Un combat de tous les instants

Chapitre 78 : Gravité zéro

2946 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/02/2021 23:03

- C’est...

- C’est...

- C’est...

- ... encore pire qu’on l’imaginait, conclut April.

Aucun d’eux n’avait effectué de repérage aux environs de la ruche, car Marianne avait estimé que ce serait inutile, et ils comprenaient désormais tous mieux pourquoi. Ce qu’ils avaient sous les yeux ne correspondait en rien à ce qu’ils avaient déjà pu voir en dimension X.

La plateforme était gigantesque, bien plus encore que celle pourtant déjà vaste où Marion et Léo avaient affronté l’armada kraang à l’aide de Kraath et des androïdes. Au centre se dressait un bâtiment aussi large que haut, vingt fois plus massif que le laboratoire, et surtout beaucoup mieux gardé.

Toute la zone fourmillait de robots extraterrestres, qu’il s’agisse d’androïdes, de biotroïdes ou de nano-soucoupes. Le radar du technodrome, sur lequel Donatello gardait un œil constant, indiquait également la présence d’une vingtaine de navettes furtives invisibles qui se déplaçaient en formation circulaire au-dessus de la ruche, sur le toit de laquelle s’alignaient cinq canons. Ils paraissaient encore plus gros que ceux qui avaient bien failli coûter la vie à Casey et Raphaël.

- Je n’aurais pas dû libérer Kraath, soupira Mikey, dépité.

Avant de se mettre en route à bord du technodrome, il avait conduit sa Kraathatrogon auprès d’un groupe de semblables qui nichaient près du laboratoire. Léonardo et Marion les avait repérés il y avait déjà quelque temps de cela, lors d’une mission de routine.

Mikey était très inquiet pour Kraath, car l’ayant apprivoisée, il craignait qu’elle ne s’intègre pas parmi les vers sauvages. Il avait d’ailleurs émis l’idée de la ramener sur Terre avec eux, mais Marianne s’était immédiatement opposée à cette idée, soutenue par Léonardo, Donnie, April et Casey. Raph partageait également l’avis général, mais il ne s’y était pas rangé, car cela aurait équivalu à prendre partie contre Marion et surtout pour son aînée. La majorité l’avait tout de même emportée.

À présent, ils commençaient à le regretter, surtout Léonardo qui se souvenait des dégâts que la Kraathatrogon avait causés aux rangs ennemis. Depuis sa navette furtive, il avait une vue dégagée sur cette nouvelle armada qu’ils allaient devoir affronter, encore plus impressionnante que la précédente.

- Nous atteindrons la plateforme dans cinq unités de temps kraang, annonça Donatello dans son communicateur. Raph, Casey, Léo, à mon signal, vous foncez et vous essayez d’abattre les canons. Les boucliers du technodrome ont beau avoir été boostés, ils ne supporteront par plus de dix à quinze impacts d’une telle puissance de feu.

- C’est comme si c’était fait ! assura Casey avec enthousiasme. J’ai une revanche à prendre contre ces saletés.

- À qui le dis-tu ! renchérit Raph.

- Marion, Leatherhead, Slash, ajouta Donnie en se tournant vers les intéressés, qui se trouvaient à ses côtés dans la salle de pilotage du technodrome. On va essayer de vous déposer le plus près possible de la ruche. Ne perdez pas de temps, efforcez-vous de passer en force, d’accord ?

- Passer en force, ma tactique préférée, sourit Marion en dégainant sa rapière.

Ses yeux étaient rivés sur le bâtiment qu’ils s’apprêtaient à prendre d’assaut, mais elle détourna le regard un bref instant pour observer Marianne à la dérobée. Elle avait beau savoir quel génie était sa sœur, elle avait du mal à admettre que la jeune femme ait pu réussir à s’échapper seule, sans arme et sous une forme mutante, d’une telle forteresse.

- Tu as un dernier conseil à me donner ? lui demanda sa cadette.

- Oui. Reste vivante. Ce n’est pas instinctif, chez toi.

- Plus que trois unités de distance, annonça Donnie. C’est... étrange.

- Quoi donc ?

- Les Kraangs, le devança Mikey, qui observait lui aussi le radar. Ils ne bougent pas. Moi, à leur place, j’enverrais au moins une partie des navettes furtives harceler les flancs du technodrome.

- Ils ont peut-être perçu la présence des nôtres, supposa Marion.

- Même... Ils en ont vingt, on en a trois. Ils ont tout à tenter de les abattre maintenant, avant qu’elles survolent la zone.

- Qu’est-ce que ça t’inspire ? interrogea Donatello.

Il avait retenu la leçon. À une seule reprise, il n’avait pas écouté Mikey durant leur séjour en dimension X, et il ne répéterait pas deux fois la même erreur.

- Un piège. Tout ça, c’est du vent. Ils préparent autre chose.

- La sécurité est déjà dix fois plus élevée qu’au moment de mon évasion, indiqua Marianne. Qu’est-ce qu’ils auraient pu prévoir de plus ?

Elle n’arrivait pas à croire qu’elle était en train d’accorder du crédit aux théories de ce pseudo-génie, mais elle ne pouvait pas courir le risque de négliger une information capitale, pas si près du but, même si cela lui en coûtait.

- Je ne sais pas, mais je suis sûr qu’ils ont un plan.

- Quoi qu’ils mijotent, c’est indétectable, commenta Donnie. April ?

L’adolescente avait plaqué une main sur sa tempe et sondait déjà les environs. Sa lèvre tremblait sous l’effet de la concentration, son visage était pâle et, lorsqu’elle rouvrit ses paupières closes, ses yeux étaient gorgés de larmes.

- Je... Je les sens, révéla-t-elle dans un sanglot. Les habitants de New York. Leur peur, leur douleur, leur...

Sa voix se brisa, l’empêchant d’aller plus loin. Elle n’avait jamais rien éprouvé de tel. Autant de sentiments négatifs, de souffrances et de désespoir réunis en un seul endroit. Marion attira son amie contre elle pour la serrer dans ses bras, tandis que des pleurs ruisselaient le long de ses joues.

- Ne t’en fais pas, nous sommes là pour les libérer, rappela Marion.

Ni elle ni personne ne demanda à April de réessayer, ce dont la jeune fille leur fut reconnaissante. Elle se ferma du mieux qu’elle put à ses pouvoirs, afin de ne pas être à nouveau assaillie par cet horrible flot. Alors qu’ils franchissaient l’avant-dernière unité de distance kraang, Donnie, par défaut, ordonna le lancement de l’assaut.

Les trois vaisseaux furtifs, dont la signature avait été enregistrée dans la mémoire du technodrome, accélérèrent pour ouvrir la voie. Casey fut le premier à atteindre la plateforme, Raph et Léo volant presque de front dans son sillage.

- Les gars ? Y a un sacré problème, là ! s’écria-t-il.

Son point s’était figé sur l’écran radar, si bien que ceux des tortues le rattrapèrent. Dès qu’ils furent à sa hauteur, Raph et Léo s’exclamèrent à leur tour, presque simultanément :

- C’est vrai, ça sent mauvais !

- Donnie, on perd de l’altitude, indiqua le ninja bleu.

- Vous... Quoi ?

- La gravité ! comprit Mikey. Les Kraangs ont dû l’altérer de façon à ce que nos vaisseaux ne puissent pas voler au-dessus de cette plateforme.

- Et les leurs, alors ? objecta Marion.

- Ils les ont reprogrammés, devina Marianne. Le voilà, leur piège ! Ils ont l’intention de nous clouer au sol.

- Donnie, arrête le technodrome ! Si on continue, on va être immobilisés, nous aussi, et on sera une cible de choix pour les canons.

Le ninja mauve stoppa leur progression sur l’ordre de Mikey, pendant que le regard de Marianne se déplaçait de la salle de pilotage à la ruche.

- Qu’est-ce qu’on fait ? grommela Raph. On abandonne les vaisseaux et on fonce dans le tas ?

- Il va falloir abattre les canons, décréta Marianne. Ce sont eux qui représentent la plus grosse menace pour le technodrome. Vous pouvez vous en charger ?

- À trois ? Comment est-ce que tu veux qu’on les atteigne ? riposta Léo. On n’a aucune chance ! Il nous faut des renforts.

- On ne peut pas débarquer la première équipe au sol sans se rapprocher au point d’être à portée de tir. Et nous ne sommes pas en mode furtif, contrairement à vous.

- On aurait dû garder Kraath, insista Mikey. Même avec une gravité alternative, elle aurait pu continuer à se déplacer, elle.

- Mais... Oui ! Voilà la solution ! Lorenzo, est-ce que vous pouvez bouger ?

- À première vue, oui, mais je me sens... lourd.

- Pareil pour moi, renchérit Casey. Comme si j’avais des poids attachés à tout le corps.

- Est-ce que vous allez réussir à combattre ou pas ?

- T’es gentille, le choléra, tu nous insultes pas. Même mort, je sortirais de ma tombe pour casser du méchant, et ce n’est pas une question de gravité qui va m’arrêter.

- On risque de se fatiguer plus vite, reconnut Léo. On devrait tenir un moment, mais certainement pas détruire les canons, pas dans ces conditions.

- Et si vous aviez juste à vous concentrer sur les canons ? Les androïdes ne seront pas physiquement affectés par ce changement de gravité, on peut les envoyer affronter l’armada. Et les deux Monstragènes viendront vous prêter main... patte forte.

- Je suppose que c’est nous, les Monstragènes, chuchota Slash à Leatherhead.

- Marianne, intervint Donnie. Tu viens de le dire, on ne peut pas les débarquer sans se retrouver coincés par la gravité.

- Exactement. On va l’analyser avec les capteurs du technodrome et reconfigurer son champ magnétique de manière à ce qu’il puisse se remettre à voler. Pour ça, on est obligé d’atteindre la plateforme, mais il faudra faire très vite. Marion, rassemble les robots et attendez dans le sas. Préparez-vous à descendre dès qu’on sera au sol.

L’adolescente acquiesça. Elle fit signe à Mikey, qui vint prendre le relai auprès d’April. Elle avait cessé de pleurer, mais semblait toujours en état de choc à cause de ce qu’elle avait perçu. Elle assura néanmoins à Marion que tout irait bien quand son amie lui posa la question.

- Ne vous en faites pas pour moi, et désolée de... d’avoir craqué.

- Tu vas devoir te remettre toute seule, parce que Michelotto a du travail qui l’attend, coupa Marianne avec son absence de tact habituel. Comme nous tous. Pendant que Botticelli et moi, on se chargera de faire repartir le technodrome, tu devras essayer de neutraliser les soucoupes adverses avec notre canon laser. Ça ne devrait pas être trop compliqué pour l’autoproclamé génie d’ici, n’est-ce pas ?

Michelangelo ne perçut pas le cynisme dans la voix de Marianne et eut seulement un regard compatissant pour April, dont il lâcha la main qu’il avait eue à peine le temps de saisir pour se diriger vers la plateforme d’armement. Marion tourna elle aussi les talons et s’éloigna, flanquée de Slash et de Leatherhead, prête à mener à bien sa mission.

***

- Seconde équipe au sol, énonça Marianne. Débarquez !

Casey ne se le fit pas répéter. Il enclencha l’ouverture de son vaisseau et se glissa par la trappe avant même qu’elle se soit complètement ouverte. Dans sa main gauche, sa batte de baseball ; dans la droite, un pistolet kraang.

- Kongala ! s’écria-t-il tirant sur les ennemis les plus proches, imité par Raph et Léo.

Presque aussitôt, les extraterrestres réorganisèrent leurs forces et se dressèrent en rangs serrés devant eux. Casey ne tarda pas à devoir se replier derrière sa navette, redevenue visible à l’instant où il en était descendu. Un regard sur sa gauche lui confirma que le technodrome venait de se poser. Tant mieux. Les renforts allaient arriver.

Leatherhead fut le premier à surgir des entrailles de l’appareil en poussant un rugissement féroce, qui fit hésiter plusieurs kraangs. Les tirs se concentrèrent sur lui, permettant à Casey de repartir à l’assaut. Il troqua son pistolet contre un éclat de cristal explosif qu’il décrocha de sa ceinture et projeta en direction de la ligne adverse. Il se baissa de justesse pour échapper à la tête mécanique que la déflagration souffla jusqu’à lui.

Léonardo et Raphaël avaient réussi à passer, mais le chemin du ninja bleu se retrouva barré par un kraathatrogon. Les lasers qu’il lui décocha n’eurent pour effet que de l’énerver davantage en entamant superficiellement sa peau à la fois flasque et résistante. Casey vit son ami esquiver de justesse la gueule du monstre avant de se recentrer sur son propre combat.

Il fit jaillir ses rollers de ses chaussures et fonça vers la brèche qu’il avait réussi à ouvrir, mais déjà, les rangs des kraangs étaient en train d’être colmatés. Il repoussa la nano-soucoupe qui tenta de l’attaquer avec un coup de batte, pendant que Slash, sur sa gauche, faisait voler les ennemis à l’aide de sa masse.

Marion apparut à son tour, donnant ses ordres de dispersion aux androïdes qu’elle commandait. De son bras dominant, elle lançait de toutes ses forces ses propres cristaux parmi les Kraangs et les regardait tomber avec satisfaction. Elle perdit également quelques robots dans l’action, mais ils étaient plus dégourdis que les cerveaux à tentacules. Il tombait environ un robot allié pour une huitaine d’ennemis.

Mikey abattit trois des soucoupes adverses qui avaient pris la jeune fille et son armée artificielle pour cible. Le canon du technodrome se révéla efficace, car il les explosa en plein vol en un seul tir, mais Marion manqua d’être percutée par les morceaux de métal qui pleuvaient autour d’elle.

- Eh, Casey ! le héla-t-elle en se redressant après avoir roulé sur le côté pour échapper à un impact. J’ai peut-être une idée, tu es partant ?

- Et comment !

Il n’avait pas besoin de savoir en quoi consistait son plan pour l’approuver. Il élimina un à un les Kraangs qui se dressaient entre eux pour rejoindre son amie pendant qu’elle demandait à Donatello :

- Guide-moi pour que je me retrouve juste sous un vaisseau.

- Marion ! gronda Marianne. Qu’est-ce que tu as en...

- Maintenant ! annonça Donnie.

Marion saisit son insecte-grappin et tira en l’air pour que son extrémité gluante s’accroche à la surface invisible. Tout en étant soulevée dans les airs, elle s’empara de sa rapière et transperça la coque de l’appareil. La trappe céda, et l’adolescente se faufila à l’intérieur. Quelques secondes plus tard, les deux Kraangs qui pilotaient la soucoupe furent éjectés.

- Casey ? Ton carrosse est avancé !

- Waouh, la classe ! Pour un peu, Marion, je te demanderais de m’épouser.

L’intéressée craignit une remarque désobligeante de la part de Raphaël, mais il était trop pris par sa propre offensive pour songer à répliquer. Il avait presque atteint la ruche et devait encore l’escalader pour atteindre les canons situés sur le toit. Leatherhead et Slash, eux, s’y trouvaient déjà.

Casey rejoignit Marion dans l’habitacle exiguë. La jeune fille savait globalement comment faire fonctionner le tableau de commandes, Mikey, puis Léo au cours de leurs missions communes, lui ayant appris, mais elle était loin d’avoir leurs compétences et leurs réflexes de pilote, contrairement à Casey.

- Il faut que tu passes en mode visible, lui recommanda Mikey via les communicateurs. Si tu n’es qu’un point invisible parmi tous les autres sur l’écran, je risque de t’abattre par accident.

Casey ne discuta pas et fit apparaître le vaisseau aux yeux de tous, non sans fanfaronner qu’il n’avait pas besoin d’un camouflage pour donner une bonne correction à ces sales extraterrestres.

- Je te dépose quelque part ? demanda-t-il ensuite à Marion.

Le premier canon, qui venait d’ouvrir le feu et ébranler le bouclier du technodrome, la fit pencher pour le toit, en dépit du plan initial. Léo avait cependant fini par avoir raison du kraathatrogon et fonçait désormais lui aussi vers la ruche, ne laissant plus personne au sol pour contrôler les robots alliés et tenir les Kraangs à distance du sas de leur vaisseau principal.

- Rapproche-moi de la plateforme et va aider les autres à détruire les canons.

Les muscles de Casey furent parcourus d’un spasme nerveux. En dépit de l’assurance qu’il affichait, il n’avait pas oublié ce qui lui était arrivé la dernière fois qu’il s’était trouvé à bord d’une soucoupe furtive en présence de l’une de ces machines mortelles. Son sourire prétentieux s’effaça de son visage tandis qu’il rassemblait son courage pour lâcher :

- D’accord. C’est parti !

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