Le Cercle de la Louve

Chapitre 7

3182 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/12/2022 12:36

Le lendemain matin, le long blizzard tant anticipé avait fini par s'abattre. Alors que la tempête s’était quelque peu apaisée durant la nuit, la neige s’était remise à chuter lourdement ; des accumulations de plus de cinq mètres à Salem Center et ses environs étaient prévues.

Debout dans la chambre qu’elle partageait avec Scott Summers, Jean Grey était en pleins préparatifs pour la journée qui s’annonçait ; sa première mission de terrain depuis plus de dix ans. La jeune femme n’était aucunement stressée. Toutefois, elle marqua une pause en enfilant sa veste de fonction sur son maillot de corps, songeant posément à son importance ; la dernière fois qu’elle avait porté ce genre d’uniforme, elle était passée à deux doigts de la mort.

Non, c’était faux. Elle y était passée. Mais grâce à un symbiote extraterrestre, elle était revenue à la vie. C’était un événement qui pouvait difficilement s’expliquer, même à ceux que Jean aimait le plus au monde.

Elle se détourna du miroir et vit Scott qui se tenait assis sur le lit et la regardait s’habiller. Elle lui fit la grimace.

-Oh, me fais pas ta tête de chien battu, le taquina-t-elle. Tu sais que je n’ai qu’à claquer des doigts pour faire disparaître mes vêtements.

-Et tu ne veux pas… ? fit Scott en souriant.

-Écoute, mon cœur, il faut que j’aille travailler aujourd’hui. J’ai une journée très chargée qui m’attend, lui répondit-elle d’un ton faussement sévère.

Elle rampa cependant sur le lit pour lui glisser un rapide baiser.

-Ne t’en fais, lui murmura-t-elle doucement. Tout va bien se passer. Avec Illy et Kitty, on va aller chercher le nouveau mutant que Charles a localisé. On sera de retour en un rien de temps.

-J’espère en tout cas.

-Je te le promets, fit-elle avant de l’embrasser à nouveau. Il faudra qu’on s’occupe des alliances, ce week-end. Rahne et Dani ont pris de l’avance avec leurs noeuds, on n’a plus d’excuse.

-Non, c’est clair, acquiesça Scott, plein d’entrain.

-D’ailleurs, je pensais à quelque chose. On pourrait faire comme les filles. Tu sais, un événement sympa qui aurait lieu ici, avec nos amis et nos familles. Moi, la cérémonie à gros budget, ça m’dit trop rien. En plus, je pense pas que ce soit ton truc, à toi non plus.

-Ça me va très bien.

-Super, lui dit Jean avant de l’embrasser à nouveau, plus longtemps et plus passionnément cette fois-ci. Charles sera là juste après qu’il nous aura fait le topo de la mission. Je veux que tu me promettes de tout le temps garder un œil sur Amara.

-Je veillerai sur elle comme si elle était ma fille, lui promit Scott. Mais je pense qu’il n'y aura pas grand monde qui descendra avant midi. C’est vrai qu’hier soir, c’était corsée comme cérémonie. Dis, c’est vraiment Rahne qui a tout fait toute seule ? Pas mal pour un loup-garou aussi minuscule qu’un pouce.

Jean sourit.

-Rahne n’est pas juste un loup-garou, Scott. Cette fille est vraiment spéciale. Je crois que dans la culture de Dani, elle joue le rôle d’un « chaman », quelqu’un qui peut canaliser et transmettre d’anciennes puissances magiques. Je suis sûre que dans les hauts-plateaux d’Écosse, il existe aussi un nom pour les personnes comme elle. Mais je n’ai aucune idée de ce que c’est.

-Pour les gens qui filent la chair de poule tu veux dire ? suggéra Scott qui se prit un petit coup de poing espiègle sur le bras en retour.

À contrecœur, Jean se leva ensuite du lit.

-Bon, allez. Il faut que j’me mette en route. C’est ma première mission depuis plus de dix ans, il est hors de question que je sois en retard.

-Jean, l’interpela son fiancé. Sois prudente une fois là-bas.

Jean n’avait peut-être pas le trac mais, manifestement, Scott oui. La mutante lui sourit.

-Je viendrai te retrouver, lui promit-elle. Comme toujours.

Elle ouvrit ensuite la porte, s’immisça dans le couloir et ferma derrière elle.

À cet instant, Illyana Rasputin sortit de la chambre de Roberto, vêtue de sa tenue de Magik, visiblement au taquet et prête à se mettre au travail. Jean scruta la combinaison de sa coéquipière d’un air dubitatif.

-Ne me dis pas que tu comptes effectuer ta première mission de terrain dans cette tenue ? lui dit-elle.

-Tu peux parler, rétorqua la jeune blonde mais sa voix n’était plus qu’un son horriblement rauque.

-Oula ! Mais toi, non, remarqua Jean en grimaçant. Attends une seconde.

Elle se concentra un moment en fronçant les sourcils.

-Et voilà, reprit-elle. Tu peux reposer ta voix. J’ai établi une connexion télépathique entre nous deux. Si tu veux me dire quelque chose, tu n’as qu’à le penser.

-C’est mieux, merci, fit Illyana qui essaya de projeter ses pensées de façon aussi cohérente que possible. C’est ma première mission de terrain, en plus, c'est moi qui la dirige, et je ne peux même pas à prononcer un seul mot… pas de bol…

-T’as vraiment super mal ? Tu as la gorge en feu ?

-Ça fait mal, avoua Illyana. Mais ça va, c’est pas horrible. J’espère juste que j’aurai pas à crier pour donner des ordres aujourd’hui.

-Eh ben, on est deux. T’es sûre que tu ne préférerais pas un uniforme de terrain, comme ceux des X-Men.

-Je n’suis pas une X-Men, rappela Illyana.

Jean réfléchit un moment puis une idée lui vint.

-Dans ce cas, tu permets… ?

Elle tendit le bras vers l’épaule droite de sa coéquipière et cette dernière, après un moment d’hésitation, acquiesça d’un signe de tête. Jean exécuta un petit geste, puis afficha un sourire.

-Voilà. Maintenant, tu en es une.

Illyana examina son épaule. Sur son épaulière, Jean y avait cousu, à l’aide de ses pouvoirs télékinésiques, l'emblème de l’Institut Xavier essentiellement composé de la lettre X de couleur rouge vif en son centre. La blonde hocha la tête d’approbation.

-C’est génial ! Ça le fait, dit-elle.

Les deux coéquipières descendirent ensuite les escaliers et pénétrèrent dans la cuisine. À la grande surprise de Jean, Amara s’y trouvait, déjà debout et habillée. La jeune élève était attablée avec une tasse de thé et contemplait la neige qui tombait, le regard rivé sur la fenêtre. Elle sourit chaleureusement à Jean et Illy en les voyant entrer dans la pièce.

-Mais qu’est-ce que tu fais là, ma grande ? s’exclama Jean, déconcertée. Non, non, non. Il ne faut pas que tu restes toute seule… Tu dois constamment avoir quelqu’un avec toi.

Amara s’apprêta à prendre la parole lorsqu’elle afficha une grimace de douleur. D’un geste vif, elle leur fit comprendre qu’elle avait mal à la gorge, puis posa la main sur son cœur.

-Je vais bien, chuchota-t-elle, le maximum qu’elle pouvait émettre pour l’instant. Ne t’inquiète pas.

Jean effectua un rapide scan télépathique et, à sa grande surprise, découvrit que l’échelle de douleur d’Amara, dont le niveau était considérablement élevé la veille, avait significativement régressé. Bien que toujours présent, le niveau n’avoisinait plus du tout le curseur de danger que Jean avait ressenti peu de temps avant.

-Tu vas mieux, murmura cette dernière, rassurée. Tu vas même beaucoup mieux. Enfin, sauf pour ta gorge. On dirait que Dani n’est pas la seule à avoir profité du pouvoir du Cercle de la Louve de cette nuit.

-Ouais, et d’ailleurs, tu peux m’expliquer ce que c’était qu’ce bordel ? demanda Illyana. Ce sont tes pouvoirs qui ont fait ça ? Parce que j’ai pas le souvenir que Rahne soit capable de faire un truc pareil.

-Crois-le ou non, tout ce qui s’est passé hier soir, c’est à elle seule qu’on le doit. Moi, je suis simplement allée la trouver pour lui dire qu’on avait un problème. Je lui ai laissé le champ libre pour trouver la solution de son choix. Ce que vous avez vécu cette nuit, c’est un pouvoir qu’elle a invoqué sans l’aide de personne.

-On dirait bien qu’on a encore beaucoup de choses à apprendre sur notre louve de thérapie, marmonna Illyana, admirative malgré elle.

-Mesdames, je me permets de vous donner un conseil d’amie que vous pouvez décider d’ignorer à vos risques et périls, déclara Jean qui remonta la fermeture Éclair de sa veste. Ne sous-estimez jamais la louve de thérapie.

Elle se tourna ensuite de nouveau vers Amara :

-Est-ce que tu sais si quelqu’un compte te tenir compagnie ?

Amara hocha la tête.

-Sam prend sa douche, chuchota-t-elle. Il va pas tarder à descendre, il va me préparer le petit-déj’.

-Très bien. Mais aujourd’hui, je ne veux pas que tu te retrouves toute seule ne serait-ce qu’une seconde, c’est compris ? Et je t’interdis de faire quoi que ce soit qui te nuirait, ajouta Jean d’un ton sérieux.

-Je te le promets.

-Merci.

Jean se pencha et caressa la joue d’Amara puis, dans un geste très maternel, fit glisser sa main vers l’arrière de sa tête :

-Il faut qu’on parte, Illy et moi, mais aussitôt rentrées, je reviens m’occuper de toi. Ok ?

-D’accord, avec plaisir, répondit la jeune élève en hochant la tête.

Cette dernière avait de toute évidence choisi d’accepter que Jean soit comme son ange gardien, ou du moins comme une grande sœur protectrice.

-Bon, allez, fit la rousse qui, sur un coup de tête, déposa un baiser sur le front de la jeune blonde. À tout à l’heure, ma chérie.

Jean et Illy entrèrent ensuite dans le salon, endroit où la jeune Russe disposerait de suffisamment d’espace pour créer un disque de téléportation sans craindre d'y aspirer les meubles.

-Si tu veux mon avis, une boite de préservatifs, c’est la seule protection dont elle aura besoin aujourd’hui, plaisanta cette dernière.

Jean poussa un soupir.

-Tu ne crois pas si bien dire, Illy. Mais on aura l'occasion d'en rigoler une fois de retour. Allez, on y va, dit-elle.

Peu de temps après, elles se retrouvèrent dans le couloir central du manoir de Xavier, au centre du campus principal de l’école. Kitty Pryde les attendait, un grand sourire aux lèvres, vêtue elle aussi d’un uniforme de terrain similaire à celui de Jean. Elle était également équipée d’un petit sac utilitaire en toile accroché à son épaule.

-Bonjour Kitty, la salua Jean. Si ça ne t’ennuie pas, je vais établir une connexion télépathique entre nous trois. La pauvre Illy a très mal à la gorge, elle peut à peine parler.

-Pas de problème, acquiesça Kitty avant de se tourner vers la blonde en arborant une mine inquiète. Comme ça, tu as mal à la gorge ? Ça va quand même ?

-Ça va, ça va, lui assura Illyana. Y a quoi dans ton sac ?

-Oh, des petits trucs : une mini boite de premiers secours, une bouteille d’eau, une lampe torche, une balise d’urgence, une fusée éclairante, un scanner à usages multiples pour mesurer des trucs comme les radiations ou les toxines dans l’atmosphère. Il y a aussi un coordinateur GPS qui nous permettra d’enregistrer depuis le Cérébro l’endroit où on devra aller. Et aussi une barre de chocolat, ajouta-t-elle en affichant un sourire. Bon, j’espère qu’on n’aura pas à s’en servir mais on ne voyage pas en avion. Si on a besoin de quelque chose, il faut être préparées.

-Tu n’as pas tort, approuva Jean. Puis une fois qu’on aura effectué quelques missions, on pourra prendre un kit standard avec nous, peut-être même un pour chacune de nous.

- « Quelques missions » ? répéta Illyana en souriant. Tu prévois de faire ça à plein temps ?

Jean rit.

-On va mener à bien celle-là et après, on verra bien, suggéra-t-elle.

Charles Xavier vint à leur rencontre dans son fauteuil roulant en affichant un sourire ravi. Il semblait rayonner de joie.

-Mesdames, bonjour à vous, les salua-t-il sur un ton chaleureux. Je vous remercie de vous porter volontaire pour cette affaire de dernière minute.

-C’est nous qui vous remercions de nous accorder une telle opportunité, professeur, lui dit Jean. Il faut aussi que vous sachiez qu’Illy a très mal à la gorge ce matin. J’ai déjà établi une connexion télépathique entre nous trois, mais si vous devez lui parler pendant le briefing, ce serait de mieux de communiquer par la pensée.

-Je comprends. Mal à la gorge, hein ? J’espère que tu ne couvres pas quelque chose, dit-il avec inquiétude.

Illyana secoua la tête :

-Non, j’ai trop hurlé à la lune, c’est tout.

-Ah… oui. Moi aussi, il m’est arrivé de faire des folies quand j’étais jeune, répondit Charles sans que personne ne puisse dire avec certitude s’il plaisantait ou non. Suivez-moi, je vous prie.

Il fit pivoter sa chaise.

-Hier soir, j’ai localisé notre mutant. Mais avant de vous envoyer sur place, je vais m’assurer qu’il se trouve toujours au même endroit.

Il les fit entrer dans un ascenseur quelques mètres plus loin et, après avoir descendus plusieurs étages sous le manoir, débouchèrent dans un couloir. Les trois jeunes femmes regardèrent autour d’elles avec curiosité.

-Je viens de me rappeler qu’aucune de vous trois n’a encore mis les pieds ici, si je ne dis pas de bêtises, leur dit Xavier. Par ici, s’il vous plaît.

Il avança jusqu’à une grande porte ronde métallique incrustée sur le côté. Un scanner de rétine s’activa automatiquement.

-Bienvenue, professeur, résonna une voix automatisée et la porte s’ouvrit en s’incrustant dans le mur, révélant une grande salle ouverte de forme sphérique, ressemblant grandement à un planétarium.

-Jean, Kitty, Illy, je vous présente le Cérébro, fit Xavier en pénétrant à l’intérieur. Il s’agit du système qui nous permet de détecter et localiser les mutants.

-Oh, c’est donc à ça que sert cet endroit, s’exclama Illyana.

Le professeur fronça les sourcils avec perplexité :

-Tu veux dire que tu es déjà venue ici, Illy ?

-Oh, c’est vrai… Quand vous étiez coincés dans votre petite bulle temporelle, le professeur McCoy m’avait demandé de me téléporter dans toutes les pièces de l’école pour chercher des indices et vous retrouver, expliqua la jeune mutante. À un moment, j’ai atterri dans un énorme salle vide. Je n’avais aucune idée de son utilité.

-Eh bien, maintenant, tu le sais.

Xavier prit un instrument ressemblant à un énorme casque de motocyclette et le plaça minutieusement sur sa tête.

-Puisque vous n’avez jamais vu le Cérébro en marche, je préfère vous prévenir que vous risquez de trouver ça un peu troublant, les avertit-il. Restez aussi immobiles que possible. Je vous demanderai également d’éviter de parler, le temps que j’ajuste les réglages.

Les filles obéirent à l’avertissement du professeur. Pendant que le Cérébro essayait de relocaliser le mutant dont parlait Xavier, l’écran autour d’eux eut l’air de tourner avec autant d’intensité qu’une montagne russe. Illyana se dit qu’il serait mieux pour elle de fixer ses pieds jusqu’à ce que le Cérébro ait terminé d’établir les coordonnées.

-Ah, je l’ai trouvé, murmura Xavier.

Peu de temps après, le Cérébro avait établi la destination. Kitty sortit son scanner-traqueur portable et y téléchargea les informations dont elles auraient besoin.

-Les filles, il semblerait qu’on ait rendez-vous en Inde, annonça-t-elle. Au sud du pays, pas loin de la côte.

Elle désigna le point de localisation et s’adressa à Illyana :

-Illy, tu crois que tu peux nous y emmener ?

Après un instant de silence, la concernée hocha la tête.

-Ouais. Je peux y arriver, répondit-elle avant de sourire. Après ça, je pourrai me vanter de m’être enfin rendue dans une région du globe plus éloignée que Hawaï.

-Ça me fait penser qu’il faudra qu’on y retourne un de ces quatre, dit Kitty. Ou n'importe où, tant qu'on y trouve des maîtres-nageurs.

-On va d’abord chercher notre petit gars, suggéra Jean.

Elle et Charles échangèrent ensuite un regard lourd de sens. Le souvenir de ce qui était arrivé à Jean la dernière fois qu’elle était partie en mission était encore très frais. Certes, des années s’étaient écoulées, mais tous deux avaient encore l’impression que cet événement était pratiquement survenu la veille. Xavier arbora une expression encore plus inquiète que Scott.

Mais Jean lui répondit par le plus rassurant et chaleureux des sourires.

-Ne vous faites pas de souci, Charles, murmura-t-elle. La mission d’aujourd’hui va très bien se terminer. Je vous le promets.

-Sois tout de même prudente, Jean.

-On le sera. Une fois la mission terminée, on reviendra toutes les trois saines et sauves, lui jura-t-elle. On se retrouvera au domaine annexe, d’accord ?

-Très bien. Que Dieu te garde, Jean. Que Dieu vous garde toutes les trois, ajouta Xavier.

Illyana vérifia une nouvelle fois les coordonnées enregistrées sur le traqueur de Kitty, indiqua d’un signe de tête qu’elle était prête et invoqua un disque de téléportation. Elle, Kitty et Jean y pénètrent.

-À plus tard, professeur, dit la jeune blonde.

Un moment plus tard, le portail se volatilisa, de même que les trois jeunes femmes. Elles avaient disparu sans laisser de trace. Comme si elles n’avaient jamais été là.

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