ?
Chloé expira et fourragea anxieusement dans sa coiffure, sa queue de cheval devait être complètement défaite maintenant, mais cela n'avait aucune importance. Ce qui en avait, c'était qu'il résistait en restant fermé. Il ne lui demandait pas de partir, mais ne s'ouvrait pas non plus. Elle décida qu'elle devrait donc être courageuse pour deux.
— Bon d'accord. Et si je vous disais qu'en fait... j'étais jalouse d'elle ?
Il renifla.
— Improbable.
— Et pourquoi non ? Elle sort mystérieusement d'on ne sait où, elle est si sexy qu'elle crétinise instantanément tous les mâles du périmètre, elle vous traite comme si vous étiez sa chose... Vous réquisitionne parce qu'elle a perdu son bébé. Mais malgré la présence d'autres membres de votre famille, ça ne lui suffit pas ! Elle se met en colère quand vous essayez de savoir ce qui s'est passé de travers pendant l'interpellation ratée. Pour elle, vous allez jusqu'à acheter un livre expliquant comment être un petit-ami – Vous, Lucifer Morningstar, un petit-ami ? Donc il gèle en Enfer, c'est ça ? — Et pour finir, le bouquet ! Comment êtes-vous récompensé ? Elle vous largue ! Et maintenant vous êtes là tout seul, le cœur brisé, à vous morfondre en chantant des chansons tristes, assis à votre piano...
En fait, elle pensait qu'il aurait plutôt réagi à l'offense avec l'indignation habituelle : "Le Diable ne se morfond pas", mais non.
— Qui vous a raconté que je chantais des chansons tristes ou bien que j'étais... ce que vous avez dit ?
— Maze ! Et elle a ajouté en termes moins polis que toute cette eau-de-rose la faisait vomir. Où est-elle maintenant ? Votre sœur, pas Maze.
— Lilith est... chez mon cousin. Il s'est proposé de l'héberger dans un environnement plus paisible après... l'épreuve qu'elle a subie.
— En Suisse, supposa-t-elle avec un sourire entendu. Discrète et si loin de tout scandale... Est-ce que c'est le cousin à qui j'ai parlé au téléphone ? Il avait l'air gentil. Vous m'aviez dit que toute votre famille vous avait laissé tomber. Mais lui, il a été plutôt serviable, non ?
Lucifer acquiesça.
— Oui, c'était le cas. J'aurais aimé mieux le connaître, mais il ne pouvait pas rester longtemps.
— Comment se fait-il que vous ayez une aussi grande famille ? Est-ce que votre père divorçait tout le temps ?
— Ah, pragmatique, comme toujours, Inspectrice. Vous ne demandez pas pourquoi, vous demandez comment... remarqua-t-il. Et en ce qui concerne mon Père, pas du tout. En dépit de certaines allégations farfelues insinuant que Marie n'aurait pas été enceinte du vieux Joe, mon Père n'a rien à voir avec la naissance de Jésus. Enfin, tout au moins, génétiquement parlant. Les mortels ne peuvent pas survivre à sa présence. Je pense que vous n'aimeriez pas rencontrer le cœur d'un réacteur nucléaire.
— Vous ne trouvez pas que c'est une façon étrange de décrire quelqu'un ? Un peu terrifiante, à mon avis. Est-ce que ça veut dire que vous le voyez comme quelqu'un de dangereux ? Est-ce qu'il vous ressemble à vous ou bien Amenadiel ? Qui est le frère adopté ?
Il laissa échapper un petit rire amer qui s'étira en un rictus tandis qu'il la considérait autant d'amusement que d'irritation. Bien qu'il trouvât le sujet pauvre, il était enchanté de ses questions, et faire l'objet de toute cette curiosité, n'avait pas de prix pour lui.
— Ces derniers temps, je pense bien que mon Père aurait nettement préféré que nous ayons été tous les deux adoptés... Les anges déchus font un peu tache dans le décor et ce n'est pas spécialement le genre d'attitude qui pourrait le rendre fier. Néanmoins, et même si je pense toujours que mon frère est un insupportable casse-couilles et un rabat-joie, rester ici à Los Angeles lui fait plutôt du bien. Pourquoi cette soudaine curiosité à propos de mon Père ?
— Attendez, c'est quoi cette histoire d'anges déchus ? Vous dites que votre frère et vous êtes des anges ?
— Non, il est mortel maintenant et moi je suis le Diable. Vous n'écoutez jamais quand je parle... Je ne suis pas un ange. Vous n'avez donc jamais tapé mon nom sur Google ?
Elle se croisa les bras et rétorqua vertement :
— Google ne parle d'aucun frère du Diable nommé Amenadiel. Amenadiel n'existe nulle part sur Internet. Et c'est vraiment très étrange.
— Alors vous avait bien fait des recherches Internet sur moi ?
— Oui. Et ce que j'ai trouvé était complètement stupide. Alors non, c'est vrai, que je n'y prête aucune attention quand vous ne faites que rabâcher ces inepties. En plus, vous dites tout le temps que votre père est un sale type. Je ne suis peut-être pas croyante, mais ça ne correspond pas tellement à son image de marque...
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Après cela, Lucifer resta muet, tête basse, les yeux dans le vide, perdu dans ses pensées. Qu'était-il donc arrivé au jet-setteur amusant, frivole et je-m'en-foutiste qu'il avait toujours été ? Qu'est-ce que vous voulez vraiment Chloé Decker ? Lui secouer les puces !
— Et c'est tout ce que vous avez à me dire ? Votre père est un homme puissant et effrayant. Vous avez une grande famille. Aucun membre de votre fratrie n'a été adopté, même pas Lilith. Vous l'avez aimée mais elle est venue vous dire que tout était fini entre vous parce qu'elle était tombée enceinte d'un autre. Vous êtes triste parce c'est à cause de cette relation incestueuse que vous avez été flanqué à la porte. Et du coup, vous réalisez que vous vous êtes fait avoir. La solitude, le rejet cuisant, c'était pour en arriver… à rien !
Il pinça les lèvres et soupira en secouant la tête. Les yeux toujours au sol, il se mit à réciter :
— Dieu est mon Père. Amenadiel est l'aîné des anges – ou en tous cas il l'était, avant de faire des choses terribles pour me faire dégager d'ici et retourner en Enfer. Lilith est ma demi-sœur parce que mon père l'a "créée" mais sans l'aide de ma Mère... d'une façon assez peu conventionnelle. Je me suis rebellé parce que je ne voulais pas suivre des ordres débiles, ni quitter pour toujours la seule personne qui ne m'avait pas laissé tomber et s'occupait de moi. Eve était simplement mon amie. Un jour, elle est tombée sur nous quand Lilith m'apprenait à lui faire l'amour, et ça l'a intriguée, forcément. Elle a demandé à Adam s'ils pouvaient essayer et quand il s'en est rendu compte, mon Père s'est mis dans une rage folle... Il y a eu une dispute colossale. Mon frère Michael m'a attrapé et m'a envoyé valser jusqu'aux limites de la Cité d'Argent. J'étais suspendu au rebord et je criais. Il m'a marché sur les doigts pour que je tombe. Personne n'a bougé ou voulu se dresser contre lui. Je suis tombé et tombé et tombé. Et quand j'ai eu fini de tomber, j'ai atterri en Enfer. J'ai eu des séquelles du vol plané comme du crash. Il m'a fallu me reconstruire assez littéralement, essayer de supporter cet endroit pour survivre, et j'ai dû me battre pour en prendre le commandement... Ah, et je voulais vous dire aussi que vous avez tort pour Lilith. C'est elle qui était jalouse de vous, de mon travail avec vous, et elle est partie parce qu'elle préférait ce que j'étais avant. Est-ce que ça répond à ce que vous vouliez savoir ?
Chloé resta sans voix après ce discours sorti d'une traite et se sentit affreusement mal de s'être montrée déplaisamment insistante. De toute évidence, il en était toujours très affecté. Son récit avait été si mécanique et sa voix si brisée... Elle leva la main pour la poser en coupe sur sa joue.
— Je suis désolée, Lucifer.
Elle se leva et sentit qu'il n'aurait pas voulu perdre le contact de sa main. Pourtant, elle n'eut qu'à faire quelques pas pour attraper Sweetie et la prendre dans ses bras. Du bout d'un doigt, elle lui caressa le haut de sa petite tête, avant de la tendre au pauvre Diable qui était là. Il prit docilement la petite lapine contre lui.
— Tenez, cette prescription vous fera du bien.
Une fois encore il regarda son Inspectrice avec une expression douloureusement navrée, impossible à interpréter.[1] Elle sourit un peu et dans l'espoir de lui remonter un peu le moral, elle demanda timidement :
— Je suppose que ce n'est pas vraiment le moment d'aborder le sujet des rêves un peu particuliers ?
Comme d'habitude, il dut choisir de dire la vérité quand il répondit :
— Ils vont me manquer.
— Et bien vous savez quoi ? C'est un peu bizarre mais je crois qu'ils me manqueront aussi.
Tordant ses mains, elle fit une pause embarrassée avant de poursuivre :
— Je suis... profondément désolée, Lucifer. A partir de maintenant, je ne parlerai plus de cette question qui vous fait souffrir. Je n'avais pas compris combien c'était toujours douloureux pour vous, même encore aujourd'hui. C'est aussi la première fois que vous me laissez voir ce côté de vous.
Il ne plaisanta même pas sur les différents côtés qu'il aurait aimé lui montrer, à dix contre un : le côté pile comme le côté face... Quand il releva les yeux sur elle, elle sentit une question tacite désespérée, pendant qu'il caressait le petit animal. Le laisser comme ça et maintenant l'angoissait profondément, mais il fallait bien qu'elle rentre pour s'occuper de sa fille.
— On se voit cette semaine au commissariat, quand vous vous sentirez mieux ?
— Je serai là demain.
— Vous n'êtes pas obligé. Vous pouvez prendre quelques jours, vous savez.
— Merci Inspectrice. Mais je serai heureux de revenir à la routine habituelle. En plus, j'ai cet Ultime Pécheur à retrouver.
Elle n'osa pas faire de remarque sur sa nouvelle obsession pour cette légende urbaine, parce qu'au moins, il arrêtait de s'énerver à propos de son père.
— D'ici là, faites-moi plaisir. Permettez-vous d'être simplement le chanceux papa de cette petite boule mignonne. Et je vous rappelle : pas un mot de ça à Trixie.
— Pas un mot, c'est promis.
Elle sentit le poids de ses yeux brûlants alors qu'elle retournait à l'ascenseur. C'était un de ces moments entre eux où elle ne pouvait pas décider s'il était attendrissant ou carrément flippant. Probablement les deux. Du coin de l'œil, elle le vit déposer un tout petit baiser sur la tête de Sweetie.
Les portes se refermèrent avec un son chuinté.
Une fois restée seule dans la cabine, elle posa son front contre le métal précieux et frappa violemment dessus du plat de la main. Insensible à cette douleur, les yeux rivés au sol impeccable, elle avait la gorge douloureuse à force de ravaler les sentiments qu'elle aurait voulu lui dire. Elle était à la fois en colère et honteuse d'avoir tout gâché avec ses questions stupides et son besoin dévorant de percer à jour son mystère.
La tête toujours pendante, espérant que le videur ne lui parlerait pas, elle se mordit la lèvre pour essayer de contenir ses larmes. Elle quitta le Lux précipitamment, sans un regard en arrière. Elle savait que si elle regardait en arrière, elle courrait se jeter dans ses bras. Et que ce serait elle qui lui donnerait ce foutu baiser – peut-être pas à couper le souffle – mais à coup sûr, passionnément.
Elle s'enfuit jusque chez elle, pour leur bien à tous deux.
Dans l'ascenseur vide, personne ne remarqua une marque rouge incandescente correspondant à la forme de sa paume, nettement imprimée sur le métal poli de la porte.
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(A suivre : l'épilogue)
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Notes de l'auteur
[1] Pour mémoire, Lucifer est toujours sous le contrecoup des effets de l'épée de Caliel. Les chansons tristes peuvent valoir pour ce double deuil qui l'affecte : la perte de Lilith ET celle de la connexion intime avec Chloé, qu'il a décrite un peu plus tôt comme "un arrachement".
Ce chapitre est la "première fin" de cette fanfiction.
Il laisse des possibilités ouvertes et ne donne pas toutes les réponses sur l'effet de l'artefact sur Chloé (persiste ou s'efface rapidement ?). Trixie sera-t-elle la prochaine "porteuse de la Witchblade" ? :-D Tous les anges ont-il un humain préféré ?
Dans la ligne temporelle de la série, les personnages sont à peine quelques jours avant l'épisode "Sinnerman". J'aime imaginer que la façon dont Lucifer plante Marcus Pierce "pour vérifier une théorie" était due à l'avertissement que lui avait donné Lilith.