L'homme à la valise

Chapitre 2 : Un suspect nommé Newt Scamander.

2678 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/03/2021 10:45

Annabeth Manners se faufilait entre les rues de Londres, se protégeant d'une pluie battante avec un parapluie moldu. L'Auror avait transplané quelques minutes plus tôt à près d'un kilomètre de l'adresse de son suspect, ne connaissant pas l'endroit. Et cela faisait une bonne vingtaine de minutes qu'elle marchait dans les flaques d'eau et de boue, se demandant s'il n'aurait pas mieux fallu appeler un taxi. "Nom d'un dragon, c'est encore loin ?", pesta-t-elle en trébuchant sur un pavé humide. "Je regrette déjà d'avoir accepté la mission de Spencer. Personnellement, je ne vois pas en quoi Dumbledore pourrait être suspecté de quelque chose." Selon l'Auror, le professeur de Poudlard qui lui avait enseigné la défense contre les forces du mal quelques années plus tôt n'avait rien à se reprocher. "Je devrais être en ce moment-même en train de résoudre des affaires plus sérieuses."


Annabeth arriva devant une petite maison tranquille, qui respirait presque le calme tant elle n'avait rien d'agressif. La jeune femme avança la main et frappa à la porte de bois clair, attendant qu'on vienne l'ouvrir. "En espérant que ce ne sera pas long", soupira-t-elle. 


Un verrou claqua et le battant laissa apparaître une petite femme aux cheveux brun-roux et à la longue robe jaune. 


- Congrès de l'inspection magique du ministère, se présenta Annabeth. Je viens interroger Newt Scamander. 


La petite femme déglutit.


- Oh, dit-elle. Je vois. Monsieur Scamander est très occupé à ce moment, je crains qu'il ne soit pas disponible... 


- Je crains qu'il ne me soit obligé d'insister, répondit l'Auror. Sur ordre d'Officilius Spencer, haut-juge de la cour britannique. Monsieur Scamander peut tout à fait reprendre ses activités plus tard, j'en suis sûre. 


Les deux sorcières se jaugèrent mutuellement pendant plusieurs secondes avant que la plus petite laisse entrer l'autre, de bonne grâce. Annabeth observa discrètement la résidence, remarquant une toute petite cuisine de bois ainsi qu'une table ronde au centre de la pièce. Son hôte lui désigna un sofa un peu plus loin, l'invitant à s'asseoir. 


- Je m'en vais chercher monsieur Scamander, Mademoiselle. 


Elle disparut dans une autre pièce. Annabeth en profita pour examiner de loin les babioles posées sur un meuble près du sofa, ainsi que les nombreux livres dans la bibliothèque. Le logement de Monsieur Scamander semblait... Normal. Rien de suspect, de louche ou de bizarre. "Décidément, je trouve la décision de Monsieur Spencer de plus en plus insensée !" le jeune femme fronça les sourcils, observant le feu crépitant dans la cheminée. "A-t-il de la poudre de cheminette ? Si c'est le cas, cet homme peut se déplacer sans connaître l'endroit de destination et sans laisser de trace. Ce qui pourrait être utile...si je trouve de la matière à enquêter".


- Vous...souhaitiez me voir ? 


Annabeth sursauta et pivota vers la gauche. Près de la table de la salle à manger se trouvait un grand homme mince au visage anguleux. Il possédait des cheveux châtain-roux bouclés, des joues un peu creuses et de longues mains agiles. Annabeth fut frappée par ses yeux : ses iris claires se perdaient dans l'esprit de leur propriétaire, les rendant absentes, ailleurs, comme si le jeune sorcier était constamment plongé dans un autre monde. Pourtant une vive lueur y dansait, comme une bougie, rendant ses prunelles scintillantes. 


L'Auror se leva, cordiale. 


- Annabeth Manners, se présenta-t-elle en saisissant son badge pour prouver son statut. Auror au bureau du ministère. J'ai reçu l'ordre de vous interroger. 


Le magizoologiste croisa fugacement son regard avant de détourner les yeux. 


- Newt Scamander, répondit-il. Hum, enchanté de vous rencontrer.


Après une hésitation, il tendit une main maladroite en guise d'accueil. La jeune Auror baissa les yeux vers les siennes habillées de minces gants de cuir avant de serrer la poignée tendue. Elle se rassit ensuite immédiatement. 


- Je...manque à mon devoir, se reprit son hôte. Souhaitez-vous une tasse de thé ? 


Annabeth déclina son offre d'un signe de tête. 


- Je préfère en finir au plus vite. 


Newton Scamander acquiesça avant de s'asseoir sur le fauteuil en face d'elle. 


- Je vous écoute. 


Il était toujours perdu dans ses pensées mais semblait à peu près attentif. Annabeth décida de s'en contenter et sortit de sa poche de manteau une plume à papote ainsi qu'un calepin. 


- Je vais aller droit au but, Monsieur Scamander. Le ministère se penche sur les activités d'Albus Dumbledore depuis quelques temps. Il semblerait que les plans de celui-ci ne soit à la limite des droits de la législation magique. Nous avons remarqué que vous échangez régulièrement avec lui, ce pourquoi nous souhaitions vous interroger sur le sujet. En conviendrez-vous ? 


La magizoologiste parut soudainement se réveiller, si bien qu'Annabeth se demanda s'il l'avait réellement écoutée. Elle fit signe à la plume à papote de commencer son travail afin que les paroles de son suspect soient retranscrites mot pour mot sur le papier. 


- Oh...cilla Newton Scamander. Euh, oui, bien sûr. Je suis d'accord pour répondre aux questions du ministère. 


La jeune Auror attendit que le stylo magique terminât de noter avant de continuer. 


- Bien. Un agent du bureau des enquêteurs a, disons intercepté une conversation entre vous et le Professeur Dumbledore Dimanche dernier dans son bureau à Poudlard. Pouvez-vous m'expliquer quel en était le sujet ? 


Le jeune homme ne répondit pas tout de suite. 


- Je...le professeur Dumbledore aime parler de choses et d'autres, Mrs Manners... 


- Ce n'est pas une réponse, objecta Annabeth. Apparemment vous avez parlé d'un voyage. Vous préparez vos valises Monsieur Scamander ? 


Son interlocuteur opina du chef. 


- Oui, je m'en vais à New York demain. Je dois aller acheter un cadeau d'anniversaire pour le professeur. 


L'Auror glissa un regard à la plume qui traînait un peu de la pointe. 


- Un cadeau d'anniversaire ? répéta-t-elle en haussant un sourcil. 


L'autre leva un peu les yeux. 


- Un Boursouf tacheté. Il n'existe qu'un seul éleveur de cette espèce et il se trouve à New York. 


Annabeth sonda le regard du magizoologiste mais n'y trouva rien. "Un cadeau d'anniversaire", pensa-t-elle. "Spencer est parano, Dumbledore n'est pas un mage noir". Elle acquiesça. 


- Et...vous revenez souvent à Poudlard ? demanda-t-elle. 


- Non, ce n'est pas vraiment mon endroit préféré. Mais il m'arrive de rendre visite au professeur Dumbledore pour, vous savez...prendre une tasse de thé. 


Un bruit sourd se fit soudain entendre à l'étage. Annabeth tressaillit tandis que Newton Scamander tournait la tête vers la porte, déglutissant. 


- E...excusez-moi, balbutia-t-il. Je dois y aller un instant. 


L'Auror soupira. Toute cette mascarade était inutile. Elle ferait mieux de couper court à la conversation pour remettre le compte-rendu au ministère et rentrer au plus vite chez elle. 


- Soit. L'interrogatoire est terminé de toutes façons. Je vous remercie Monsieur Scamander. 


Elle s'attendit à ce que son hôte l'accompagne à la porte, mais celui-ci avait déjà disparu dans les escaliers, visiblement pressé. La jeune femme repartit alors, refermant le battant d'un coup de baguette. Décidément, cet interrogatoire n'avait servi à rien. Dumbledore voulait juste un cadeau d'anniversaire, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. "Allons déposer cela au ministère", se dit-elle. "Monsieur Spencer verra bien qu'il n'y a pas d'inquiétude à avoir."


Elle transplana. 


**


Le juge lut attentivement le compte-rendu. 


Deux fois et demi. Il semblait particulièrement préoccupé par la feuille que venait de lui donner la jeune Auror. Il n'y avait pourtant pas grand chose : deux ou trois questions seulement. Néanmoins le responsable de l'équipe des sept enquêteurs semblait plus attentif qu'on ne pouvait le croire. Bientôt, l'attention laissa place à la contrariété, si bien Annabeth se prépara à un affront. 


- Manners, articula-t-il d'une voix grave. Ne me dîtes pas que vous avez laissé tomber l'affaire aussi rapidement ? 


La jeune femme déglutit. 


- Monsieur Spencer, il n'y avait rien d'alarmant à ce que me répondait notre suspect. 


Le juge leva les yeux vers elle, furieux. 


- Est-ce que vous êtes en train de me dire que vous n'avez rien remarqué ? 


- Remarqué ? 


Il soupira. 


- Pour votre gouverne, l'éleveur de Boursouf tacheté n'existe plus ! Monsieur Scamander vous a menti ! 


Annabeth cilla. 


- Oh... 


"Alors Newton m'aurait dissimulée la vérité ?" 


Le juge jeta le compte rendu sur le bureau. 


- Mrs Manners, vous n'êtes pas employée pour un travail ordinaire. Vous êtes Auror. Un Auror est chargé d'enquêter, d'espionner et d'arrêter les mages noirs de la communauté britannique. N'avez-vous rien appris durant votre formation ? 


Annabeth s'apprêta à répondre mais son supérieur la fit taire. 


- Je vous ai confié une mission simple, reprit-il. Vous deviez mener un interrogatoire. Ce n'était pas censé être difficile devant ce benêt de magizoologiste. Ce résultat montre votre terrible incompétence. Est-ce que vous comprenez que je remets en cause tout votre travail depuis que vous avez été engagée dans mon équipe ? 


La jeune femme baissa la tête, cachant son visage d'une mèche de cheveux. "Incompétente". Avait-elle fait preuve de si peu de talent ? 


- Je...je m'excuse, Monsieur Spencer, souffla-t-elle. 


Le juge leva les yeux au plafond. 


- Les excuses ne répareront rien. Nous devons trouver ce que cache Dumbledore ainsi que son complice Scamander le jeune, c'est vital ! Je souhaite vous infliger une punition exemplaire et digne de votre stupidité. Cependant, je vais me contenter de vous éloigner du ministère pendant quelques temps. A la place, vous accompagnerez ce magizoologiste à New York, sans même prendre la peine de vous cacher puisque vous êtes incapable de faire preuve de professionnalisme. Nous verrons bien la réaction de notre suspect lorsqu'il apprendra qu'il est chaperonné. 


Annabeth ne répondit pas tout de suite. 


- Quoi ? dit-elle, perplexe. Attendez Monsieur Spencer, tout ceci est insensé. Pourquoi ne pas interdire Monsieur Scamander de quitter l'Angleterre, tout simplement ? Je n'apprendrai rien de nouveau s'il sait qu'il sera surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre... 


- Vous ferez ce que je vous ai dit ! trancha le juge. Mes ordres sont mes ordres, il n'y a rien à justifier. De plus, vous savez bien que le ministère emploie parfois des moyens étranges afin de parvenir à ses fins. Je sais ce que je fais. 


La jeune femme secoua la tête. 


- Désolée, monsieur, répliqua-t-elle. Je refuse votre demande de mission. Je ne peux pas tout quitter pour accompagner un jeune homme en voyage. 


- Vous le ferez. 


La voix de son supérieur était basse, menaçante. Annabeth cilla. 


- J'ai le droit de refuser votre mission, Monsieur Spencer. 


- Vous le ferez ! rugit le juge. Vous le ferez où je vous garantis que vous ne remettrez plus jamais les pieds au ministère. 


L'Auror resta coite. 


- Attendez...vous voulez me licencier ? Me mettre à la porte ? 


L'homme esquissa un sourire carnassier devant la mine déconfite de son employée. 


- Vous m'avez bien compris, Manners : si vous n'accompagnez pas notre suspect durant son séjour en Amérique, je retire votre titre d'enquêtrice. Vous ne serez plus Auror. Je pense que, vu votre incompétence dans le domaine, je peux me le permettre. 


Annabeth recula d'un pas. Elle était perdue, tout cela était totalement insensé. Surveiller Newton Scamander ? Ce gars-là n'avait absolument rien de dangereux. Pourquoi envoyer un Auror le chaperonner alors que d'autres mages noirs envahissaient l'Angleterre ? 


- Je...


Non. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre son temps à suivre un suspect qui n'en était pas un. Le juge était fou pour lui demander cela, comme si c'était la mission la plus importante de sa carrière. 


- Je suis désolée Monsieur Spencer. 


Son interlocuteur opina d'un air grave. 


- Parfait. Donnez-moi votre badge de certification.


- Je vous demande pardon ?


- Donnez-moi. Votre badge. De certification. 


La jeune Auror était pétrifiée, incapable de bouger. "Il est vraiment sérieux, alors ? Je vais perdre mon travail à cause d'un...simple sorcier ?" D'une main tremblante elle fouilla dans une poche à l'intérieur de son manteau pour en sortir son badge lui certifiant son statut d'Auror. Elle le posa sur la table. Ce n'était qu'une simple carte rangée dans un étui de cuir — qui comportait également un porte-monnaie —, mais Annabeth y tenait naturellement. Elle aimait son travail. 


Elle ne pouvait pas tout perdre comme ça. 


Le juge saisit l'objet de le rangea dans un tiroir de son bureau. La jeune femme se passa la langue sur la lèvre. Alors c'est bon ? Elle était licenciée ?Pour avoir refusé une mission qu'elle trouvait stupide ? 


Non. Elle n'avait pas d'autre choix que de céder à la demande de son supérieur. La jeune sorcière aimait trop sa profession pour l'abandonner à cause d'un simple conflit. Elle avait passé trois ans de sa vie soumise à de dures évaluations pour parvenir à être acceptée comme enquêtrice au Ministère et, même si les missions ne se passaient pas toujours bien avec son équipe, elle trouvait un grand plaisir à les exécuter.


Elle ne pouvait pas être virée. Pas encore. Pas maintenant. Pas si jeune. 


Annabeth soupira. 


"Après tout, un séjour à New York me permettra de souffler un peu", songea-t-elle. 


Elle hocha la tête. 


- Bien monsieur. J'accepte votre mission. 


Le juge croisa les bras sans piper mot et Annabeth se demanda s'il n'allait pas lui demander de disposer sans plus l'écouter. Mais il tendit la main vers le tiroir de son bureau qu'il tira afin de sortir l'étui de cuir et de le tendre à son employée. Cette dernière le saisit comme si sa vie entière était enfermée à l'intérieur et le remit dans son manteau. Tout allait bien. Elle n'allait pas perdre sa qualification d'Auror. 


Il suffisait qu'elle réussisse sa mission à la lettre. 


La jeune femme ouvrit la bouche pour balbutier quelques remerciements mais le juge lui demanda de partir d'un ton sec qui ne tolérait aucune suite. Encore trop choquée pour réfléchir d'avantage, elle le salua et quitta le bureau, se hâtant de sortir de l'enceinte du ministère pour pouvoir transplaner jusque chez elle. 


Elle ne pouvait pas voir les traits de son supérieur changer au fur et à mesure que celui-ci rangeait ses affaires. L'imposteur esquissa un rictus jubilatoire tandis que ses lèvres devenaient plus minces et qu'une touffe de cheveux châtain poussait pour glisser sur ses épaules. Quelques instants plus tard, ce n'était plus Monsieur Spencer mais un homme de grande taille aux regard hargneux et au bras mutilé d'une main qui se trouvait dans le bureau du ministère.


L'imposteur sourit. Cette femme-là était certes rigoureuse mais manquait de méfiance. Même si elle se doutait de quelque chose elle serait incapable de deviner ce que le grand Grindelwald avait préparé pour elle. Sa sensiblerie et sa tendance à exécuter des ordres, même les plus stupides faisaient d'elle la personne parfaite pour le piège qui se préparait. 


Tout se déroulait à merveille.

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