Résonances
Pour l'illustration du chapitre, c'est par ici ;)
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Sauf que Tom s’était trompé. Son groupe préféré passait juste après. Il brailla immédiatement une dizaine de messages vocaux allant de plus ou moins compréhensibles à totalement débiles à ses potes, pour leur demander de leur réserver une place vers la scène.
Parce que les réclamations bruyantes du ventre d’Alexis avaient décidé de la suite des opérations. Direction le stand de nourriture, où les files étaient à peine moins longues qu’avant. Et évidemment, il fallait qu’ils tombent sur les seules personnes qu’Alexis comptait soigneusement éviter: Luke et Silyen. Le premier semblait saliver d’avance sur la bouffe qu’il allait bientôt engloutir, le deuxième attendait à côté de lui d’un air maussade.
Quand ils les aperçurent, Luke leur fit de grands signes et Tom se dirigea immédiatement vers lui, comme un chat à la vue de ses croquettes préférées. Alexis fut obligé de le suivre, puis de le tirer in extremis en arrière, lorsqu’il faillit s’écrouler sur Silyen. Merde.
– Euh désolé, il a un peu bu, lâcha-t-il à contrecoeur.
Même s’il ne l’appréciait pas, ce mec étrange avait quand même droit à des excuses.
– T’en fais pas, on a vu pire, hein, Sil? intervint immédiatement Luke.
Le jeune homme aux yeux dorés leva les yeux au ciel.
– Tu veux parler du monstre dans le monde noir?
L’expression de Luke fut si catastrophée qu’elle en parut comique. Alexis n’avait pas la moindre idée de quoi ils parlaient et il s’en fichait. Puis Tom déclara bruyamment qu’il allait manger le sandwich de sa vie et Alexis se retrouva coincé entre lui et Luke. Génial.
Heureusement, il n’eut pas à faire la conversation, mais il aurait préféré, parce que Luke et Tom se mirent à comparer les mérites de leurs groupes préférés, qui passaient tous les deux au festival. Putain, ils étaient intarissables, et Silyen était sans surprise aussi utile qu’un tube de vaseline vide, soudain fasciné par les poutres du chalet en bois abritant la bouffe. Non mais putain, on aurait dit qu’il se demandait comment elles avaient été assemblées.
Alexis essaya bravement d’ignorer la jalousie qui lui labourait les entrailles, se consolant avec son bras fermement et possessivement passé autour de la taille de Tom, histoire de subtilement marquer son territoire. Enfin, la délivrance: un bénévole lui demanda ce qu’il voulait manger. Alexis lâcha le nom d’un snack au hasard et se retrouva avec un gros carton de pâtes au pesto entre les mains. Tom arriva avec son sandwich fumant et une énorme barquette de frites, exactement la même commande que Luke. Quant à Silyen, il avait étonnamment opté pour un hamburger, alors qu’Alexis l’aurait plutôt imaginé en train de se plaindre parce qu’il n’y avait pas de caviar.
Ils étaient en train de progresser vers les tables en bois, alignées entre la scène et le chalet quand Alexis se sentit tiré sur le côté. Il mit une seconde à comprendre ce qu’étaient ces rectangles dorés qu’il tombaient en pluie sur lui – des frites. La deuxième seconde, il réalisa, horrifié, que Tom l’avait brusquement agrippé parce qu’il était en train de se casser la gueule. La troisième seconde, il entendit un gémissement de douleur. Tom gisait dans l’herbe, recroquevillé sur lui-même. Non, non, non. Ces foutus trous dans l’herbe! ça pouvait pas être possible! Pas maintenant!
Affolé, il se jeta par terre, demandant à Tom si ça allait. Evidemment que ça n’allait pas, quelle réponse espérait-il? Son petit ami était blanc comme un linge. Celui-ci roula sur le dos, retenant à grand-peine des larmes de douleur, et ramena son genou contre lui. Apparemment, sa cheville avait ramassé. Elle commençait à gonfler et formait un angle inquiétant.
Puis Tom perdit son combat contre les larmes:
– Non! Putain fait chier! articula-t-il d’une voix hachée.
Qu’est-ce qu’il fallait faire? Mais qu’est-ce qu’il fallait faire?
- Faut appeler les samaritains, finit par bredouiller Alexis, tandis que Luke se laissait à son tour tomber à côté de lui.
Mais au lieu de faire ce qu’on lui demandait, le dieu grec se mit à parler à toute vitesse à Tom, si bas qu’Alexis n’entendit rien, surtout avec les putains de basse d’à côté. Tom stoppa un instant sa bordée d’injures pour murmurer quelque chose en retour. Une colère blanche et glacée s’empara d’Alexis, qui serra les poings. Qu’est-ce qui se passait? Pourquoi Tom le mettait à l’écart?
Luke se redressa. Alexis se releva à son tour. Fut sur le point de l’empoigner pour lui ordonner de s’expliquer. Sauf que Luke apostropha Silyen:
– Vas-y, l’implora-t-il. S’il-te-plaît. On peut pas le laisser dans cet état-là.
– Je me trompe peut-être, mais il m’a semblé entendre Alexis, ici présent, parler de samaritains…
Ah! Enfin quelque chose de sensé. Mais Luke revenait déjà à l’attaque.
– Ça te prendra deux secondes!
– Luke, le Don n’est pas un buffet dans lequel on peut se servir quand on veut.
– Arrête tes salades, Sil. Ta mère l’utilisait pour booster son jardin potager.
– Excellent jeu de mots.
– Sil!
– HÉ! intervint Alexis, que toutes ces énigmes commençaient à mettre hors de lui.
Mais les deux autres firent comme s’ils ne l’avaient pas entendu, continuant leurs négociations. Un petit attroupement se formait autour d’eux. Personne n’avait encore demandé s’ils avaient besoin d’aide, mais ça n’allait pas tarder, et Alexis refusait que Tom devienne une attraction, à la merci des regards de tous ces curieux. Il s’agenouilla à nouveau, le cachant tant bien que mal, se demandant s’il était mieux de l’abandonner pour aller chercher lui-même les samaritains ou de rester là. Il était déjà en train d’élaborer tous les scénarios possibles dans sa tête. Son petit ami allait probablement être conduit dans l’hôpital le plus proche, peut-être même par une ambulance, parce qu’il doutait que les samaritains puissent faire quoi que ce soit pour sa cheville. Sa soirée serait bousillée et son père viendrait le chercher. Il utiliserait d’ailleurs sûrement ce stupide prétexte d’accident pour lui interdire à vie d’aller à d’autres festivals. Non, non, non, ça ne pouvait pas se passer comme ça! songea Alexis, maudissant son impuissance. Il épongea la sueur sur le front de Tom, qui avait l’air de mobiliser toutes ses forces pour lutter contre la douleur.
Ça suffisait. À la seconde où Alexis décidait d’aller chercher du secours, Silyen se laissa à son tour tomber à côté de lui, ses longs cheveux bouclés oscillant devant ses yeux.
– Pousse-toi, lui ordonna-t-il.
Alexis s’apprêtait à lui sortir une insulte bien sentie, quand, d’un mouvement étonnamment puissant de la part de quelqu’un d’aussi frêle, Silyen l’écarta, puis se mit à parler avec Tom à voix basse, lequel se mit à… hocher la tête?
– Ecarte-toi tout de suite de lui! cracha Alexis, en voulant à son tour pousser Silyen.
Autant essayer de déplacer une statue de marbre: le jeune homme ne bougea pas d’un pouce. Pire, il se mit à inspecter la cheville de Tom.
Alexis avait vaguement conscience que les gens s’étaient mis à murmurer autour d’eux. Il avait l’impression d’être dans un de ces cauchemars où tout lui échappait. Si Silyen refusait d’entendre la manière douce, il allait goûter à la manière forte… Mais une petite voix perça l’abîme de colère dans lequel il était en train de tomber.
– Lexis… Laisse-faire.
– Tom!
– Il…
Tom grimaça un instant, fermant les yeux, avant de les rouvrir. Une expression qu’Alexis n’attendait pas à voir s’y dessinait. De la surprise. Puis de la joie. Sans comprendre, il regarda Silyen, la cheville cassée qui… était à nouveau droite. Tom se mit à bouger le pied d’abord prudemment, puis de plus en plus rapidement, s’apercevant apparemment qu’il n’avait plus mal. Comment était-ce possible?
Luke, qui essayait de rassurer la foule, comme s’en aperçut tardivement Alexis, s’accroupit vers eux.
– Ça va? demanda-t-il à Tom.
Alexis n’eut même pas le réflexe de lui en vouloir, quand il entendit la réponse de son petit ami:
– Ouais… ça va. J’arrive pas à y croire. J’ai même plus mal, ça a marché. Ça a vraiment marché.
– Sil a pas mal de connaissance en médecine et en ostéopathie. Je lui ai demandé de voir s’il pouvait faire quelque chose pour ton copain, avant qu’on alerte les samaritains, dit Luke à Alexis, éclairant enfin sa lanterne.
Silyen? Des connaissances en médecine et en ostéopathie? Mon oeil, ce mec était aussi médecin que Lola ou lui, parce que si ça avait été vrai, il aurait immédiatement essayé d’aider Tom, à moins qu’il ne soit particulièrement égoïste ce qui… ce qui avait l’air d’être le cas, en fait. Reste qu’il était bien trop jeune… Peut-être un étudiant en médecine? Encore sonné, Alexis crut voir des étincelles dorées voler paresseusement au-dessus des doigts fins de Silyen. Il cligna des yeux. Plus rien. Putain, il était vraiment en train de dérailler, là.
– T’es sûr qu’ça va? demanda-t-il à Tom d’un ton incertain.
– Ouais, carrément.
Son petit ami avait l’air tout aussi étonné que lui de ce petit miracle. Et complètement dégrisé. Ses yeux avaient perdu leur éclat vitreux.
– Qu’est-ce que t’as fait exactement? demanda Alexis à Silyen, soudain soupçonneux.
Il avait déjà vu des films sur Youtube. Des mecs qui remettaient une épaule en place… peut-être que ça pouvait aussi marcher pour les chevilles… Mais seul un professionnel aurait pu réussir un tel exploit.
– Oh, je ne m’attends pas ce que tu le comprennes, alors je préfère ne pas te l’expliquer, ce qui nous évitera de perdre notre temps. Et tu as des paillettes de travers, là.
Alexis toucha machinalement sa joue. Ces foutues paillettes, il les avait oubliées. Puis Tom détourna l’attention de tout le monde en lançant qu’il lui semblait entendre les premières notes de I’m back, un des tubes de son fameux groupe préféré. Il se redressa sur la jambe gauche en prenant appui sur Alexis, posa délicatement par terre son pied droit, qu’il avait laissé en suspension à cinq centimètres au-dessus de l’herbe, fit passer son poids d’une jambe à l’autre, puis eut un grand sourire. Aussi dingue que ça paraisse, il était vraiment rétabli.