Life is Strange : Le Gardien du Temps

De nouveau le décor autour de nous se modifia. Nous nous retrouvions en bordure de la forêt et il y avait des inconnus tout autour de nous. Les vêtements qu’ils portaient semblait venir d’une autre époque, je n’en avais jamais vu de tels. De par leur apparence, je supposais qu’il s’agissait des individus de l’ancienne tribu indienne dont l’Ombre faisait référence. Le décor n’était pas figé et les acteurs qui composaient cette scène étaient en pleine activité, cependant, si j’avais bien accès aux images, je n’entendais pas le moindre son, hormis celui de ma respiration.

L’Ombre prit alors la parole :

« Au moment de cette histoire, cette tribu était à l’apogée de sa puissance. Nombreux étaient ceux qui avaient développés plusieurs capacités. Moins nombreux étaient ceux pouvant influencer sur le Temps, mais leur nombre était tout de même conséquent. Un jour, l’un des membres de cette tribu, nommé… ». L’Ombre semblait butter sur le nom.

« Il semblerait que je n’ai plus accès à ce nom aussi. Ma mémoire a été trop altérée. Qu’importe, pour tu puisses bien comprendre cette histoire, nous dirons qu’il s’appelait… Ohanzee. Ohanzee était non seulement un excellent chasseur de la tribu mais possédait aussi un formidable talent pour influencer le Temps. Jamais à son âge on avait vu une maîtrise aussi complète de ce pouvoir ; il excellait aussi bien dans la manipulation du passé que la compréhension du futur »

« Ils avaient aussi la capacité à voyager à travers le futur ? ». Jamais il ne m’était venu à l’idée que mon pouvoir pouvait s’appliquer sur l’avenir. Cette discussion semblait sortir de plus en plus d’un film de SF.

« Oui et non, il pouvait le visiter, pas l’influencer. Tu en as toi même fait l’expérience d’ailleurs », dit l’Ombre.

« Je n’ai jamais eue accès au futur », répliquais-je sûre de moi.

« Comment expliques tu avoir eu connaissance de la tempête avant qu’elle n’arrive dans ce cas ? Toutes ces fois où tu t’es retrouvée au phare ? »

Je n’y avais jamais songée sous cet angle. J’avais pensé que c’était des sortes de visions ou quelque chose du genre.

« Cependant il semblerait que tu ne possèdes que quelques bribes de cette capacité et pas la moindre maîtrise dessus. Néanmoins attention, si le futur ne peut être manipulé, il est bien plus dangereux sur ses utilisateurs…»

« Que voulez-vous dire ? »

« Tu as toi-même vue les impacts que peut avoir une utilisation abusive de ton pouvoir sur ta santé ; maux de têtes, saignements, pertes de connaissance, … et tout ça dans le meilleur des cas. Mais l’utilisation même de ton don n’en est pas la seule cause. Les voyages temporels sont très éprouvants pour le corps et l’esprit. Les déplacements vers le futur sont plus éprouvants et dangereux pour la santé que ceux du passé. Les indiens n’en ont jamais deviné la cause »

L’Ombre me laissa méditer quelques instants ses paroles. Puis elle reprit :

« Quoiqu’il en soit il se trouve que ce Ohanzee courtisait une jeune fille de sa tribu  que je vais nommer Kishi.

Si le guerrier était respecté par une grande partie de son peuple, il n’en restait pas moins arrogant aux yeux de ses pairs et des plus anciens manipulateurs du Temps. Ces derniers devaient lui rappeler constamment les lois sur la manipulation du Temps. Ils estimaient que Ohanzee était trop désinvolte par rapport à l’utilisation de ses dons. Mais les avertissements de ses aïeuls sonnaient comme de veines paroles à ses oreilles. Pour lui, ils n’étaient que des vieillards séniles et peureux.

C’est alors qu’un jour arriva un terrible accident. La promise du guerrier, Kishi, trouva la mort lors d’une chute près de la rivière alors que cette dernière était partie récolter des herbes qui ne poussaient qu’au bord de l’eau. Lorsque Ohanzee la trouva, il était trop tard pour la guérir. Profitant du fait que personne d’autre n’était sur les lieux, et faisant fi des lois sur le Temps qui interdisait de changer le destin d’une personne, Ohanzee remonta dans le passé pour sauver Kishi. Il réussi et il la ramena au village en lui faisant promettre de ne rien dire à personne. Ohanzee était sûr que sa petite infraction pourrait se réparer d’elle-même. Mais il se trompait, les dégâts étaient bien trop importants...

Tu devines la suite n’est ce pas ? La tribu des amérindiens ne subit non pas une tornade mais plusieurs violents tremblements de terre suivis d’orages qui décimèrent une grande partie des leurs. Ils ne furent pas les seuls touchés, les tribus avoisinantes aussi. Lorsque les multiples catastrophes cessèrent, les aïeuls tentèrent en vain de comprendre pourquoi la Nature avec les lesquels ils étaient si proche, leur avait infligé ces tourments. Ils n’eurent aucune réponse. Ohanzee accablé par le remords et la tristesse, car Kishi avait de nouveau succombé à la mort lors des tremblements de terre, dénonça son crime au conseil des anciens. Malgré ses remords et l’aveu de sa culpabilité, il fut sévèrement puni.

Cette année là, une grande partie de toutes les amérindiens présent dans ce territoire connurent la faim, les maladies et la mort. Après l’aveu d’Ohanzee, le conseil des anciens et le reste des manipulateurs du Temps qui avaient survécu ont décidés qu’un tel acte ne devait plus jamais être en mesure de se produire. Ils unirent donc leur pouvoirs et grâce au sacrifice volontaire de l’un d’entre eux, ils créèrent un être qui devait être la conscience du Temps. Un être qui en serait le gardien. Moi-même »

« Pourquoi ont-ils sacrifiés l’un des leurs pour vous créer ? ». Je sais que la question pouvait paraître étrange, mais sous toute cette montagne d’informations, ce fût la seule question qui me vient à l’esprit.

« On ne peut créer un être vivant, même sans chair, à partir de rien, Enfant. Afin de me donner naissance, j’avais besoin de l’essence même d’un être vivant. C’est seulement grâce à la conscience de cet individu et des pouvoirs des autres membres que j’ai pu naître. Voilà, maintenant tu sais tout »

J’ignorai combien de temps avait passé depuis le début de ses explications, j’avais perdu toute notion du temps. Il pouvait s’être écoulé des heures, comme même des jours. J’avais appris beaucoup de choses. Mais les réponses de l’Ombre à mes questions avaient engendré autant de questions…

« J’ai répondu à tes questions Enfant, j’espère que maintenant que tu as acquis un certain savoir, tu ne feras plus l’utilisation de tes dons. La naissance d’un autre Ohanzee ne peut être permise. Ohanzee savait ce qu’il faisait, son arrogance l’avait aveuglé, mais il savait. Toi tu n’avais pas le savoir, mais maintenant que tu sais, tu ne peux te permettre de recommencer. Le fait que j’ignore l’origine de ton don, rend encore tout cela plus dangereux »

Sous le choc de toutes ces révélations je ne dis rien.

« Il est temps pour toi de retourner dans ton monde, Enfant. J’espère pour nous deux ne plus jamais te revoir »

Le décor disparu abruptement, la pièce était revenue plongée dans le noir, baignée par une lumière bleue, comme à son origine. Le monde autour de moi se mis à tourbillonner de nouveau. Avant que je ne quitte cet endroit, je pus entendre l’Ombre s’adresser à moi une dernière fois :

« N’oublie pas Enfant, personne ne peut échapper au Temps. Il nous livre tous à la même fin. Tu ne peux te boucher les oreilles et fermer les yeux… »

Lorsque je rouvris les yeux, j’entendis un gros « Boum ! ». Alyssa était tombée, je ne l’avais pas prévenue. Ma tête me donnait le tournis et je me sentais horriblement mal.

« Ca va Alyssa ? » S’inquiéta Dana.

« Ouai ouai, rien de cassé. Plus de peur que de mal…Max est-ce que ca va ? », dit-elle en me regardant anxieusement.

Je remarquais alors que des larmes roulaient sur mes joues. Je ne les avais pas sentis couler.

« Hey tout va bien Max, regarde je n’ai rien, ne t’inquiète pas ! », me rassura mon amie.

« Désolé, je crois que je suis encore un peu émotive après ces derniers jours », tentais-je de m’expliquer.

Dana me regardait comme étrangement. J’avais été sous beaucoup de pression et de chagrin ces derniers temps et mes amis semblait s’attendre à me voir m’effondrer à tout instant.

« Dana tu as encore besoin de moi ? Je pense que j’ai besoin de m’aérer un petit peu »

« Bien sûre, tu m’as suffisamment aidé pour aujourd’hui »

« T’inquiète Max, je prends la relève. Mais Max si je puis me permettre…  »

Je clignai des yeux

« Oui ? »

« Tu devrais aller t’habiller avant de sortir », dit-elle me regardant de haut en bas

Je me regardais moi-même. J’avais oublié que j’étais toujours en pyjama et les filles le comprirent. Elles rirent devant mon air ahurie.