Convalescence

Chapitre 4 : Convalescence

10702 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/03/2023 18:12

Je dû perdre connaissance puisque j’ouvrit les yeux sur un ciel noir d’encre. Je n'essaya pas de me lever immédiatement puisque j’avais des vertiges et une irrépressible envie de vomir, mais je pouvais voir les mailles d’un cercle de fer entrecoupé de brin d’herbe. Le manteau de Lockwood avait été drapé sur moi pour me tenir au chaud, même si cela me sembla passablement inutile puisque je tremblais quand même de froid. 


Le temps que mes yeux arrivent à se focaliser, je remarqua trois silhouettes agitées qui rassemblaient notre matériel en marmonnant à voix basse. 


–Qu’es qu’on fait pour Lucy, murmura George en jetant un coup d'œil dans ma direction.


–Le DERCOM s’en vient pour sécuriser la source. Je leur ai dit d'amener une ambulance. Elle n’a pas l'air blessée, mais Barnes est d’accord avec moi, mieux vaut ne pas prendre de chance, elle est tomber assez rudement dans les escaliers et la marque de son cou semble profonde. 



Bien que j’aurais préféré rester muette encore un moment, je me suis redressé doucement. Respiré était douloureux et je devinais que parler me metterait au supplice. 


–Hého, ça va, je vais bien. 


La quinte de toux qui s'ensuivit me brûla la gorge, mais, au moins, j’étais en vie. Ce fut comme lâché une bombe au milieu de la cour, les trois silhouettes se figèrent dans l’obscurité pour ensuite converger vers moi. Lockwood m’obligea à me rallonger et je ne vit aucune raison de ne pas le faire. À part ma fierté, bien sûr, mais vue ce que je venais de traverser, je décidais de m'accorder ce petit moment de faiblesse. 


–Ne bouge pas, dit Lockwood, reste allongé, luce.


–Es-ce que…


–Oui, Luce, grâce à toi, la source est sécurisée, tu as été parfaite, comme toujours. 


Il me souriait et, un instant, je fut tenté d’en rester là, mais je savais ce que cachait ce sourire un peu trop éclatant. N’ayant pas la force de me battre avec Lockwood, je tendit la main pour agripper le bras de George.


–Ne le laisse pas s’en vouloir…


Lui aussi me sourit en me tapotant la main et je gémi et laissant retomber ma tête dans l’herbe.


–Ah non, pas toi aussi. Rien n'aurait pu empêcher ce qui vient de ce passé. 


Je toussais à nouveau. j’avais qu’une seule envie et c’était de dormir. Longtemps. Mais au loin, j’entendis les sirènes de l’ambulance. Je pris encore un bref instant pour regarder le ciel et respirer l’air frais avant de rouler sur le côté avec un gémissement dans le but assumé de m'asseoir. Si je restais allongé par terre, je serais bonne pour passer le reste de la nuit et peut-être plus longtemps encore, dans une chambre d'hôpital. Je réussi à m'asseoir difficilement sous les protestations des garçons, une main contre mon côté pour essayer d'apaiser la douleur aiguë qui s’en irradiait. Si je n'avais pas eu trois paires de yeux inquiets braqués sur moi, j’aurais soulevé mon pull pour regarder mon buste, mais je préférais ne pas les alarmer, pas avec la menace imminente d’une ambulance à proximité. 


Sitôt arrivé sur place, une marée d’homme et d’enfant en uniforme envahit l’endroit pour sécuriser le périmètre en salant allègrement l’herbe un peu partout. Barnes nous repéra dès qu’il mit le pied hors du véhicule et donna quelque ordre aux personnels médicaux qui se rua vers nous, civière en main. Je gémis de dépit et de frustration, mais Kipps dû prendre ça pour de la douleur puisqu’il fit pression sur mes épaules pour m’allongé à nouveau dans l’herbe. J’aurais pu protester, mais la douleur de mes côtes était presque insupportable et les soudaines lumières clignotantes des véhicules d’urgence me donnaient la nausée. 


Lorsque la première personne m'atteint, un homme blond entre deux âges, je commença par faire valoir que j’allais bien et que ce n’était que quelques bleus, s’il se montra soulagé que je sois consciente, il avisa rapidement la profonde marque de corde sur mon cou  et fit signe à quelqu’un d’autre qui s’approcha. Les deux hommes repoussèrent mes amis protestant vivement, mais ils reculèrent pour les laisser faire leur travail. Pour les aider, je tentais de m'asseoir, mais fut délicatement, mais fermement, plaqué au sol le temps de faire un examen visuel global. Je collaborais avec exaspération sous le regard de mes amis qui me fixaient de manière fort gênante, avant de vivement protester lorsque l’un des hommes agrippa le bas trempé de mon pull avec l’intention manifeste de vérifier mes côtes. Mais je savais un peu trop bien ce qu’il allait y trouver et il était hors de question de laisser Lockwood, George et Kipps voir à quelle point j’avais été molesté dans ce travail, ils s’en voulaient déjà assez comme ça. 


–Mademoiselle Carlyle, soit vous me laissez finir l’examen, soit je vais devoir faire venir la civière et vous amenez dans une des ambulances pour terminer. 


Avec un grincement de dent, nous nous somme défier du regard, mais visiblement, l’homme était habitué à travailler avec des agents trop fiers pour reculer et garder son calme jusqu’à ce que je lâche le bas de mon pull en regardant obstinément le ciel d’encre au dessus de ma tête, soudain très lasse. La réaction ne tarda pas à venir et il siffla entre ses dents avant de sortir un sac que je n’avais pas vu auparavant. Il prépara quelque chose que je n’avais pas vu avant de revenir à moi avec une seringue à la main. Je savais que c’était mauvais, mais je n’avais pas remarqué que c’était à ce point. Il avait dû déterminé que mes côté était cassé où, du moin, durement fêler, mais ce n’était pas pour cela que j’avais envie de recevoir le contenu de la seringue, j’avais encore une chance de suivre les autres jusqu’à portland row pour une bonne nuit de sommeil malgré la douleur qui sifflait dans ma poitrine à chance inspiration, ce noyant douloureusement dans celle de ma gorge écorché. 


Dans un ultime essai nerveux, je leva rapidement les bras et me tortilla loin de l’aiguille qui brillais dans le noir jusqu’à ce que mon épaule percute le genoux du second secouriste. 


–Ça va, je vais bien! Pas besoin de ça, je ne le sens pratiquement pas…


Dans une ultime tentative, je poussais rapidement sur mes bras pour me hisser en position assise. Puis, ce fut un profond trou noir. Comme un arrêt sur image de quelques secondes. La douleur résiduelle et ma position m’apprirent que je devais avoir trop forcé en me redressant, suffisamment pour perdre connaissance et le secouriste à la seringue avait dû en profiter pour me faire sa petite piqure en traître puisque ce fut soudainement comme si tout était empli de coton moelleux. La douleur avait presque entièrement disparu, même celle de ma gorge, comme je l’appris en éclatant d’un petit rire cotonneux. 


L’un des deux hommes, celui qui m'avait prise en traître avec son aiguille de tranquillisant, partie, sans doute chercher quelque chose, et il fut immédiatement remplacé par mes amis qui c’était précipité. Lockwood me tenait très fort, mais en même temps si délicatement la main, que je réfréna un second petit rire engendré par les calmants et la peur que j’avais eu à l’intérieur. 


–Ça va, Lucy, demanda George, agenouillé au côté de Lockwood, Tu n'as pas trop mal, on dirait que tu t'es fait défoncer la poitrine par une voiture, ça m’étonne que tu sois encore consciente.


George et son tact habituel. En un sens c’était réconfortant de savoir que, même au milieu de la tempête émotionnelle, George restait George.  


Sans doute que Lockwood l’aurait rabroué pour son tact légendaire, mais Barnes lui posa la main sur l’épaule pour attirer son attention.


–Monsieur Lockwood, j’aurais besoin de votre déposition. vous pourrez rejoindre miss Carlyle par la suite. 


Lockwood était sur le point de protesté, ça se voyait sur son visage crispé qu’il tourna vers moi. Je le força à lâcher ma main.


–Allez, je n'irai pas bien loin pendant ce temps. 


Malheureusement, je fut vite démentis par l'arrivée de l’homme qui était revenu avec une civière. Involontairement, je gémi et Lockwood repris immédiatement ma main.


–Ça va, luce? Tu as mal quelque part? 


Face à mon silence, il suivit mon regard et parvint à la même conclusion que moi. 


–Ça va allez, Luce, je vais aller te rejoindre dès que possible. 


Il s’éloigna ensuite en laissant un froid mordant contre ma peau. Avec une efficacité redoutable, je fus hisser sur la civière et amené dans l’une des ambulances où l’on m’aida à changer de vêtement pour une combinaison médicale rose à motif enfantin, mais, au moin, c'était sec et la couverture dans laquelle on s'enroula était agréablement chaude, même si je regrettais le manteau de Lockwood. Que ce fut à cause de l’épuisement, de la baisse d'adrénaline, de la chaleur ou des drogues qui m'avaient été administrées, je fermais les yeux avant même que les secouristes terminent de fixer les sangles. Vaguement, j’entendis la voix de George venir de très loin et je sortis ma main de la couverture,seul mouvement qu’il m’était possible de faire avec mes membres gelé et lourd. Aussitôt, ma main trouva la sienne sans que je n’eu à ouvrire les yeux, ce que j’aurais sans doute été bien incapable de faire, de toute manière. 


–Le rose te va très bien, Lucy.


Je grommelais une réponse pâteuse et laissais le rire grave et familier de George m'entraîner très loin. 




*****


La main de George était toujours dans la mienne lorsque je me réveillais, percluse de douleur généralisée. Je dû remué un peu trop vigoureusement puisque George, endormie assis sur une chaise dur, le haut du corps sur le petit lit d'hôpital, se réveilla en frottant ses yeux rougis de sommeil, ces lunettes était croche sur son nez sans qu’il prenne la peine de les remplacés en me souriant. 


Quelque chose clochait cependant. Je me sentais vaseuse et, même sans remué, je pouvais sentir quelque chose tiré sur mon côté blessé. Des points de suture sous un épais bandage. Je le savais puisque c’était loin d’être mes premiers points et, sans doute, encore plus loin d’être mes derniers. D’un froncement de sourcils, mon regard fixant celui de gorge, j'essayais de me souvenir pourquoi j’avais des points de suture à cet endroit. 


George était lui aussi vêtu d’un habit médical vert, ses yeux étaient cernés plus que d’habitude et les marques sur sa joue me laissaient sous-entendre qu’il avait dormi dans la position inconfortable dans laquelle je l’avais trouvé en me réveillant durant un certain nombre d'heures. 


–Hé, Luce, fait pas cette tête, si tu est pour vomir ou perdre connaissance, préviens moi, cette fois, d’accord?


Je dû faire une drôle de tête puisqu’il éclata d’un petit rire sans joie avant de retirer ces lunettes pour les nettoyer nerveusement avec son chandail. 


–C’est quoi ton dernier souvenir, Lucy?


–La maison, la baignoire… j’étais dans le jardin et l’équipe médicale m'a amené, mais Lockwood a dû rester..


Je fus soudainement prise d’une bouffée de panique et commença à me débattre avec mes couvertes et les tubes de perfusion, prête à arraché les fils qui me reliait à de nombreuses machines.


–Lockwood! Où est-il? Il va bien?


George m’agrippa les poignets pour me retenir, doucement, mais également avec fermeté. 


–Lucy. LUCY!


Il répéta mon nom jusqu’à ce que je me calme assez pour arrêter de me débattre malgré la douleur. Pour une raison quelconque, l’attitude de George et l’absence de Lockwood m'angoissaient au plus haut point. Il attendit que je me calme, son regard porté vers le bouton d’alarme rouge et cela me poussa à reprendre le contrôle de mes émotions. Je pris plusieurs bonne respiration douloureuse avant que George se rassoit en libérant mes mains, toujours prêt à intervenir si je perdais le contrôle, mais, surtout, prêt à donner l’alerte au besoin. 


–Mais tu va finir par parler, George, oui ou merde!


Il siffla entre ses dents et eut un petit sourire, ses épaules semblèrent s'alléger.  


–Allons, Lucy, ce n’est pas de très beaux mots dans ta bouche. 


Mais son sourire s'élargit un peu avant qu’il ne soupir et reprennent:


–Je suis aller te rejoindre dans l’ambulance qui nous a amené ici alors que Lockwood à été retenu par Barnes, comme tu t’en souviens peut-être… Et bien, dans l’ambulance, tu as eu une sorte de…Une sorte de crise de quelque chose, tu t'es mise à chercher ton air, tu es devenue toute grise. Les secouristes ont d'abord cru que tu avais été touché par un fantôme, et ils ont administré de l’adrénaline selon le protocole, mais il ces avéré que ton état ces rapidement dégradé et tu as été amené au bloc opératoire dès ton arrivée ici. J’ai dû rester dans la salle d’attente sans savoir ce qui se passait. Quelqu’un a dû avisé Barnes qui a ensuite avisé Lockwood.


Il y eut un silence gêné et je fini par hasardé:


–Cet idiot ces fait remarqué et interdire l’accès, ces ça?


George glousse nerveusement.


–Se faire remarquer. On peut appeler ça comme ça. Il est débarqué en grande pompe en criant qu’il voulait te voir dans la seconde. Ils ont bien essayé de le calmer, mais il avait complètement perdu son sang froid. Lorsque les gentilles demoiselles de l'accueille en on eu assez de le voir tourner en rond et venir leur exiger un rapport constant de ton état, Barnes à dû le menacer de l’arrêter pour trouble à la quiétude publique. Finalement, Holly la ramené à Portland row et j’ai pris le tour de garde. 


Je rie nerveusement pour ne pas penser à l’état dans lequel j’ai été amené à l'hôpital. j'essayais de ne pas trop y penser. j’étais en vie et c’était mieux que rien. 


–Cela nous amène à ton état de santé, Lucy. 


j'hésitais entre attention et l’envie de lui dire de se taire. 


–Lorsque tu t'es fait traîner dans les escaliers, tu as eu plusieurs côtes cassées. Sous l’effet de roulement de l’ambulance, un éclat à percé ton poumon, d’où ton manque d’oxygène et ton état général. Avec l’Adrénaline, ton cœur s'est mit à battre plus vite, mais sans l’apport d’oxygène qui pouvait venir avec, d’où la dégradation rapide. Il aura fallu en tout dix heures de chirurgie au bloc opératoire pour retirer les éclats d’os et cautériser le poumon avant de te refermer, puis de stabiliser ton état. Tu vas vomir?


Il avait pourtant déjà tendu le bras vers une bassine à portée de main. j’avais soudain très chaud et des vertiges. L'entendre parler de mon état dans un vocabulaire aussi froid me donnait effectivement une nausée que je tentais de contrôler en respirant. Je perdis malheureusement la bataille et vomis dans la bassine maintenant sur mes genoux et tendu par un George expert qui se dépêcha de me tirer les cheveux vers l’arrière le temps que je termine de rendre le mince contenu de mon estomac vide. 


–Depuis, tu te réveilles ici et là en alternant entre vomissement, crise de panique et perte de connaissance. 


Il termina sur le même ton qu’il aurait utilisé pour parler de la météo. 


Une fois débarrassé de mon bol de vomi-et de mon embarras profond- George m’aida à me recoucher. Déjà, les lumières semblaient s’entre-croiser sous mon regard de plus en plus distant. Près de moi, je sentis George se rassoir et s'étire brièvement, pensant sans doute que j’allais perdre à nouveau conscience. Honnêtement, je crois que c'était ce qui était entrain de se passer, mais je rassemblais le reste de volonté qu’il me restait pour marmonné doucement dans le silence de la chambre:


–Et je vais avoir mon congé quand? Je veux retourner à la maison, George… 


Ma voix devait avoir une brève connotation désespéré puisque George me tapota gentiment l’épaule en étouffant un bref rire:


–Dort, Luce, c’est ce que tu as à faire de mieux, crois moi. 


Pour une des rares fois, j’écoutais le conseil de George. 


*****

Les jours suivants furent flou. George ne me quitta pas et Lockwood n'eut pas la permission de revenir à l'hôpital. Par contre, après quatres jours à alterner réveil en panique et vomissement, mes temps d’éveil se mirent à augmenté, selon George, et j’eu la surprise d’avoir la visite de Holly et de Kipps. Au bout du cinquième jour, dont deux où j’étais, selon les infirmières, une jeune fille incroyablement têtue qui ne voulait que rentrer chez elle au plus vite malgré mon état de faiblesse, j’eu enfin ma feuille de congé à contre-cœur du personnel. Cela signifiait, selon le document que George dû signer, que quelqu’un devait s'assurer que je garde le lit pour ne pas faire sauter mes points de suture et pour guérir correctement. Bref, surveiller mon état de santé et prévenir le personnel médical à la moindre alerte. 


j’aurais pu faire la tête de devoir rester alité encore quatre à six semaines sur l’assurance médical du DERCOM, mais j’étais beaucoup trop heureuse de rentrer à la maison. George ne commenta pas, mais lui aussi semblait soulagé et sortit immédiatement passé un coup de téléphone. Durant son absence, je commença à rassembler mes maigres effets personnels, principalement un livre et un chandail chaud apporté par Holly, avant de me glisser sur le bord du lit en grimaçant sous l’effet de la douleur qui me brouilla brièvement la vue. Je jura à voix basse sans lâcher la ridelle du lit, espérant retrouvé pied avant que quelqu’un me voie. 


Malheureusement, une exclamation dans mon dos m'appris que c'était trop tard pour sauver les apparences et George accourut rapidement pour me stabiliser et m’aider à m'asseoir sur la chaise qu’il avait quitté un peu plus tôt pour aller avisé Lockwood et les autres de ma sortie. 


–Lucy! Mais ça va pas la tête! Tu as eu l’autorisation de sortir uniquement parce que tu les harcelaient à chacun de leur passage! 


Il aurait sans doute rajouter quelque chose, mais mon regard c’était poser sur ce qu’il avait rapporté de son expédition pour préparer notre sortie. Le sang quitta mes joues tellement j’étais scandalisé. 


–Une chaise roulante? Tu rigole, j’espère?! 


–Si tu veux quitter l'hôpital, c'est ta seule option. Si les infirmières te croise en train de te promener joyeusement dans le corridor- et plus probablement inconsciente dans le corridor- tu peux dire adieu à Portland Row avant deux ou trois semaines encore. 


Nous nous jeaugeâme et je finis par marmonner de mécontentement, mais cela eu l'air de le satisfaire. De toute manière, me résonnait-je, ce ne serait que jusqu’au taxi qui nous ramènerait à la maison, il n’y aurait que George qui m’y verrait assise. c’était déjà trop, mais j’étais prête aux compromis pour sortir d’ici. Je fus même prête à accepter l’aide de George pour passer de la chaise au fauteuil.  J’aurais préféré sauter d'enthousiasme à l’idée de partir, mais la vérité, c’était que le simple fait de signé les papiers de sortie, de rassembler mes deux ou trois effets personnels et de transféré dans la chaise roulante m'avait complètement vidé et je n'aspirait à nouveau qu’à dormir, surtout que j’étais dû pour mes anti-douleurs et la fatigue me rendais moins apte à gérer l’afflux de douleur de mon dos et de mes côtes. La seule bonne nouvelle, c’était qu’en une semaine, la marque de corde qui me barrait le cou avait passé du rouge au bleu, puis à une sorte de jaune verdâtre peu flateur, mais tout de même moins visible que la marque de corde. 


Sur le trajet de sortie, George essaya de me faire rire avec quelque commentaire, mais j’avais un peu de mal à suivre la conversation, j’étais juste impatiente de sortir de l’hôpital… Jusqu’à ce que l’on arrive aux portes de sorties. Dehors, sous le soleil qui commençait sa descente, un Lockwood impatient faisait les cents pas à l’extérieur. Je gémis doucement en estimant mes chances de me sauver en courant pour qu’il ne me voie pas avachis dans le fauteuil roulant, mais George, toujours aux aguets, me tapota l’épaule sans ralentir le pas. 


–On a installé un petit lit temporaire dans la bibliothèque pour que tu sois tranquille. dès que tu te seras installé, tu pourras prendre tes anti-douleurs, tu es toute pâle, ça devrait te faire du bien. 


Puis, il suivit mon regard en direction de la sortie et eut un petit rire. 


–Tu ne peux pas marcher, alors j’avais besoin de renfort pour te faire sortir. Ne t’en fais pas, je lui est dit de ne pas faire de scène. 


Mais ce n’était pas exactement ça qui m’inquiétait. Je détestais la position de faiblesse qui  était présentement la mienne et c’était presque insupportable que lui le constate aussi. Mais George ne m’a pas laissé beaucoup de choix, déjà, nous passâmes la sortie de l’hôpital pour que Lockwood se dirige vers nous du pas presque détendu, presque comme si nous étions sorti d’un café et non pas d’un hôpital. Le malaise fut un instant palpable alors qu’il sembla me détailler, puis il se plia à ma hauteur et me lança son sourire à la Lockwood, celui qui vous amenait à le suivre dans la pire des situations. 


–Ça va, Luce? Nous sommes tous impatient que tu rentres à la maison. 


Et il me serra dans ses bras. le geste ne dura qu’un bref instant, mais ma surprise dura un peu plus longtemps. Nous nous sommes ensuite dirigés vers le taxi où George arrêta le fauteuil roulant avant de le contourner pour venir m'aider, mais, avant qu’il ne m’atteigne, j’avais déjà été prise d’une bouffée de fierté mal placée. Faisant fit de tout mon corps qui me hurlait d’arrêter, je me mit debout sous les protestations de George. S’ensuivit ensuite un moment très embarrassant où j’appris que pousser son corps de la sorte était une fort mauvaise idée. Sous les sermons de George, je ne dut qu'au réflexe de Lockwood, qui m'enserre la taille, de me rendre sur la banquette au lieu de m'étaler sur le trottoir. 


Le reste du trajet fut passablement calme. Assise entre Lockwood et George, c’était comme chaque retour à la maison après chaque travail. Normal et réconfortant. Je dû m’assoupir puisque le reste du trajet fut une sorte de flou confortable, à peine perturbé par les deux garçons qui discutaient parfois à voix basse. Je fus réveillé par une marée de douleur dans mon dos qui me donna une vague nauséeuse pour me retrouver enroulé dans des bras fermes. 


Mon esprit confus ne sembla pas comprendre ce qui se passait, alors j’ouvris les yeux pour apercevoir le visage de Lockwood. Très prêt du mien. Il avait dû m’enrouler dans son manteau pour sortir du taxi et me portait maintenant jusqu’à la maison. Le rouge me monta aux joues et j’essaya instinctivement d’ajuster ma position alors qu’il baissait les yeux vers moi avec un grand sourire. 


–Attends, Luce, je te tiens.  


Aussi près, je remarqua les cernes sous ces yeux et ces traits tirés. Sa peau plus pâle. Visiblement, il s'était fait du souci et je retint un soupir exaspéré alors que nous passâmes la porte de Portland Row que Holly avait ouverte pour les laisser passer.  Lockwood me porta jusqu’à la bibliothèque et, après un instant de confusion, je me souvint que George m’avait dit qu’un lit avait été monté pour moi le temps que je puisse monter et descendre les escaliers. D’un côté, j’étais contente de ne pas avoir à monter jusqu’au grenier, de l’autre, cela me faisait sentir comme faible et je sentis mes yeux me piquer et se remplir d’eau. Avant que Lockwood me dépose dans le lit, je chassais cette exaspérante émotion que je mis sous le coup de la douleur. 


Il y eut un mouvement de masse, chacun s’affairait autour du lit pour replacer ceci ou cela, puis le calme revint, à mon grand soulagement. Une fois l'excitation de mon retour passé, la routine de tout le monde redevient à peu près normale. George me tendit mes anti-douleurs  avec un verre d’eau et monta prendre une douche, Lockwood sortit un magazine et Holly alla vérifier le repas. De mon côté, je fis de mon mieux pour ignorer les cachets qui se trouvaient sur une petite table en sachant que cela m'assomerais à coup sûr. J’essayais donc de me concentrer sur un livre quelconque que j’avais prise au hasard, alternant entre somnolence et douleur. 


–Lucy!


Je sursauta et lâcha mon livre en hoquetant sous la vague de douleur qui m’immergea. Lockwood avait quitté son fauteuil pour se rapprocher de moi, sans doute avait-il tenté de m’appeler auparavant sans que je réagisse, au vu de son haussement de sourcil interrogateur. 


–Ça va, Luce? Je ne voulais pas te faire peur. 


–Ça va, qu’es que tu voulais me demander?


Il s’assit sur mon lit en me fixant avec une inquiétude qui me rendait malade et me ramenait directement à la nuit où j’avais été blessé. 


–Tes anti-douleurs. George a dit que c’était important, mais tu ne les as pas touchés. Il y a une raison? Tu devrais les prendre, tu sais, Holly va bientôt emporter le dîner et George dit que si tu ne les prends pas, tu ne gardera pas ton dîner. A cause de la douleur.


Je grommelais en essayant de réfréner ma mauvaise humeur. Moi qui espérais que ce qui c’était passé à l'hôpital y resterais. Mais ce qu’il disait était vrai, alors je pris les cachets que Lockwood me tendait et les avalaient sans dire un mot.


–Tu semble contrarier,Lucy. 


Je sentais son hésitation et j’étais consciente que ce n’était pas juste de ma part de passé ma mauvaise humeur sur lui, alors je fit un effort pour me calmer et réussit même à lui offrir un sourire. 


–Désolé, Lockwood, je suis un peu sur les nerfs, c'est tout. La semaine à été difficile. Et toi, comment vas-tu ? On dirait que tu es passé dans une machine à laver. 


Il me sourit et, cette fois, je le lui rendis. 


Les cachets avaient commencé à faire leur effet puisque je sentais presque plus de douleur et ce voile de bien-être artificiel, qui m'était maintenant familier, s’abattait doucement sur mes épaules, comme une couverture chaude. Pour aucune raison valable, je gloussa et laissa mon dos s’appuyer contre le mur en fermant les yeux de bien être.


–Je crois que tes cachets font effet, Luce. Tu veux que je t’aide à t'allonger?


Sa voix était plus lointaine qu’elle ne le devrait vue la distance qui nous séparait, mais j’y percevais un soupçon de gentille moquerie qui chassa la tension de mes épaules aussi efficacement que les cachets. 


–Non, non, ça va. Si tu m’installe trop bien, je vais finir par m’endormir. Mais, dis-moi comment tu vas, Lockwood. Je ne mentais pas en disant que tu as une sale tête.


Je fronçais les sourcils, installant un air sérieux qui devait avoir l’air assez faible étant donné que j’avais l’impression de parler presque au travers un rêve. Un coin de ma conscience se demanda pourquoi j’avais succombé aussi facilement face au cachet, mais j’étais physiquement et mentalement épuisé par mon retour à Portland row, mais je trouvais important de mettre les choses à plat avec Lockwood, sans attendre d’être prisonnière d’un cercle d’esprit, cette fois. 


–Tu parle de ma tête, Luce, mais tu ne t'es pas vue dans le miroir, on dirait que tu dors debout, me répondit-il avec un sourire moqueur à la Lockwood, avant de reprendre un petit peu son sérieux. Je suis désolé, Lucy, je n’aurais pas dû te permettre de venir sur ce cas. 


Si je n’avais pas eu l’impression d'évoluer dans un coton soyeux, j’aurais protesté avec exaspération. J’ai pris mes propres décisions et je détestais qu’il veuille me couvrir comme un oisillon sorti du nid. Rassemblant toute ma hargne et ma colère, je le morigéna durement:


–Écoute-moi, Anthony Lockwood. Je t’interdit de prendre cet air de chien battu. Notre boulot d’agent étant ce qu’il est, toi et George ne pouvez pas me protéger de mon propre travail!


Je m’attendais à toute une gamme d'émotions et de réponses plus ou moins cinglantes. Mais pas à ce rire doux et mielleux, celui qu’il réservait aux membres de Lockwood and co, ce rire musical et agréable qui réchauffait les cœurs et faisait fuir les cauchemars. J’allais me mettre vraiment en colère, mais George arriva avec un plateau de nourriture, poussant la porte à reculons pour entrer dans la pièce. 


–Lockwood, ne la charie pas trop, sinon elle ne voudra plus prendre ces anti-douleur. 


Son ton était bourru, mais on y devinait aussi son hilarité. Il déposa le plateau sur la table et me regarda froncer le nez de manière peu avenante.


–Lucy, ça ne sert à rien de te fâcher de la sorte, on dirait que tu dors déjà, ça réduit un peu l'impact. Tu sais bien que, peu importe qui aurait été blessé, on aurait réagi avec autant d’inquiétude, toi incluse, alors prend sur toi et laisse nous t'aider. Oh et je te pris d’arrêter de grimacer en regardant le repas. Tu sais que tu dois au moins essayer d'avaler quelque chose pour aller mieux. Ordre du médecin.  


Je vis immédiatement le regard de Lockwood reprendre le chemin de l’inquiétude et je lança un regard noir à George qui approchait déjà un bol de potageà l’odeur trop prononcé, un morceau de pain et de fromage, en m’ignorant ouvertement. 


–Elle rendait les médecins fous, je te le dis, Lockwood. Ils ont dû la menacer de lui installer un gavage pour qu’elle décide enfin de recommencer à manger. 


–Ça me donne la nausée, George, arrête avec tes histoires. 


–Ne t’en fais pas, Lucy, j’ai utilisé peu d'épices dans le potage, si tu mange lentement et en petite quantité tu devrais garder ton repas. 


Je fus reconnaissance de l’intervention d’holly, qui venait de rentrer dans la bibliothèque avec un autre plateau où s'empilent d’autres bols de soupe, qu’elle distribua avec élégence. Rapidement, il n’y eut plus que le silence confortable d’une tablé satisfaite de leur repas. 


J'hésitais à prendre une bouché, incertaine de ma capacité à ne pas tout revomir de manière très gênante , mais, après avoir avisé le regard scrutateur de Lockwood, je cessais d’hésiter et pris une toute petite bouché, juste pour testé et, satisfaite dû goût très peu prononcé, je soupirais de contentement avant de me lancé avec bon coeur en devant tristement avouer que c’était incroyablement meilleur que la nourriture de l’hôpital. Bien que j’aurais pu vider mon bol, je l'ai déposé au bout de quelques bouchées, histoire de ne pas surcharger mon estomac perturbé par les médicaments et l’opération. En tendant la main pour prendre un bout du pain laissé à mon intention, je croisa les regards fixés sur moi de George et de Lockwood. Nous somme resté à nous fixer mutuellement, nos membres figés en pleine action durant un certain temps, jusqu’à ce qu’Holly nous sorte de notre immobilité en morigénant les garçons. 


–George, Lockwood, ça suffit! je crois que c'est bon, Lucy ne va pas rendre son repas. Laissez-lui un peu d’air! 


J’eu ensuite la satisfaction de voir les deux garçons baisser le nez vers leurs propres bols et je croisais le regard de Holly avec une sorte de gratitude. 


Le reste de la soirée de mon retour à Portland Row fut assez calme et confortable. Et courte. Kipps avait téléphoné de chez lui pour s'assurer que tout était sous contrôle, Holly quitta la maison après avoir fait la vaisselle et s’être assuré des dernières consignes lancées à la va-vite. George alla se coucher rapidement alors que je somnolait. Lockwood avait pris place dans son fauteuil préféré avec un magazine, me jetant des coups d'œil à la dérobée. Il m'avait demandé si je préférais qu’il parte, mais, a vrais dire, j’étais plutôt contente de sa présence silencieuse. C'était égoïste de ma part de ne pas le chasser dans sa chambre pour qu’il aille se reposer lui aussi, mais je n’avais pas dormit seule depuis l’incident qui m'avait envoyé à l’hôpital et j’étais trop fatigué pour rationaliser. 


Il était tôt pour se coucher, vraiment très tôt pour des agents, mais je sombrais rapidement dans un sommeil sans rêve, induit par les médicaments que je repoussais depuis plus d’une heure, sous le regard vigilant de Lockwood.


*************

Je dormi mieux que je ne l’avais fait depuis des lustres. Il y avait quelque chose dans l’odeur de Portland Row, dans la quiétude de l’endroit, dans le réconfort que m’apportait mon retour à la maison qui sembla chasser mes cauchemars et me permit une véritable cure de repos bienvenue en les circonstances. J’avais toujours considéré Portland Row comme ma seule et véritable maison, mais elle prenait plus de place en ce moment même, alors que je poussais mes pieds vers le bas du lit pour m'étirer longuement en évaluant mes diverses douleurs quotidiennes. Comme si le fait de l’avoir quitté durant une semaine m'avait fait l’apprécier encore plus. 


Un mouvement me fit sursauter et j’ouvris les yeux attend pour apercevoir un Lockwood, artistiquement échevelé, étiré ces longues jambes devant lui, les yeux embrumés de sommeil. Lui aussi, semblait confus, comme si le sommeil ne l'avait pas encore quitté et qu’il se demandait où il se trouvait. Quelqu'un avait drapé la lourde couverture tricotée par la mère de George sur lui et cela le fit paraître plus jeune qu’il ne l’était en réalité.


Nos regards se croisèrent et nous nous regardâmes en silence jusqu’à ce que le sommeil nous quitte et que nous comprenions où nous étions et ce qui avait dû se passer. Apparemment satisfait de sa nuit, il m'offrit un grand sourire. Il y avais un peu de gêne de ma part, mais, en même temps, j’utilisais si souvent son épaule comme oreiller dans les taxis qui nous ramenais à la maison après nos travail qu’il aurait été tout simplement hypocrite d’avoir l’aire scandalisé d’avoir dormi dans la même pièce que Lockwood. Sans compter que je me promenais en pyjama sous son toit à tout heure de la journée depuis plusieurs années, maintenant.


–Désoler de t’avoir réveillé, Lockwood, je ne pensais pas que tu étais resté. Tu aurais dû aller dormir dans ta chambre, ça aurait été plus confortable que le canapé. 


–Ne t’en fait pas, Luce, je me suis assoupie en écoutant ta respiration. Je n’avais pas dormit aussi bien depuis longtemps. 


Je sentis le rouge me monter aux joues en apprenant qu’il m'avait écouté respirer au lieu de monter dans sa propre chambre, mais je devais bien avouer que, moi aussi, je n’avais pas aussi bien dormi depuis longtemps. Lentement, nous finîmes de nous réveiller à grand renfort de bâillement et d’étirement. 


De mon côté, je cherchais discrètement mes cachets du regard. George avait bien raison sur une chose, sans eux, la douleur m'empêchait de faire à peu près n’importe quoi et j’avais, en ce moment, particulièrement mal. C'était étrange puisque, normalement, je les prenais le matin avant de bouger et je n’avais pas de trop gros pique de douleur, mais là, j’avais franchement mal.


–Ça va, Lucy?C'est ça que tu cherches?


Il me tendit nonchalamment le tube de cachet, comme il m’aurais tendu une tasse de thé, alors, sans réfléchir, j’ouvris le tube et j’en pris deux en grimaçant avant de m'appuyer contre le mur le temps qu’ils fassent effet. Avisant son regard inquiet, je me justifia avec embarras:


–Désolé, normalement je gère mieux la douleur au lever. 


En se redressant et, en rassemblant quelques objets ici et là, il balaya nonchalamment de la main mes paroles.


–On as fait le tour de l’horloge, c'est normal que tu aies plus de douleur. Personne ne nous a réveillés et je ne serais pas surpris qu’ils soient tous sur le lieu du travail. Je vais aller nous chercher quelque chose à manger pendant que les médicaments fasse leur effet, ne bouge pas, je reviens. 


Lorsqu’il quitta la pièce, je ne pu me retenir de regarder l’horloge sur le mur, nous avions dormi environ une vingtaine d’heure. Cela n'aurait pas dû me troublé plus que ça, mais j’avais pour habitude de dormir environ six heures dans mes meilleures nuits et souvent entrecoupé de cauchemars sur ce que je percevais sur les lieux d’un travail. Même à l'hôpital, assommé par les médicaments, je me réveillais à intervalle régulier en crise d’hystérie, comme me l'avait si souvent répété George pendant notre séjour. 


Au bout de dix minutes à attendre Lockwood, une envie pressante surplomba l’effet de mes anti-douleur. Après réflexion, je balançai mes jambes vers le bord du lit et testa mon équilibre. Ce n’était, certes, pas incroyable, mais je jugeais assez aisément que je pouvais sans problème aller à la salle de bain sans crainte de m'étaler au sol, si je m’appuyais sur un mur. Je rassemblai quelques affaires à portée de main et ouvris la porte pour me fracasser contre un torse solide qui ne trembla même pas sous le choc. Avec agilité, Lockwood maintient le plateau de nourriture d’une main et referma son bras droit derrière mon dos pour me plaquer plus étroitement contre lui. Cela eut plusieurs effets simultanés. 


Premièrement, il m’empêcha de tomber, ce dont je lui fus reconnaissante. Ensuite, le monde éclata dans une myriade de lumière et de douleur aiguë alors que la plaie de ma chirurgie était douloureusement comprimée par son torse musclé. Je dû avoir un bref moment d’absence puisque je ne compris pas comment il avait réussi à me maintenir, sans échapper le plateau, qu’il déposa sur une étagère a porté, pour ensuite me diriger fermement, mais délicatement, vers le fauteuil le plus près, où il me regarda avec inquiétude alors que je bataillait pour reprendre mes sens et mon souffle, pour faire refluer la douleur pour me permettre de réfléchir à nouveau. 


Lorsque je pu à nouveau respirer, je croisais son regard et cela me choqua suffisamment pour que je me fige. J’avais bien remarqué sa pâleur, les cernes sous ses yeux, mais je ne lui avais encore jamais vu cette expression hantée. Ses yeux semblaient plus sombres, sa bouche était réduite à un pincement inquiet, alors que sa mâchoire était crispée. Même la main qu’il avait drapé sur mes épaules d’un geste protecteur semblait tendu. Je m’étais étonné de son air détendu, plus tôt, mais je n’avais pas eu l’impression qu’il camouflait si bien ces émotions. Je sentis mon propre regard se refroidir alors je constatais enfin à quelle point il s’en voulais de mes blessures. 


–Lockwood, ce n’est pas ta faute. Ça aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre nous. Notre métier d’agent nous met obligatoirement dans ce genre de situation. Tu ne peux pas t’en vouloir à chaque attaque de fantôme. 


–J’aurais dû te laisser à la maison en sachant que tu n'étais pas au top de ta forme, Luce.


Je ressentais une certaine forme de frustration à l’entendre, ce n’étais pas comme si je lui avais laissé particulièrement le choix. Je n’avais jamais été du genre à rester en arrière sur un travail.Je ne l’avais jamais été. 


–Lockwood!


Je dû répéter encore deux fois avant que son regard cesse de fixer le vide pour se focaliser sur moi. 


–Lockwood! Arrête de penser que tu es responsable. J’ai pris mes propres décisions. J’ai d’ailleurs réussi à me fermer aux influences du fantôme. Peu importe qui aurait ouvert cette fichus porte de grenier, il aurait sans doute été attaqué par la corde, puis traîné dans la baignoire. 


Au souvenir de la corde qui m’entrainait vers la baignoire pour m’y noyer je frissonna violemment. Jusqu'alors, j’avais réussi à ne pas trop réfléchir à ce qui m'était arrivé, mais le nommé me donna la nausée. Reconnaissant les signes, je cherchais du regard le bol que j’avais vu George placé près du lit, la veille. Peut-être que je suis devenu plus pâle, peut-être que Lockwood me vit chercher le bol du regard… Dans tous les cas, il sauta immédiatement sur ces longues jambes et déposa le bol sur mes genoux alors que je sentais le goût de l’eau croupit envahir ma bouche. En avisant son regard vaguement paniqué et sa main se mettre à tracé des cercles réconfortant dans mon dos, je forçais mon esprit à se concentrer sur autre chose pour chasser la nausée. Hors de question que je vomisse devant Lockwood. 


Je pris encore quelque instant pour m'assurer que ma voix ne tremblait pas et que je ne rendrais pas le contenu de mon estomac avant de me redresser avec le peu de fierté qu’il me restait.


–Ça va, Lockwood, je ne vais pas vomir. 


Il me regarda avec scepticisme, mais dû se ranger à mon avis, puisqu’il enleva le bol de mes genoux. Je le regarda un instant avec hésitation avant de prendre appui sur le dossier du divan.


–Tu as sans doute raison, mais je me serais inquiété pour n'importe lequel d’entre vous, dit-il avant de changer de sujet. Où allais-tu avant de me foncer dedans? 


–j’allais à la salle de bain. 


Il acquiesça et je regretta aussitôt de le lui avoir dit. 


–Allez, viens, je vais t’aider. 


Il se leva sans se rendre compte de ce qu’il venait de dire. De mon côté, le rouge me monta au joue et je protestai vivement en regardant sa main tendue pour m’aider.


–Je peux aller à la salle de bain toute seule, Lockwood. 


Il m’empêcha de me lever seule, scruta mon visage rougit et éclata de rire, semblant reprendre vie, son visage soudainement moins sérieux et torturé, puis il me hissa sur mes pieds avec délicatesse mais fermeté. 


–Ne t’en fait pas, Luce, je vais seulement te conduire à la salle de bain et te faire couler un bain chaud, tes anti-douleur devraient ensuite pleinement faire effet et on pourra manger un peu. Sa devrait te redonner des couleurs. 


Au finale, cela ne me prit que vingt minute pour prendre un petit bain rapide et enfiler le tas de vêtement que Lockwood m'avait emporté…Jusqu’à ce que je me rendre compte qu’il m’avait amené un jogging, un t-shirt et une veste a capuche qui ne m'appartenait pas. ça ne me pris pas longtemps pour identifier ces vêtements comme ceux de Lockwood. J’enfilais ma culotte- seule morceau de linge que je reconnu comme m’appartenant et j’allais lui demander des comptes… Mais je n'avais pas d’autre choix que de le faire vêtu de ces vêtements beaucoup trop grands étant donné que le seul autre kit de vêtement que j’avais à disposition, c’était un ensemble médical, celui dans lequel j’étais sortie de l'hôpital la veille au soir. 


Lorsque j’ouvrit la porte, Lockwood me détailla et son regard s’accrocha au pantalon que j’avais dû rouler trois fois du haut et du bas qui semblait encore vouloir m’engloutir. Avec un sourire satisfait il me reprit le bras et sa seconde main trouva le creux de mon dos pour me diriger vers la bibliothèque où nous attendait notre repas. 


–Mes vêtements auraient fait le travail, tu sais, Lockwood. 


Il ne sembla pas relever la gêne de mon ton, il m’aida plutôt à m'asseoir et entreprit de trier les éléments des deux repas qui se trouvait sur le plateau sans se départir de son sourire. 


–Il aurait, pour ça, fallu que je monte dans ta chambre et que j’essaie de trier le propre du sale éparpiller en tas sur le plancher. Le reste est dans le lave-linge, Holly est partie avec George et Kipps faire le travail de ce soir et elle n’as pas eu le temps de tout mettre à la sécheuse. 


Son raisonnement ayant une certaine logique, je laissais tomber pour prendre les rôties de confiture que me tendait Lockwood. Dans le plateau, il y avait un assortiment de viandes froides, de fromage et de craquelin et le tout était agrémenté d’un bol de soupe. Voulant toujours à tout prix ne pas vomir devant Lockwood, je mangea lentement, mâchant chaque boucher. 


–Il n’est que minuit, Lockwood. Tu ne veux pas aller rejoindre les autres? Tu devrais savoir où ils se trouvent, non? 


Il me détailla un bon moment avec distance.


–Le médecin ne veux pas que tu sois seul, il parait, et je comprends assez bien pourquoi. Il a été décidé que, t’en que tu ne pourrais pas te déplacer aisément seul, on devait garder un œil sur toi. s'assurer que tu te ménage et que tu gardes le lit.Ne fait pas ta tête de scandalisé, Luce, tu sais bien que c'est la chose a faire. Holly fera très bien le travail. En plus, selon la description, ce devrait être un frappeur de pierre ou un truc du genre. Un faible type 1. J’ai envoyé les trois pour être sûr qu’il n'arriverait rien, mais Kipps aurait sans doute pu faire le travail seul. 


Je gardais pourtant ma tête scandalisée durant un bon bout du repas, jusqu’à ce que Lockwood ramasse le plateau et que je me lève à sa suite, mes antidouleur m’autorisant un tout petit répit. Mon équilibre restait précaire et j’avais l’impression que quelque chose me comprimait la poitrine, mais cela ne m’empêcha pas de prendre le dernier bol sous le regard dubitatif de Lockwood qui tendit le bras pour me le prendre, sauf que je ne le lâcha pas, un air de défit dans le regard. Il aurait très certainement pu me l’aracher des mains, mais cela aurait été puéril.


Au lieu de ça, nous nous affrontions du regard, sans que l’un ou l’autre ne fasse mine de céder. Se rendant sans doute compte du ridicule de la situation, Lockwood relâcha le bol et replaça une mèche de cheveux qui lui tombait sur le visage. 


–Tu devrais rester au lit. Si tu pousse trop, tu vas mal cicatriser. 


Et il avait raison. Mais j’avais besoin de bouger et de me rendre utile. Même si c’était pour déposer un bol dans l'évier. En silence, il ramassa le reste et nous nous dirigeâme vers la cuisine, lentement, à ma grande frustration. La douleur avait reflué à cause des cachets, mais rester debout était encore une épreuve étant donné que j’avais les jambes en coton et quelques vertiges. Lockwood insista pour m’installer sur une chaise de cuisine et pour me préparer le thé dans un silence confortable. Nous savions tous les deux que nous aurions préféré être sur les lieux du travail, mais la semaine avait été difficile et un peu de silence et de calme nous faisait le plus grand bien. 


–On pourrait aller au salon après la vaisselle. 


Je hochait la tête. Durant les dix minutes suivantes, je bus ma tasse de thé en silence, puis je commençai à bouger avec inconfort sur ma chaise droite jusqu’à ce que j’entende un sploush humide qui me fis relever la tête dans un sursaut avant d’entendre le doux rire familier de Lockwood qui venait de lâcher quelque chose dans l’évier pour venir vers moi sans se départir de sa bonne humeur. 


–Allez, viens, Luce, si tu t'endors sur la chaise, tu vas tomber. 


Je voulut protester, mais il tirait déjà mon bras avec douceur, mais insistance.  On pourrait croire qu’après une vingtaine d'heures de sommeil, je passerais aisément la nuit debout à discuter avec Lockwood, à attendre que les autres rentrent du travail, mais je me sentais à nouveau lasse. Confortable. J’étais à Portland Row, avec Lockwood. J’étais en sécurité chez moi et je me rendais tout juste compte à quelle point j’avais été stressé par le souvenir de mon dernier travail, par l’opération. Peur de ne pas bien me remettre, peur du regard des autres sur moi. Mais, maintenant que j’y étais, j’étais seulement confortable. J’étais à la maison, dans les vêtements chauds et confortables de Lockwood et c’était réconfortant de le sentir me soutenir, sa peau était chaude sur ma peau froide. Sa poigne sur mon bras et sa main dans le creux de mon dos était naturel et solide dans la tempête émotionnelle qui était en train de m’envahir irrémédiablement. 


Au fond de moi je devais bien avouer que, lorsque j’étais enfermé dans la baignoire, en train de me noyer, un nœud coulant autour du cou, j’avais eu peur. Peur de ne plus revoir Portland Row, peur de ne plus revoir la famille qu'étaient devenus mes amis et collègues. 


D’un coup, la tension qui me retenait, présente depuis que la corde s'était enroulée autour de mon cou pour m'étrangler et s’étirant durant mon séjour à l’hôpital, se retira comme on tire la nappe d’une table, ne laissant qu’un vague sentiment de vulnérabilité. Puis, je craquais. Les larmes avaient dû commencer à glisser sur mes joues puisque Lockwood tourna son regard surpris, et vaguement mal à l’aise, vers moi. 


–Lucy, ça va? Tu…tu pleures? 


C’était une question bête. Bien sûr que je pleurais, puisque j’avais les joues humides. Mais j’étais trop lasse pour repousser la main de Lockwood qui m'essuyait la joue. J’aurais préféré qu’il les ignore, qu’il n’en fasse pas mention. Alors, peut-être que j’aurais refouler mes émotions et que je n’aurais pas éclaté dans un concert de sanglots bruyants. Peut-être que je n’aurais pas agrippé sa chemise pour dissiper la vague de vertige qui semblait vouloir m’engloutir. 


Naturellement, il referma ses bras sur mon dos, autant pour me maintenir debout sur mes jambes tremblantes que dans une tentative maladroite de réconfort. J’étais chez moi. J’étais vivante. 


J’entendais vaguement sa voix au travers deux sanglots, mais je n’arrivais pas à me concentrer sur ce qu’il disait jusqu’à ce qu’il glisse un bras sous mes genoux et me fasse basculer en douceur dans ces bras. Quelque part entre le couloir et le fauteuil, j’abandonnais la partie et je laissais mon esprit se déconnecter, ma joue posée sur sa poitrine. Son cœur battait à un rythme rapide et régulier et je m’y raccrochais comme une preuve que j’étais vivante. Les sanglots continuèrent à secouer douloureusement ma cage thoracique, et je me rendis vaguement compte que Lockwood m’avait déposé sur le fauteuil avant de disparaître quelques instants. Je ne sais pas comment il réussit l’exploit de me convaincre d’avaler le cachet bleu qu’il me glissa dans la bouche, mais il dû le faire puisque je sentis bientôt un calme artificiel tirer ces bras sur moi. 


Je dû cesser de pleurer, puisque Lockwood me relâcha les épaules et il tira une couverture sur moi et me frictionna gentiment le bras. 


–Ça va allez, Luce. Tu es en sécurité, maintenant. Je crois que c’était juste une petite crise de panique. George dit que tu en as eu plusieurs, à l'hôpital. Les autres vont revenir bientôt. 


Il continua à parler doucement pour meubler le silence et ma tête alla trouver son épaule. Je ne dormis pas, mais je n'étais pas non plus très alerte. C’était comme de regarder la scène sans en être acteur. Un effet du cachet que Lockwood m’avait fait prendre, peut-être. Nous ne bougâmes pas durant un moment. C’était étrange comme, pour la première fois depuis que j’avais rejoint Lockwood and co, je ne m’inquiétait pas d’avoir l’air forte. J’étais en vie, au chaud et en sécurité. C'était ma seule préoccupation du moment.


Et c'est ainsi que les autres nous trouvèrent, lorsqu’ils entrèrent du travail, peu de temps après. Mon premier réflexe fut de me redresser pour m'éloigner de Lockwood, mais ce dernier ne retira pas sa main de mon épaule et ma tête était trop lourde pour ce redressé. Alors, je fit la même chose que depuis que Lockwood m'avait installé: Je regarda le vide en écoutant les sons et les paroles des nouveaux arrivants qui ne t’ardèrent pas à faire leur apparition dans le salon en continuant de me complaire dans le calme artificiel qui m’engloutissait.  


S’ensuivit ensuite un bourdonnement de questions auxquelles Lockwood répondit brièvement. Un George soucieux se pencha dans mon champ de vision et me tapota la cuisse et je me rendis compte qu’il semblait me parler, alors je me frotta les yeux pour essayer de reprendre contact avec ce qui se passait autour de moi. 


–Oui, je confirme, Lockwood. Son regard ne trompe pas, elle a bien eu une crise de panique. C’est bon, tu as bien fait, elle a juste besoin de repos. Selon le médecin, c'est une forme de choc post-traumatique courant. Elle est passée deux fois très près de la mort en quelques heures, c’est normal que son esprit se révolte un peu. 


–Je n'ai pas eu peur. 


Même à mes oreilles, ma voix me parut traînante, toute petite. Ensommeillé et presque plaignarde. Je détestais immédiatement que cela me rappelle une voix de petite fille. À voir le sourire indulgent et brièvement amusé de George, je compris que lui aussi avait dû y percevoir la même chose. Il me tapota gentiment le genoux et se redressa.


–Bien sûr, Luce, on sait que tu n'as peur de rien. 


--c'est trop mignon, j’oublie parfois que tu es encore une toute petite fille, lucy. 


Du fond de mon cocon de calme artificiel, je fronçais les sourcils en regardant kipps, dans l’encadrement de la porte, avant de me pelotonner un peu plus dans la chaleur de Lockwood dont le torse vibrait sous ces rires bas et à peine contenu. Mollement, je lui donna une taloche sur le torse avant de me lamenter d’une petite voix pâteuse.


--Je ne suis pas beaucoup plus jeune que vous.


Nouveau gloussement.


--Tu a rejoint lockwood and co lorsque tu avais quoi… 10 ans?


Je bailla en sentant mes paupières lourdes.


--11, presque 12 ans, pourquoi?


Voyant sans doute que je devenais confuse et grincheuse, Holly prit la parole. 


--Les garçons disent juste qu’avec ton talent et ta fougue, on oublie souvent que tu es plus jeune qu’on dirès de prime abord. Le problème nous a tous fait vieillir prématurément.


--Alors qu’en ce moment, empêtrer dans des vêtement trop grands et tout ensommeiller, on te donnerais tout juste 10 ans.


--Allez, les gars arrêtez de la taquiner avant de la mettre en colère.


Je savais que j’aurais dû être en colère, ou du moins très indigné par leur parole, mais j’étais maintenu dans une petite bulle de quiétude artificiel à cause des cachets et je n’avais aucune envie d’en sortir. Je me frotta les yeux à nouveau alors que le sujet se dirigeait vers le travail. J’avais sommeil, mais je m’obligeais à rester vigilante, comme les autres. 


--C’était simple, facile. Holly a été parfaite. Elle a joué les appâts pendant que kipps l'appuyait et que je trouvais la source. Vraiment, ton coup de rapière s’améliore de fois en fois. 


Lockwood se pencha par-dessus moi, faisant attention à ne pas trop perturbé ma position, pour tapoter joyeusement le bras de Holly. 


--Je savais que c'était la bonne chose à faire, de t’envoyer sur le terrain.


Une fois lockwood replacé, caller contre mon coter, George vint s'asseoir de l’autre côté de moi après avoir déposé un plateau de tasse de thé que chacun se servit avec bonne humeur. Moi, je regardais un point invisible, les yeux mi-clos. Holly me tendit une tasse et je me demanda vaguement pourquoi, jusqu’à ce qu’un nouveau rire venant de George attire vaguement mon attention.


-on devrait la mettre au lit, non? Questionna holly. Je croyais qu’elle allait s’endormir rapidement, mais on doit la déranger.


La tasse disparu de ma vue sans que je n’esquisse le moindre mouvement.


--Elle combat le sommeil. Oui, les médicaments la poussent à dormir, mais ça lui arrivait souvent d’en combattre les effets. Mais, si elle ne dort pas bientôt, elle va commencer a avoir des vertiges. 


--Luce? 


Je ne détournais pas le regard du point que je fixais obstinément,comme si j’aurais pu m’endormir par ce simple mouvement de tête. Mais je pouvais dire que c'était lockwood qui parlait, même si une bonne partie de ces mot restait flou.


--Lucy, il est temps de dormir, maintenant.


Son ton d’abord jovial avait fini par prendre des accents vaguement autoritaires que mon esprit brumeux n'appréciait pas. J'avais l’impression d’entendre mes sœurs plus vieilles lorsque je dépassais mon heure de coucher, toute jeune.


 Il me secoua doucement le bras pour attirer mon attention, mais je marmonna avec humeur. J’entendit George rigoler avant d'entrer dans mon champ de vision. Je fronça les sourcils pour lui montrer qu’il me dérangeait. Pourtant, il ne se départit pas de son sourire et me prit les mains pour attirer mon attention.


--Je veux pas dormir.


Nouveau geignement endormi de ma part qui m’énerva vaguement et nouveau petit gloussement indulgent de George.


--Attend, Lockwood, laisse-moi faire. Lucy? Regarde-moi. Luce, peux tu faire quelque chose pour moi? Oui? Super. Peux tu compter jusqu’à 60? Parfait. Peux tu le faire les yeux fermés?


Sans comprendre où il voulait en venir, je commençais à compter d’une voix pâteuse, essayant de me concentrer entre les cercles apaisants que George traçait sur mes poignets et ceux que lockwood faisait sur mon épaule. Je fit de mon mieux, mais il me semblait que je butais sur le décompte et perdit plusieurs fois le fil, ramené par la voix de George, seule voix qui transperçait maintenant le silence imposé par les occupants de la pièce. Lorsque ma tête pencha jusqu’à rencontrer le torse de quelqu’un -sans doute Lockwood- j’arrivais enfin de peine et de misère au chiffre neuf dans un murmure que j’avais même du mal à entendre moi-même. 


Le dix n’arriva jamais.

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