Transcendance

Chapitre 27 : SILYEN

4341 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/04/2024 16:55

Les doigts de pied tambourinant dans ses bottes, Sil s’exhorta à la patience, songeant que le cérémonial des Kils était encore plus épouvantable que celui des Egaux. Même s'il pensait avoir déjà tout vu, en tant qu’Enkaï, l’accueil officiel d’une reine de Naïtika qui possédait désormais le Don dépassait ses pires cauchemars. Il y eut les salutations, les cadeaux offerts par chacun des Cercliers, les discours (là, Silyen se retira dans son esprit et pensa à l’intéressante théorie d’un penseur flamand du XVII siècle sur la façon dont différents Dons pouvaient se combiner), une profusion d’interludes musicaux pour faire passer tout ce blabla, le rituel des douze cloches, la psalmodie des Gardiens.

Planté sur un podium, l’Egal reporta son attention sur le centre de la salle de réception royale. Sélénia était éblouissante. La princesse, ou plutôt la reine, n’avait plus rien à voir avec la jeune fille aux vêtements déchirés que Sil avait arrachée des geôles d’un palais de ce monde. Ses longs cheveux, savamment tressés, étaient ornés d’un diadème auquel pendaient des chaînettes en or se terminant par de minuscules étoiles.

Il fallait dire que la jeune femme avait utilisé à bon escient le Don que Sil lui avait transmis, en reconquérant son trône et en exécutant son oncle, l’usurpateur. Enfin, elle eut l’autorisation de se relever et d’embrasser le bas des marches menant au rideau masquant Awen. Puis vint le moment le plus intéressant. Elle voulut réitérer la manœuvre pour Silyen, mais celui-ci lui prit les mains et l’embrassa sur le front, provoquant quelques toussotements gênés face à ce manquement au protocole.

-     Je te salue, Sélénia Kementari, première du nom, vaisseau de l’heikan, reine de Naïtika et protectrice du Royaume, proclama l’Egal d’une voix forte.

Personne ne vit le rectangle de papier qu’il avait glissé à la jeune reine, lorsqu’il lui avait pris les mains. Elle devait rembourser sa dette, car il ne lui avait évidemment pas transmis une partie de son ancien Don sans arrière-pensée.


Après deux jours passés à « renouer les liens » entre Naïtika et la cité suspendue, Sélénia s’en alla. De son côté, Sil avait été absorbé par son exaspérant entraînement physique, sous la supervision de son non moins exaspérant entraîneur. Le seul moment plus agréable avait été celui où il avait revu Cimon, qui avait enfin arrêté de trembler en sa présence et reprenait visiblement goût à la vie. L’Egal s’était surpris à se reconnaître un peu en lui, en voyant la vitesse à laquelle il dévorait les livres qu’il lui prêtait, et en découvrant sa curiosité insatiable. Le petit Invisible était désormais au service de Bouda, représentant les yeux et les oreilles de Sil, même si pour l’instant, il s’était surtout pris d’affection pour le bébé - Dina - un choix de nom plutôt ironique, étant donné que Bouda ne gardait aucun souvenir de sa défunte sœur Dina.

L’Egal continuait aussi ses recherches secrètes avec le roi, dont l’esprit se révélait brillant. Le monarque arrivait à suivre les raisonnements les plus compliqués, sautant d'une pensée à l’autre avec aisance, et opposait toujours des arguments pertinents. D’un commun accord, tous deux avaient mis la prophétie de côté et se concentraient davantage sur l’origine du Don.

Mais ce soir-là, Sil ne se rendit pas aux appartements royaux pour leurs recherches communes. Awen l’avait invité à un souper « en toute intimité », et l’Egal était curieux de voir ce que cette invitation signifiait. Un coup de tonnerre suivi du flash d’un éclair illumina la salle à manger lorsque L’Egal arriva. Manifestement, « intimité » n’avait pas été un mot en l’air : excepté les Invisibles qui se chargeaient d’amener les plats, le roi était seul.

Son visage s’éclaira d’un grand sourire lorsqu’il aperçut Sil:

-     Enkaï, bienvenue! Installe-toi.

Leurs rapports avaient beaucoup évolué, songea l’Egal, qui répondit par un petit hochement de tête. La table, bien plus petite que celles qui trônaient dans la salle à manger officielle, était toute simple. Imitant le roi, il s'assit à même le sol, composé d’une sorte de mousse qui épousa ses formes - et il dut admettre que c’était bien plus confortable qu’un fauteuil. Puis il inspecta le contenu de son assiette: les curieux fruits roses qu’il affectionnait dans ce monde y trônaient bien en vue. Ses préférences étaient apparemment connues du maître des lieux.

-     En quel honneur m’invites-tu? demanda-t-il en poignardant un fruit avant de le porter à sa bouche.

Le sourire du roi s’accentua:

-     J’ai songé qu’un autre cadre que ma bibliothèque te plairait.

Sil devrait s’en contenter. Etrangement, le roi se montrait beaucoup plus détendu que d’ordinaire, se laissant aller à des confidences et à des anecdotes parfois très amusantes, surtout lorsqu’elles concernaient Nevë - qui aurait cru que le Cerclier avait une peur bleue des poissons? Mais l’Egal restait sur ses gardes; Awen était un politicien, il savait parfaitement ce qu’il faisait. S’il voulait lui extorquer des informations sur son monde de cette manière, il en serait pour ses frais.

Au fur et à mesure de la soirée, le ventre plein, confortablement installé, Silyen se laissa gagner par une douce somnolence, songeant qu’il avait sous-estimé la teneur en alcool de la boisson violette servie durant tout le repas. Il entendit vaguement le roi dire aux Invisibles qu’ils n’auraient plus besoin d’eux.

Puis une question d’Awen le sortit de sa torpeur:

-     Que signifie ce bateau que tu portes en pendentif?

-     En voilà une question indiscrète, marmonna Sil en se redressant.

-     Est-ce la seule réponse à laquelle j’aurai droit?

Sil se rallongea nonchalamment sur la mousse.

-     C’est un souvenir. Aucun sens particulier.

Il martela sa dernière phrase de manière à signifier que la conversation était close.

Le coin de la bouche du roi se releva. Ils allèrent dans la pièce d’à côté, où se trouvaient plusieurs tables basses jonchées de livres. Un balcon parsemé de colonnes donnait sur le ciel nocturne. En se penchant, Sil pouvait voir l’ensemble de la cité suspendue, illuminée à la faveur des éclairs zébrant le ciel : des îles et des îles se perdaient dans le vide, des forêts, des bâtiments, des ponts, des troupeaux semblaient suspendus au milieu de nulle part. Un vent froid le fit soudain frissonner. Il s’empressa de fermer les lourds rideaux, cachant le salon aux yeux du monde.

Awen alluma la cheminée avec la pierre qu’il portait autour du cou, et une agréable chaleur se répandit, en même temps qu’une étrange tension. Le silence était devenu si épais qu’il semblait hurler. Sil finit par fureter dans la pièce, effleurant un bas-relief, le tronc d’un des arbres.

Enfin, Awen murmura:

-     La cérémonie de l’union… Il y a une autre raison pour laquelle tu as refusé la Kils, n’est-ce pas?

Silyen, qui s’était emparé d’un vase et l’observait à la faible lueur des lampes, le reposa.

-     Que veux-tu dire? répondit-il sur le ton de la conversation.

Les lèvres d’Awen frémirent:

-     Une intuition. Mais il existe une expérience très simple qui me permettra de vérifier ma théorie.

-     Hmm, grommela Sil en retournant une sculpture représentant le Don personnifié.

-     Enlève ta chemise.

Les gens, toujours si prévisibles, arrivaient rarement à surprendre Sil. Pourtant, l’Egal se désintéressa complètement de la statuette et dévisagea le roi pour voir s’il était sérieux. C’était le cas. L’Egal réfléchit rapidement, puis déboutonna sa chemise avec une lenteur délibérée, en fixant Awen droit dans les yeux. Ses doigts tremblèrent légèrement lorsqu’il laissa le vêtement tomber par terre.

-     J’ose espérer que tu me rendras la politesse, murmura-t-il.

Le sourire du roi s’accentua. Il défit le laçage de sa chemise et découvrit une peau d’albâtre parsemée de tatouages. Sil reconnut instantanément les motifs: les symboles de chaque classe, tracés dans une encre dorée. Son souffle s’accéléra sous l’effet de l’excitation, et pas seulement en raison des tatouages.

-     Ce ne sont pas que des ornements, expliqua obligeamment le roi. Ces symboles ont été gravés avec le Don après mon couronnement. Ils ont la même fonction que les pierres, mais ne peuvent pas contenir autant de pouvoir. Il faut voir ça comme une botte secrète, ou une manière de prendre le relais lorsqu’une pierre se vide.

Silyen se rapprocha, tendit le bras et effleura un des tatouages. Il sentait effectivement le picotement caractéristique du Don. Puis il remonta ses doigts jusqu’à toucher le symbole des Aqueux, celui des Cultivateurs. Le souffle du roi s’accélérera.

-     Je me demande si… murmura Sil.

Et, oh, comme c’était intéressant. Le tour fut joué en quelques secondes. Le pouvoir du tatouage de Cultivateurs passa dans la pierre qu’il portait autour du cou. Puis celui des Aériens.

Le roi haussa les sourcils:

-     Tu es toujours aussi curieux, Enkaï. Mais ces tatouages ne sont pas faits pour être dérobés.

Sans répondre, Sil continua son exploration, caressant les symboles les uns après les autres, et la peau douce qu’ils recouvraient. Le roi n’avait rien d’une force de la nature comme Gavar, il était musclé tout en finesse.

-     Ton expérience est-elle arrivée à un résultat? murmura-t-il au roi.

-     Plusieurs étapes sont nécessaires afin d’écarter tout biais, répondit le roi sur le même ton. Tu vas aimer la suivante… Enlève ton pantalon.

-     Quand on me réclame une faveur, j’aime bien obtenir quelque chose en échange, réclama Sil en se détachant d’Awen.

-     Une faveur?

-     Vois ça comme tu veux.

Le roi eut un air amusé, puis lorsque Sil le lui demanda, il détacha son pendentif et le lui tendit. L’Egal le fit tourner entre ses doigts d’un air avide.

-     Fascinant, commenta-t-il en analysant les dix facettes du Don contenues dans l’objet.

Il scruta le joyau pendant plusieurs minutes. Puis, après un délai tout juste assez long pour en devenir frustrant, il enleva ses bottes d’équitation, dénoua les deux cordons qui retenaient son pantalon et le laissa glisser le long de ses hanches.

-     Quelle est la troisième étape? demanda-t-il avec un sourire ironique, posant la pierre du roi sur le vêtement.

Awen se rapprocha de lui, jusqu’à ce que l’Egal sente la chaleur rayonner de sa peau. Il avait conscience d’être complètement vulnérable. À part Luke, cela faisait longtemps que personne ne l’avait vu en sous-vêtement, mais loin de le paralyser, cette pensée le stimula au plus haut point.

Le roi le fit reculer jusqu’à ce qu’il soit adossé à une des colonnes de la chambre, puis se pencha vers son oreille:

-     Pulsion cardiaque extrêmement rapide, souffle court, afflux sanguin dans le visage, sudation, tremblements. Tu présentes tous les signes Enkaï.

Il se pencha davantage et lui lécha l’oreille.

-     Tu n’aimes pas les femmes, mais les hommes.

C’était d’une telle évidence, songea Sil, qui trouva pourtant cette phrase curieusement excitante. Ses jambes se mirent à trembler.

Il sentit les lèvres du roi sur sa bouche, tandis que le monarque le saisissait par les hanches et le plaquait contre lui, possessif. L’Egal répondit férocement au baiser, chassant sans ménagement le souvenir d’une cellule, d’un Doué asiatique qui l’avait frappé, puis déshabillé de force, avant de saccager sa dignité.

-     Viens, souffla Awen, en l’entraînant jusqu’à la pièce d’à côté.

C’était sa chambre à coucher ; l’immense lit qui occupait la pièce ne laissait aucune place au doute. Silyen, l’esprit embrumé par l’alcool, était étonné de la rapidité des événements, mais il laissa le roi le faire basculer sur le matelas.

Awen s’allongea sur lui. Ses lèvres, brûlantes, se posèrent au creux de son cou, faisant naître des frissons délicieux et leurs corps se collèrent l’un à l’autre, moites de désir. Puis le roi se redressa, contemplant Sil, le souffle court. L’Egal avait conscience d’être à sa merci, quasiment nu sur le lit, et laissa cette nouvelle sensation l’envahir. Awen posa tout doucement sa main sur son torse, caressant sa peau d’un lent mouvement. Seules leurs respirations haletantes troublaient l’air, désormais, et lorsque la main se fit plus entreprenante, l’Egal ne put retenir un petit gémissement.

Il repoussa soudain le roi pour se jucher à son tour sur lui.

  Se penchant progressivement en avant, il passa la main dans ses cheveux. Juste au moment où ses lèvres trouvaient celles d’Awen, il y trouva l’objet qu’il avait caché au milieu de ses boucles, et le plaqua brutalement sur la tempe du roi. Simultanément, il créa une bulle de silence grâce à la pierre qu’il portait en médaillon, afin d'étouffer les sons. Privé de son propre médaillon et du pouvoir de ses tatouages, le roi ne put contre-attaquer.

Sentant l’excitation provoquée par les caresses le déserter, l’Egal recula, voyant le monarque se rouler sur le lit en criant et en se tenant la tête. Si tout se déroulait comme prévu, la gemme qu’il y avait plaquée était en train de se fondre dans sa peau. Il l’avait volée dans le seul endroit où elles se trouvaient à Kils: la réserve royale. Les indications relayées par Cimon, avaient été précieuses.

Silyen avait soupçonné l’existence de ces pierres grâce à un faisceau d’indices: il ne semblait y avoir aucun délit à Kils, le mariage n’existait pas plus que l’amour et les enfants étaient élevés par tout le peuple sans que personne ne les revendique, sauf, secrètement, chez les Invisibles. Comme l’utopie n’était qu’un doux rêve porté par quelques illuminés, Sil avait creusé jusqu’aux racines peu reluisantes de ce monde. Et il avait trouvé la réponse à la deuxième énigme: la raison pour laquelle toutes les facettes du Don étaient utilisées à Kilsaï à l’exception d’une seule: la facette mentale. Or, la persuasion était un outil assez puissant pour forcer tout un peuple à vous obéir et pour chasser toutes ces petites choses capables de gripper les rouages: la jalousie, la passion, la colère, la possession. Son père Whittam en avait fait une brillante démonstration durant toute sa vie.

 Sil avait donc simplement retourné son propre pouvoir contre Awen.

Mais avoir accès à cette facette avait été compliqué. Sélénia était venue à Kilsaï à sa demande, sous prétexte de renouer les liens entre Naïtika et la cité suspendue. Elle avait insufflé la facette mentale de son Don dans la pierre que Sil avait dérobée. C’était certainement ainsi que le roi contrôlait son peuple: à travers ces pierres qu’il devait poser sur le front de chaque nouveau-né, dans le plus grand secret.

Dans sa bulle de silence, le roi continuait à crier, ce qui commençait à taper sur les nerfs de l’Egal.

-     Tais-toi, ordonna-t-il sèchement.

Les cris s’arrêtèrent aussitôt.

Sil savait que père adorait se repaître du regard de ceux qu’il avait trahis. L’Egal ne partageait pas ce plaisir obscène, mais Awen le décevait. Le désir, qui tuait la lucidité, expliquait peut-être qu’il ne se soit pas interrogé sur la facilité avec laquelle Sil avait répondu à ses avances:

-     Je ne te pensais pas si naïf, lança l’Egal, toujours à moitié nu. Tu croyais réellement que je n’allais pas découvrir l’existence d’une troisième faction à Kilsaï? Il y a la plus évidente, celle qui veut que j'accomplisse la prophétie. La deuxième veut exactement le contraire; j’en ai eu quelques charmants aperçus dès mon arrivée ici. Et enfin, il reste ta faction. Pauvre Awen. Tes questions innocentes, ta proposition de mener de recherches… Tu étais si touchant. Je reconnais que ton jeu était subtil: faire croire que tu m’encourageais alors qu’en vérité, tu m’aurais trahi dès que j’aurais découvert la façon de transmettre le Don. Je suppose que tu m’aurais éliminé puis utilisé cette information pour hisser Kilsaï à la tête de ce monde? C’est d’une banalité…

La colère du roi semblait avoir disparu, remplacé par une expression d’une neutralité calculée, mais Sil n’était pas dupe. Il avait la confirmation de ce qu’il avait interprété grâce aux informations glanées auprès des Invisibles par le biais de Cimon.

Il était temps de passer à la suite. Personne ne savait ce qui était en train d’arriver dans la chambre, mais pourquoi prendre des risques inutiles? A sa demande, le roi fit apparaître le bouclier qu’il avait déployé afin d’empêcher Luke ou un quelconque Doué de venir ici: il s'agissait d'un fin maillage doré, semblant flotter dans les airs. Sil se souvenait précisément du moment où Awen avait affirmé qu’une telle protection n’existait pas. Mais l’Egal savait encore reconnaître le Don. Et aussi le mensonge. Il avait simplement attendu le bon moment pour frapper. Sur son ordre, le maillage disparut, comme soufflé par une légère brise.

-     Astucieux, commenta Sil.

Il n’avait pas imaginé que la barrière avait uniquement été tissée autour de lui. Le roi avait dû profiter de son sommeil, juste après son arrivée à la cité suspendue.

-     Autre chose, poursuivit l’Egal en remettant son pantalon et sa chemise. Je n’ai aucune envie de participer à ce charmant rituel que vous nommez Épreuves, tu vas donc m’épargner cette peine. (Il jeta un regard en biais au roi). Je parie que tu l’avais déjà prévu… Tu sais aussi bien que moi que la première faction en aurait profité pour tenter de m’éliminer. Aucun garde du corps, et une course où tous les coups sont permis, ils ne pouvaient rêver mieux. Je te demande simplement d’accélérer le mouvement.

Cette fois, Awen eut un reniflement méprisant.

-     Jamais.

-     On dirait que je ne me suis pas assez bien fait comprendre, murmura Sil d’un ton menaçant en se connectant davantage à la pierre qui palpitait à l’intérieur du roi.

Dix minutes plus tard, invisibles, ils se trouvaient dans le saint des saints de Kilsaï. C’était manifestement là qu’étaient emmenés les vainqueurs des Épreuves. Awen entonna une mélopée qui fit se dresser les poils des avant-bras de Sil. L’air se mit à crépiter et la grotte sembla tanguer. Le monarque commença à bouger de manière étrange, comme s’il suivait une danse dont lui seul connaissait les mouvements. Ses bras balayaient l’air, ses doigts griffaient le vide et ses pieds caressaient le sol. Soudain, la lueur douée de l’autre côté du miroir se mit à palpiter. Une flèche de Don surgit. Elle fendit l’air, comme la première fois où Sil s’était retrouvé face au miroir. Mais cette fois, au lieu de revenir en arrière, elle continua son chemin et se ficha dans le front de l’Egal.

Silyen haleta, s’attendant à une réaction, mais rien ne vint. Il se sentait comme d’habitude, exactement comme lorsque le même phénomène s’était produit, quand il était devenu héritier de Far Carr: une étincelle avait jailli des vitres de la Maison de la Lumière et s’était fondue dans son torse.

-     Était-ce normal? demanda-t-il à Awen.

Ce dernier haussa les épaules, les yeux brûlant toujours d’une rage contenue.

-     C’est ce qui arrive à tous les Kils qui remportent les Epreuves.

Sil tendit la main. Mais au lieu de traverser le miroir, ses doigts en heurtèrent la surface froide. Quoique le phénomène ait été, il ne lui permettait toujours pas d’accéder à ce qu’il supposait être le monde du Don.

Il regarda Awen.

-     Maintenant, tu vas me dire tout ce que tu sais des Féins de Tal.

Le roi avala sa salive. Au lieu de l’insulte qu’il semblait sur le point de cracher, il expliqua avec des mots hachés, qu’il tentait en vain de retenir:

-     C’est… un peuple qui vit reclus dans les montagnes de Tal… Nous ne savons pas grand-chose d’eux…. Ils ne tuent jamais et vivent du commerce de Kel, un métal très rare. Ils ont des oreilles et des réflexes de félins.

Sil savait déjà tout cela, car il avait compris que sa quête le mènerait aux Féins dès qu’il avait vu le symbole en forme de huit entourés d’un cercle, sur le miroir de ce saint des saints. Ce même motif était tatoué sur la nuque de l’homme et de la femme-chat qui les avaient accompagnés jusqu’à la frontière de Kilsaï, lors de sa première venue dans ce monde. Comprenant qu’il n’y avait rien de plus à tirer du roi, il lui lança :

-     Maintenant, ouvre-moi un portail jusqu’à la vallée de Tal. Je sais que tu en es capable.

Car il restait persuadé qu’un lien existait entre les Féins et les Kils: le symbole sur le portail en témoignait. Mais quelqu’un semblait avoir voulu effacer cette connexion. Quand? Dans quel but? Était-ce lié au monde du Don? Ou au mystérieux trou noir dans l’histoire des Kils?




Note de l'autrice Hihi, j'espère que vous êtes remis de vos émotions, en espérant que vous n'ayez pas vraiment cru que Silyen était tombé sous le charme d'Awen. ^^ J'ai construit ce chapitre en miroir avec le précédent, parce que j'avais envie de montrer que Luke et Sil étaient tous deux soumis à la tentation dans leurs mondes respectifs. Cette tension était assez fun à instiller et j'ai adoré imaginer ces chapitres, qui font partie de ceux dont je suis le plus fière. L'écriture coulait vraiment de source.


Et je suis TELLEMENT CONTENTE! Parce qu'avec ces chapitre et les deux précédents, j'ai atteint la phase d'accélération de ce tome 5. :D Maintenant que le cadre est bien posé, les événements vont s'enchaîner et le rythme va devenir de plus haletant, avec des renversements de situation, jusqu'à un final qui, je l'espère, vous surprendra. Encore merci de me lire! Comme toujours, n'hésitez pas à poster un commentaire ou à m'écrire en MP via le Forum de fanfiction.fr, je vous répondrai, promis.



Sinon, petit rappel: La Maison de la Lumière était le lieu où se rassemblait le Parlement des Egaux, dans la trilogie de Vic James. Ses vitres semblaient refléter un monde étrange (le monde du Don selon les supposition de Sil). Un éclat de Don en avait surgi, puis s'était fait absorber par l'Egal dans le tome 2, mais Vic James n'en avait pas dit plus à ce sujet...


Les deux Féins mentionnés à la fin de ce chapitre ont été rencontrés par Silyen dans le tome 4 que j'ai écrit. Ils étaient partis de leur côtés, et nous étions restés sans nouvelles jusqu'à maintenant.

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