Un combat de tous les instants

Chapitre 43 : L'affrontement

2981 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 14/11/2018 22:50

Après avoir récupéré le ninjato de Léo, Karai s’était précipitée vers la porte de sa chambre pour tenter de forcer le mécanisme d’ouverture qui lui résistait. Elle s’interrompit un bref instant pour pousser un soupir de soulagement lorsque la voix de Hamato Yoshi parvint jusqu’à elle. Avec Splinter dans les parages, rien n’était perdu.

Elle fit pression sur la garde du sabre et entendit un cliquetis, tandis que le battant s’écartait enfin. Elle n’était cependant pas libre pour autant, car il restait la seconde porte du sas. Cela lui coûta de précieuses minutes supplémentaires, et elle s’apprêtait à en perdre d’autres, étant donné une mauvaise surprise l’attendait derrière.

- Tu crois aller quelque part, Karai ? demanda Fishface avec un sourire malveillant qui dévoila toutes ses dents.

- Laisse-moi passer, espèce de vieille carpe desséchée. Sinon je te jure que je te transforme en sushi.

- Mes amis ne sont pas de cet avis.

Il recula d’un pas sur ses jambes mécaniques, tandis que des Foot-bots surgissaient de partout, de salles annexes aussi bien que de trappes situées au sol et au plafond. Shredder avait décidément tout prévu pour s’assurer qu’elle ne lui échapperait pas une fois de plus.

Karai serra les poings et les mâchoires, raffermissant sa prise autour du ninjato de Léo, et poussa un cri féroce avant de passer à l’action.

***

Splinter était dominé. Ce fut la première réflexion que Léonardo se fit, alors que le combat venait à peine de commencer. Non seulement Shredder lui donnait du fil à retordre, mais il devait de surcroît composer avec Tiger Claw, qui n’hésitait pas à lui tirer dessus pour tenter de l’affaiblir. Cela résumait à la perfection l’absence totale d’honneur du Destructeur.

La tortue devait intervenir, aider son maître, mais comment ? Chacun de ses muscles lui faisait mal, après l’humiliation que le félin lui avait infligée. S’il était encore en vie, c’était uniquement parce que Splinter était la cible prioritaire, sans quoi ni Shredder ni son lieutenant n’auraient hésité à l’achever.

Il dut faire un bond sur le côté pour esquiver le rat mutant lorsque celui-ci effectua un salto arrière afin d’échapper à un coup particulièrement retors d’Oroku Saki. Un nouveau point de vue s’offrit à Léonardo, qui remarqua pour la première fois un accès à l’intérieur du bâtiment. Une idée lui traversa l’esprit : il était peut-être trop faible pour aider Splinter, mais s’il parvenait à libérer Karai, elle pourrait se battre aux côtés de son père.

Prenant sur lui pour ignorer sa douleur, il fondit sur son ninjato. Tiger Claw, apercevant son geste, pointa le canon de son pistolet glaçant dans sa direction, mais manqua sa cible de peu. Léonardo saisit un shuriken qui érafla la patte du mutant, puis ramassa son sabre avant de fondre vers l’entrée de la base du clan des Foots.

***

- J’ai bien peur qu’il faille se résoudre à accepter l’évidence, murmura Donnie. On l’a perdu.

April descendit de ses épaules pendant qu’un silence de mort s’abattait sur le groupe. Elle n’osait pas croiser le regard de ses amis, et encore moins celui de Marion. Elle s’était laissé aveugler par tout un flot d’émotions lorsque Léo avait évoqué la relation que la jeune fille entretenait avec Raphaël, et à cause de cela, elle avait choisi de le suivre dans sa folie au lieu de chercher à l’arrêter dès le début.

Ils s’étaient immobilisés à un carrefour, désespérant de trouver une trace, qu’il s’agisse de celle du ninja bleu ou de maître Splinter. L’angoisse les avait tous rendus muets, même Michelangelo, ce qui n’était jamais bon signe. Seule une situation réellement catastrophique parvenait à le faire taire.

April s’assit sur les marches d’un escalier crasseux et enfouit son visage entre ses paumes. À la fatigue se coupla une violente migraine, sans doute provoquée par la surutilisation de ses pouvoirs. Marion s’approcha d’elle pour poser une main sur son épaule, mais la rouquine fut incapable de lui sourire. Elle se sentait bien trop coupable pour éprouver de la reconnaissance.

- Ça va aller ? s’enquit Marion.

- Je...

La jeune fille n’acheva pas sa phrase, car les mots qui s’apprêtaient à sortir de sa bouche furent remplacés par un hurlement de douleur. Elle pressa ses doigts sur ses tempes, avec l’impression que son crâne était en train de se consumer de l’intérieur. C’était si insoutenable que, pour un peu, elle aurait été prête à frapper son front contre un mur, dans l’espoir que cela cesse.

- April ! s’écria Donnie, presque aussitôt imité par Casey et Mikey. Qu’est-ce qui t’arrive ?

Elle aurait aimé leur répondre, les rassurer, mais elle-même paniquait, car elle n’avait aucune idée de ce qui était en train de se passer. Son corps se contracta, tandis qu’elle raffermissait son emprise sur son crâne, sans cesser de s’époumoner. Marion, de peur qu’elle se blesse par inadvertance, la saisit par les poignets, et Donnie suivit le mouvement en attrapant ses chevilles.

- Ça brûle ! s’égosilla April. Arrêtez ça, je vous en supplie.

- Ça quoi ? interrogea Casey, en vain, étant donné qu’elle semblait ne même pas les entendre.

Les ongles d’April s’enfoncèrent dans sa chair, mais la vive douleur qui consumait son cerveau l’empêcha de le sentir. Elle ferma les yeux avec une telle violence que des lumières se mirent à danser sous ses paupières, avant de se transformer en images, de plus en plus distinctes.

Elle vit maître Splinter, dressé face à Shredder dans ce qui semblait être une lutte à mort. Le rat paraissait mal en point, comme en témoignaient sa fourrure ébouriffée et son vêtement déchiré par endroits. L’une de ses pattes était prise dans la glace, assurément l’œuvre de Tiger Claw.

April cessa brusquement de s’agiter et, après avoir échangé un regard hésitant, ses amis décidèrent de la lâcher. Ils le regrettèrent lorsqu’ils la virent basculer face contre terre, comme une masse. Donatello s’empressa de la saisir par les épaules pour la redresser, tandis qu’elle battait faiblement des cils.

- Splinter... prononça-t-elle dans un filet de voix. Splinter est en danger. Shredder...

- Où ça ? voulut savoir le ninja, qui lui pressa le coude un peu trop fermement, dans la panique. Où est-ce qu’ils sont ? Tu le sais ?

- Je... n’en suis pas sûre. Par là-bas, je crois.

Elle leva mollement un bras pour désigner une direction. Le regard de Donnie passa alternativement de l’endroit qu’April pointait à elle-même. Vu l’état dans lequel elle se trouvait, il était désormais absolument exclu de continuer la route avec elle. Cette pensée les traversa tous, mais ce fut Marion qui déclara :

- On doit la laisser ici. Ce sera trop dangereux pour elle si on l’emmène avec nous.

April aurait voulu protester, toutefois elle n’en avait pas la force, ce qui ne fit qu’ajouter du crédit aux paroles de son amie. Donatello la souleva prudemment entre ses bras, pendant que Mikey enfonçait d’un coup de pied la porte de l’immeuble devant lequel ils avaient fait halte. Après avoir exploré brièvement les lieux, ils en conclurent que c’était sans danger.

- Je doute que Shredder et ses sbires aient l’idée de venir te chercher, assura Marion. D’autant qu’ils n’ont aucun moyen de savoir que tu es avec nous.

April hocha la tête, sans conviction. Sa migraine ne la quittait pas et semblait même s’intensifier de seconde en seconde. Bien qu’elle soit inquiète pour ses amis et Splinter, elle n’aspirait en cet instant qu’à une chose : être au calme.

- Fais attention à toi, conseilla Donnie.

Il leva une patte et voulut lui frôler la joue, mais se ravisa au dernier moment. Il tourna les talons pour quitter l’immeuble à lui suite des trois autres, qui franchissaient déjà le seuil.

***

Karai se baissa à l’instant où deux Foot-bots s’apprêtaient à bondir sur elle. Ils se percutèrent en s’empalant mutuellement, tandis qu’elle-même encaissait un coup de pied dans la poitrine, asséné par l’une des puissantes pattes mécaniques de Fishface. Le souffle coupé, elle se redressa malgré tout.

- C’est tout ce que tu as sous les écailles ? railla-t-elle, aussi mal en point soit-elle.

- Tu as de la chance que Shredder veuille te garder vivante, sale petite peste. Sans quoi je me ferais une joie de te tuer. Je n’ai jamais supporté ton caractère d’enfant pourri gâté.

- Viens me dire ça plus près, si tu l’oses.

Le ninjato qu’elle avait dérobé à Léo fendit l’air et sectionna partiellement les membres robotisés de Xever, mais cela ne suffit pas à les désactiver. Elle renonça à les achever quand elle dut parer l’assaut d’un Foot-bot, qui venait de surgir à sa gauche. Alors que, du coin de l’œil, elle en voyait un autre se rapprocher dangereusement, quelqu’un s’interposa à la dernière seconde.

- Si tu la veux, Fishface, il faudra d’abord me passer sur le corps, menaça Léo.

Le poisson le jaugea une seconde de ses yeux vitreux, puis leva ses nageoires avec désinvolture, tout en lâchant :

- D’accord.

Et il bondit sur Léonardo, prêt à l’écraser avec sa jambe surpuissante. La tortue se jeta sur le côté où elle roula sur elle-même, ses courbatures lui arrachant une grimace de douleur. Il devait néanmoins résister, s’il voulait aider Karai à vaincre ses adversaires et à rejoindre Splinter, qui avait encore plus besoin d’eux.

Avec son sabre, il trancha les chevilles artificielles du Foot-bot qui le menaçait, puis se redressa pour faire face à Fishface, qui semblait être à bout de patience. Le mutant fendit l’air avec sa nageoire, percutant Léo au flanc. Ce dernier s’en saisit pour restaurer son équilibre et mordit fermement les écailles au goût nauséabond. Il avait l’impression d’avaler un sushi avarié depuis plusieurs semaines.

- Saleté ! gronda Fishface. Moi aussi, je me délecterai quand tu ne seras plus qu’un bol de soupe.

Il remua la queue, forçant le ninja à lâcher prise. Léo recula d’un bond et s’affaissa légèrement, ses jambes peinant à le soutenir. Quelque chose percuta son dos, mais il se rassura en reconnaissant le contact soyeux des cheveux de Karai, venue se coller à lui pour s’assurer qu’aucun adversaire ne se faufilerait derrière elle.

- Il faut que tu sortes d’ici et que tu ailles aider maître Splinter, lui souffla la tortue. Il ne résistera pas longtemps face aux assauts combinés de Shredder et Tiger Claw.

- Au cas où tu ne l’aies pas remarqué, Léo, on ne peut pas dire que toi et moi sommes en meilleure posture.

Elle prit appui sur ses épaules et se décolla du sol pour projeter ses jambes vers l’avant et repousser deux Foot-bots, qui s’empalèrent sur les lames de leur semblable, pendant que Léonardo parait tant bien que mal les attaques frénétiques de Fishface. Son ninjato finit par se briser quand les membres bioniques du mutant le broyèrent sans pitié.

- Karai... murmura-t-il en déglutissant, avant de devoir se jeter à plat ventre sous la patte du poisson, tandis que la kunoichi décapitait un robot supplémentaire. Si jamais on ne s’en sort pas, je tiens à ce que tu saches que...

Elle ne l’écouta pas. Elle trancha le bras d’un Foot-bot dont la forme évoquait vaguement une faucille et, se faufilant entre les jambes d’un second, atteignit Fishface pour enfoncer son arme de fortune dans l’une de ses articulations artificielles. Il s’immobilisa aussitôt, incapable de continuer à se déplacer.

- Qu’est-ce que tu attends ? aboya Karai à l’intention de Léo, avec qui le mutant en aurait certainement fini sans son intervention. Achève-le !

Elle-même était de nouveau aux prises avec les robots de Shredder, qui lui tombaient dessus par horde. Léonardo rassembla ses forces pour asséner à Fishface le plus puissant coup de pied dont il était capable, ce qui suffit à faire basculer le poisson à la renverse.

Alors qu’il s’apprêtait à le neutraliser complètement, il remarqua que plus rien ne bloquait l’accès à la sortie, tous les Foot-bots étant concentrés autour de Karai. Arrachant le bras armé d’un robot désactivé, comme elle l’avait fait quelques secondes plus tôt, il se hâta de la remplacer face aux soldats métalliques du Destructeur.

- Va aider ton père, ordonna-t-il. Je m’occupe d’eux.

Karai marqua une brève hésitation, mais finit par hocher la tête et s’élancer à travers la pièce, piétinant au passage le corps de Fishface, qui poussa un râle malveillant, sans toutefois être capable de s’arracher à son impuissante posture.

***

- Vous entendez ? demanda Casey en ralentissant malgré lui.

- Oui, approuva Donnie. Des bruits de combat. Et ils proviennent de cette rue-là.

Ils négocièrent le virage dans une glissade et n’eurent pas le temps de s’arrêter pour évaluer la situation. Tout ce qu’ils aperçurent fut maître Splinter, que Shredder projeta sans pitié contre un mur, où Tiger Claw l’épingla avec son pistolet glaçant.

- C’est ainsi que ça devait se terminer entre toi et moi, Hamato Yoshi, gronda le Destructeur.

- Ce combat aura été à ton image, Saki. Celui d’un lâche et d’un traître, qui n’a même pas eu l’audace de m’affronter seul.

- Qu’importe le moyen, pourvu que tu disparaisses enfin de ce monde.

- La seule satisfaction que j’en retirerai sera de retrouver Tang Shen, un bonheur auquel toi, tu ne pourras jamais prétendre.

Le poing de Shredder se contracta en se levant, ses lames prêtes à empaler Splinter dans un mugissement de rage. Michelangelo, qui avait la chance de posséder une vitesse bien supérieure à celle des autres tortues, dégaina son kusagirama et le fit tournoyer au-dessus de sa tête, tout en se précipitant. L’extrémité s’accrocha à l’avant-bras du Destructeur, entravant son geste.

Mikey ne put cependant pas le retenir longtemps, car Tiger Claw fondit sur lui, toutes griffes dehors, et le jeune ninja dut lâcher prise pour se sauver lui-même. Donnie et Casey se ruèrent en même temps sur la chaîne et, avec leurs efforts combinés, parvinrent à la tirer suffisamment pour contraindre Shredder à reculer.

Marion dégaina son épée et fondit sur Splinter pour briser la glace qui le retenait prisonnier. Les muscles engourdis par le froid, le rat mit quelques secondes à trouver son équilibre, une patte posée sur l’épaule de la jeune fille.

- Maître, je ne veux pas vous bousculer, mais il ne faut pas rester là.

Elle essaya de le soutenir du mieux qu’elle put, mais Splinter pesait trop lourd pour elle. Au même moment, Shredder sectionna le kusarigama avec les lames d’acier de son poignet gauche, puis voulut asséner un coup de pied à son ennemi de toujours, que Marion encaissa à sa place. Le souffle coupé, elle tituba.

- J’aurais dû te tuer quand j’en avais l’occasion, siffla le Destructeur.

- Tu aurais dû, oui, parce qu’aujourd’hui, ça ne va pas être possible. J’ai promis à quelqu’un de rentrer vivante, et j’ai bien l’intention de tenir parole.

L’adolescente raffermit sa prise sur la garde de son épée, les mains moites et le cœur battant à tout rompre, tandis qu’elle se redressait. Elle savait qu’elle n’avait que peu de chance face au plus sombre guerrier du Clan des Foots, mais elle se raccrocha à la pensée que son père, en dépit de tous ses défauts, avait été le meilleur escrimeur qu’elle ait jamais vu. Et elle avait hérité de son don.

Donnie et Casey tentèrent de la rejoindre pour lui prêter main-forte, mais une salve de tirs projetée par Tiger Claw les dissuada de faire un pas de plus. Mikey abattit son nunchaku sur l’épaule du félin, si robuste qu’il parut à peine ressentir le choc. Marion serait donc seule face à Shredder, dressée entre lui et un Splinter pantelant.

C’était sans compter sur une porte qui s’ouvrit à la volée. Le bruit qu’elle émit en heurtant le mur fut tel que tout le monde se tourna aussitôt dans la même direction pour voir apparaître Karai. Bien qu’elle ne porte pas son armure métallique, mais un simple pull noir et un pantalon assorti, Karai semblait plus menaçante que jamais.

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