Un combat de tous les instants

Chapitre 44 : La débâcle

2969 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 01/12/2018 22:55

Marion se jeta sous le bras tendu de Shredder pour se faufiler dans son dos, pendant que Karai changeait de place avec elle et surgissait devant lui, le frappant au visage avec le ninjato de Léo. Son casque fut arraché et rebondit plus loin, dévoilant la face défigurée du Destructeur.

- Pourquoi t’obstiner à choisir le mauvais camp, Karai ? demanda-t-il pendant que l’épée de Marion heurtait sa cuirasse sans lui infliger le moindre dégât.

- Il n’y a pas de camp, répliqua-t-elle. Eux sont ma famille, alors que toi, tu n’es qu’un monstre à éliminer.

Cette remarque ne fit qu’accroître la haine de Shredder. Alors que Marion s’apprêtait cette fois à viser l’arrière de son crâne, Oroku Saki chargea, un peu à la manière d’un taureau, et percuta Karai qui ne put lutter contre le poids de son corps massif. Elle tomba sur son séant, pendant que Splinter, loin d’être remis, se ruait sur l’homme qui avait brisé sa vie.

Marion n’osa pas intervenir. Ils bougeaient sans cesse, le rat avec une vélocité surprenante à la vue de son état, et elle risquait de le blesser davantage que le Destructeur si elle tentait de frapper. À la place, elle aida plutôt Karai à se redresser.

La kunoichi, en se relevant, jeta un œil en direction du combat qui opposait les garçons à Tiger Claw. Donnie et Mikey avaient réussi à le retenir pour permettre à Casey de se faufiler jusqu’au bâtiment, après que Karai les eut informés que Léo était seul à l’intérieur, face à une armée de Foot-bots.

- Père ! s’écria-t-elle.

Sa stratégie fonctionna, car Shredder, par réflexe, fut le premier à interrompre momentanément ses coups. Karai en profita pour fondre sur lui, imitée par Marion. L’adolescente glissa sur le sol en visant ses jambes, dans le but de le déséquilibrer, tandis que la kunoichi percutait son plastron d’un coup de pied retourné.

Saki fut ébranlé par ce double assaut, mais ne tomba pas, contrairement à ce qu’elles avaient espéré. Il repoussa Karai avec violence, qui heurta Splinter par inadvertance. Le rat la saisit par le coude pour l’aider à rester debout. Marion, toujours au sol, roula sur le côté pour échapper à la jambe que Shredder tenta d’abattre sur elle.

- Tu dois partir ! ordonna Karai à son père biologique. Il faut que tu ailles te mettre à l’abri. Ne t’en fais pas pour nous, nous nous en sortirons.

- Je ne vous abandonnerai pas. Et je ne le laisserai pas non plus vous faire du mal. Vous...

Il fut interrompu par un bruit de verre brisé, en provenance de l’étage du bâtiment devant lequel ils combattaient. Cela détourna son attention, de même que celle de Karai, ce dont Shredder voulut profiter. Il aurait lacéré le flanc de Splinter si Marion ne s’était pas redressée promptement pour percuter son bras de plein fouet et lui faire manquer sa cible de peu.

Le Destructeur la balaya d’un geste sec, pendant que le père et la fille faisaient volte-face. Marion fut projetée plus loin et elle s’écrasa par terre, où elle ressentit une vive douleur au niveau du coude sur lequel elle était tombée. En examinant le sol alentour, elle s’aperçut qu’il était jonché de tessons, donc quelques-uns s’étaient enfoncés dans sa chair.

- Qu’est-ce que... Léo !

Comme Splinter et Karai quelques secondes avant elle, elle leva les yeux en hauteur pour voir le ninja bleu suspendu au rebord d’une fenêtre, et Casey, juste de l’autre côté du chambranle, qui ne pouvait aider son ami en raison des Foot-bots qu’il lui fallait repousser.

- Mikey ! Donnie ! cria-t-elle en se relevant tant bien que mal, car la fatigue musculaire commençait à se faire sentir.

Les tortues l’entendirent, mais la distraction causée par son appel valut au scientifique d’être touché à la main par le pistolet laser de Tiger Claw et de lâcher son bo, que le mutant piétina, le brisant en deux.

Le cerveau de Marion tournait à toute vitesse, réfléchissant à une solution, mais elle n’avait ni l’intelligence de Donatello ou de Marianne, ni l’ingéniosité de Michelangelo. Elle était loin d’avoir trouvé quand Léo, abandonné par l’énergie qu’il lui restait lâcha prise. Le cri de la jeune fille accompagna sa chute.

Il atterrit lourdement à deux pas d’elle et ne se releva pas. Elle voulut se précipiter vers lui, mais au même moment, trois Foot-bots auxquels Casey n’avait pas réussi à barrer la route se faufilèrent par la vitre brisée pour achever le travail. Marion s’empressa de les pourfendre d’un coup d’épée, que l’épuisement lui rendait plus difficile à manier.

- Léo ! s’exclama-t-elle en lui tapotant les joues, une fois que les humanoïdes se furent effondrés. Léo, réveille-toi !

Il respirait, mais il était sonné. Un cri de douleur retentit à l’étage, celui de Casey qui était probablement dominé par les robots restants. Le seul petit espoir semblait résidait en Mikey et Donnie, qui paraissaient avoir pris tant bien que mal l’ascendant sur Tiger Claw, au contraire de Karai et Splinter qui, malgré leurs efforts combinés, étaient malmenés par Shredder.

« April », appela mentalement Marion. « April, si tu m’entends, si tu me ressens ou je ne sais quoi, il faut que tu nous aides. On n’y arrivera pas sans toi. Viens ! »

Elle estimait que son amie avait dû se régénérer un peu, depuis l’instant où ils l’avaient laissée dans le hall de cet immeuble désaffecté, et de toute façon, sans secours imminent, leurs chances d’en réchapper étaient minces.

Prenant appui sur son épée, Marion se redressa, abandonnant Léo à son inconscience. Il n’y avait rien qu’elle puisse faire pour lui dans l’immédiat, hormis croiser les doigts pour que cet affrontement s’achève au plus vite, et se solde bien évidemment par leur victoire, ce qui n’était pas gagné.

Elle voulut rejoindre Karai, qui parait les assauts de Shredder avec de plus en plus de difficulté, mais elle se ravisa. Tiger Claw avait beau être un combattant redoutable, même lui ne pouvait rivaliser avec son maître, et serait par conséquent plus aisé à vaincre. Si elle assistait Mikey et Donnie face à lui, ils pourraient ensuite tous concentrer leurs efforts sur le Destructeur.

***

April secoua la tête. Sa migraine s’était quelque peu estompée, après être restée un moment au calme, mais elle venait de percevoir quelque chose d’étrange, comme un appel au secours. L’avait-elle imaginé, à cause de l’inquiétude qu’elle ressentait pour ses amis ? Ou avaient-ils réellement besoin d’elle ?

Dans le doute, et malgré son état, elle se devait d’aller voir. À défaut d’avoir arrêté Léo tant qu’elle le pouvait encore, il fallait leur porter secours. Elle ne se souvenait néanmoins plus de la direction dans laquelle elle les avait envoyés lorsqu’elle avait eu sa vision et fut incapable de les localiser à distance. Tant pis. Si la télépathie ne pouvait l’aider, elle se servirait de la technologie.

- Marianne ? fit-elle dès que la jeune femme décrocha son portable. C’est April. Est-ce que tu as les autres en visuel, sur ton écran ?

- Oui. À environ un kilomètre deux au nord de ta position. Pourquoi est-ce que vous vous êtes séparés ?

- Mes pouvoirs m’ont montré Splinter dominé par Shredder et m’ont laissé mal en point, alors Marion a jugé qu’il valait mieux que j’attende ici, mais... J’ai le sentiment qu’ils courent un grave danger, et il faut que j’aille les aider.

***

Marianne regretta d’avoir accédé à la demande de Raphaël et d’avoir mis le haut-parleur lorsque April prononça ces mots, car à peine eut-elle le temps de jeter un regard par-dessus son épaule qu’il était déjà en train de se précipiter hors du laboratoire. Elle raccrocha au nez de la rouquine et saisit ses béquilles pour boiter à sa suite.

Incapable de le rattraper, car il se déplaçait bien plus vite, Marianne l’apostropha. Elle s’attendait à ce qu’il la dédaigne, mais étonnamment, il tourna la tête pour l’observer dans son dos. D’un ton sec, il lâcha :

- Bouge-toi, le choléra. On décolle.

- On décolle ? Tu plaisantes, j’espère ? Où est-ce que tu veux que j’aille sachant que je suis incapable de poser le pied par terre ?

Raphaël grinça des dents et, les yeux plissés par le mécontentement, revint sur ses pas. Marianne recula aussitôt, car même si elle était plutôt courageuse de nature, elle ne lui avait jamais vu une expression aussi menaçante sur son visage, qui n’était pas sans lui rappeler celle de son père quand il avait trop bu.

- Qu’est-ce que tu fabriques ? s’écria-t-elle quand la tortue passa un bras autour de sa taille pour la jeter sur son épaule avec autant de délicatesse qu’un sac à patates. Repose-moi tout de suite, sinon je...

- Oh, boucle-la ! Je vais sauver mes frères, et accessoirement ta sœur, mais aussi pénible que ce soit pour moi, je vais avoir besoin de toi. À moins que tu préfères laisser Shredder la découper en morceaux.

- Que veux-tu que je fasse ? Je ne sais pas me battre, moi ! Je suis le cerveau, c’est Marion qui a toujours manié l’épée.

- Si tu étais vraiment le cerveau, tu saurais ce que la boucler signifie, et je n’aurais pas à me répéter.

Marianne, à défaut de se taire, avait au moins cessé de se débattre, tandis que Raphaël enjambait les portillons qui menaient à la ligne de métro désaffectée. Il la suivit sur plusieurs centaines de mètres, jusqu’à atteindre le Party Wagon, le vieux combi de Kirby O’Neil que Donnie et Casey avaient amélioré durant leur séjour à North Hampton, et qui les avait ramenés à New York.

- Attends... Vous avez une voiture ? s’étonna la jeune femme. Depuis quand des tortues savent-elles conduire ?

- Depuis qu’elles savent parler et manier les armes.

- Mais... Pourquoi est-ce que les autres sont partis à pied si vous pouvez vous déplacer en roulant ?

- Un ninja se doit d’être furtif, or ce vieux tas de ferrailles dans une ville fantôme, c’est tout sauf discret, et c’est un coup à se ramasser des Kraangs et des Foots par le pare-brise. Et maintenant, arrête avec tes questions idiotes, ou je vais finir par penser qu’en dépit de tes grands airs, tu es encore plus débile que Mikey.

Marianne ne répliqua pas, mais donna tout de même un coup de poing à la carapace de la tortue, ce qui fut effectivement une réaction stupide, car elle ressentit une vive douleur dans la main, alors que Raphaël ne perçut même pas l’impact.

Il contourna le véhicule et ouvrit la portière du siège passager, sur lequel il installa la jeune femme. Le temps qu’elle boucle sa ceinture, le ninja était repassé de l’autre côté et il prit place face au volant.

- Tu sais te servir d’un levier de vitesse ? demanda-t-il.

- En théorie.

- Eh bien, c’est le moment de passer à la pratique.

Il saisit le poignet gauche de Marianne et l’obligea à poser ses doigts dessus, pendant que lui-même empoignait le volant de son bras valide. Le moteur du Party Wagon toussota un peu, fatigué de ne pas avoir été utilisé depuis un moment, mais finit par émettre un ronronnement sonore.

***

Karai dansait autour de Shredder avec une agilité qui n’avait rien à envier à celle qu’elle possédait lorsqu’elle était sous sa forme de serpent mutant, mais cela ne suffisait pas à lui permettre de prendre l’ascendant sur le leader des Foots. Celui-ci repoussait tous ses assauts, de même que ceux de Splinter, avec une férocité indescriptible.

Elle tenta une offensive bilatérale avec le rat, lui feintant à gauche, elle attaquant à droite, mais Shredder anticipa la ruse et la bloqua avec son poing. Elle nota que ses lames étaient rentrées, preuve que malgré tout, il s’obstinait à ne pas vouloir la blesser. Bien que cela lui procure un certain avantage, elle n’en éprouva que du dégoût.

Elle pivota sur elle-même et son pied percuta violemment le torse du Destructeur, mais elle ressentit probablement une plus vive douleur dans son mollet que lui dans tout son corps. Les coups rebondissaient sur son armure et même les lames ne parvenaient pas à l’érafler.

Splinter fendit l’air avec sa queue, pendant que Karai réfléchissait à une nouvelle stratégie, mais elle se figea d’horreur lorsqu’elle vit l’appendice du mutant être sectionné, ce qui arracha à Shredder un rire sadique.

- Et maintenant, au reste de ton corps de subir le même sort.

Le rat, déséquilibré, recula maladroitement. Karai, gagnée par la panique que lui inspirait son père aussi mal en point, sauta sur les épaules d’Oroku Saki pour le retenir, mais il enfonça son coude dans son ventre, l’obligeant à lâcher prise. La kuinoichi, pantelante, retomba à genoux sur le sol.

Relevant la tête, elle s’aperçut que son visage était juste à hauteur des cuisses de Shredder, la partie la moins protégée de son anatomie. Profitant de ce qu’il était concentré sur Splinter, elle souleva le ninjato de Léo et l’enfonça dans la jambe musculeuse. Le cri de douleur du Destructeur se mêla à celui d’effroi poussé de façon concomitante par Donnie, Mikey et Marion.

Avant que Karai ait pu comprendre ce qui se passait, Shredder fit volte-face et la frappa si violemment à la tempe que sa tête heurta le sol, où elle perdit connaissance.

***

Casey voulut s’approcher de la fenêtre pour découvrir la cause de ce brusque silence qui faisait suite à des cris simultanés, mais il n’en eut pas l’occasion. Fishface avait fini par débloquer ses pattes métalliques et s’était redressé, entouré par les Foots-bots que le jeune homme n’avait pas détruits, sans parler de ceux qui affluaient encore, quoique beaucoup moins massivement qu’en début de combat.

Il espérait que la lutte acharnée qui se déroulait à l’extérieur avait pris fin, que Shredder, dominé par ses amis, s’était résolu à s’enfuir avec Tiger Claw en abandonnant derrière lui son second lieutenant et son armée de robot, et surtout que les autres ne tarderaient pas à venir lui prêter main-forte, car il en avait bien besoin. Il guetta un signe d’approche, mais rien ne vint, tandis que l’absence de bruit se prolongeait anormalement au-dehors.

***

- Non... souffla Donnie.

- Ce... Ce n’est pas possible, renchérit Mikey.

Marion ne prononça pas un mot, mais tenta de refouler les larmes qui commençaient à troubler sa vision, alors que le moment était mal choisi pour se permettre un tel handicap. Si le choc était immense pour elle, elle n’osait imaginer ce que cela pouvait représenter pour ses deux amis.

À une quinzaine de mètres de distance, ils virent Splinter tituber, les pattes crispées sur son bas ventre ensanglanté, qui venait d’être transpercé par les lames meurtrières de Shredder. Le temps semblait s’écouler au ralenti, voire presque s’être arrêté, jusqu’à ce que le rat s’effondre dans un bruit sourd

- Espèce d’assassin ! s’égosilla Donatello.

Jamais Marion ne l’avait vu dans un tel état de rage, lui qui était toujours si pondéré lors des combats. Sans que Mikey et elle puissent tenter de le retenir, il se rua vers Shredder, ce qui était une pure folie, étant donné qu’il n’avait même plus d’arme à sa disposition.

Marion voulut s’élancer dans son sillage, mais un rugissement sonore les rappela à l’ordre. Michelangelo fut le premier à se retourner, ayant totalement oublié, dans leur douleur, le combat qu’ils étaient en train de mener contre Tiger Claw. Le mutant braqua son pistolet sur eux.

- Un dernier mot, ninjas ? demanda-t-il.

- Je ne suis pas un ninja, riposta Marion en levant son épée.

- Et ce ne sera pas mon dernier mot, renchérit Mikey, dont les nunchakus tournoyaient.

Ils se tinrent prêts à esquiver, la griffe de Tiger Claw se rapprochant dangereusement de la gâchette, mais le tir ne vint pas. Au moment où le coup aurait dû partir, le corps du mutant fut entouré par un halo lumineux, et une force aussi puissante qu’invisible le repoussa contre le mur, dont une partie s’effrita sous le choc.

- Coucouche-panier, le chat, siffla April, la main tendue, avant de s’écrouler par terre, ayant utilisé ses dernières forces pour protéger ses amis.

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