Un combat de tous les instants

Chapitre 79 : La ruche

3066 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 28/02/2021 22:21

- Marianne, tu...

- Chut, ne me parle pas ! Ce n’est pas le moment !

Donatello n’insista pas et se remit à pianoter sur son propre terminal, où défilaient les lignes de code et les calculs entrés par Marianne à toute allure. Comme il n’arrivait pas à suivre son rythme, il finit par renoncer. Elle réussirait sans doute mieux s’il n’interférait pas sans cesse dans ses manipulations.

- Mikey, comment ça se passe, dehors ?

Ils avaient laissé au ninja orange l’entière responsabilité du technodrome, afin de n’avoir à se concentrer sur rien d’autre que la conversion du champ magnétique. April s’était d’abord recroquevillée dans un coin, le temps de se remettre de ses émotions, puis était allée rejoindre Michelangelo.

- Les Mutanimaux ont déjà détruit un canon, et Casey un autre, mais il a dû décrocher pour couvrir le technodrome. Les navettes ennemies sont trop proches, je n’ai pas d’angle de tir.

- Et Marion ?

Donnie regretta d’avoir posé cette question quand il vit un frémissement parcourir l’échine de Marianne et ses doigts se figer quelques secondes, interrompant leur danse folle sur l’écran tactile.

- Elle est submergée. La plupart de ses robots sont tombés, alors que des Kraangs continuent à sortir de la ruche par dizaines. J’ai abattu le kraathatrogon qui la menaçait, mais je ne peux rien contre les extraterrestres. Le laser du technodrome est trop puissant, je risquerais de la toucher en même temps qu’eux.

- Pourquoi est-ce qu’elle n’appelle pas les autres en renfort ?

- Je le lui ai conseillé, mais ils sont tous sur le toit, et elle ne veut pas les détourner des canons. Casey a bien tenté de lui offrir une couverture aérienne, mais les Kraangs ne lui laissent aucun répit. Ah, Raph vient de détruire un canon ! Je l’avertis, et tant pis pour ce que Marion en dira.

Un grésillement retentit dans le communicateur de Donnie, signe de Mikey venait de changer de fréquence. Eux-mêmes s’étaient déconnectés du canal général, qui les maintenaient tous en constante communication, afin de ne pas être dérangés sans cesse.

***

- Raph ! s’exclama la voix affolée de Michelangelo. Va aider Marion tout de suite, elle est harcelée de tous les côtés.

- Désolé, p’tite tête, mais c’est pas la joie ici non plus.

Les effets négatifs de la gravité commençaient à se faire réellement sentir. Raph avait l’impression de se déplacer au ralenti, et chacun de ses mouvements semblait requérir trois fois plus d’énergie que d’ordinaire. Il avait encore la force de manier ses sais, mais il ignorait pour combien de temps encore. Quant aux tirs ennemis, il lui était de plus en plus difficile de les esquiver.

Il poussa deux Kraangs dans le vide et en profita au passage pour récupérer un nouveau pistolet, car le sien n’avait plus de batterie bien avant qu’il atteigne le toit. Il abattit trois autres androïdes extraterrestres, une nano-soucoupe et entreprit de franchir le tas de débris qui, une unité de temps kraang plus tôt, était encore un canon.

Il repéra Marion, effectivement en fâcheuse posture. Sa rapière fendait l’air, mais tout comme lui, elle fatiguait. Ses gestes n’étaient pas aussi vifs qu’à l’accoutumée, et sa surforce ne lui était d’aucune utilité. Si quelqu’un n’intervenait pas très vite pour lui porter secours, ses multiples adversaires auraient raison d’elle.

Raph planta son sai dans le crâne de l’androïde qui venait de l’agripper par la cheville, en éloigna un autre d’un coup de pied et dégaina son insecte-grappin, avec lequel il prévoyait de rejoindre la plateforme. Deux cris résonnèrent alors simultanément. Celui de Marion, qui avait été touché par un tir ennemi, et celui de Léo, suspendu dans le vide.

Raph arrêta de respirer. Que devait-il faire ? Marion... et Léo. Quels que soient leurs différends et tout le mal qu’ils s’étaient infligés par le passé, ils n’en demeuraient pas moins des frères, et son cadet ne supporterait pas de le perdre, surtout pas alors qu’ils ne s’étaient pas réconciliés.

Son corps agit avant que ses pensées ne se soient décidées. Un Kraang écrasa la patte de Léo, qui lâcha prise. Comme il n’avait plus son insecte-grappin, qu’il avait dû perdre durant le combat, il n’avait rien à quoi se raccrocher. Raph sauta dans le vide, mais au lieu de prendre de l’élan pour se rapprocher de Marion, il bascula le long de la ruche et réceptionna son aîné au vol.

- Raph... souffla Léo, sous le choc. Tu...

- Plus tard les remerciements. Va aider Marion.

Il déposa Léonardo sain et sauf sur le sol et profita de son mouvement de balancier pour regagner le toit, où les Mutanimaux avaient presque atteint le quatrième canon. Le ninja bleu, quant à lui, saisit aussitôt l’urgence de l’instruction communiquée par son cadet. Il s’élança en direction de Marion, qui venait d’encaisser un deuxième... Non, un troisième tir laser !

Il n’y arriverait jamais. À cause de la gravité, Léo était trop loin, et trop lent. Raph venait de lui sauver la vie, et lui, il ne pourrait pas sauver celle de Marion, en raison d’une stupide pesanteur qui lui donnait l’impression de fendre un bol de guacamole plutôt que de l’air.

***

- Il n’avance pas assez vite ! paniqua Mikey. Oh, bon sang ! Il faut... Il faut... Casey ! Casey, tu me reçois ? Marion a...

- Je sais, qu’est-ce que tu crois ? Mais j’ai deux soucoupes invisibles sur mes écrans qui me collent aux basques et qui tirent sans discontinuer. Je ne peux rien faire pour le moment, je suis désolé.

- Pour le moment ? Casey, si tu n’interviens pas tout de suite, après, il sera trop t...

- J’ai essayé, Mikey ! Et j’ai bien failli y laisser ma peau. À croire qu’ils ont compris et qu’ils font tout pour m’empêcher d’intervenir. Ils veulent nous isoler les uns des autres.

- Donnie ? Donnie !

Le ninja mauve ne répondit pas. Il avait dû se déconnecter à nouveau pour ne plus se laisser distraire de sa tâche. Marion avait elle aussi coupé le contact lorsqu’elle avait eu besoin de maintenir toute son attention sur son combat. Combat qui risquait de lui être fatal si personne n’intervenait.

Mikey pianota nerveusement sur les commandes du laser, sans parvenir à se résoudre à tirer. Finalement, il abandonna son poste et s’exclama en pivotant sur lui-même :

- April ! Occupe-toi du canon à ma place et... April ?

Michelangelo eut beau scruter chaque recoin de la salle, son amie n’était nulle part. Tout à son angoisse, il ne s’était pas aperçu qu’elle avait quitté les lieux.

***

Marion serra les dents et secoua la tête pour chasser les larmes de douleur qui troublaient sa vision. Elle en était à son cinquième tir. Les deux du dos et celui du ventre la faisaient beaucoup souffrir, mais c’était celui qui l’avait touché à la jambe qui la handicapait le plus. Elle sentait son sang chaud s’écouler le long de sa cuisse.

Elle devait lutter pour se maintenir debout tout en gardant ses ennemis à distance. Elle trancha un bras artificiel qui tenait un pistolet, mais alors qu’elle se penchait pour s’en saisir, ralentie par la fatigue, son propriétaire le plaça hors d’atteinte d’un coup de pied. Furieuse, Marion transperça le cerveau kraang qui dirigeait l’androïde, mais subit une nouvelle blessure, cette fois-ci au flanc.

Elle plaqua sa main à l’endroit où le mal était le plus cuisant et, à bout de forces, s’affaissa. Un impact au mollet acheva de la faire tomber. Elle s’écroula à genoux sur le sol, en penchant la tête vers l’arrière pour observer le sommet de la ruche, où un quatrième canon venait d’exploser.

Elle aurait dû suivre le conseil de Mikey, appeler Raph et Léo au secours. Marianne lui avait bien dit de rester vivante, mais elle avait aussi dit que la destruction des cinq armes majeures des Kraangs devait représenter leur priorité. Au moins, la seconde partie de ses instructions serait respectée.

Marion ferma les yeux et attendit sa fin avec toute la dignité dont elle était capable, malgré son cœur qui tambourinait violemment contre sa poitrine, angoissé à l’idée de vivre ses derniers instants, de ne plus jamais revoir Raph, Mikey, Marianne et tous les autres. Elle attendit, mais rien ne vint.

Elle entendit pourtant la salve de tirs, mais aucun ne l’atteignit. Comment les Kraangs avaient-ils tous pu la manquer ? Il leur suffisait de la viser à bout portant ! Curieuse, n’osant pas croire à ce miracle, Marion rouvrit les paupières et poussa un hoquet de surprise en découvrant le halo lumineux qui l’enveloppait.

- Léo, vite ! s’écria la voix d’April, quelque part de l’autre côté du mur d’androïdes. Je ne tiendrais plus très longt... Aïe !

Le bouclier avec lequel elle avait entouré Marion pour la protéger d’une mort certaine faiblit tandis qu’elle-même essuyait un premier laser. La bretteuse, puisant dans les quelques forces qu’il lui restait, profita de ce que l’attention des Kraangs était attirée par son amie pour se redresser, juste avant que le champ de force cède.

D’un seul geste, elle trancha trois robots, et deux autres s’écroulèrent, la lame des ninjato de Léonardo plantée dans le crâne. Il s’empressa de retirer ses sabres du métal pour abattre les autres exosquelettes. April, qui n’avait à présent plus besoin d’utiliser sa magie, venait de se munir d’un pistolet, avec lequel elle fit goûter aux cerveaux à tentacules leur propre médecine.

- Eh bien ! soupira Marion, soulagée, une fois que la menace immédiate eut été écartée. Ça s’est vraiment joué à un cheveu ! Merci, April. Et à toi aussi, Léo.

- Tu aurais fait la même chose pour nous, assura le ninja bleu avec une pensée pour son frère.

Marion porta une main à son communicateur. De là où elle se trouvait, la ruche lui était presque accessible. Bien sûr, il y avait encore de nombreux Kraangs pour lui barrer la route, mais si Léo l’escortait et que Casey parvenait à rétablir une couverture aérienne, ils devraient y arriver.

- Marion à technodrome. Vous en êtes où ?

- Je remonte à bord, annonça Mikey.

Bien qu’il ait supposé qu’April était partie secourir leur amie, il avait déserté son poste pour voir s’il pouvait lui aussi être d’une quelconque utilité, mais comprenant que le trio avait retourné la situation à son avantage, il n’était pas allé plus loin. La voix de Donnie se joignit à la sienne sur le canal principal.

- C’est presque bon. Marion, vous avez une fenêtre, et Raph et les Mutanimaux sont en passe de détruire le dernier canon. C’est le moment, foncez !

- April ? interrogea-t-elle. Qu’est-ce que tu fais ? Tu regagnes le technodrome ou...

- Non, je viens. Pas question que je continue à me cacher pendant que vous risquez vos vies.

La rouquine avait passé le dernier quart d’heure à rendre son esprit imperméable à la souffrance des New-Yorkais, et elle y était presque totalement parvenue, même si son intervention pour sauver Marion avait ébranlé ses défenses. Elle s’accorda quelques secondes pour se ressaisir, laissant à ses partenaires le soin de neutraliser une poignée de Kraangs supplémentaires, puis ramassa un pistolet contre lequel elle échangea le sien, presque déchargé.

- C’est bon, annonça-t-elle. Allons-y.

***

Raph et les Mutanimaux n’eurent même pas besoin d’atteindre le dernier canon. Casey, au terme d’une manœuvre remarquable, abattit une soucoupe juste au moment où il survolait le toit, et elle s’écrasa en plein sur l’arme de destruction qui explosa avec elle. Les trois amis furent soufflés par la déflagration, mais n’en souffrirent pas.

- Mission accomplie ! annonça Raph. Où en sont les autres ?

Il s’exprimait d’un timbre décontracté, mais il ne l’avait pas toujours été. L’espace d’un instant, il avait bien cru que c’en était fini de Marion, mais l’espoir lui était revenu en même temps qu’April, qu’il avait aperçu depuis le toit de la ruche. Sa distraction lui avait valu deux blessures au bras gauche, qu’il avait à peine senties tant il était soulagé.

- On vient de forcer l’entrée, annonça Léo. Mikey, la façade a l’air assez épaisse, je dirais que tu peux régler le faisceau laser sur trois. Le comité d’accueil est plutôt hostile, je te préviendrai quand on aura rejoint la zone suivante. Tiens-toi prêt.

- Besoin de renforts ? demanda Raph.

- Nous oui, annonça Donnie. Je descends dans le sas. Des nano-vaisseaux sont en train de le mitrailler, et un groupe de Kraangs cherche visiblement à nous aborder. Je ne serais pas contre un coup de main des Mutanimaux.

- Vous avez entendu, les gars ? fit le ninja rouge. Y a encore du méchant à casser là en bas. Et moi ?

- Ramène ta carapace en vitesse ! lui ordonna Marion. Sinon, il ne te restera plus aucun Kraang.

Raph ne se le fit pas répéter. Il descendit en rappel le long de la façade, imité par Slash et Leatherhead, et leurs routes se séparèrent dès qu’ils eurent touché le sol de la plateforme. Le ninja rouge s’engouffra à l’intérieur de la ruche, où il découvrit un couloir jonché d’exosquelettes déconnectés et de cervelles explosées.

Le corridor se divisait en trois fourches, et Marion lui indiqua, via son communicateur, d’emprunter celle du milieu. Il s’y engagea en prenant garde à ne pas trébucher sur les robots à terre, et après avoir franchi une porte électronique maintenue entrouverte à son intention par un torse de métal que ses amis avaient placé là, il les retrouva.

- Nom d’une carapace ! s’écria-t-il en les découvrant tous les trois figés face à une immense paroi de verre.

La ruche. Des milliers d’alvéoles s’alignaient devant eux, du sol au plafond. Chaque humain, sous sa forme mutante, occupait un compartiment dans lequel il avait à peine la place de se mouvoir. Ils ne le pouvaient de toute façon sans doute pas, car ils étaient tous reliés à des tubes étranges, qui devaient servir à leur alimentation et aux Kraangs seuls savaient quoi encore.

April vacilla, mais tint bon, malgré son teint livide. Marion prit sa main dans la sienne pour la réconforter. Ce spectacle était bien plus terrible pour la jeune fille que pour ses trois amis, car contrairement à eux, il y avait au sein de cette monstruosité des gens qu’elle connaissait. Son père, sa tante, ses camarades de lycée, ses professeurs...

- Léo à technodrome. On les a trouvés. Tu peux détruire la façade, Mikey, et la seconde paroi, qui a l’air un peu moins épaisse. Les alvéoles seront juste derrière.

- Comment ça ?

Ce fut la voix de Marianne qui leur parvint, et elle exprimait une vive surprise, déconcertante de la part la jeune femme qui se montrait généralement imperturbable. À présent qu’elle y songeait, Marion réalisa qu’il y avait effectivement quelque chose d’étrange dans cette configuration. Quand sa sœur avait mis le plan au point, elle avait vaguement décrit l’intérieur de la ruche, dont elle ne conservait que des souvenirs flous à cause de sa vision de mutante, et il semblait y avoir davantage de cloisons à abattre avant d’atteindre les humains.

- Ils ont réorganisé le bâtiment, comprit Léo. Quand ils ont pris conscience qu’il y avait eu une évasion, ils ont fait en sorte que leurs prisonniers ne risquent plus de s’échapper.

- En leur bloquant la route avec du verre ? commenta cyniquement Raph. Pourquoi pas du papier, tant qu’ils y sont ?

- Ce n’est pas du verre, intervint Marion en cognant contre la paroi. C’est...

- On dirait du diamant ! souffla April, abasourdie. Du diamant poli au point d’être transparent, mais toujours aussi dur.

Raph tenta d’asséner un coup de sai à cet étrange matériel, mais le seul résultat qu’il obtint fut de voir la pointe de son trident se briser au contact de cette solide surface. April tenta un tir avec son pistolet, et eut juste le temps de se décaler pour l’esquiver lorsqu’il eut rebondi pour revenir sur elle.

- Vous pensez que le laser du technodrome sera assez puissant pour venir à bout de ça ? s’enquit Marion.

Aucun d’eux ne répondit. Au même instant, de part et d’autre du couloir qui longeait la baie en diamant, deux portes s’ouvrirent, et une nouvelle horde de Kraangs fit son apparition, menée par le robot le plus sophistiqué qu’ils aient pu voir jusqu’à présent. Il était presque aussi large que haut, et ce qui s’apparentait à des épaules raclait les parois du corridor. Le droïde était pourvu d’innombrables excroissances, contrôlées par un extraterrestre à l’œil bandé.

- Oh non, pas lui, maugréa Léo.

- Kraang Second, siffla Raph. Comme on se retrouve...

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