L'homme à la valise

Chapitre 3 : En route pour New York.

2729 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/03/2021 10:49

Une seule décision peut tout changer.


Vous ne me croyez pas ? Lisez donc cette histoire. Dans la pentalogie originale, Newt Scamander ne rencontre pas d'Annabeth. Il ne la connaît pas, ne la mentionne pas et personne d'autre que ses créatures ne l'accompagne à New York. Tout cela à cause d'un réveil. 


Oui, d'un réveil. On dit parfois que le réveil sauve. C'est ce qui sauva Annabeth ce matin-là, alors qu'elle dormait encore à poings fermés. Si elle avait décidé la veille de faire confiance à son horloge interne, comme elle avait l'habitude de le faire, elle ne se serait pas réveillée à l'heure. Dans l'histoire que vous connaissez, c'est en effet ce qui s'est passé. La jeune Auror a manqué son bateau. Elle a abandonné la mission et remis sa démission au juge Spencer — ou plutôt, à son imposteur — qui sera plus tard puni pour avoir échoué à son devoir. Elle a ensuite été réengagée dans une autre équipe d'Auror sur la demande du ministre de la magie et a poursuivi sa carrière de la façon la plus tranquille qu'il soit. Plus tard, lorsque Newt Scamander sera devenu célèbre et reçu l'ordre de Merlin, elle aura une pensée pour lui. "J'ai interrogé ce sorcier", se dira-t-elle. Rien de plus.


Mais pas ici. Annabeth Manners a décidé d'enclencher son réveil la veille, peut-être pour la première fois de sa vie. Elle l'a réglé à huit heures précises afin d'être tout à fait dans les temps. Ce pourquoi elle est à l'heure sur le bateau. Ce pourquoi l'histoire est bien, bien différente que ce que nous raconte l'originale... 


9h54.


Annabeth n'avait pas le mal des transports, bien qu'elle ne les appréciait pas particulièrement. Ce qui la dérangeait, c'était le monde qu'il pouvait y avoir sur ce genre d'endroits. Des bourgeois principalement, occupés à visiter les quatre coins du bateau comme si c'était le Titanic. Des gens moins aisés, qui couraient par-ci par-là, parfois excités à l'idée de voyager, parfois amusés à la vue de la mer, ou tout simplement heureux. Le problème, ce n'était pas la joie étouffante et niaise qui régnait en ce lieu. C'était que sur un bateau, on ne pouvait pas fuir. Annabeth ne pouvait pas de réfugier à l'écart pour profiter d'un moment seule et en silence. Elle ne pouvait pas quitter l'endroit comme il lui semblait bon, à cause des barrières de l'océan qui restreignait l'espace. 


Ce n'était pas si grave, après tout. Il n'y avait que cinq jours de trajet, elle pouvait bien tenir jusque là. 


La jeune femme se faufilait discrètement, après le départ, entre les passagers en direction de l'accueil afin de récupérer une cabine. La foule était oppressante, bruyante, aussi décida-t-elle d'ignorer tout ce désordre et d'avancer, tenant fermement sa valise d'une main, le bord de son manteau de l'autre. Elle arriva après cette courte épreuve devant un guichet où l'attendait le composteur, un petit homme chauve aux yeux scrutateurs et à l'expression renfrognée. Ce dernier la regarda, non sans dédain avant de saisir son billet pour le trouer, lui indiquant qu'on lui avait attribué la chambre cinquante-neuf. Annabeth fit l'effort de le saluer cordialement puis se dirigea vers les dortoirs d'un pas vif, à peine gênée par les passants. Elle ouvrit la porte du sien et y découvrit une pièce minuscule composée d'un lit et d'un meuble. Une douche était calée dans un coin qui ressemblait à une salle de bain miniature. L'Auror déposa sa valise sur les édredons avant de s'asseoir et de l'ouvrir pour vérifier que rien ne manquait. Elle y trouva quelques vêtements de rechange, des affaires de toilette ainsi qu'un livre de lecture en guise de divertissement. "Ça devrait aller", se dit-elle. "Après tout, Mr Scamander ne part pas pour un mois." En pensant à lui, la jeune enquêtrice se décida à le chercher, histoire de le prévenir des raisons de sa présence. Selon le juge, le magizoologiste devait constamment être accompagné, ce qui signifiait qu'Annabeth le surveillerait en permanence jusqu'à son retour en Angleterre. Cette idée l'ennuyait, cependant l'Auror était en mission pas en vacances. "De plus, je risque de perdre mon travail si je ne remplis pas mon devoir à la perfection", songea-t-elle.


La jeune femme sortit de la chambre, non sans la verrouiller et sortit sur le pont. Elle ne savait pas où logeait son suspect durant le trajet, aussi décida-t-elle de l'attendre dehors le temps qu'il sorte. Après tout, il n'allait pas rester enfermé toute la journée... 


Annabeth se trompait. Newton Scamander ne se montra pas avant le lever du soir. Elle l'aperçut sur le pont vers dix-neuf heures, ne paraissant rien attendre et jetant des coups d'œil réguliers à sa montre. L'Auror soupira et s'approcha de lui d'un pas détaché. Elle s'arrêta à un mètre du magizoologiste qui pourtant ne sembla pas remarquer sa présence. 


- Hum, hum, se manifesta-t-elle en se râclant la gorge. 


Newton Scamander leva la tête avant de prendre un air perplexe. 


- Mrs Manners ? s'étonna-t-il. Que faites-vous ici ? Enfin je veux dire que je suis surpris de... vous voir sur ce bateau, à cette heure précise, alors que nous nous sommes vus hier... 


Annabeth se redressa. 


- Le ministère vous considère comme un suspect aux yeux de la loi et a insisté pour que vous soyez accompagné d'un de ses membres afin de veiller sur vos intentions. 


- Mes...mes intentions ? répéta le magizoologiste. Le ministère demande à ce que je sois surveillé ? Pendant...combien de temps ? 


- Jusqu'à la fin de votre voyage.


Newton Scamander marqua un moment de surprise avant de secouer la tête. 


- Oh, non, je ne peux pas être chaperonné, vous ne pouvez pas m'accompagner durant mon voyage à New York Mrs Manners. J'en suis désolé. 


L'Auror haussa un sourcil. 


- C'est un ordre du ministère. Vous ne pouvez pas déroger à cette demande. 


- Mais je vous l'ai déjà dit, je pars en Amérique pour acheter le cadeau d'anniversaire du Professeur Dumbledore, mes intentions ne sont pas malveillantes... 


- À ce propos, figurez-vous que l'éleveur de Boursouf tachetés n'existe plus. Vous deviez d'ailleurs le savoir. Je réitère donc ma demande, Mr Scamander : que comptez-vous faire en Amérique ? 


L'enquêtrice scruta le regard fuyant de son suspect, qui prit un moment avant de répondre. "Il cache donc bien quelque chose", déduit-elle. "Décidément, ce sorcier est bien plus difficile à cerner qu'on pourrait le croire". 


- Je...vais utiliser la franchise, articula le magizoologiste. Je ne peux tout simplement pas vous révéler les raisons de ma visite sur l'autre continent. Tout cela doit rester secret. 


- Vous avouez donc que vous œuvrez pour Albus Dumbledore ? demanda son interlocutrice. 


- Non, je n'ai jamais rien dit de tel. Juste que je ne peux pas vous le révéler. 


Annabeth soupira. Elle s'avouait être un peu perdue. D'habitude, un agent ne révèle pas que ses intentions sont secrètes. Elle ferait mieux de ramener ceci illico au ministère, afin que ce dernier décide de son cas. Néanmoins le visage furieux de Monsieur Spencer et la menace qui l'accompagnait lui disaient qu'il valait mieux suivre l'ordre stupide d'accompagner ce suspect où qu'il aille, en Amérique. Que faire ? Elle se le demandait. 


- Je suis coincée Mr Scamander, soupira-t-elle. Vous vous doutez bien que je ne peux accepter une telle réponse de votre part et devrais vous amener devant le juge. Cependant mon supérieur m'a donnée l'ordre de suivre le moindre de vos pas durant toute la durée de votre voyage, quel qu'il soit, même si vous êtes en mission pour le professeur Dumbledore. C'est donc ce que je ferai. Estimez-vous heureux de ne pas vous trouver devant le tribunal dans l'immédiat. 


Le magizoologiste refusa une deuxième fois. 


- Non, vraiment, je ne peux pas vous laisser m'accompagner. J'en suis navré. 


Annabeth avança d'un pas, décidée à faire comprendre à cet homme que ses protestations ne serviraient à rien. 


- Malheureusement pour vous, je ne vous demande pas la permission. C'est un ordre. Je me dois de remplir mon devoir Mr Scamander, ou je risquerais de perdre mon travail. Donc, je vous surveillerai dans tous vos déplacements à compter d'aujourd'hui. Vous êtes en devoir de m'informer de vos activités le plus régulièrement possible, sans chercher à cacher quoi que ce soit, sans quoi les conséquences seraient désastreuses. 


Elle termina sa déclaration cordiale par une œillade entendue, espérant que cela suffirait. Les yeux de Newton Scamander se levèrent vers ceux de la jeune Auror et la soutint, sans se détourner de suite. 


- Je n'ai pas le choix, j'imagine, soupira-t-il. 


- Non, en effet. 


- Alors soit. Mais j'espère que vous abandonnerez votre...chaperonnage lorsque vous vous rendrez compte que mes véritables raisons ici sont terriblement barbantes.


- Nous verrons bien. 


Il était évident qu'Annabeth n'allait pas laisser son suspect s'échapper aussi facilement. Aussi se contenta-t-elle de cette réponse, se demandant si son interlocuteur avait réellement compris qu'elle ne comptait pas du tout le lâcher et que ce "nous verrons bien" n'était qu'un moyen de clore la conversation. 


La soirée se passa tranquillement. Annabeth dîna seule, gardant tout de même un œil sur son suspect qui dégustait discrètement son repas dans un coin. Newt jetait quelques œillades hagardes un peu partout, comme s'il ne se sentait pas à l'aise dans ce genre d'endroits. Après le dîner il disparut dans sa cabine et n'en sortit plus.


Les cinq jours de trajet qui suivirent se déroulèrent de la même manière. Le magizoologiste restait cloîtré dans sa chambre - la dix-neuf selon les informations qu'avait récoltées Annabeth - à faire on-ne-savait-quoi, ne la quittant que pour les repas. Il était impossible pour l'Auror de savoir ce que son suspect trafiquait. Elle aurait bien voulu lui poser quelques questions supplémentaires, cependant il était assez peu abordable compte-tenu de son isolement. De toutes façons, elle était certaine qu'il n'aurait pas voulu y répondre...


Annabeth était donc décidée à en connaître plus sur les activités de Newton Scamander une fois arrivés à New York. Le cinquième jour, le bateau accosta sur les rives américaines et la jeune Auror se rua presque sur la terre ferme, la tenue impeccable, comme si elle s'apprêtait à passer un examen. Elle se dirigea en direction des débarquements, serrant sa valise de ses doigts froids, cherchant du regard son suspect qui ne devait pas lui échapper. Si elle échouait à sa mission, elle pouvait dire adieux à son travail.


La réussite de celle-ci était donc cruciale.


Annabeth aperçut le manteau bleu du magizoologiste à une dizaine de mètres d'elle et décida de rejoindre le jeune homme dans l'immédiat, et ce le plus vite possible. Premièrement, elle devait lui faire comprendre qu'elle ne le lâcherait pas d'une semelle durant tout son séjour à New York. Deuxièmement, elle devait mettre sa mise en garde en pratique, afin qu'il se rende compte qu'elle ne plaisantait pas. Dernièrement, elle devait le surveiller pendant plusieurs jours sans le lâcher des yeux, tout en observant ses moindres faits et gestes.


Elle trouvait cela parfaitement ridicule. Les Aurors ne prévenaient pas leur cible lorsqu'ils étaient chargés d'espionner quelqu'un. Seulement, la jeune femme craignait réellement de perdre son poste si elle ne suivait pas à la lettre les ordres de Monsieur Spencer. Le juge pouvait être cruel envers les membres de son équipe, et ce n'était pas la meilleure employée du ministère. Elle n'était pas aussi talentueuse que son collègue Theseus par exemple, ni aussi expérimentée que Gilderoy Akkemon. Elle était dispensable parmi son équipe, elle le savait. Elle devait gagner sa place. Et la découverte des plans d'Albus Dumbledore pouvait tout à fait la lui donner.


- Mr Scamander ! l'interpella-t-elle alors qu'elle ne fut qu'à quelques pas de lui.


Le magizoologiste se retourna fugacement, l'apercevant avant de presser la marche. Annabeth le rattrapa, un brin frustrée.


- Mr Scamander ! répéta-t-elle. Je vous rappelle que vous avez le devoir de...


- Non, vraiment. l'interrompit-il sans s'arrêter. Je ne vois pas pourquoi le ministère s'intéresse à mon cas et il est très important pour moi d'entreprendre ce voyage seul. 


- Je vous demande cependant de coopérer !


Annabeth trottina de sorte à dépasser le magizoologiste et se stoppa devant lui, lui bloquant le passage. 


- Toute résistance de votre part rendra la chose plus difficile, pour moi comme pour vous. S'il vous plaît Mr Scamander, ne me la rendez pas impossible en me faussant compagnie. Je ne vais pas vous surveiller pour le restant de votre vie, juste le temps de quelques jours. 


Son interlocuteur soupira, un sourire sarcastique se dessinant furtivement sur son visage.


- Tout ceci est ridicule, souffla-t-il en secouant la tête. Pourquoi le ministère m'aurait envoyé un de ses Aurors pour veiller sur moi ? 


- Je l'ignore, avoua la jeune femme. 


- Vous l'ignorez ? 


Elle acquiesça d'un strict signe de tête. Newton Scamander fronça les sourcils.


- Vous venez de me dire que vous vous contentez d'exécutez des ordres...sans connaître leur véritable utilité ?


Sa remarque était blessante et Annabeth pinça les lèvres.


- ça ne vous arrive jamais, d'obéir à quelque chose dont vous ignorez le but ?


L'autre répondit par la négative.


- Je pense que je ne suis pas vraiment du genre à écouter les ordres.


- Alors faîtes un effort pour celui-là. 


Annabeth lui fit signe de la suivre en direction des contrôleurs, ce que fit son suspect avec réticence. Lui tournant le dos, elle soupira. "ça ne va pas être facile" songea-t-elle alors qu'on lui désignait une file d'attente.


Quinze minutes plus tard, l'Auror se retrouva devant un grand homme au regard scrutateur. Il vérifia son billet ainsi que son passeport et jeta un regard à sa valise.


- Ce ne sont quelques affaires, se justifia-t-elle. Vous voulez voir ?


Le contrôleur sembla hésiter mais le nombre de personnes en attente derrière elle le fit soupirer. 


- Suivant ! déclara-t-il en lui demandant de passer.


Annabeth se détacha de la file et attendit son suspect à un mètre des débarquements. Newton tendit son passeport d'une main discrète tandis que l'homme vérifiait son billet.


- Anglais, hein ? demanda-t-il d'une voix bourrue.


Le magizoologiste acquiesça.


- Oui.


- Rien de comestible là-dedans ?


- Non.


- Animaux d'élevage ?


Annabeth vit le fermoir de la valise s'ouvrir d'un coup. Elle plissa les yeux. "Qu'est-ce que c'est que ça ?" Le jeune homme le referma avant de secouer la tête.


- Il faut que je répare ça. Euh, non.


Le contrôleur dût trouver cela suspect lui aussi, car il fronça les sourcils.


- J'aimerais y jeter un coup d'oeil. 


Mr Scamander posa la valise sur le comptoir tandis qu'il la vérifia. Lorsqu'il put enfin passer, Annabeth soupira.


- Qu'est-ce qui vous a pris autant de temps ? demanda-t-elle. Et qu'est-ce que c'est que cette histoire de valise qui s'ouvre toute seule ?


- Navré, répondit simplement son suspect, marchant en direction de la sortie. 


La jeune Auror décida de ne pas insister et suivit le magizoologiste hors du port de New York.


Après tout, elle verrait bien si ce que cachait Mr Scamander était important ou non.

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