L'homme à la valise

Le juge jeta un coup d'œil à sa montre.

13h43.

- Bien, nous pouvons commencer, dit-il d'un air solennel. Levez-vous.

Les sept aurors devant lui quittèrent leur chaise tous en même temps avant de se rasseoir. Le juge hocha la tête et, d'un coup de baguette, ferma la porte de la salle de réunion, la verrouillant par précaution.

- Nous sommes ici réunis afin de délibérer sur l'arrestation d'Ariella Lourelang, détenue cent-vingt-quatre, cependant (il marqua une pause)...notre bon ministre m'a demandé de vous évoquer une affaire quelque peu préoccupante.

A sa droite, un grand sorcier aux yeux d'émeraude fronça les sourcils.

- Préoccupante ? Que voulez-vous dire ?

- Nous nous sommes penchés récemment sur les actions d'Albus Dumbledore, professeur de Défense contre les forces du mal à Poudlard.

- Nous savons tous qui est Albus Dumbledore, monsieur Spencer...

Le juge leva la main.

- Ne m'interrompez pas, je vous prie. Un de nos agents a intercepté plus tôt dans la semaine une rencontre intéressante entre Dumbledore et un ancien élève. Un magizoologiste, pour être plus précis. Que faisait-il avec lui ? Nous n'en avons aucune idée. Ce qui est certain, c'est que les desseins de ce professeur ne sont pas nets. Avec tout ce qui peut se tramer à Londres, nous avons préféré le surveiller.

- Et alors ? demanda un auror aux cheveux grisonnants. En avez-vous tiré quelque chose ?

- Pas vraiment, admit le juge. Dumbledore est plutôt...réservé, si vous voyez ce que je veux dire.

Sa remarque sonnant comme un euphémisme tira quelques sourires à la table de l'équipe. En effet, il fallait dire qu'Albus Dumbledore n'était pas le genre de sorciers facile à surveiller, même plus que réservé il était insaisissable. Certains membres du conseil de la magie le décrivaient même comme "un rideau de fumée" ; un rideau magique qui pouvait se révéler aussi indépendant que mystérieux.

L'aïeul fronça les sourcils.

- Et cette conversation avec le magizoologiste ? De quoi parlait-elle ?

- D'un voyage, je crois, on ne sait pas trop où, répondit le juge. Cependant, cet agent a décelé quelque chose de louche. Quelque chose de faux. De...voyez-vous ce que je veux dire ?

Son interlocuteur secoua la tête, confus.

- Non, monsieur Spencer. Je ne vois pas où vous voulez en venir.

Le juge parut contrarié.

- Ce qui est sûr, reprit-il d'une voix plus forte, c'est qu'Albus Dumbledore trame quelque chose. Je vais donc charger l'un d'entre vous d'enquêter sur ces mystérieux desseins, en commençant par interroger l'homme de son rendez-vous. Un certain...Newt ? Newton ?

- Newton Scamander ?

On entendit quelqu'un vaciller sur sa chaise, à ce nom. Le juge acquiesça.

- Oui c'est cela, Scamander le jeune. Excusez-moi, Theseus, ajouta-t-il en s'adressant à l'homme qui venait de tressaillir. A ce qu'il paraît, ce jeune sorcier a travaillé pour le ministère il y a quelques années. Je pense que ce ferait un bon suspect, ne trouvez-vous pas ?

- Vous croyez que cet uluberlu serait du genre à cacher des méfaits ? ricana l'homme aux yeux d'émeraude.

Theseus secoua la tête.

- Enfin, vous ne pensez tout de même pas que mon frère serait impliqué dans un complot ? Ce n'est qu'un...qu'un...

On voyait bien que l'Auror ne voulait pas dénigrer son compagnon de sang, même si "simplet" passa entre tous les esprits de cette pièce.

- Je crois que nous devrions en savoir plus, s'expliqua le plus haut gradé. J'ai l'impression de passer à côté de quelque chose d'important...et de dangereux. Je confie donc à l'un de vous la tâche de découvrir les véritables intentions d'Albus Dumbledore, à commencer par soutirer quelques informations sur Scamander le jeune. Qui serait partant ?

L'Auror plus âgé secoua la tête.

- Enfin Spencer, ce n'est pas raisonnable ! Nous avons bien d'autres choses à faire que de nous préoccuper d'une simple conversation entre un professeur et son ancien élève.

Le juge fronça les sourcils, les traits durcis.

- Akkemon, je vous prie de prendre cela au sérieux. De toutes façons, nous verrons bien, s'il s'avère que Dumbledore ne cache rien de suspect, nous abandonnerons l'affaire. Donc ? Qui veut s'en charger ? À part toi Theseus, Scamander est ton frère, et nous avons besoin de toi pour des problèmes plus importants.

Tandis que le héros de guerre se redressait sur sa chaise, le port altier, les six autres l'observaient avec jalousie, ou se contentaient de regarder ailleurs. Résoudre une enquête infondée ? Cela n'avait rien d'intéressant. Le juge soupira, plus que contrarié par le manque de foi que ses hommes lui témoignaient, en considérant sa trouvaille avec si peu de sérieux. Il parcourut la petite assemblée des yeux, essayant de jauger celui qui aurait assez de détermination pour exécuter sa demande, mais pas assez d'importance pour ne pas se démunir d'un trop bon agent. Son regard s'arrêta sur la seule femme du groupe, une grande sorcière aux cheveux ondulés, si sombres qu'ils paraissaient presque noirs et à la peau légèrement halée. Elle se tenait bien droite, les mains gantées jointes sur la table, visiblement décidée à ne pas se prononcer spontanément. Le juge prit sa décision.

- Bien, conclut-il. Manners, je vous charge de mener l'enquête.

La femme se tourna vers son supérieur, d'abord surprise, puis un poil contrariée, pour finir par reprendre son sérieux. Son supérieur ne sourcilla pas. Manners n'était pas le premier mouton du groupe et, même si sa façon de raisonner avait parfois aidé son équipe à résoudre les missions, elle ne possédait pas des capacités exceptionnelles qui justifiaient une présence indispensable dans l'avancement des projets. Cependant, la jeune femme pouvait être coriace, docile et, le juge osait l'avouer, prometteuse lorsqu'il s'agissait d'une responsabilité quelque peu importante.

Autrement dit, c'était la personne parfaite pour assumer ce rôle.

- Qu'il en soit ainsi, soupira l'auror désignée en resserrant ses doigts sur la table. J'essaierai de faire de mon mieux.

Monsieur Spencer acquiesça.

- Parfait. Je vous transmettrai le dossier de Scamander le jeune après cette réunion, ainsi pourrez-vous lui rendre visite dès ce soir. À présent, venons-en au fait : l'arrestation d'Ariella Lourelang, détenue cent-vingt-quatre. Nous avons encore beaucoup de travail à faire aujourd'hui.