Un combat de tous les instants

Chapitre 18 : Coeurs meurtris

3427 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 08/11/2016 08:08

- Pour April et Marion... Hip hip hip, hourra !

Mikey, Donnie, Casey et Léonardo entrechoquèrent en même temps leur verre de jus d'orange avec ceux des deux demoiselles qu'ils honoraient. Ils étaient tous assis sur le contrebas de la salle principale du repère, à l'exception de Raphaël, installé juste derrière eux, au pied de l'escalier.

- Je ne vois pas pourquoi vous vous réjouissez, grommela-t-il. Cette mission a été un échec sur toute la ligne et on s'en est sorti de justesse grâce à l'incroyable coup de chance de Marion.

- Du talent, mon cher, répliqua-t-elle. À ce stade-là, on appelle ça du talent. Et de rien. Ce n'est pas comme si je t'avais sauvé la vie, après tout.

- C'est quand tu me le rappelles avec ce petit air narquois que je pense que tu aurais effectivement dû me laisser me noyer.

- Raph, ne sois pas aussi pessimiste ! s'exclama Léo. Après tout, l'objectif était de placer un traceur sur Karai, et j'ai réussi. Le reste n'est que de regrettables dommages collatéraux.

- Nous avons tous failli y rester. Dire qu'il s'agit de dommages collatéraux est un euphémisme.

- On est vivant, c'est le principal, souligna Mikey avec sa bonne humeur habituelle. Pourquoi manquer une occasion de faire la fête ?

- Parce qu'aujourd'hui, les mutants de Shredder nous ont mis en pièce, Casey et moi. Si nous ne sommes pas de taille à lutter contre eux, comment espérez-vous que l'on puisse se pointer dans la dimension X, libérer les humains et vaincre les Kraangs une bonne fois pour toute quand on n'est même pas fichu de venir à bout de trois mutants ?

- On n'est jamais plus fort que lorsqu'on travaille en équipe. Le jour où on ira casser de l'extra-terrestre, on sera tous ensemble.

Tout le monde approuva les propos que Léonardo venait de prononcer et qui concluaient bien la conversation, mais Raphaël ne sembla pas moins renfrogné pour autant. Il se contenta de croiser ses bras sur son poitrail, la moue boudeuse, pendant que Michelangelo resservait une tournée de jus d'orange.

Il ne pensait déjà plus au sort qu'avait subi son ancien ami et actuel ennemi Rahzar, ni même à Leatherhead qui avait refusé de les suivre au moment de regagner le repaire, car il avait jugé préférable de rester seul dans les égouts, là où il ne menaçait la vie de personne, encore moins de ses amis.

- Ces réjouissances sont certes plaisantes, mais elles ne vont pas durer, indiqua Donatello, le nez dans son T-Phone.

Aussitôt, tous les regards se tournèrent vers lui. Il avait encore une vilaine bosse sur l'arrière du crâne, contre laquelle April avait fixé un morceau de tissu imperméable dans lequel était emballé un peu de la glace produite par la Minette de Mikey.

- Je viens d'effectuer toute une série de calculs. Pour le moment, le traceur continue à émettre, mais je crains que l'acide contenu dans le corps de Karai ne tarde pas à le dissoudre. Je les ai conçus pour être résistants, mais pas pour baigner dans du venin de serpent mutant.

- De combien de temps disposons-nous ? interrogea immédiatement Léo.

- Une trentaine d'heures, je dirai. Peut-être moins. Ça ne nous laisse pas beaucoup de temps pour mettre au point un piège et la capturer, surtout qu'elle est plus maligne et plus dangereuse que jamais.

Le rictus de Raphaël leur parvint, mais ils choisirent tous de l'ignorer. Marion reprit la parole, en réponse aux propos de Donnie :

- De toute façon, nous devons mettre la main sur elle le plus vite possible, puisque d'après Casey et Joyeux, les sbires de Shredder sont également à ses trousses. S'ils la ramènent à leur maître, nous ne pourrons plus rien pour lui venir en aide à ce moment-là.

- Attendez, on ne va pas repartir dans les égouts dès maintenant ? gémit Mikey. On vient à peine de rentrer et j'ai mal à la carapace, moi !

Même si les autres se montraient plus courageux face à leurs blessures, leurs trahissaient qu'ils pensaient la même chose. Léonardo gardait encore quelques séquelles du poison, notamment une certaine faiblesse, Casey et Raph étaient en très mauvais état suite aux nombreux coups de taser qu'ils avaient subi et Donnie souffrait de maux de tête par intermittence.

- Accordons-nous quelques heures de repos bien méritées, décréta Léo. Après ça, nous mettrons sur pied un plan pour attraper Karai.

- Parfait. Qui veut une pizza ? proposa Mikey avec enthousiasme.

***

- Eh, qu'est-ce que tu as à te trémousser de la sorte ?

Marion observa Michelangelo qui s'agitait sans cesse, dansant d'une patte sur l'autre, alors qu'il se tenait face au four, dans lequel une quatre fromage était en train de dorer lentement.

- Envie pressante... Toilette... Peux pas... Pizza...

- Quoi ? Tu te retiens juste pour regarder la pizza cuire ? C'est absurde. Vas-y, je vais la surveiller.

- Tu es sûre que tu t'en sens capable ? l'interrogea la tortue avec un regard soupçonneux. Je te préviens, Marion, il en va de notre amitié. Si je reviens et qu'il s'avère qu'elle est brûlée, tout est fini entre nous.

L'adolescente éclata de rire avant de l'embrasser sur le front, ce qui fit virer ses joues vertes au rose. Il afficha un sourire béat, puis tourna distraitement les talons pour quitter la cuisine. Marion se laissa tomber sur une chaise. Même si April et elle avaient moins à se plaindre de leur journée que les garçons, elles n'en étaient pas moins exténuées. La rouquine s'était d'ailleurs assoupie dans le salon, au moment où elle s'apprêtait à allumer son ordinateur.

Quelques minutes s'écoulèrent, durant lesquelles la jeune fille n'eut de cesse de surveiller la cuisson de la pizza. D'ici peu, elle devrait la sortir du four et, ainsi que Mikey l'avait mise en garde, elle ne devait surtout pas manquer le moment opportun. Alors qu'elle saisissait un torchon pour se l'enrouler autour de la main, la porte s'ouvrit.

Elle s'attendait à voir Michelangelo apparaître dans le chambranle, cependant il s'agissait de Casey. Elle lui accorda un bref coup d'oeil avant de ramener son attention sur la quatre fromages. Bien qu'elle ne le voie pas, elle le sentit se rapprocher d'elle.

- Fais pas attention à Raph, c'est un crétin, affirma-t-il.

- Ça, ce n'est pas un scoop. Je m'en suis aperçue dès le premier jour.

- T'as vraiment été hyper courageuse, aujourd'hui. Sans toi, on serait sans doute plus là pour en parler.

- Bien sûr que si. Mikey et Leatherhead auraient trouvé le moyen de vous sauver, j'en suis convaincue.

Le silence revint sur la pièce. Marion ne quittait pas la pizza des yeux, mais elle sentait le regard de Casey braqué sur elle. Alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir le four, il la retint par le poignet. Elle se tourna vers lui, interrogative.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Bah... Ça fait un petit moment que je trouve que t'es une fille pas commune, mais avec ce que tu as accompli aujourd'hui, ça te donne encore plus de swag.

- Euh... Ouais, si tu le dis.

Marion était mal à l'aise. Casey était désormais tout près d'elle, à une vingtaine de centimètres de son visage, et cette proximité soudaine la gênait. Elle aurait aimé se reculer, cependant l'adolescent la tenait toujours.

- Casey, tu...

- Chut, t'inquiète. Je gère.

Sans crier gare, il l'empoigna par la taille et tenta de l'embrasser. La jeune fille, désemparée, ne sut pas immédiatement réagir. Il frôlait presque ses lèvres lorsqu'elle esquissa un geste pour le repousser. Casey interpréta sans doute mal son mouvement, car il insista davantage.

Quelqu'un pénétra dans la cuisine. Il ne s'agissait toujours pas de Mikey, mais de Raphaël, cette fois-ci. La tortue s'immobilisa sur le seuil pour leur adresser sa traditionnelle expression renfrognée, tandis que Casey, pris de court, desserra son étreinte autour des hanches de Marion.

- Au lieu de vous bécoter, vous feriez bien de remarquer que la pizza est en train de cramer, grommela-t-il.

Il se dirigea vers le four, l'ouvrit et tira vers lui la spécialité italienne avec la pointe de son sai. Marion profita de cette distraction inattendue pour s'éloigner de Casey en grimaçant. Elle n'arrivait pas à croire qu'il avait failli l'embrasser, elle qui avait toujours songé qu'il était plus ou moins intéressé par April.

- On ne se bécotait pas, se justifia-t-elle. Il...

- J'en ai rien à faire, de vos histoires. C'est auprès de Mikey que tu devras t'expliquer quand il te demandera pourquoi la croûte de la pizza est noire.

Après avoir prononcé cette remarque désobligeante, Raph se coupa une part et quitta la cuisine, sans un mot. Marion, désireuse de ne pas rester seule une seconde de plus avec Casey, lui emboîta le pas, sans laisser à l'adolescent le temps de la retenir. Elle avait vraiment envie d'oublier ce qui venait de se passer.

***

- Eh bien ! L'ambiance est joyeuse, ce soir !

April, après avoir été prendre une part de pizza sans le carton qui était posé à côté de Léonardo, se laissa tomber sur un coussin à proximité de Marion. Celle-ci ne réagit même pas, se contentant de fixer un point invisible devant elle en mâchant exagérément un morceau de pâte.

- Eh oh ? Il y a quelqu'un ? insista la rouquine.

- Hein ? Quoi ?

- Qu'est-ce que vous avez tous, depuis tout à l'heure ? On dirait que vous faites la tête.

Le regard de Marion balaya distraitement la salle. Mikey contemplait d'un air abattu le morceau de pizza brûlée qu'il tenait entre ses pattes. Raph était assis à l'écart, comme à l'accoutumée. Casey affichait une expression vexée depuis que l'adolescente l'avait planté au beau milieu de la cuisine. Quant à Léonardo, il semblait perdu dans ses pensées.

- C'était une salle journée pour tout le monde... affirma simplement la jeune fille.

- Il y a une demi-heure de ça, tout allait très bien. Qu'est-ce qui s'est passé entretemps ?

- Rien. J'ai laissé trop cuire la pizza alors que Michelangelo m'avait demandée de la surveiller. Depuis, il se sent trahi.

- D'accord, mais les autres ? insista April. Léo, ça ne m'étonne pas vraiment, il est toujours mélancolique lorsqu'il est question de Karai. Raphaël... Bon, même pas besoin de te faire un dessin. Mais Casey, ça ne lui ressemble pas. C'est pas son genre de bouder de la sorte. J'ai raté un épisode ?

Marion prit une inspiration, mais ne répondit pas immédiatement. Elle hésitait à parler à son amie de ce qui s'était produit dans la cuisine. Depuis le début, elle la soupçonnait de former avec l'adolescent et Donatello une sorte de triangle amoureux relativement complexe.

- Quoi qu'il puisse avoir, ça lui passera, je suppose.

- Tu as raison. Il n'empêche que je devrais peut-être aller lui parler. Casey est plutôt mauvais joueur. La défaite que Raph et lui ont essuyée face aux sbires de Shredder n'a certainement pas dû lui plaire.

- Et si tu commençais par parler à Donnie, avant ?

D'un mouvement de la tête, Marion désigna discrètement la tortue qui avait les yeux rivés sur elles. Lorsque l'intellectuel s'aperçut qu'elles le fixaient également, il s'empressa de baisser la tête et de se remettre à pianoter sur le clavier de l'ordinateur portable qu'April lui avait cédé, pour ses recherches.

- J'attends le bon moment.

- Il n'y en aura pas, tu le sais très bien. Que ce soit maintenant ou dans six mois, ça ne sera pas plus facile à dire. Ça risque même d'être plus dur.

- J'ai peur des répercussions que ça peut avoir sur l'équipe. Tu ne t'entends pas avec Raph, il n'a jamais pu supporter Karai, Donnie et Casey peinent à se travailler en équipe sans se disputer... Ce n'est vraiment pas l'instant idéal pour rajouter de l'eau dans le gaz alors que nous sommes en guerre contre les Kraangs et que Shredder attend le moindre faux pas des tortues pour leur taillader la carapace.

Marion ne releva pas. D'un côté, April avait raison sur les relations houleuses qu'entretenaient certains membres du groupe entre eux, mais d'un autre, elle craignait qu'elle ne continue à se trouver des excuses du même genre pour ne jamais avoir à s'expliquer avec Donatello.

Elle-même jeta un regard à Casey, à l'autre bout de la salle. Elle ignorait ce qui allait se passer, suite à l'épisode qui s'était produit dans la cuisine. Allaient-ils faire comme si de rien n'était ? Ce serait préférable, évidemment, mais Marion redoutait qu'il ne réitère ses avances. À moins qu'il ne soit décidé à lui en vouloir de les avoir repoussées.

Au moins, elle avait réussi à dissuader April d'aller l'interroger sur son air renfrogné. Il valait mieux, pour l'heure, que tout le monde ignore cet épisode. Pour cela, il fallait cependant compter sur la discrétion de Raphaël, ce qui était moins sûr, d'autant qu'il s'était visiblement mépris sur la scène qu'il avait surpris.

Telle qu'elle le connaissait, il serait certainement capable de répéter ce qu'il avait vu autour de lui, bien que ce soit erroné, dans l'unique but de l'humilier. Marion serra les dents. Il avait beau lui avoir rapporté sa rapière, s'il s'avisait d'agir ainsi, elle n'hésiterait pas à le pourfendre avec.

- Bon, les gars... commença Léonardo en s'étirant. On ferait mieux d'aller dormir, qu'est-ce que vous en pensez ? Demain, levée à six heures pour mettre au point le piège dans lequel nous devrons faire tomber Karai. N'oubliez pas que le temps nous est compté. Il faut agir avant que le traceur ne cesse d'émettre.

- C'est bon, on est au courant, grommela Raph. Tu ne cesses pas de nous rebattre les oreilles avec ta Karai. Ça fait des jours que ça dure.

Sans cesser de grogner, il sauta sur ses pattes et se dirigea vers les escaliers. Le repaire comptait deux salles de bain. D'un commun accord et afin d'éviter les longues attentes, ils avaient décidé que les garçons emploieraient celle de l'étage et les deux filles celle du rez-de-chaussée.

April et Marion se levèrent en silence pour aller se brosser les dents, pendant que Léonardo prenait le sillage de son frère. Une fois qu'ils furent tous apprêtés pour la nuit, ils gagnèrent leurs couches respectives, installées dans la grande salle. Quant à maître Splinter, il s'était retiré dans ses appartements depuis leur retour.

Personne ne prononça le moindre mot au moment de s'assoupir, pas même pour se souhaiter une bonne nuit. Apparemment, l'euphorie qu'ils avaient éprouvé après être tous revenus sains et saufs de la mission s'était rapidement envolée. Même les deux adolescentes, qui avaient pourtant l'habitude de discuter un peu au moment de dormir, sombrèrent directement dans les bras de Morphée.

Il fallait admettre que la journée avait été exténuante pour tout le monde, et surtout chargée en émotion. Ils étaient tous passés plus ou moins près de la mort, que ce soit face à Karai, le trio de Shredder ou même Leatherhead. Cette pensée fit sursauter April, qui entrouvrit les yeux alors qu'elle avait déjà commencé à somnoler.

Son regard se porta immédiatement vers l'angle où Donatello dormait, bien qu'elle ne puisse le distinguer à cause de la pénombre. Elle secoua la tête en poussant un soupir. Elle avait eu si peur pour lui, aujourd'hui... Quand elle avait vu sa tête rebondir contre le béton, elle avait craint le pire.

Il était toujours là, pourtant, bel et bien vivant. Et il fallait qu'elle lui parle, ainsi que Marion le lui suggérait sans cesse. Si elle s'y refusait, cependant, c'était parce qu'une partie d'elle n'en avait pas envie. Une partie d'elle aimait Donatello et ne voulait pas le perdre.

Celle qui l'emportait, toutefois, était l'autre. Le fragment de son âme qui était trop rebuté à l'idée de la laisser tomber amoureuse d'une tortue. C'était pour cette raison qu'elle finirait, elle le savait, par se résoudre à suivre le conseil que son amie lui avait donné.

Elle poussa un soupir. Depuis qu'elle avait rencontré les Kraangs pour la toute première fois, elle avait compris que la vie n'était pas simple. Apparemment, les sentiments l'étaient encore moins.

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