Un combat de tous les instants

Chapitre 17 : De justesse

3459 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:31

 

Lorsque Splinter arriva enfin à l'endroit où April lui avait assuré qu'il trouverait Donatello et Marion, il sentit poindre en lui une légère inquiétude. En effet, il n'y avait personne dans les environs. Il se rassura toutefois en constatant qu'il n'y avait de traces de lutte. C'était toujours bon signe.

Il fouilla les alentours, à la recherche de son fils adoptif et de la jeune fille chargée de veiller sur lui. S'il finit par retrouver la tortue, soigneusement dissimulée dans un creux du tunnel, Marion n'était nulle part. Où quelle soit, elle était sans doute partie de son plein gré, après avoir pris la peine de placer Donatello à l'abri.

Splinter l'examina attentivement. April lui avait dit, entre deux halètements, qu'elle redoutait une commotion cérébrale. Une bosse était effectivement visible sur le crâne du scientifique et le choc, qui avait certainement dû être très violent pour la causer, risquait d'avoir également provoqué d'autres séquelles.

Par chance, le rat mutant connaissait quelques mantras anciens, destinés à aider au rétablissement des blessés. Son sensei les lui avait enseignés autrefois, au Japon, alors que lui-même n'était pas plus âgé que les sept adolescents qui partageaient désormais son quotidien.

Il plaça ses pattes griffues de part et d'autre de la tête de Donatello et se mit à psalmodier une incantation. Avec ses doigts, il appuyait à des endroits spécifiques du crâne de son fils. Il connaissait par cœur les gestes et les formules, en dépit du temps qui s'était écoulé depuis la dernière fois qu'il avait utilisé cette technique.

Il continua ainsi pendant plusieurs minutes, avant de cesser. Il avait fait tout ce qu'il pouvait pour aider la tortue et ne doutait pas qu'elle finirait par se réveiller. Il ne saurait cependant dire quand cela se produirait. Donatello était désormais l'unique maître à bord. Lui seul pouvait regagner la conscience.

Splinter choisit de demeurer auprès de lui aussi longtemps que cela s'avérerait nécessaire. Il effectua quelques allers-retours entre la galerie et le renforcement dans lequel Donnie était étendu, au cas où il apercevrait Marion, mais la jeune fille n'était vraisemblablement plus dans le secteur. Sans doute les autres avaient-ils eu à leur tour besoin de son aide.

La panique d'April, lorsqu'elle l'avait averti, lui avait permis de comprendre que tout ne s'était pas déroulé comme prévu. Apparemment, Léonardo avait été empoisonné par Karai et ses deux autres fils, ainsi que Casey, étaient en danger, bien qu'il ignore quelle menace pouvait planer sur eux.

Il s'en voulait terriblement. Il savait que les tortues avaient choisi de mener cette mission essentiellement pour lui, afin de lui ramener sa fille qu'il avait eu la tristesse de perdre sitôt après l'avoir retrouvé. Il se sentait responsable de ce qui arrivait, ainsi que des risques auxquels sa famille était exposée.

Il poussa un soupir, puis revint s'agenouiller auprès de Donatello. Il l'observa un instant, avant de décider de rajuster le bandeau mauve qui lui recouvrait les yeux, légèrement de travers. Alors que ses griffes pinçaient le tissu, il se retrouva face à deux prunelles d'un brun tirant sur le rouge. Donnie venait de se réveiller.

***

Mikey se frotta le crâne, car celui-ci était terriblement douloureux. Il venait de subir un sacré coup et mit quelques secondes à se souvenir de ce qui s'était passé. Fishface ne lui en accorda que trois, avant de lui sauter dessus. Sans réfléchir, la tortue roula sur le côté pour se mettre hors de sa portée, du moins temporairement.

Le poisson mutant menaçait de lui écraser la jambe sous l'une de ses puissantes pattes mécaniques, mais Leatherhead s'en rendit compte au même moment. Il repoussa Tiger Claw avec l'épaule pour fondre celui qui était autrefois Xever. Ses crocs se refermèrent sur l'une de ses nageoires, la transperçant au passage.

- Ouais, t'assure mon croco ! Couvre-moi, faut que j'atteigne Raph et Casey, maintenant.

Michelangelo recula autant que la plateforme le lui permettait pour prendre de l'élan et sauter sur la chaîne qui retenait ses amis prisonniers, pendant que Leatherhead s'arrangeait pour lui accorder un bref répit. Seul contre trois adversaires, il ne tiendrait pas longtemps.

- Booyakasha !

Mikey n'avait pas entamé sa première foulée que le cri retentit. À l'étonnement général, ce n'était pas lui qui l'avait poussé. Une silhouette humaine apparut de l'autre côté du boyau, pour se jeter sans hésitation par-dessus le tourbillon. Marion venait d'arriver à la rescousse, pour la plus grande joie de la jeune tortue.

De justesse, elle réussit à rattraper la corde en métal et à s'y agripper. Cinquante centimètres de moins lui auraient été fatals. Elle se laissa glisser jusqu'en bas, où Casey et Raphaël s'efforçaient de retenir leur souffle, car ils étaient à présent entièrement submergés. Les libérer ne fut pas une mince affaire, car la puissance de l'eau ballotait les crochets et rendait les mains de l'adolescente glissante.

Au terme d'un immense effort, elle y parvint. Raph, encore en meilleur état que Casey, aida son ami à se hisser le long de la chaîne, tandis que Marion remontait de quelques mètres. La force du tourbillon était telle que tenter de regagner la rive à la nage aurait été une véritable folie.

Michelangelo, galvanisé par l'arrivée inattendue mais bienvenue de la jeune fille, se battait avec encore plus d'entrain. De son nunchaku encore entier, il frappait Fishface sans ménagement. Bientôt, le poisson, mal en point, s'effondra à moitié. Quant à Rahzar, il fut précipité par Leatherhead dans les profondeurs du maelström.

Tiger Claw hésita un instant, mais donna finalement l'ordre de battre en retraite. Il était le seul encore en état de combattre, or à présent que la bande des tortues était en large supériorité numérique, avec en plus un monstre crocodilien à leur côté, poursuivre l'affrontement aurait été téméraire.

Il prit la fuite avec Fishface, sans le moindre regard pour le tourbillon qui avait englouti Rahzar, tandis que Marion, Casey et Raph rejoignaient Mikey et Leatherhead. Les deux compères s'ébrouèrent afin de chasser une bonne partie de l'eau qui les détrempait et l'adolescente, victime des éclaboussures, les imita.

- Les copains ! Vous êtes sains et saufs ! s'exclama Michelangelo en se jetant à leur cou.

- Ouais, ben c'est pas grâce à toi, grommela Raphaël avec sa bonne humeur habituelle. Tu avais notre vie entre tes pattes et tu as lamentablement échoué, comme toujours.

- Pff... Moi, au moins, je ne me suis pas retrouvé pendu à une chaîne au-dessus d'une eau déchaînée, après avoir été réduit à enclencher le signal d'urgence de mon T-Phone.

- En tout cas, s'il y a quelqu'un qui a assuré, sur ce coup, c'est bien Marion, souligna Casey. T'as vraiment été héroïque.

L'intéressée inclina la tête, flattée, et rougit légèrement lorsque le garçon vint la serrer dans ses bras. Raph, derrière lui, poussa un grognement, tandis que ses yeux se plissaient de mécontentement.

- Allez, vieux ronchon, admets au moins qu'elle a eu du cran.

- N'importe qui aurait pu faire pareil à sa place, se contenta-t-il de répondre.

- N'importe quelle personne sensée se serait surtout contentée de libérer Casey et de te laisser te noyer, répliqua Marion. Dire que j'aurais pu rendre ce fier service à tout le monde.

Mikey éclata d'un rire enfantin, avant d'insister pour présenter son amie à Leatherhead. L'adolescente observa le crocodile géant avec méfiante. April lui avait expliqué qu'il rentrait souvent dans de dangereuses colères, où il menaçait aussi bien ses alliés que ses ennemis, ainsi qu'il l'avait prouvé en blessant Donnie.

- Euh... Salut ? lança-t-elle avec un sourire hésitant, à une distance raisonnable. Moi, c'est Marion. Michelangelo m'a beaucoup parlé de toi. Il dit que tu es son meilleur ami.

- Je ne suis pas certaine de mériter un tel titre, mais j'en suis très honoré. Je suis également ravi faire ta connaissance, jeune fille.

Leatherhead esquissa ce qui ressemblait à une révérence grossière afin de la saluer, et Marion en fut surprise. À la façon dont il venait de s'adresser à elle, elle avait presque l'impression de se trouver face à un véritable gentleman... haut de deux mètres vingt, avec une mâchoire acérée et un corps recouvert d'écailles vertes.

Mikey, pendant qu'ils échangeaient quelques mots ensemble et que Raph et Casey se remettaient de leurs émotions fortes, s'approcha du tourbillon dans lequel Rahzar, alias Chris Bradford, avait disparu. Il n'oubliait pas toute l'admiration qu'il avait éprouvé pour lui, avant qu'il ne se révèle être l'élève de Shredder.

- Vous croyez qu'il est mort ? s'enquit-il, lorsque les autres remarquèrent sa soudaine mélancolie, si rare chez lui.

- Penses-tu ! Les mutants de Shredder ont montré à maintes reprises qu'ils étaient aussi résistants que de la couenne. Et puis, même si c'était le cas, ce n'est certainement pas moi qui irai le pleurer.

Marion, qui avait su lire la peine de Mikey dans ses yeux, voulut donner un coup de coude à Raphaël, mais elle s'y prit trop tard. La tortue orange, cependant, ne prêta aucune attention à ses propos. Elle s'approcha de lui et posa sa main sur son épaule.

- Les choses sont ainsi, Mikey, lui souffla-t-elle. Il appartient à l'autre camp, c'est son choix. Partons d'ici, à présent.

Son ami acquiesça et, ensemble, ils s'éloignèrent. Leatherhead ouvrait la voix, au contraire de Casey et Raph qui se soutenaient mutuellement, endoloris par les nombreuses tortures qu'ils avaient subies, fermant la marche.

***

April consulta une dernière fois le message que Marion lui avait envoyé. Elle lui en voulait un peu d'avoir abandonné Donatello tout seul dans les égouts au lieu d'attendre l'arrivée de maître Splinter, mais d'un autre côté, elle pouvait comprendre pourquoi elle l'avait fait. Elle était très proche de Michelangelo et penser qu'il était en danger avait dû être insupportable pour elle.

Donnie était sain et sauf. Elle avait eu l'occasion de le constater par elle-même, car elle avait dû passer par ce tunnel pour rejoindre Léonardo. D'après le sms que son amie lui avait laissé, elle le trouverait quatre galeries au sud, s'il n'avait pas bougé entretemps. Elle avait tenté de le contacter sur son T-Phone pour obtenir confirmation, mais il ne lui avait pas répondu. Soit il était trop faible, soit il avait déjà perdu connaissance.

D'après ce qui lui avait dit Donatello lorsqu'elle s'était immiscée dans son esprit à l'aide de ses pouvoirs psychiques, le venin de Karai était très certainement mortelle. Elle espérait ne pas s'être trompée dans la préparation complexe de l'antidote, qu'elle avait dû réaliser en suivant de mémoire les instructions données par la tortue inconsciente, sans quoi cela risquerait d'être fatal à Léo.

Lorsqu'elle arriva dans le secteur où elle était susceptible de le rencontrer, elle cria son nom à deux reprises, vainement. Aucune réponse ne lui parvint, pas même un faible gémissement. Plutôt que de perdre du temps à le chercher elle-même, elle décida de sonder les alentours avec son énergie mentale.

Elle ferma les yeux et se concentra. Cela serait beaucoup plus rapide que de fouiller chaque recoin de la galerie. Elle repéra une faible présente, à quelques mètres au sud. Apparemment, Léo s'était effondré sur les rails d'une ligne de métro. C'était une chance que ceux-ci ne roulent plus depuis que tous les habitants avaient déserté New-York ou s'étaient fait terraformer.

- Léo ! s'exclama-t-elle.

Elle venait de rouvrir les paupières et son regard se posa sur l'endroit indiqué par ses pouvoirs, où elle aperçut aussitôt la tortue inconscience. Sans hésiter une seule seconde, elle se précipita vers lui.

Léonardo était vraiment dans un sale état. C'était la première fois qu'elle le voyait sans bandeau, car il s'était servi de celui-ci pour effectuer un garrot au niveau de son bras, afin de ralentir la progression du venin. Ses écailles, là où s'étaient enfoncés les crocs de Karai, étaient boursoufflées et avaient pris une teinte violacée repoussante. Ses veines se dessinaient, et son visage paraissait aussi blême que possible pour un individu de couleur verte.

- Ça va aller, murmura-t-elle en s'accroupissant à sa hauteur. Je vais te sauver, ne t'inquiète pas.

Elle passa une main sous sa nuque et la souleva légèrement. Avec précaution, elle lui fit ingurgiter le contenu de la fiole qu'elle avait entre les mains. Elle la vida jusqu'à la dernière goutte, bien que Donnie lui ait affirmé que deux gorgées devraient suffire. Elle préférait se montrer prudente.

Après cela, elle n'eut rien d'autre à faire qu'attendre. Au bout de quelques minutes, son apparence commença à s'améliorer. Il reprenait progressivement des couleurs et ses vaisseaux sanguins perdaient en épaisseur. Sa plaie, en revanche, était toujours très laide. Il lui faudrait sans doute plus de temps pour guérir totalement.

- Ap...

Les lèvres de Léo s'entrouvrirent, pour laisser s'échapper un filet de voix. April s'extasia : elle avait réussi ! Évidemment, elle n'aurait jamais pu y parvenir seule, sans l'aide de Donatello, mais cela n'avait aucune importance. Ce qui comptait était que la tortue soit sauvée.

- Ne parle pas, tu es encore très faible. Karai n'a pas fait dans la dentelle, dis-moi...

Léonardo secoua faiblement la tête, tandis que l'adolescente l'aidait à s'asseoir. Il n'était pas encore en état de se mettre debout, mais il serait toujours mieux dans cette position qu'étendu sur le sol inconfortable et irrégulier, constitué des rails du métro.

- Et... les autres ? s'enquit-il dans un souffle.

- Donnie venait de se réveiller lorsque je l'ai croisé en chemin, mais je n'ai pas eu le temps de m'arrêter. Il fallait que je t'apporte l'antidote. Quant à Marion, Casey, Raph et Mikey... Je l'ignore.

Penaude, April se laissa tomber à côté de Léonardo et le silence revint sur la galerie. Ils étaient en train de songer à leurs amis avec anxiété lorsque le téléphone portable de la rouquine sonna. Elle décrocha immédiatement, soulagée de voir qu'elle pouvait capter d'ici, avec toutes les difficultés qu'ils avaient eues au long de la journée.

- Marion ! s'exclama-t-elle. Où es-tu ?

- Je ramène tout le monde sain et sauf. Hélas...

April entendit la voix de Raphaël en arrière-plan prononcer des paroles extrêmement désagréables, que l'adolescente ignora, tandis qu'elle-même esquissait un sourire amusé. Malgré le danger et les épreuves qu'ils affrontaient, ils restaient toujours tous fidèles à eux-mêmes.

- Et toi, où es-tu ? Comment va Léo ?

- Tiré d'affaire, du moins je crois. Il doit encore récupérer, mais dès qu'il sera en mesure de marcher, nous vous rejoindrons. Donnie s'est rétabli, lui aussi.

- Je suis désolée de l'avoir abandonné, confessa Marion. Si je ne l'avais pas fait, cependant, je ne serais jamais arrivée à temps pour sauver Casey et l'autre zigoto de la noyade... ce que je regrette déjà.

- De la noyade ? répéta April en haussant le ton pour couvrir les grognements de Raphaël. Qu'est-ce qui s'est passé, exactement ?

- Toute la clique de Shredder leur ait tombé dessus. Fishface, Rahzar et Tiger Claw. D'après ce que j'ai compris, il voulait se servir d'eux comme appâts. Celle qu'il voulait en réalité, c'était Karai.

Cette nouvelle n'étonna guère April. Le Destructeur était un être possessif et doté d'une jalousie maladif. Il ne supporterait certainement jamais de voir sa fille adoptive lui tourner le dos pour rejoindre le camp de son père biologique, alors qu'il avait passé des années à lui apprendre à le haïr.

- Mikey se fera une joie de te raconter toute l'histoire en détails, affirma Marion. Nous vous attendons.

La conversation fut coupée et April se tourna vers Léonardo, qui semblait de moins en moins mal en point. Il tenta de se mettre debout, alors qu'elle rangeait son portable dans la poche de son short et, malgré une légère grimace, il y parvint. Avec l'esquisse d'un sourire, il proposa :

- On y va ?

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