Un combat de tous les instants

Chapitre 50 : La fuite

2840 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 16/04/2019 22:58

- Eh eh ! Si vous pensez avoir la moindre chance contre moi, c’est que vous ne connaissez pas Casey Jones !

L’intéressé donna un grand coup de volant sur la droite, le Party Wagon effectua un brusque demi-tour sur deux roues et il pressa le bouton qui déchaîna le lance-flammes sur les motos des Foot-bots qui l’avaient pris en chasse à travers la ville. Les pneus émirent un bruit de détonation en éclatant, tandis que les androïdes les plus proches fondaient littéralement sous le feu.

Casey repartit ensuite en sens inverse, fauchant à vive allure ses poursuivants encore indemnes. Par la fenêtre ouverte, il jeta quelques palets explosifs, dont il s’était réapprovisionné au repaire, neutralisant cinq véhicules de plus.

Il aurait presque pu croire que tout se déroulait pour le mieux quand un fracas assourdissant se fit entendre sur le toit de la voiture, qui s’affaissa légèrement. La tôle frôlait désormais le crâne de Casey, occupé à maintenir le cap et à garder son sang-froid. Il redoutait le pire, et éprouva presque du soulagement en apercevant une queue couverte d’écailles rouges en travers du pare-brise.

Fishface. C’était toujours moins terrible que Tiger Claw ou Shredder en personne. Casey vira à droite, puis à gauche, dans l’espoir de déséquilibrer le passager clandestin, mais les robustes pattes métalliques du mutant s’enfonçaient si profondément dans la carrosserie qu’il semblait presque impossible de le déloger.

Casey saisit son portable et consulta l’horloge numérique. Son temps s’était écoulé. Le moment était venu de passer à la suite du plan, son évacuation, mais tant que Fishface s’agripperait au Party Wagon, il ne pourrait pas. Il allait donc devoir tout bouleverser à la dernière seconde.

***

Mikey attendait, cramponné à une échelle rouillée et poisseuse, le signal de Casey qui lui imposerait de pousser la bouche d’égout sous laquelle il se trouvait. Lorsque son T-Phone sonna, cependant, son ami lui donna des instructions bien différentes.

- Oublie A6 et ouvre B4. En combien de temps tu peux être là-bas ?

- B4... Deux minutes trente, je dirais.

- Ça roule. Ne sois pas en retard.

Ils avaient donné des noms de code à toutes les issues du quartier, au cas où Casey ne pourrait pas emprunter celle initialement prévue, comme c’était le cas. Mikey se laissa tomber au fond du boyau souterrain, où il effraya un rat en quête de nourriture, et saisit le skateboard accroché dans son dos afin d’aller plus vite. Au moment de bondir sur la planche, cependant, son cerveau prit conscience de la situation.

- B4 ? Mais... Il est fou !

***

Casey leva un bras pour se protéger le visage lorsque la nageoire de Fishface s’écrasa contre le pare-brise. Le verre se brisa sous l’impact et un éclat vola jusqu’à l’adolescent, malgré ses précautions, l’entaillant juste en dessous de l’œil. Le mutant passa ensuite sa face repoussante dans l’habitacle, une erreur de sa part, car il fut accueilli par un coup de taser.

Casey aurait aimé qu’il lâche prise et roule à terre, ce qui lui aurait évité d’avoir à mettre en pratique son idée risquée, mais Xever s’accrocha en dépit de la décharge électrique qui l’avait à moitié sonné. Le jeune homme n’eut donc pas le choix. Il écrasa l’accélérateur pour pousser le Party Wagon au maximum de sa vitesse, avant de bloquer la pédale avec la cale mise au point par Marianne.

Tant bien que mal, il se faufila ensuite à l’arrière du véhicule, tout en rappelant Michelangelo. De sa main qui ne tenait pas le portable, il ouvrit la trappe qu’ils avaient improvisée dans le plancher du Party Wagon et prit une profonde inspiration. Tout allait se jouer maintenant.

- Mikey ?

- Tu es dans mon champ de vision, l’appli est en train de calculer ta vitesse. Ce sera... dans huit secondes. Sept. Six...

Pendant que la tortue décomptait, Casey perçut de l’agitation au niveau du pare-brise. Fishface venait de se rétablir et était en train de ramper à l’aide de ses nageoires pour se glisser à l’intérieur du véhicule. Le cœur de l’adolescent battait à tout rompre, son regard passant précipitamment du mutant au trou à ses pieds, sous lequel défile l’asphalte.

- Deux. Un. Maintenant !

Casey sauta. S’ensuivit une horrible sensation de chute, au cours de laquelle il lâcha son portable. Au moins, cela signifiait qu’il ne s’était pas raté. S’il avait manqué l’issue offerte par la bouche d’égout à l’instant où le Party Wagon passait dessus, il se serait écrasé sur la route et aurait été traîné par la voiture jusqu’à ce que son corps ne soit plus qu’un amas de chair sanguinolente. Heureusement, Donnie avait mis au point une application capable de prédire l’instant exact où il devrait se lancer, et elle avait fonctionné à la perfection.

Casey ressentit une douleur cuisante au niveau du bras lorsque Michelangelo l’attrapa au vol. Le jeune homme percuta violemment les barreaux de l’échelle à laquelle son ami était agrippé, mais c’était toujours moins douloureux que de s’écraser quatre mètres plus bas, au fond des égouts.

Au même instant, une puissante explosion retentit. Voilà pourquoi le plan était nettement plus risqué que celui initialement prévu. La route se concluait par un virage à quatre-vingt-dix degrés. Si Casey avait eu la moindre hésitation, s’il n’avait pas sauté, il n’aurait pas eu le temps de retourner au volant pour négocier la courbe et serait probablement mort dans l’impact du véhicule qui venait de percuter un immeuble.

- Vite ! intima-t-il en dévalant l’échelle. Fishface est solide, il se peut que le choc l’ait simplement mis K.O. On n’a pas un instant à perdre.

Parvenu dans la galerie humide et nauséabonde, Casey fit jaillir ses rollers de ses chaussures et s’élança, Mikey dans son sillage sur son skateboard. Ils parcoururent plusieurs centaines de mètres de tunnels obscurs, avant d’atteindre une autre sortie qui les ramènerait à la surface.

Casey ne fut pas mécontent de retrouver l’air frais, car cette portion des égouts puait bien plus que la plupart de celles qu’il avait eu l’occasion de visiter depuis qu’il côtoyait les tortues. Il était en train de se hisser hors de la cavité lorsque deux mains, celles de Léo, le devancèrent.

- Tu es en un seul morceau, à ce que je vois, constata le ninja bleu, presque surpris que Mikey et lui aient réussi à mener un plan à terme sans détruire la moitié de la ville et provoquer un raz-de-marée.

- Et si je veux le rester, y a plutôt intérêt à ne pas s’attarder dans le secteur. Démarre, vite !

Léo ne discuta pas et se précipita au volant, pendant que Mikey surgissait à son tour du souterrain. Casey et lui s’installèrent à l’arrière de la Chevrolet, tandis que le véhicule se mettait en mouvement. Il ne restait plus qu’à espérer que ni les Foot-bots ni aucun lieutenant de Shredder ne retrouveraient leur trace avant qu’ils se soient éloignés.

***

- Mikey ? Mikey, tu m’entends ?

April et Marion étaient penchées au-dessus du portable de l’adolescente, qui émettait un grésillement désagréable, sans qu’aucune voix ne leur parvienne. Le réseau était très mauvais depuis qu’ils avaient quitté New York, et elles peinaient à établir une communication avec leurs amis. La diversion avait assurément fonctionné, puisque personne ne les avait suivis, mais cela signifiait-il pour autant que le trio, et surtout Casey, s’en était sorti indemne ?

- Marion ?

Les filles poussèrent un soupir de soulagement lorsque la tortue leur répondit enfin. Donnie relâcha sa vigilance durant une seconde pour leur adresser un regard dans le rétroviseur, tandis que Raphaël se tournait du mieux possible sur le siège passager pour faire face à la banquette arrière.

Marion, April et Marianne l’occupaient tout entière. Il ne manquait que Karai, qu’ils avaient installée dans le coffre, après avoir pris soin de la caler avec tout un tas de chiffon et de vieilles couvertures. Le plus difficile avait naturellement été de dissimuler cette volonté à Léonardo, qui n’aurait sans doute pas hésité à jouer des poings pour les en dissuader.

- Comment allez-vous ? demanda Marion en retenant son souffle.

- Tout baigne, poupée !

La jeune fille, tout comme April, manqua d’éclater de rire. Jamais elle n’avait été aussi heureuse qu’en cet instant d’entendre la voix de Casey. Même Donnie et Raph parurent se remettre à respirer. Seule Marianne continuait à regarder par la fenêtre, l’air détaché.

- Qu’est-ce qu’on fait ? On vous attend ?

- Non, continuez à rouler. J’ai eu un accrochage avec Fishface, et on n’est pas encore sûr que le clan des Foots ne soit pas sur nos talons. Gagnez North Hampton, on vous rejoindra dès que tout danger sera officiellement écarté.

- Prenez soin de vous, les garçons, murmura April.

- Ne vous inquiétez pas, mes beautés. On a bien l’intention d’arriver en un seul morceau, pour que vous puissiez fêter dignement vos trois héros. Enfin, quand je parle de héros, je parle surtout de moi, plaisanta Casey.

Les adolescentes sourirent, soulagées de savoir leurs amis indemnes. Ils n’étaient pas encore totalement en sécurité, mais au moins, la pression était retombée d’un cran. Donatello, suivant les instructions de Casey, écrasa l’accélérateur afin d’atteindre au plus vite leur refuge dans les bois.

***

- Bienvenue dans notre nouvelle maison ! annonça April lorsque Donnie éteignit le moteur de la Ford.

Elle sauta à terre pour s’étirer après ce long trajet. Marion, qui se trouvait au milieu de la banquette, se faufila elle aussi hors de l’habitacle, avant de contourner le véhicule pour aider Marianne à en descendre. Donnie, qui était également sorti, ouvrait déjà le coffre afin de transporter Karai à l’intérieur.

Il la dégagea du cocon dans lequel April et lui l’avaient placée avant de quitter le repaire et, avec autant de précautions que Léo lui-même en aurait fait preuve, la conduisit à l’intérieur. La rouquine le devança précipitamment pour lui ouvrir la porte d’entrée, avec la clé restée cachée durant tout ce temps sous un paillasson miteux.

- Entre l’atmosphère infecte des Kraang et la pollution de New York, je ne pensais pas sentir avant longtemps l’air frais de la campagne, commenta Marianne. Et étrangement, je ne trouve pas ça aussi agréable qu’on veut bien le prétendre.

Marion secoua la tête, presque amusée par la capacité étonnante qu’avait sa sœur à paraître blasée de tout. Elle l’aida ensuite à franchir les marches du perron, tandis que Raphaël venait dans leur sillage. Tous trois s’engouffrèrent dans la demeure à la suite du reste du groupe.

L’endroit était tel qu’ils l’avaient laissé le jour de leur départ. L’humidité et la poussière avaient commencé à reprendre possession des lieux, mais ce n’était pas aussi désagréable que lors de leur premier séjour. Une bonne aération et quelques coups de plumeau suffiraient à résoudre le problème.

Karai fut installée à l’étage, dans l’une des chambres. Comme il n’y avait pas assez de pièces pour tout le monde, April et Marion convinrent d’en partager une, comme elles le faisaient déjà au repaire, tandis que Marianne acceptait de continuer à dormir sur un lit de camp, qui se situerait au rez-de-chaussée pour lui épargner la contrainte des escaliers.

April était occupée à faire visiter la maison aux deux sœurs quand un bruit de moteur retentit à l’extérieur. La jeune fille s’interrompit presque aussitôt et quitta précipitamment le salon où elles se tenaient pour se ruer dehors, Marion sur ses talons. Elles se jetèrent respectivement dans les bras de Casey et de Michelangelo, leur laissant à peine le temps de refermer les portières de la Chevrolet derrière eux.

- Vous avez raison, affirma Marion. Aujourd’hui, vous avez été héroïques.

- Attends, j’ai mal entendu... Tu peux répéter ? la taquina Casey. Un compliment de ta part, c’est tellement rare que je voudrais être sûr de n’avoir pas rêvé.

- En tout cas, tu rêves si tu penses que je vais recommencer. Et même si tu as mis le plan à exécution, c’était l’idée de Mikey. C’est à lui que le mérite en revient.

Marion embrassa son ami sur la joue en l’étreignant derechef, et le masque de douleur que la tortue affichait depuis le décès de maître Splinter se fissura un peu pour laisser entrevoir l’expression ensoleillée qui était la sienne avant cette terrible tragédie.

- Ce qui est bien, avec toi, c’est que tu ne fais pas du tout de favoritisme, maugréa Casey.

- Ça alors ! intervint April. Je ne t’aurais pas cru capable d’être un jour jaloux de Mikey.

Ce badinage léger, qui avait pour but d’apaiser toutes les tensions et de chasser les dernières bribes d’angoisse, fut interrompu par Léonardo qui passa devant eux avec un air taciturne, ne s’attardant à leur hauteur que pour leur demander où se trouvait Karai. À l’instant même où April lui eut indiqué sa chambre, il reprit sa route.

- Pour lui aussi, ça passera ? interrogea candidement Michelangelo, et Marion ne sut cette fois-ci que répondre.

Léo ne souffrait pas seulement de la mort de Splinter. Il portait sur son dos le poids de l’échec, tout en étant paradoxalement convaincu que la faute ne lui incombait pas, du moins pas entièrement. Qui plus est, il y avait Karai, sa kryptonite... Peut-être son attitude s’améliorerait-elle une fois la kunoichi rétablie. À condition qu’elle le soit un jour, ce qui était encore moins sûr.

- On rentre ? proposa Casey. J’ai une faim de loup, moi ! C’est pas que ça creuse d’être génial, mais un peu quand même.

- Il faut voir ça avec Raph, indiqua April. C’était lui qui devait se charger de remplir le garde-manger.

Comme s’il avait attendu cet instant précis pour apparaître, la tortue se matérialisa sur le perron. Il affichait une expression maussade, et les adolescentes devinèrent sans peine que c’était parce que son chemin venait de croiser celui de Léonardo. Il se força néanmoins à esquisser un sourire en apercevant son ami et son frère.

- C’est presque surprenant que deux incapables dans votre genre aient réussi à faire du bon boulot. À croire que c’est vraiment la fin du monde.

- C’est vraiment la fin du monde, rappela April. Du moins, si on ne fait rien pour l’arrêter. Et je vous signale que c’est pour ça qu’on est là. Pas pour s’empiffrer de pizza en regardant des épisodes de Crognard le Barbare.

Mikey, une fois encore, ne protesta pas avec véhémence comme il l’aurait fait avant. Il se contenta plutôt de hocher la tête avec une pointe de solennité, tandis que Marion, qui s’était mise en devoir de le soutenir sans le brusquer en s’obstinant à lui rendre coûte que coûte le moral, trancha :

- Pas d’épisodes de Crognard le Barbare. Par contre, une bonne pizza n’a jamais empêché personne de réfléchir. Je dirais même que c’est quasiment impossible de se concentrer le ventre vide. Et après, on ira faire une promenade digestive dans les bois. Comme ça, tu pourras me montrer l’endroit où tu as fait la connaissance de Napoléon Bonafrog. Qu’est-ce que tu en dis ?

Ces suggestions réussirent à éclairer légèrement le visage de Mikey. Aucun doute, Marion savait s’y prendre mieux que n’importe qui avec lui. Elle passa son bras valide autour de ses épaules et l’entraîna avec elle en direction de la maison, April, Raph et Casey sur leurs talons.

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