Un combat de tous les instants

Chapitre 77 : Phase finale

2987 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 30/01/2021 22:41

- Ouvrez l’œil, conseilla Léo qui avait pris les commandes de la navette furtive. On vient d’atteindre la zone indiquée par April.

Le panneau de contrôle avait émis un bip sonore pour le leur indiquer, mais bien qu’ils soient tous aux aguets, ils n’avaient encore rien remarqué de suspect. Donatello gardait les yeux rivés sur le radar, Mikey et Marion sur les environs.

- On aurait vraiment dû emmener April, commenta le ninja orange. Elle...

Un coup de coude de Marion l’incita à couler un regard mi-réprobateur mi-interrogateur à son amie. Elle ne lui apporta aucune explication, mais il renonça tout de même à insister. L’adolescente avait vu la patte de Donnie se contracter légèrement à la mention de la rouquine. Son ton était toutefois neutre lorsqu’il déclara :

- Apparemment, on approche d’un bâtiment. Je suppose que c’est notre destination.

- Je suppose aussi, renchérit Léo en modifiant un peu son cap, même si ça ne m’inspire rien de bon. Tout ce qu’on est susceptible de dénicher ici, ce sont des infos sur la situation sur Terre, et si April nous a conduits jusque là...

- C’est qu’il s’y passe vraiment quelque chose, conclut Marion d’une voix lugubre. Une idée de la sécurité du lieu ?

- Hmm... Pas très élevée, à première vue, estima Donnie. Je ne vois aucun vaisseau ennemi, il doit juste y avoir les armes de bases. Canons, androïdes armés de pistolet et peut-être nano-soucoupes. Rien d’infranchissable.

- Je vais vous déposer sur le toit, proposa Léo. Partez devant, et si vous avez besoin de renforts, prévenez-moi. Vos communicateurs sont opérationnels ?

Tous confirmèrent après s’en être assurés, et Léonardo accéléra un peu l’allure jusqu’à ce que leur objectif entre dans leur ligne de mire. La plateforme sur laquelle il se dressait n’était pas grande, pas plus que le bâtiment lui-même. C’était un édifice de taille moyenne, assez semblable au laboratoire dont les Terriens avaient fait leur quartier général.

- Tenez-vous prêts, conseilla Léo quand seules trois unités de distance kraang les séparaient encore du toit. Vous...

Il n’eut pas le loisir de finir sa phrase, pas plus que les autres de prendre position. La construction explosa sous leurs yeux ébahis, et ils ne durent leur survie qu’aux excellents réflexes de pilote de Léonardo, qui effectua un virage brutal juste avant qu’ils ne soient happés par le souffle de la déflagration.

- Que... Que... bafouilla Donnie tandis que Mikey contemplait la scène la bouche si grande ouverte que sa mâchoire semblait sur le point de se décrocher.

Marion était elle aussi sous le choc, et elle dut se cramponner au siège de Léo pour ne pas tomber, car ses jambes étaient devenues aussi molles que du coton. April les aurait-elle attirés dans un piège ? Pas délibérément, cela ne faisait aucun doute, mais comment expliquer ce qui venait de se passer ?

À moins que les Kraangs aient percé le camouflage de leur navette furtive d’une manière ou d’une autre et se soient préparés à leur approche. Comment, cependant, auraient-ils pu s’organiser assez vite pour mettre en place un attentat-suicide ?

- Comme si on n’avait pas assez de problèmes à résoudre ! fulmina Léo. Notre piste vient de s’envoler en fumée, et on ne sait même pas pourquoi. C’est vraiment, vraiment...

- Leatherhead !

Ils étaient tous tellement déconcertés par ce qui venait de se passer qu’ils sursautèrent en entendant Mikey hurler et en le voyant se mettre à bondir, le doigt pointé en direction d’une plateforme voisine.

- Là ! C’est Leatherhead ! Avec Slash ! Vite, Léo, pose-toi, pose-toi !

Estimant que son frère, en raison de son désarroi, ne réagissait pas assez promptement, Michelangelo lui arracha les commandes des mains et fondit sur leurs amis. Il aurait néanmoins dû réfléchir avant, car si les Mutanimaux ne remarquèrent pas le vaisseau invisible dans leur dos, ils sentirent la présence du ninja orange lorsqu’il en jaillit et pivotèrent pour l’attaquer.

La masse de Slash percuta violemment le bouclier d’énergie de la soucoupe pendant que Leatherhead, les yeux blanchis par la colère, se ruait sur son ami que l’adrénaline l’empêchait de reconnaître. Marion émergea elle aussi du ventre de la soucoupe, juste à temps pour s’interposer et stopper le crocodile d’un coup de poing en plein thorax. Le souffle coupé, il revint à lui.

- Michelangelo, amie de Raphaël, les salua Slash. Pardon pour cette attaque. On cherche depuis des jours à attirer votre attention, faute d’avoir un moyen de vous contacter.

- Vous avez perdu le T-Phone ? devina Léonardo, qui apparut à son tour avec Donnie.

- Et... plus encore.

Pour la première fois, le groupe prit conscience de l’absence de Rahzar auprès des deux autres mutants. Leur regard obscurci par le deuil en révéla plus long que des centaines de discours n’auraient pu le faire.

- Les Kraangs ? demanda Donnie, mais leurs interlocuteurs répondirent par un hochement de tête négatif.

- Shredder. En fait, il savait depuis un moment où se trouvait notre cachette, mais il a voulu faire d’une pierre deux coups quand il a compris qu’on détruisait les bases extraterrestres. Puisqu’il n’a plus besoin de ses vieux alliés, il a décidé de nous laisser les anéantir avant de s’en prendre à nous. Enfin, Tiger Claw l’en a convaincu.

- Ce gros chat est plus sensé que son maître, souligna Leatherhead. Je ne comprends pas ce qu’il fait avec lui.

- Attendez, coupa Léo. Vous êtes en train de nous dire que Shredder vous a attaqués ? Et... Et après ? Vous n’avez pas utilisé la bombe de Marianne ?

- Si, naturellement, mais le matou était sur ses gardes. C’est lui qui a encaissé le projectile à la place de son maître, et puisqu’il ne portait pas de métal, ça n’a fait que lui hérisser un peu la fourrure. Des Foot-bots sont ensuite sortis de nulle part pour nous encercler, et ils ont rapidement élimé les quelques androïdes qu’il nous restait. L’usine que vous avez détruite n’était sans doute pas la seule que Shredder possédait.

- Sans doute pas, malheureusement, admit Donnie. Avec tout ça, j’imagine qu’il a vite pris l’avantage.

- On était fatigués par l’assaut contre la base kraang, confessa Slash. On manquait d’énergie, et face à tant d’ennemis, on a vite été dépassés. Rahzar... Rahzar s’est sacrifié en retenant Shredder et Tiger Claw le temps que Leatherhead active le portail pour qu’on puisse s’échapper en dimension X. J’ai dû perdre le T-Phone à ce moment-là, en essayant de maintenir les Foot-bots à distance. On a vu Rahzar tomber juste avant de s’enfuir. Il est mort en expiant sa dette.

Le quatuor resta silencieux. Aucun d’eux n’appréciait réellement Rahzar, mais il avait fini par passer du bon côté. Quant à Marion, elle n’oubliait pas le rôle crucial qu’il avait joué dans sa libération des geôles de Shredder, à une époque qui lui semblait remonter à une éternité. À défaut d’être absout, il aurait mérité de recouvrer sa liberté.

- Enfin... grogna Slash. C’est à présent à nous de faire en sorte qu’il n’ait pas péri pour rien. Nous sommes prêts pour l’offensive finale. Votre laboratoire est loin d’ici ?

- Assez, reconnut Donatello. Et on ne tiendra pas tous à bord de la navette.

Il se gratta nerveusement la nuque en détournant les yeux de Leatherhead. La perspective de se retrouver coincé dans l’espace exigu d’une soucoupe furtive avec ce mutant dont le passe-temps constituait à l’agripper par la tête lui déplaisait fortement. Plutôt traverser la dimension X à pied !

- Pas de souci ! intervint Michelangelo en se hissant sur le dos du crocodile, qui l’accueillit avec un sourire à la fois effrayant et affectueux. On a qu’à s’en procurer une autre.

***

Pour la quatrième fois, Raph relut le message qui avait été émis par le vaisseau de l’équipe en mission. Marianne était penchée par-dessus son épaule pour mieux voir l’écran, et Casey et April fronçaient les sourcils, ébahis.

- Ils quoi ? s’exclamèrent-ils en chœur.

- Ils tarderont visiblement à revenir, parce qu’ils doivent voler une deuxième soucoupe aux Kraangs pour rapatrier Slash et Leatherhead. Et...

- Et ? insistèrent les deux adolescents.

- RIP Rahzar.

Casey et April eurent un léger sursaut. Pas de la peine, en tout cas pas vraiment, mais cette nouvelle leur faisait quand même un petit quelque chose à tous. Sauf à Marianne, évidemment, qui se contenta de marmonner en se détournant de Raph et de l’ordinateur kraang :

- Qu’est-ce qui se passe, à la fin ?

- Tu peux te détendre, le choléra. Enfin, si tu sais ce que ça veut dire. Je pense que les nouvelles sont moins terribles que le pire imaginé par Mikey. Ils n’auraient pas été si concis, dans le cas contraire. Et surtout, deux Mutanimaux sur trois sont vivants.

- S’ils sont en dimension X, pourquoi...

April s’interrompit en secouant la tête. Elle savait parfaitement pourquoi elle ne les avait pas détectés avant. Parce que son esprit était parasité par ses propres pensées et émotions. Elle devait vraiment apprendre à les contrôler, et ainsi à se contrôler. Elle n’aurait jamais cru cela possible, mais l’espace d’un instant, elle envia Marianne et sa maîtrise d’elle-même qui confinait à l’inhumanité.

Dire que si elle avait réussi à se vider le crâne avant, elle aurait pu éviter à ses amis de longues journées d’angoisse, en particulier à Raph et à Michelangelo ! Elle ne pouvait plus continuer ainsi. C’était trop pénible, et surtout, ce n’était pas la première fois que cela affectait tout le monde.

Au fond d’elle, elle portait encore le poids de la culpabilité de la nuit où maître Splinter avait été tué. Si, déjà à l’époque, elle ne s’était pas laissé aveugler par le mélange de colère et d’envie que lui inspirait la relation de Raph et de Marion, elle aurait retenu Léonardo, au lieu de le suivre dans sa folie qui avait entraîné non seulement la disparition du rat mutant, mais aussi l’accident de Karai.

Était-ce si compliqué d’admettre qu’elle aimait Donatello pour ce qu’il était, c’est-à-dire quelqu’un de tendre, d’attentionné, qui s’efforçait toujours de faire de son mieux ? Qui était l’exact opposé de cette tête brûlée de Casey, qui réfléchissait avec toutes les parties de son corps à l’exception de son cerveau ?

Son regard détailla l’adolescent à côté d’elle, puis Raph, les yeux toujours rivés sur le message envoyé par Léo. Elle s’attarda longuement sur les écailles froides qui recouvraient son corps, sur sa carapace, sur son visage de tortue... Elle avait déjà serré les quatre frères dans ses bras à maintes reprises, elle avait même embrassé Donnie une fois, et elle n’avait pas détesté, mais ce n’était pas cela, une relation amoureuse.

Elle n’avait pas oublié les conversations qu’elle avait eues avec Irma à ce sujet, avant que sa vie bascule et qu’elle découvre que sa meilleure amie était en réalité le fer de lance de l’invasion kraang... Elles évoquaient leur petit ami idéal, et ce qu’elles feraient avec lui. Dans ses rêves, ce n’était jamais une tortue mutante qui emmenait April au cinéma, qui se promenait main dans la main avec elle dans Central Park...

Marion avait-elle vraiment réfléchi à tout cela en s’engageant avec Raph ? La vie avec le ninja était actuellement leur quotidien, mais ensuite, une fois que New York serait redevenu New York, et plus le berceau de la conquête kraang, ne reviendrait-elle pas sur le fondement de sa relation ?

Et encore plus tard ? April avait toujours voulu avoir un foyer, un mari, des enfants... À défaut d’avoir longtemps eu une mère, elle souhaitait en devenir une. Comment ce rêve pourrait-il s’accomplir avec Donatello ? Non, indubitablement non. Quand elle voyait son futur, c’était avec un humain qu’elle l’imaginait.

Seulement, cet humain n’était pas non plus Casey. April inspira et prit sa décision. À défaut de parler à Donnie, et même d’avoir quelque chose à lui dire qui ne leur ferait pas du mal à tous les deux, elle parlerait à son ami. Ce serait sans doute la première fois depuis longtemps qu’elle se montrerait vraiment honnête avec quelqu’un.

***

- Raphaël !

L’accolade que donna Slash à son vieil ami fut si brutale que l’intéressé crut qu’il allait de nouveau laisser quelques os brisés dans l’affaire. Marianne, qui l’avait accompagné lorsque les deux soucoupes furtives en approche avaient annoncé leur arrivée, n’accorda qu’un bref regard aux Mutanimaux et interrogea plutôt sa sœur, qui lui rapporta ce qu’elle-même avait appris de la bouche des mutants.

Marianne réalisa à contrecœur que le ninja rouge avait vu juste. Les nouvelles étaient effectivement moins dramatiques qu’ils auraient pu le redouter. D’ailleurs, pour elle, cela ne changeait absolument rien. Shredder n’était pas son ennemi, les Mutanimaux n’étaient pas non plus ses amis, et l’assaut allait pouvoir être donné comme prévu, avec deux alliés en plus.

Ils se réunirent tous dans la salle informatique, la pièce la plus vaste du bâtiment, qui semblait soudain beaucoup plus exiguë avec la présence des deux colosses qu’étaient Slash et Leatherhead, afin de passer une dernière fois leur plan d’action en revue.

Ils attaqueraient à bord du technodrome, à l’exception de Raph et de Léonardo, qui escorteraient le gigantesque vaisseau à bord de deux navettes furtives, certes moins résistantes et moins armées, mais beaucoup plus manœuvrables en cas d’embuscade ou de défense aérienne kraang.

- La sécurité de la ruche sera probablement maximale, rappela Marianne. Les Kraangs ont l’air stupides, mais ils ne le sont pas assez pour ne pas avoir deviné ce que nous préparons. Ils se tiennent sûrement prêts à riposter en conséquence.

- Puisqu’on a ramené une troisième soucoupe, pourquoi ne pas s’en servir ? proposa Mikey. Je peux la piloter et...

- Non, objecta Donnie. Tu es le meilleur pilote de technodrome, et le plus important, c’est la cargaison de rétromutagène. Tes compétences devront se concentrer sur elle.

- Vous bilez pas, les gars ! Casey Jones est dans la place !

Marianne accueillit cette annonce avec un pincement de nez dédaigneux, et les autres avec scepticisme. Casey était un bon pilote, il avait déjà fait ses preuves en tant que tel, notamment en affrontant la voiture mutante sur les routes de North Hampton, mais il n’en demeurait pas moins... Casey.

- Oh, puis après tout, pourquoi pas ? lâcha Marianne.

Du moment que cet imbécile n’abattait pas les vaisseaux alliés, elle n’avait que faire du reste. Qu’il tombe sous les tirs ennemis dans un excès de témérité était le cadet de ses soucis. Les autres furent surpris de voir la jeune femme céder si vite, et même céder tout court, mais personne ne s’exprima.

- Marion commandera les androïdes, poursuivit Donnie. Avec Slash et Leatherhead, vous formerez la première troupe au sol. Dès que vous en aurez l’occasion, vous pénétrerez dans la ruche et vous nous tracerez un chemin jusqu’aux humains, d’accord ? Les pilotes, vous serez la seconde troupe au sol. Dès qu’il n’y aura plus besoin de couverture aérienne, vous irez leur prêter main forte. Marianne, April et moi, on restera à bord du technodrome et on se préparera à procéder à la rétromutation. Quant à toi, Mikey, tu es le joker. Ce sera à toi de faire en sorte que tout se passe bien.

Michelangelo opina. Son air juvénile avait totalement disparu pour laisser place à une expression ferme et déterminée. Plus que jamais, le moment était venu pour lui de prouver qu’il était le génie de la dimension X.

- Des questions ? demanda le ninja mauve.

Personne n’en avait. Ils savaient tous quel rôle ils auraient à jouer, et ils étaient conscients de ne pas avoir le droit à l’erreur. Ils portaient sur leurs épaules le dernier espoir de la Terre, et de toute l’humanité.

- Parfait, conclut Marianne. Botticelli, tu peux remplir les cuves du technodrome avec le rétromutagène. Marion, active les androïdes et fais-les embarquer. Et vous, Machiavel, Lorenzo et DJ, vérifiez le niveau d’énergie des soucoupes furtives. L’attaque sera lancée dès que tout le monde sera prêt.

Laisser un commentaire ?