Convalescence

Chapitre 7 : Holly contre Lucy!

8502 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/04/2023 23:22

J'ouvrit les yeux pour les refermer aussitôt. Le soleil traversait les rideaux pour venir me frapper en plein visage. Ça aurait pu être un bon réveil si je ne m'étais pas senti aussi mal. J’avais la bouche sèche et pâteuse, un horrible mal de tête et j’avais des sueurs froides, comme si j’avais eu une très forte fièvre soudaine. 


Je pensa d'abord rester au lit pour l'éternité, mais j'étais couverte de sueur, alors je pris sur moi de rouler sur le côté pour me redresser en douceur malgré mes vertiges. Je réussi à me rendre dans la salle de bain et je partie l’eau de la douche avant de m'y vautrer, avachi d'épuisement malgré le matin bien entamé. Lorsque je me sentis capable de soulever à peu près mon corps décharné, je m’appuya sur le lavabo pour faire le bilan de la nuit. J’avais une sale tête, ma peau était blême et striée de tâches bleutées. Serré contre l'évier à m’en faire blanchir les jointures, mes mains tremblaient. Je bu un peu d’eau du robinet et je me sentis prête à m'écrouler, alors je me laissa glisser contre le mur pour m'asseoir par terre, la tête sur mes genoux. J'avais l'impression d'avoir la pire gueule de bois du monde, mais sans avoir pris la moindre goutte d’alcool. 


Petit à petit, je laissa mes souvenirs remonter de la brume. À mon grand désarroi, c'était comme d'essayer de recoller les pièces d’un casse-tête avec des morceaux manquants et mon vertige se mua en nausée. 


--He merde…


Quelqu’un cognait à ma porte. J’ai pensé faire la sourde-oreille, mais j’entendais déjà la porte s'ouvrir sans attendre ma réponse.


--Lucy? J’ai entendu la douche couler, je viens voir si tu vas bien.


Elle se figea et me détailla de la tête au pied avant de me tendre une serviette pour que je me sèche. Gardant toujours le sens pratique, Holly ramassa ma brosse et entreprit de discipliner ma chevelure humide malgré ma mine terrible. Je voulut protester, mais cela me donnait le temps et l’espace nécessaire pour mettre de l’ordre dans mes pensées et pour réfréner ma nausée. 


--J’ai l'impression d'avoir la pire gueule de bois de l’univers.


Elle rigola doucement à mon ton plaintif, mais son regard était rempli de tant de compassion que cela me fila à nouveau la nausée.


--Symptôme de sevrages, sans aucun doute. Tu dois bien t'hydrater et manger un peu. Bouger peut aider ton système à éliminer les drogues plus rapidement. 


Je levai les yeux de mes mains qui tremblaient et regarda mon lit avec envie, mais Holly brisait déjà mon rêve.


--Je vais t’aider à t’habiller et on va aller manger un petit quelque chose. Les autres sont déjà tous levés.

Merveilleux. En plus de me sentir comme une morte en sursis, j’allais pouvoir partager cela avec quatre autre personnes dont je ne me souvenais pas. Décidément, j’avais une chance incroyable. Avec un instant d’espoir, je demanda néanmoins :


--Je ne pourrais pas simplement manger au lit?


Je n’aima pas mon ton supppliant, mais si javais une chance de me pletonner dans mon lit, dans le noir et le silence toute la journé, à l’instar de mon humeur, je me devais d’essayer. Même si cela signifiait supplier la parfaite et intransigeante Holly Munro. Elle eu le bon goût de me détailler de la tête aux pieds et d’hésiter brièvement, avant de répondre avec une douceur horripilante :


--Il fait beau et chaud, Lucy. Je sais que tu ne te sens pas bien, mais c’est dû aux drogues qui t'ont été injectées hier. Pour aller mieux, on doit te sortir de ta petite chambre obscure.  N’oublie pas qu’un des symptômes, c'est la dépression et les sautes d’humeurs, on ne peut pas te laisser te renfermé.Tu est en quelque sorte sous observation, mais à la maison. Un médecin du DERCOP a appelé très tôt ce matin pour nous parler des analyses de sang . Ce n’est rien de très bien, on ne doit pas te laisser seul avant d’être certain que tu vas bien. De plus, le médecin dit que c'est bon pour ta mémoire d’être entouré de ta famille. Lockwood a réussi à le convaincre que tu es mieux ici et, surtout, sous bonne garde. Allez, ne fais pas cette tête, un bon petit déjeuner, beaucoup d’eau et un bon repos dans la cour, sous le soleil. Voilà le programme de la journée! Beaucoup plus réjouissant que d’être en observation à l'hôpital, non?


Je gémit, à l’agonie, et marmonna grossièrement quelque chose a propo d'être mieux traitée au main des Winkman, avant d’enfiler sans trop regarder ce que Holly avait dégoté dans mon placard pendant qu’elle courait chercher Lockwood comme support supplémentaire pour me faire descendre, à ma grande irritation. 


J'enfila donc une joyeuse petite robe d' été bleu, absolument pas assortie à mon humeur et j’y assortie un large chandail gris à capuche qui trainait par terre et qui ne m'appartenait visiblement pas, mais qui était plus en accord avec mon humeur du moment. J'aurais pu changer la robe contre la jupe qui trainait dans un coin, beaucoup plus pratique, mais ça m’aurait obligé à faire des pas de plus et je me sentais vraiment faible alors que je me souvenais que j’avais deux bouchées de pain grillé et un verre d’eau dans l'estomac depuis environs trois jours.  Je pensa brièvement revenir sous les couvertures, mais j’entendais déjà les voix qui venait à ma rencontre résonner dans l'escalier et marchander avec eux pour avoir droit à un petit déjeuner au lit me semblait au-dessus de mes forces. Je me détourna donc du lit avec une moue dégoutée pour me diriger vers l’escalier. Si je ne pouvais me cacher, alors aussi bien aller me remplir l'estomac. 



Avec entêtement, j’avais déjà péniblement dévalé une série de marches lorsque je croisa une holly pétillante de fraîcheur et un Lockwood élégamment vêtu et tout sourire qui venait à ma rencontre.  De mieux en mieux. 


Si ce n'avait été de l’odeur d’œuf, de pain grillé et de thé qui flottait jusqu'à moi, je serais retourné me cacher sous la couette de lit. À défaut, je tira la capuche du chandail que je portais et agrippa la rampe d’escalier. La dernière chose que je désirais, c’était de m'étaler devant eux. Entrepreneur et gentleman, Lockwood prit ma main libre et l’entoura autour de son bras pour m'entraîner dans l’escalier, m’éloignant de la garde que je tenais serré comme une bouée de sauvetage. 


–Jolie robe, Luce, c'est Holly qui as la choisi? 


Son sourire me fit grincer des dents. Il devrait être illégal d’être d’aussi bonne humeur alors que j’étais dans un aussi sale état. J’allais répliquer quelque chose d’aserbe, mais je remarqua brièvement la raideur de sa mâchoire et la douceur de son geste. Le regard incertain qu’il me lança et sa bonne humeur… Trop de bonne humeur. Pour une raison quelconque, il était nerveux, même s’il le cachait assez bien. Je soupira et laissai crouler. La situation était difficile et pas seulement pour moi. Pour une raison quelconque, ils voulaient tous me soutenir, à leur façon et, autant que cela me déplaisait, autant j’étais touché au fond de moi-même. Dommage, seulement, que ce fond de moi-même soit bien caché sous une épaisse couche d’amnésie, de douleur généralisée et amortis par le sevrage de drogues. 


En voyant que je ne le repoussait pas, je sentis Lockwood se détendre à mesure que nous approchions du bas de l’escalier. L’effort me donna le vertige et je sentis mes jambes cédé sous moi, aussitôt rattrapé par un Lockwood vigilent qui, par chance, ne fit pas de commentaire avant de me diriger, avec un surplus de précaution, vers la cuisine. Il m’aida à m'asseoir sur ma chaise avant d’aller me faire du pain fraîchement grillé. Le vertige qui m’avait prise après l’effort de descendre l’escalier s'était transformé en légère nausée et le tremblement de mes mains s'était élargi à mes bras, que je serrais autour de moi pour le cacher dans le large chandail qui me recouvrait. L'inquiétude me prit soudain au ventre. Ma respiration se fit plus rapide et j’eu une soudaine sensation de forte fièvre qui m’alourdit la tête. 


L’anxiété prit le pas sur le rationnel alors que j’eu l’impression de manquer d’air malgré la rapidité de ma respiration. Étais-je en train de mourir? Pourquoi les tremblements augmentaient-ils si brusquement? Des étoiles dansèrent devant mes yeux qui tombèrent sur le dos de Lockwood qui était concentré à me préparer une assiette sans se douter que j’avais basculé. 


Le brusque choc d’un plat qui tombait au sol m’agressa les oreilles et, un instant plus tard, je sentis les mains rugueuses, mais douces, de George qui s'était précipité à mes côtés en s'apercevant de mon état en entrant dans la cuisine. Il agrippa mes bras pour m’empêcher de glisser de ma chaise et tira la capuche que j'avais tiré sur ma tête plus tôt pour me protéger du monde. Aussitôt, je sentis une nouvelle paire de mains froide sortir mes mains du chandail trop grand pour les serrer fortement, comme pour m’encré dans la réalité. 


–Qu’es qui lui arrive, Lockwood?


–Elle allait passablement bien, il y a une minute… Lucy? Luce? Tu m'entends? tu dois te calmer, tu va hyperventilé et perdre connaissance. 


–Tu crois que c'est encore les drogues? Ça peut être aussi violent que cela? 


Lockwood ne devait pas avoir la réponse plus que moi puisque je vis un bref éclat de désarroi dans son regard alors que ma panique semblait vouloir se propager aux deux garçons qui s'accrochaient désespérément à moi. Je sentais ma conscience dérivé alors que j'hyperventilais violemment et que mon corps me faisait mal à force de trembler. Je me sentais glacé sous le coup de la brusque fièvre lorsque l’agitation attira l’attention de Holly et de Kipps, qui devait se trouver dans une autre pièce. Aussitôt, l’expérience de Kipps entra en jeu et il se laissa glisser près de moi, repoussant un peu George et Lockwood pour pouvoir me regarder en face. Il m’examina un très bref instant, le machoir crispé. 


–Lucy? Je sais que c'est difficile, mais tu dois calmer ta respiration. Tu vas perdre connaissance si tu ne te calme pas. Je peux te donner quelque chose pour t’aider, mais le mieux serait qu’on ne doivent pas utiliser de pilule, non? 


Il y eu un bref mouvement de masse que je n’arriva pas à suivre des yeux, puis les bras de Lockwood se refermèrent sur moi, m'envoyant une brusque montée de panique et de claustrophobie. Je ne contrôlais plus mes tremblements lorsqu’il m’allongea au sol, ma tête sur ces genoux et sa main lissant doucement mes boucles encore humides. Un linge humide fut posé sur mon front et cela me fit un peu de bien. Kipps m’obligea à tourner mon regard fiévreux vers lui pour me parler et il me prit la main pour la poser contre son torse.


–Allez, lucy, respire en même temps que moi. Tu es en sécurité à Portland Row, détends toi. 


Ces mots on continuer, mais se confondaient les uns dans les autres jusqu’à ce que mes tremblements commencent à diminuer lentement. J’obligea mon esprit à se concentrer sur ce que c’était: les symptômes du sevrage. Je n'étais pas en train de mourir.Je devais m’en persuader pour arriver à sortir de cette spirale infernale. Et, surtout, je ne voulais pas qu’ils appellent une ambulance. Je fis ce que je faisait toujours lorsque la peur rampante m’attrapait. Je compartimenta mes émotions, enfermant l’angoisse et la panique dans une petite boîte.


Depuis mes neuf ans, j’étais passé maître dans l’art de maîtriser mes émotions dans les situations d’urgence. Je savais faire, tout simplement. En même temps que ce constat, certains souvenirs me revinrent, par bride décousue. Des images horribles de chasse aux fantômes, mais aussi ce qui en faisait quelque chose de tolérable: le sentiment d’appartenir à une équipe, d’avoir une famille aimante. 


–Holly, tu peux lâcher le téléphone, je crois qu’elle va combattre la crise. 


Kipps lâcha ma main et recula pour passer d’a genoux à assis sur le carrelage de la cuisine en expulsant l’angoisse dans un grand soupir avant de me sourir. 


–Tu te sens mieux?


Je hocha la tête faiblement. Mon corps avait cessé de trembler pour se concentrer à nouveau sur mes mains. J’avais la tête plus claire et ma vision s'était rétablie en grande partie. Ma respiration s'était stabilisée et la brusque bouffée de fièvre semblait avoir cessé pour me laisser dans un mélange d’humidité et de froid glacial. Je me trouvais maintenant un peu idiote d’avoir paniqué au point de penser mourir et je me sentis gêné en croisant le regard de Lockwood alors que j’étais allongé en travers de ses cuisses. Je roulait un peu pour me mettre en position assise, et Lockwood me repoussa en position assise, alerte au cas où j’aurais besoin de soutien.


-Tu es certaine de pouvoir t'asseoir toute suite, lucy? ton corps à eu tout un choc, tu devrais prendre une minute pour souffler. Ça ne sert à rien de trop te pousser. 


Holly hésita, le téléphone toujours en main et lâcha quelque mot dans le combiné avant d’attendre une réponse, acquiesça et raccrocha avant de retourner au comptoir de cuisine. 


–Le médecin disait quoi, Holly?


–Pas grand chose d’intéressant, en fait… Sensiblement ce que l’on avait sous les yeux, tout à l’heure. Je crois qu’on a tous déduit la même conclusion sur l’état de Lucy. Sa devrait aller mieux lorsqu’elle va avoir l’estomac plein. Éviter les situations stressantes et beaucoup de repos. Être bien entouré et reprendre des activités normales dès que possible pour lui changer les idées et l’empêcher de se refermer sur elle-même.


Il y eu un bref gloussement et je tourna vaguement la tête vers kipps.


–Il à défini **activité normale**? Tu crois qu’il à oublier qu’on était des agents? Pour nous, des activités normales c'est quoi? Traqué des fantômes à coup de rapière et de bombe de sels?  


Il y eut une douce vague d’hilarité générale, sans doute alimentée par la frayeur qu’ils avaient eu un instant auparavant. 


–Je crois qu’il voulait surtout parler de lire, dessiner, flâner au soleil. 


Elle déposa une assiette de pain grillé et d'œuf sur la table. 


-Tu crois que tu pourrais te relever avec de l’aide? Je me doute que tu ne dois pas avoir très faim, mais tu dois avaler quelque chose pour reprendre des forces. Tu crois que tu peux y arriver?


Je hocha la tête, trop épuisé pour relever le ton maternaliste qui m'horripilait. Avec lenteur- et beaucoup d’aide- je fini par revenir sur mes pieds. Mes jambes tremblaient de n’avoir rien mangé depuis si longtemps lorsqu’on me dirigea vers la porte ouverte de la cuisine. J’étais interloqué, mais je n’avais pas envie de discuter plus que ça. Dans le jardin, sous un magnifique soleil agréablement chaud, avait été étendu une couverture rouge délavé et quelques coussins coloré. 


L’idée d’un pique nique m’aurait normalement enjouée, mais je n’étais pas certaine d'avoir envie de rester sous le soleil qui me blessait les yeux et agressait mes sens à fleur de peau. Lockwood et George m’aidèrent à m’installer sur la couverture et me tendirent mon assiette que je regardait avec un mélange de dégoût et d'envie alors que le goût de la bile me brûlait la gorge.  Je tendit ma main tremblante vers un pain grillé et y enfonça les dents, étonné de le sentir si savoureux sur ma langue. Pendant que je mangeais à petite bouchée sous le regard attentif des autres, Holly revint avec un plateau de thé qu’elle servit lentement pour me laisser le temps de terminer mon premier morceau de pain grillé. Le thé qui suivit me causa un certain trouble car il était la preuve flagrante que mes mains tremblaient toujours, mais la chaleur qu’il transféra à mon corps balançait clairement ce désavantage. 


J’aurais cru que le soleil augmenterait la douleur a ma tête, mais,une fois mes yeux habitués à la luminosité, il savéra réconfortant sur ma peau frissonnante. La nourriture et le thé réussirent à chasser ma nausée et repoussa un peu mon vertige persistant. Je me sentais toujours comme un zombie aux mains tremblantes, mais , au moins je me sentais à nouveau capable de me tenir assise sans perdre connaissance. Ma crise de tous a l'heure m'avait laissé complètement lessivé, même si je devais avouer que Holly avait raison sur un point : mon humeur s'était légèrement améliorée avec l'air frais et le soleil. 


Recroquevillé dans mon petit coin de couverture, j’avais fini par retirer le chandail long pour rester en petite robe légère, conservant tout de même le large vêtement drapé sur mes épaules comme une protection en regardant les autres graviter autour de moi en s’occupant plus ou moins séparément.


Holly était allé chercher une pile de paperasse qu’elle triait et signait soigneusement.Lockwood était revenu avec sa rapière et s'entraînait joyeusement avec Kipps, tous deux ayant remonté leur manche jusqu’au coude pour pallier la chaleur. George avait une pile de documents et prenait des notes. Malgré leur proximité et leur bonne volonté à tous, je me sentais seule et larguée. Je ne savais pas quoi faire de mes mains tremblantes et je commençais à sentir une sorte de fébrilité m'agiter les membres, comme un fourmillement désagréable. Ma main grattait distraitement les marques de piqûre sur mon bras et mon genoux s’agitait nerveusement.


C’était bien beau de m’avoir obligé à sortir de ma chambre. Mais, maintenant, je ne savais tout simplement pas quoi faire… Même si j'avais un vague espoir avec quelques flash de souvenir, cela ne m’aidais pas à savoir ce que je faisais habituellement pour m'occuper. Étais-je censé me coucher et dormir? J’avais beau être épuisé, mon corps était trop agité pour me laisser entrevoir un repos. Pareil pour la lecture et pensé me plonger dans de la paperasse me filait la migraine rien que d'y penser. Peut-être que je devrais simplement rentrer à l’intérieur? Le malaise commençait à me ronger à force d’inaction. 


Une main emprisonna la mienne, m'empêchant de continuer à gratter nerveusement mon bras.


-Arrête ça, Lucy. Tu est rendu au sang. Qu’es qui t’angoisse à ce point? Ça peut te paraître étrange étant donné que tu ne te souviens de rien, mais sois assuré que tu peux parler à chacun de nous en toute confiance. 


Il me laissa le temps de répondre, mais je garda le silence, ne sachant pas du tout comment traduire la fébriliter de mon corps et la poussé d'angoisse que ça occasionnais. George suivit mon regard en direction du combat plus ou moins amical de Lockwood et Kipps qui s'était lancé dans un duel de bravade plus acéré que leurs rapières. 


–Tu veux t’entrainer un peu? Tu crois que ton corps peut le supporter? 


Je haussa les épaules en les regardant, puis tourna mon regard vers George.


–Je ne sais pas, on dirait que je ne sais pas quoi faire de mes mains. Trop réfléchir me fout les jetons. Je ne sais pas si je peux le faire. 


Il me regarda un instant et cela me mit mal à l’aise, il était inexpressif et semblait évaluer quelque chose, inaccessible. Il retira ses lunettes et les essuya et cela me rassura. Pourquoi? Aucune idée, je n’avais pas le sentiment qu’il était en colère ni tendu, juste en pleine réflexion. 


–À mon avis ça ne peut pas te faire de mal, en théorie, tu n'es plus en convalescence. 


Il avisa mon regard interrogateur et haussa les épaules avant de penser à se justifier. 


–Les Winkman t’on pris en traître alors que tu te remettais d’une blessure et d’un choc post-traumatique assez sévère. Mais tu était à quelque jours de pouvoir reprendre l'entraînement à la rapière. Après, je ne sais pas ce que signifie les derniers jours sur cette pseudo convalescence en terme purement médicale, mais on as tous travailler avec une côte sensible et post commotion de quelque jours, alors… Je ne vois pas pourquoi on m'empêcherait de mettre la main sur une rapière. À mon avis, le sevrage n’est pas une raison suffisante, au contraire, il est clair que ton corps a besoin de sortir le trop plein d’énergie accumulée. Tu as toujours sorti ta frustration et ton angoisse avec l’escrime, alors je ne vois pas pourquoi ta mémoire défaillante changerait quelque chose à ce que ton corps connaît depuis tellement d'années. On en parle pas entre nous, mais il est clair que l’escrime, c'est ta façon de gérer les émotions négatives en général. 


Il se détourna et se leva avant de rentrer à l’intérieur, m’abandonnant sur la couverture chaude de soleil. Interloqué, je regarda le combat qui se déroulait devant moi. Les deux garçons avait une belle technique, c’était comme une jolie danse bien synchronisée. L’un reculait et l’autre avançait en parfaite harmonie. C’était magnifique et hypnotique à regarder, Les enchaînements étaient complexes et emprunt de grâce. Savais-je réellement faire ça? 


Je fus prise d’une nouvelle bouffée d’angoisse et mes ongles se remirent automatiquement à gratter ma peau déjà à vif. Mon genoux recommença à battre la mesure avec nervosité. Trop réfléchir m’amenait dans une spirale descendante et le constater me faisait peur. Bien qu’entouré, j'avais vraiment l’impression d’être de côté, de garder un mur épais entre moi et les autres qui me semblait à la fois inconnu et tellement familier, une sensation horriblement déstabilisante. 


Alors que je sentais un mince filet de sang tâcher mes doigts qui avait réussi à percer ma peau avec mes ongles, un soudain grincement métallique me fit sursauter et lever la tête. George venait de laisser tomber pêle mêle deux rapières sur la couverture à côté de moi dans un certain rafu. Face à mon regard interloqué, il se pencha, avisa avec un regard perçant le sang qui tâchait mes doigts, et me tendit l’une des rapières avant d’en prendre une lui-même. 


–Allez, viens, tu as besoin de t’occuper les mains et la tête autrement. Arrête de faire cette tête d’écorché, tu sais faire depuis longtemps. 


Je n’étais toujours pas convaincu d’être capable de reproduire le balais aérien et complexe de Lockwood et Kipps, mais je pris en main la garde pour soupeser l’arme, réalisant avec satisfaction qu'elle semblait avoir parfaitement sa place dans ma paume. Sans grande conviction, je le laissa me relever avec la main qu’il me tendit.


-Et si je te blessais? 


Il gloussa gentiment.


–Dans ton état normal, tu as trop de contrôle. Dans ton état actuel, je doute que tu puisses frapper assez fort. 


Il dû lire dans mon visage que c’était une inquiétude réelle puisque qu’il reprit un semblant de sérieux.


–Elles sont émoussées. Je doute qu’elle puisse trancher la chair à moins d’une bonne force physique et de beaucoup de volonté.


Satisfaite, j’acquiesça et le suivit près de l’autre combat en cours où je restai figée un bref instant, l’air hagard, alors que George levait sa rapière en position d’attente. Je détailla sa position et la reproduisit avec un petit grincement de douleur. Malgré l’analyse de George, et l'absence de blessure grave, j’avais tout de même les muscles complètement tétanisés par ma mésaventure avec les Winkman. Mes membres étaient raides et je devais les forcer à garder la position. Une main sur ma hanche me fit suffisamment sursauté pour que j'échappe ma rapière avant que mes yeux accrochent le regard contrit de Lockwood. Il ramassa ma lame et me la tendit. Je la pris avec prudence et le laissa prendre mon poignet après une brève hésitation. 


–Désolé, Luce, je ne voulais pas t'effrayer. Tu es certain que c'est une bonne idée, George?


Il haussa les épaules et je sentis une pierre tomber dans mon estomac face à l’incertitude de Lockwood. Avait-il peur que je blesse George avec ma lame? Était-il inquiet de me voir avec une rapière alors que ma santé mentale jouait au yoyo? 


–Lockwood, arrête de te tracasser, tu vois pas que tu l’inquiète? Elle a besoin de se dépenser un peu et de s'occuper les mains. 


Il me sembla que les deux garçons avaient une conversation muette et Lockwood se tourna vers mon bras pour y voir la trace de grattage frénétique qui coagulait sur ma peau. Il jura tout bas avant de comprendre la situation. Il se revêtit de son sourire arrogant qui m’énerva et je lui rendis un regard suspicieux. 


–Tu ne m'a pas effrayé, tu m'as un peu surprise. Ça va, si vous pensez que c'est une mauvaise idée, alors tant pis. 


Je lui servit une moue renfrognée et laissa retomber mon bras, laissant la pointe de la rapière retomber dans l’herbe tendre et haute qui formait un coussinet confortable sous mes pieds meurtris. Je leur avais tourné le dos pour retourner m'asseoir, mais la main de Lockwood, toujours verrouillée sur mon poignet, m’empêcha de battre en retraite. Il m'obligea à relever le regard que j’avais obstinément verrouillé au sol et une voix derrière lui l’excusa avant qu’il n’ouvre la bouche:


–Lockwood craint seulement que tu te blesses, pas que tu blesses l’un de nous, Lucy. 


Kipps avait repoussé ses cheveux loin de son visage et nous a rejoint d’un pas nonchalant. Je le détailla longuement en silence, essayant de voir s’il mentait, mais il me semblait sincère, alors je consentis à revenir à mon point initial. Lockwood libéra mon poignet et pris position à côté de moi sans chercher à me toucher à nouveau, ce que j'apprécia aussitôt. Je pris la position indiqué sans grand enthousiasme. Visiblement, les trois garçons se sont détendus, mais moi, pas. Ils me regardaient et discutaient de la meilleure manière de faire, mais je me sentais juste…Observé. Je détestais leur manière de me mettre au centre de l’attention, mais sans vraiment me faire de place. J’étais juste là, entouré d’eux trois, mais je me sentais à nouveau emmuré et seul. 


Le coup que George donna sur ma lame tendue me prit par surprise et je lâcha la garde par réflexe, la regardant avec de grands yeux aller se planter dans l’herbe un peu plus loin. Le coup n’avait pas été particulièrement brutal, même pas assez pour que le choc se répercute dans mon bras. Pantoise, je remarqua les regards critiques des trois garçons et je grommela tout bas avant d’aller chercher l’arme avec le peu de dignité qu’il me restait. Je repris ma position, mais j’avais perdu tout intérêt pour l'exercice dont j’avais l’impression critique qu’il s'était transformé en spectacle général. 


–Laissez-là un peu tranquille, vous voyez pas qu’elle est mal à l’aise? 


Je leva les yeux vers Holly qui avait relevé la tête de sa paperasse pour venir nous rejoindre. Les trois garçons se regardèrent, puis me regardèrent avant de réaliser qu’il m’entourait de vraiment près en me dévisagent. Avec bon sens, Lockwood et Kipps se reculèrent et allèrent chercher des verres d'eau à l’intérieur. Je me détendis un peu ;a ce moment-là et fit bouger mes épaules pour détendre mes membres raides avant de me mettre en position à nouveau, cette fois, plus ancré dans le sol, à l’instar de ce que Lockwood m’avait montré. J’étais toujours mal à l’aise, mais, au moins, je n’avais plus l’impression d’être une bête de foire. 


George se remit en position et alla attaquer à nouveau lorsque Holly lui mit une main sur le bras. Avec un regard interloqué, il lui tendit sa rapière et elle se mit en position à sa place. 


–J’ai moins de force dans le bras, ça devrait aider le temps que les bases lui reviennent, surveille sa position et intervient au besoin, d’accord? Tu es meilleur professeur que moi. 


Ce dernier acquiesça et recula un peu pour mieux observer le combat qui se préparait. Je ne pu retenir un petit rire nerveux, me sentant ridicule, soudainement, et relâcha ma position en secouant la tête.


–D’accord, je ne crois pas que ça serve à quelque chose, finalement. Je crois qu’on ferait mieux d’aller refaire du thé. 


Alors que j’allais leur tourner le dos, je vis un brusque mouvement à la périphérie de ma vision et mon corps réagit de lui-même en se défendant. Mon bras se leva et ma lame alla s'entrechoquer avec celle de Holly, qui m'avait prise en traître. Mon sourire disparut alors que j’agrippais la garde de sa rapière pour soulager mon épaule douloureuse. Si George avait simplement glissé sa lame dans la mienne pour me la faire perdre, Holly, elle, n’y était pas allée avec de telle considération. Oh, elle était loin d’avoir frappé fort, mais la surprise avait fait tomber mes défenses et je cessais de réfléchir à la situation pour réagir en repoussant sa lame d’un mouvement ample qui partait de mon épaule tout en faisant un pas latéral sur le côté pour la déstabiliser.


Puis je me rendis compte de deux choses à peu près simultanément. Holly n’était pas bien forte et pas très agressive dans un combat, mais elle était rapide et agile. 


Elle réagit promptement à mon esquive et rétablit son équilibre pour essayer de venir chercher mon côté que j’avais explosé faute d’avoir poursuivi mon enchaînement. Seul le réflexe de mon corps m’empêcha de me faire prendre et je laissa tomber mon genoux au sol en balayant sa lame de la mienne. Mon visage devait refléter mon choc, puisque holly éclata d’un élégant petit rire. 


–Désolé, Lucy, mais tu réfléchis trop. Tu sais trop bien utiliser une rapière pour avoir cet air de victime lorsque tu en portes une. George à raison. Tu as besoin de t’occuper les mains et de te vider la tête. De brûler ton énergie pour pouvoir dormir sans cauchemars et pouvoir te reposer sans que tout tourne dans ta tête. Tu as toujours fonctionné ainsi et Lockwood est pareil comme toi. 


Elle avait a peine lancé le dernier mot qu’elle se déplaça de sorte que je dû me tordre dans un posture inconfortable pour paré. Une nouvelle fois, je laissa mon corps réagir et j’exécuta un changement de jambe pour me relever de ma position de faiblesse au sol tout en parant son coup. Si le combat de Kipps et Lockwood avait duré un certain temps sans qu’aucun d’eux de semble forcé, le mien et celui de Holly étaient beaucoup plus en finesse et en déplacement. Tout en esquive et en parade, beaucoup plus doux et gracieux et plus épuisant par le nombre d’enchaînement rapide que nous faisions versus la puissance directe des coups échangés entre les garçons. Rapidement, je me senti ralentir dans mes mouvements. Il était évident, après dix minutes à tenir le rythme, que je perdais en efficacité et en précision, mon corps épuisé et raide avait du mal à suivre la chorégraphie élégante et précise imposée par Holly. 


J’allais perdre, je le savais déjà, Holly n’était pas l’épéiste la plus expérimentée, mais elle savait donner coup pour coup et elle était au top de sa forme, moi pas. Mais ça ne m’empêchait pas de donner tout ce que j’avais et de pousser mon corps au maximum de ses capacités. Mon esprit était effectivement vide, concentré sur une routine bien établie et basé sur une mémoire sensorielle et physique à part entière. 


Et puis, je l’avoue, il y avait un certain plaisir à engager un duel contre Holly. Une sorte de frustration accumulée qui me fit un bien fou à libérer. Son élégante coiffure était gâchée par les mouvements du combat et sa tenue était défraîchie. Certes, je ne devais pas avoir l'air bien mieux, au contraire. J’étais tout aussi en sueur, essoufflé, le visage sans doute rouge sous l’effort, ma petite robe d’été avait souffert du combat au ras du sol. J'aurais sans doute un mal fou à faire partir la terre et les traces d’herbe qui en maculaient le bas, mais j’en avais pas grand chose à faire. Je me sentais mieux que depuis mon retour de chez les Winkman. J'avais mal à la poitrine et une pression désagréable me raidissait la nuque, mes mains tremblaient, de fatigue sous les assauts répétés et rythmé cette fois, et j’avais l’impression que j’avais dépassé le stade de la fatigue pour tomber dans l’épuisement. 


Mais c’était une bonne fatigue, une fatigue saine et satisfaisante. Ma tête semblait vide et, pour une fois, je considérais ce fait avec bienveillance. Parfois, j’entendais George faire un commentaire sur ma posture, me poussant instinctivement à corriger mon corps même s’il présentait de fatigue. A un moment donné, sa voix fut remplacée par celle de Lockwood qui donna une directive à Holly, puis me dit de lever plus haut ma rapière. Je le fit, même si mon bras trembla sous l’effort demandé. J’esquiva l'assaut suivant de justesse. Je perdit le rythme du combat et nous avons tous semblées nous rendre compte de la dangerosité du moment car Holly repoussa ma lame vers moi avec force et recula d’un pas trébuchant en haletant, cessant le combat alors qu’une directive stricte de trois voix différente et masculine retentirent pour nous avertir de cesser le combat. 


Le choc de sa lame contre la mienne m’envoya vers l’arrière et je perdit l’équilibre, me préparant au choc du sol meuble contre mon dos, espérant ne pas me cogner la tête, ce qui aurait été assez mauvais au vue de ma commotion cérébrale. Mais le choc ne se produisit jamais, et je leva les yeux pour voir le visage souriant de Lockwood qui m'avait rattrapé dans ma chute, puis, un peu plus à ma droite, celui de Kipps qui avait attrapé mon bras de rapière pour le stabiliser dans ma chute, sans doute pour éviter un faux mouvement qui aurais pu me blesser, ou blesser Lockwood. 


Puis, contre toute attente, j’éclata d’un rire libérateur jusqu’à en avoir les larmes aux yeux. Un rire qui se répandit à tous ceux présents. Un rire qui fit fondre le murs de glace qui me retenais dans ma solitude et qui sembla faire glisser la couche d’angoisse qui recouvrait les habitants du 35 Portland Row pour ne plus laisser que ce qu’ils étaient: Cinq adolescent éprouvé par la vie, qui s'était trouvé et qui formait maintenant une famille. Nous avons ri un certain temps durant lequel lockwood a fini par me laisser glisser doucement en position assise, puis Holly se débarassa de sa rapière pour venir me tendre la main. Elle me remit sur mes pieds même si mes jambes tremblaient et me dirigea, avec l’aide de Lockwood, vers la couverture avant de se laisser tomber à mes côtés pour reprendre son souffle. George nous tendit à toutes les deux un verre d’eau que nous bûmes avec reconnaissance. 


Lockwood me pinça gentiment le bras en venant s'asseoir de l'autre côté de moi, toujours souriant et confiant. 


–C’était tout un spectacle,vous avez été parfaite, toutes les deux. Nous aurions dû vous laisser vous affronter à la rapière dès le début, ça vous aurait peut-être aidé à diminuer les tensions et nous aurait évité de nombreux ennuis! 


Holly gloussa élégamment à côté de moi. 


–Allons, Lockwood, tu sais bien que Lucy au top de sa forme n’aurait fait qu’une bouchée de moi.


–Je ne suis pas d’accord, Holly, tu te débrouilles très bien, tu m’as rendu coup sur coup. Ton bras n’a pas la puissance de Lockwood, Kipps ou George, mais tu est rapide et agile. 


Holly me dévisagea un bref moment, comme surprise que je lui ai fait un compliment, puis passa son bras sur mon épaule et me serra très très brièvement, pas plus d’une seconde, avant de relâcher son étreinte. 


–Merci, Lucy, je prends le compliment à sa juste valeur. Tu te sens mieux?


Je réfléchi un instant avant de caler mes mains contre mes genoux, déstabilisé par leur tremblement. Mon corps me semblait lourd et tendu, toujours entièrement douloureux. La douleur qui irradiait de ma poitrine m’empêchait de prendre une entière respiration et je me sentais tout bonnement épuisé. Malgré tout, je fut surprise de me sentir si bien. Émotionnellement, j’étais détendu et plus calme que je ne l’avais été depuis un moment. Mes mains tremblaient à peine, bien que cela me m’irrita toujours autant, mais c’était passablement tout. Je ne ressentais plus ce bourdonnement furieux qui semblait agiter mes membres et enfermé ma tête dans un étaut. Même la nausée avait disparu. 


–Je me sens moins fébrile. Moins anxieuse. Mes muscles veulent mourir, par contre. 


J’éclatais d’un petit rire nerveux face à leur regard, mais je devais avouer que je me sentais aussi moins seule. Le fait d’avoir partager ce moment avec eux me donnait moins l’impression d’être une intruse au milieu de Portland Row. Il y eut une nouvelle vague d’hilarité mue par la nervosité générale engendrée par les derniers événements, puis tout le monde sembla reprendre ses activités personnelles sous le soleil. Tout semblait redevenu comme la demi-heure précédente, mais un œil avisé pouvait facilement déterminer que l'ambiance générale avait changé. 


Plus personne ne me jetait de petit regard inquiet lorsqu’il pensait que je ne regardais pas. La tension avait disparu, rendant l'air plus léger et les plaisanteries fusaient ici et là, entrecoupées de rires, d’indignation ou de gloussement sous entendu. On me tendit mon cahier à dessin et je laissai le coup de crayon finir d'apaiser mon esprit. 


Au bout d’un moment, Holly ramassa sa pile de papier et quitta sous les au revoirs pour aller s’occuper de quelques affaires personnelles. Je bailla et me laissa glisser sur le ventre, ma tête en appuis sur mes bras, laissant le soleil réchauffer mon dos exposé à ces rayons. Je sentis bientôt mes yeux se fermer, écoutant distraitement le choc des rapières de Kipps et Lockwood qui avait reprit leur duel et le bruissement des feuilles que tournait George. Tout était calme et je m'imprègna de l’ambiance générale, trop épuisé pour penser à autre chose. 


Kipps du me dire au revoir plusieurs fois sans que je ne l’entende puisqu’il vin me décoiffer d’un coup de main avec hilarité alors que je lui répondais d’un grognement endormi. Presque aussitôt, George se leva pour s'affairer en cuisine et Lockwood vin s'assoir à côté de moi pour boire son eau et reprendre son souffle. Le soleil commençait à se refroidir et je savais que je devais bientôt commencer à penser bouger, même si je n’en avais pas du tout envie. 


Lockwood laissa un silence confortable s’installer entre nous et je ne vit pas l'intérêt de le briser pour ne rien dire d’utile. À un moment, je le sentis s’allonger à mes côtés pour profiter des derniers rayons de soleil et nous avons profité du calme pour enfin respirer. Je m'assoupis peut-être à un moment donné, puisque je sentit la main de Lockwood me frotter doucement le dos d’une main douce et agréable, chauffée par le soleil de la journée. Je grogna un certain nombre de choses heureusement inintelligibles avant de consentir à ouvrir les yeux pour apercevoir le sourire de Lockwood au-dessus de moi. 


–Allez, luce, on doit rentrer, maintenant, 


Je frissonna et me rendis compte que le soleil était presque couché, sans doute bientôt 18 heures. Encore tôt pour les fantômes, mais il ne fallait pas vraiment rigoler avec ça, alors j’entreprit de me redresser, lentement et atrocement. Mes membres au supplice avaient ankyloser pendant mon sommeil. Malgré tout, je dédaigna la main tendue de Lockwood pour me hisser en position assise, essayant d'étirer mes muscles endolories. Je massais mon épaule, douleur plus prononcée que celle des autres, lorsque la main de Lockwood prit la place de ma main.


–Attends, Lucy, laisse-moi t’aider. C’est normal que tes muscles soient raides, comme George te l'a expliqué tout à l’heure, tu reviens d’une convalescence difficile d’un mois. Reprendre le combat avec une épée, comme tu l'as fait, aurait dû se faire progressivement. 


Je sentais la réticence de sa voix et je ne voulais pas qu’il s’en prenne à George pour l'avoir proposé, alors je pris sa défense. 


–Au contraire, je crois que c'est ce dont mon corps avait besoin. J’étais mal, avant. 


j'avisa son regard soucieux et leva les yeux au ciel. 


–Arrête de t'inquiéter, Lockwood, je me sens beaucoup mieux, maintenant que j’ai pu dépenser l’énergie accumulée. 


Il bougea mon épaule brusquement jusqu’à ce qu’une sorte de craquement douloureux me fasse pousser un petit cri de douleur indigné auxquelles il répondit d’un doux rire aussi léger qu’une plume. 


-Bien sur, Luce, tu semble fraîche comme une rose. 


Il éclata de rire face à mon air indigné. 


–Sans blague, je vois bien que tu semble mentalement beaucoup mieux que ce matin, il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. Ton corps élimine les drogues, comme le médecin l'avait dit. Je suis juste soucieux à cause des Winkman. Ils sont venu te chercher ici même dès qu’on as eu le dos tourné…


Il continua à parler, je voyais ses lèvres bouger, mais je ne l’entendais plus. J’étais soudain très loin du petit jardin au rayon de soleil mourant. 


Au début, il voulait te tuer. Vous tuer tous. Puis, au fil du temps, il a lue de nombreux articles de vous, les si talentueux Lockwood and co. Si vôtre mention est bien faible la plupart du temps, on peut facilement sentir les éloges de vôtre talent. Le toucher et l'ouïe. Sentir les émotions d’un fantôme, comprendre et évaluer la puissance d’un objet et ces échos psychiques. Décrire un objet avec exactitude. Nommer une source avec précision.


–Luce?... Lucy? Lucy, tu m'entends? 


Le visage de Lockwood était blême dans le soleil couchant. Il tenait mes deux bras fermement, comme s’il essayait de m’encré dans le présent. Je ne sentais plus vraiment la chaleur du soleil, plutôt le froid de la nuit qui glaçait ma peau. Je cligna des yeux plusieurs fois avant de retrouver ma voix. Mon regard était toujours fixe au loin lorsque j’entendit ma voix brisé le silence, lointaine et distante comme jamais. Neutre. 


- Les Winkman, Lockwood, ils en savent plus qu’on ne le croit sur mon talent…


Je sentis une vague de panique me submerger et agrippa les poignets de Lockwood pour ne pas dériver loin de mon corps. 


–D’accord, Lucy, calme toi, je suis là. Tu es en sécurité. Qu’es que tu entends par là. Tu dois m'expliquer. 


–Allez les amoureux! Le repas est servi! Lockwood? Lucy? Vous avez l'air d’avoir vu un fantôme… 


Je ne sais pas vraiment comment j'ai fait pour me retrouver assise à la table de la cuisine, un thé chaud entre les mains, entouré de la lumière tamisée de Portland Row. Toute les portes et les fenêtres avaient été verrouillées alors que l’obscurité se pressait contre les carreaux de la cuisine. Lockwood avait laissé tomber son chandail à capuche sur mes épaules. Cela combiné à l’odeur alléchante qui flottait dans la cuisine a fini par calmer la vague de panique qui m'avait ensevelie dans le jardin. Un regard par la fenêtre du salon nous avait confirmé qu’une voiture du DERPAC montait la garde devant la maison. 


Lockwood avait même disposé nos rapières contre les armoires de la cuisine pour la tranquillité d’esprit. La sienne ou la mienne? Je n’en étais pas vraiment certaine et je ne posa pas la question, j'étais juste rassuré de l’avoir à portée de la main. Je pris une gorgée de thé brûlant et le laissa descendre dans ma gorge et me réchauffer la poitrine. Le silence était total depuis que George était venu nous voir dans le jardin et c’était étendu le temps que chacun s’assure de la sécurité relative de Portland Row. 


–Allez-vous finalement m’expliquer? 


Lockwood se tourna vers moi avec une nonchalance feinte et je baissa le regard vers ma tasse. 


–En fait, je ne suis pas certaine de quoi que ce soit, ça semble être juste un souvenir qui m’est revenu à la mémoire pendant que nous parlions des Winkman. Une femme c’est faite passé pour une cliente lorsque j’étais seule ici… Je l’ai laissé entrer et… Oui, Lockwood, je l’ai laissé entrer, nous laissons toujours entrer les clients dans le salon, non? Alors que j'essayais de lui échapper, elle a dit quelque chose comme quoi on pouvait deviner la puissance de mon talent au travers les articles de presse.


–Une partie, seulement, Lucy. N’oublie pas que la plus grosse part de ton talent reste notre secret et n'a jamais été, même vaguement, discuter à l’extérieur de ces murs. 


Je leva un regard perdu et interrogatif vers George et laissa écrouler un certain temps avant de secouer la tête, distante. 


-Oui, oui… Parler avec les types 3… 


George hocha la tête.


–Et ta sensibilité à simplement été effleuré par la presse, je ne voie pas ce qui aurait pu sortir de si mauvais, même avec de bonnes recherches…


Lockwood sauta sur ces pieds si brusquement qu’il reversa sa chaise avec un grand fracas, me faisant sursauter et renverser une partie de mon thé sur la nappe à penser. Il jura plusieurs fois avant d'aviser nos regard ahurie et agrippa sa rapière, qu’il glissa à sa ceinture avant de disparaître dans un froissement de manteau noir. En guise d’explication, il cria de l’entré:


–George, tu gardes ta rapière à ta ceinture, vous vous barricader tous les deux. George, appelle Kipps et dit lui de revenir ici immédiatement. Il pourra vous défendre au besoin. Et vous n’ouvrez la porte à aucun inconnu! Pas même un client potentiel, compris, Lucy?!


Puis la porte d'entrée se referma avec fracas, nous laissant seule, moi et George, aussi hébétés l’un que l’autre…

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