Ode au Chaos

Chapitre 15 : Acte IV - Scène 2

3119 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/10/2024 14:51

Acte IV - Scène 2

« Je sens ta main qui tremble et ton cœur qui doute »


La nuit avait rafraîchit l'atmosphère et le vent avait forci, promettant une averse avant peu. Silencieux, je m'étais adossé à la façade extérieur de l'écurie, les bras croisés. Je tendais une oreille attentive et franchement intrusive. J'avais puni mes deux disciples pour leur tentative de se dispenser de mes ordres en les chargeant des tâches d'écurie. Cette leçon s'avérait nécessaire malgré l'épuisement qu'avait engendré cette journée d'entraînement, ces deux-là se comportaient encore comme des enfants et j'avais la ferme intention de leur inculquer les conséquences de tout acte, même dérisoire. 

« Tu prévois d'arrêter de faire la gueule ? s'éleva distinctement la voix de Kayn. »


Un raclement de pelle contre le sol fut sa seule réponse.

« Allez, pose ton cul sur ce ballot de paille, je vais me charger de tes tâches, lâcha-t-il.

— Pour que tu me traites encore de « petite nature » ? rétorqua sèchement Hirose. Arrête de bavarder et mets-toi au boulot, sinon c'est moi qui vais devoir faire les tiennes. »


Un sentiment désagréable me submergea. Il y avait quelque chose d'instinctif chez Kayn, une capacité innée qui égayait ses camarades sans qu'il me soit possible de saisir dans quelle mesure ni de quelle façon il s'y prenait. Mais ce soir... la complicité palpable qu'il entretenait jusqu'ici avec Hirose semblait soudain.. se détériorer.

« Ça vaaaa... t'as tenu toute la journée, je suis étonné...

— Tu t'enfonces...

— Hé, gloussa-t-il. Maître Zed t'as pas fait de faveur au moins ? C'était un entraînement au corps à corps ? »


Ma mâchoire se crispa. Petit con ! Ses taquineries tendaient à l'incisif. Je refoulais avec rage la pulsion de débarquer dans l'étable pour le sermonner quand le son d'une gifle cinglante ricocha sur les murs dans la bâtisse.

« Tu dépasses les bornes ! tonna Hirose. Aïe ! Aïe ! Lâche-moi !

— Tu veux qu'on règle ça en combat singulier, comme la dernière fois ? vociféra Kayn.

— Maintenant ? Ça t'arrange que je n'ai pas encore la force de te combattre ? Lâche moi...

— Tu ne l'auras jamais ! Tu lèves la main sur moi et tu crois que c'est sans conséquences ?

— Tu t'entends ? Dès que tu ouvres la bouche depuis ce matin, c'est pour me rabaisser, m'humilier ou me ridiculiser ! Et tu crois que c'est sans conséquences ? Lâche-moi ! »


Je soufflai silencieusement. Kayn se trompait, je n'avais fait preuve ni de tendresse ni de la moindre compassion pour Hirose aujourd'hui. Mais ses soupçons étaient légitimes, et j'en étais responsable. Par ma faute, il n'avait plus la moindre estime pour elle.

« J'y suis pour rien si t'es fragile, pouffa Kayn. Et que t'es là simplement parce que... »


Il s'interrompit. Mes phalanges craquèrent.

« Parce que quoi ?!

— Tu le sais très bien, invectiva Kayn sur un ton détaché.

— Va crever ! »


Le métal claqua au sol. J'entendis tout juste les pas précipités d'Hirose se diriger vers la porte principale avant de l'observer filer à grandes foulées loin des écuries. Cette scène empoigna mon cœur mais je renonçai à la poursuivre. Je la laissai décamper, bien conscient que sa fatigue évidente la rattraperait pour moi. J'attendis qu'elle prenne assez de distance et m'engageai dans l'écurie.

« Déjà de retour ? ricana Kayn en se retournant. »


Son visage se décomposa lorsqu'il m'aperçut.

« Maître ?! »


Je m'avançai jusqu'à lui, les bras croisés, les poings serrés pour contenir ma colère. Après une profonde respiration, je demandai dans un calme tout relatif :

« Y'a-t-il quelque chose dont tu veux me parler, mon apprenti ? »


Je l'entendis déglutir. Les traits crispés, son corps s'était tendu légèrement.

« Hé bien ? Tu n'es pas aussi éloquent avec moi qu'avec ta nouvelle camarade ?

— Vous avez tout entendu, c'est ça ?

— Il semblerait.

— Je suis désolé Maître, j'ai peut-être été un peu brusque avec elle.

— C'est vraiment tout ce que tu as sur le cœur ? »


Le regard de Kayn me transperça. Les lanternes vacillantes firent brûler le fond de ses iris ambrées et je pus y lire, l'espace d'un instant, la volonté de me tenir tête. Puis il se détourna pour ramasser la pelle au sol.

« Ce qui se passe entre Hirose et vous... (il se redressa vers moi) Avec tout le respect que j'ai pour vous... (il hésita)

— Je t'écoute.

— Vous méprenez pas, je l'aime bien et je vous comprends un peu. Mais je crois que vous êtes aveuglés... Hirose n'a rien à voir avec Chisana. Elle est molle, fragile et pire encore, psychologiquement, on dirait une bombe à retardement. Vous lui accordez tout votre temps alors que vous êtes le Maître des Ombres... vous n'auriez jamais donné un tel enseignement à n'importe qui. »


Les épaules de Kayn s'étaient affaissées sous le poids de ses propos.

« J'entends, soupirai-je. Qu'est-ce qui me pousse à lui donner sa chance ? Qu'est-ce qui m'a poussé à te la donner à toi, à tous les autres ? »

Kayn sourit en coin.


« Qu'est-ce qui t'amuse ?

— Je pense que vous avez des sentiments pour elle.

— Des sentiments ?! m'étranglai-je.

— Vous avez une façon de la regarder, ça n'a rien à voir avec nous autres.

— Tes propos sont déplacés !

— Je m'en excuse...

— Mais tu as raison, me radoucis-je. J'ai manqué à mon devoir. S'il y a quelqu'un à blâmer, c'est moi, pas elle. Maintenant, je te demande d'être honnête : as-tu vu Hirose pousser un navire sur l'océan ? L'as-tu vu risquer sa propre vie pour la notre ? As-tu vu la puissance de ses sorts et de son courage par moments...

— J'ai surtout vu qu'elle ne maîtrisait rien du tout, elle en fait trop, son corps tient pas le coup.

— C'est vrai, c'est ce pour quoi j'ai choisi de l'entraîner. Les espoirs que je place en elle sont peut-être contestables à tes yeux, mais ils n'ont rien à voir avec une quelconque relation, quoique tu en penses. Alors respecte ma décision et respecte-la, elle.

— Très bien, Maître.

— Contrairement à ce que tu penses, son entraînement d'aujourd'hui a été rude, elle a dépassé ses limites plus d'une fois. Ne laisse pas tes a priori corrompre tes paroles. Tu l'as blessé, j'espère que tu t'en rends bien compte.

— C'était qu'une brimade, on fait tous ça ici...

— Non, Kayn. Tu es en train de réduire le travail que je fais avec elle à néant. Je la pousse à se surpasser et tu la décourages. Je sais qu'elle t'apprécie et que tes paroles ont de la valeur pour elle. Alors tu vas la retrouver et t'excuser.

— Quoi ?! s'étouffa Kayn.

— Ce n'est pas un ordre. J'estime que tu as assez de discernement pour comprendre ce que je viens de te dire et revoir ton comportement. Elle a besoin de ton soutien, comme de celui de nous tous ici. »


Kayn balança furieusement sa pelle dans un tas de foin.

« Très bien, Maître. »


Je soupirai et relâchai la pression lorsque Kayn s'éloigna.


๑๑இ๑๑


Je faisais les cent pas dans notre chambre en attendant le retour de mes deux disciples. Le temps s'étirait et je m'interrogeais sur ce que ces deux-là pouvaient bien se raconter. J'étais inquiet. La culpabilité mon rongeait corps et âme. Le désir que j'éprouvais pour Hirose projetait sur moi les ombres de sentiments imprudents. Des sentiments ? Kayn n'était pas si loin de la vérité. Ah ! Ça m'allait bien d'inculquer les valeurs du respect et de l'honneur si j'étais moi-même incapable de m'y soumettre ! Pire encore, mon imprudence entraînait Hirose dans cette folie. Plus que ma réputation, je compromettais dangereusement la sienne. Les conclusions de Kayn en témoignaient. Cette certitude me comprimait la gorge.

Je me laissai tomber sur le rebord de mon lit et enfouis ma tête dans mes mains. Au même instant, la porte s'ouvrit de volée. Kayn entra, seul et dépité :

« Où est Hirose ? m'empressai-je de le questionner.

— Elle est retournée à l'écurie... finir ses tâches. Mais elle... Elle pleurniche. »


Je me levai d'un bond pour rejoindre l'écurie à grands pas. 

Discrètement, j'entrai dans l'étable et trouvai Hirose en plein remplissage d'abreuvoir, les bras tremblants, à bout de forces.

« T'as promis de me foutre la paix, rugit-elle sans se retourner (elle renifla).

 — Pourquoi tu pleures, Hirose ? soupirai-je. Tu t'es surpassée aujourd'hui. »


Elle se tourna vers moi, surprise, dissimula sous sa frange brune ses yeux embrumés et rougis.

« Je suis désolée, dit-elle. J'ai cru que c'était...

— Que t'a dit Kayn ?

— (Son regard plongea dans le vide) Il a des propos si tranchants de... vérité.

— ...

— Petite nature est faible et ne sera jamais à la hauteur. (Ses lèvres se mirent à trembler) Petite nature n'est bonne qu'à une chose... »


J'inspirai nerveusement. Garde le contrôle.

« C'est faux. Crois-tu Kayn plus que ton Maître ?

— (Un sanglot secoua ses épaules et sa voix trembla) ... j'ai peur que tu manques... d'objectivité. 

— Je ne peux pas te laisser dire ça ! m'emportai-je. Je t'entraîne parce que je sais que tu seras un bon élément pour notre cause. Je refuse d'entendre ce genre de propos absurdes ! J'avais d'ailleurs la ferme intention de rompre notre liaison inconvenante. »


Hirose s'arrêta net de sangloter. Ses perles d'émeraude me dévisagèrent, je lui avais peut-être annoncé trop brutalement. Je m'empressai d'ajouter doucement :

« Nous nous sommes précipités, nous avons fermé les yeux sur les conséquences. Mais la réalité nous rattrape toujours. Plus on attend, plus elle frappe fort. Nous devons nous montrer responsables et raisonnables, nous en tenir à nos rôles. Sans ambiguïté.

— Tu n'es pas sérieux... murmura-t-elle.

— Si. Et cela ne change rien à l'apprentissage que je t'offre en tant que Maître. Mais qu'en est-il de toi ? »


Hirose se terra dans le silence et fixa le sol comme si elle encaissait un choc, une vague de plein fouet. Une bourrasque qui cogne au front. Autant l'avouer, je crevais d'envie de la prendre dans mes bras. Le désir bouillait dans mes veines. Bordel de... ! Je luttai pour mettre une distance mentale à ces sensations. Réponds Hirose. Réponds que ça ne change rien pour toi. 

Un cheval s'ébroua. Un courant d'air se faufila par les portes de la bâtisse puis se stoppa net pour laisser les mots d'Hirose se détacher du silence :

« Je ne veux pas renoncer. Tu m'as offert un horizon où tout est possible, et pourtant je... j'ai peur d'échouer, peur de ne pas être à la hauteur... Regarde-moi ! »

Je la toisai de haut en bas puis remontai les courbures de ses atouts sans m'y attarder :

 « Je te regarde. Il est évident que tu ne peux rivaliser avec aucun d'entre nous. Tu n'es pas physique, tu n'as pas de résistance à l'effort, tu n'as pas dédié ton existence entière à notre discipline. Mais tu as un potentiel que je peux t'aider à exploiter. »


Elle avait cessé de pleurer et à son regard subjugué, je savais que chaque mot la percutait au cœur. Je poursuivis donc :

« Force, puissance, vélocité, l'entraînement peut te donner tout ça. Mais la volonté, et la combativité, ça ! Ca je ne peux pas te l'apporter... N'appréhende pas de tomber. Tu tomberas. Et il ne tiendra qu'à toi de te relever. Un gouffre te sépare de nous, mais si tu me suis... Si tu me suis, Hirose, je te promets de te faire marcher au-dessus du vide pour nous rejoindre. Cesse de regarder en bas. »


Le visage d'Hirose s'illumina et un léger sourire naquit sur ses lèvres. Ô ses lèvres...

« Alors... je te suivrai aveuglément, Maître Zed. »


Je ne pus réprimer un sourire sincère. Ma prestation avait ravivé sa confiance.

« Simplement... je dois te l'avouer... ça va me manquer... bredouilla-t-elle.

— (je brûlai) Oh ne commence pas.

— Peut-être une dernière fois ? Ici...

— Hirose... soupirai-je. De quoi aurais-je l'air après un tel discours ?

— Tu aurais l'air inconvenant, murmura-t-elle, un sourire en coin. »


Elle ne cachait pas ses intentions ! Quelle audace ! Je m'enflammai, en une fraction de secondes j'échangeai le rôle de Maître pour celui de l'amant, la raison éclipsée par sa provocation sans réserve. Mon bas-ventre vibra. Mon regard parcouru un instant son corps, sa poitrine, ses jambes élancées. J'évitai soigneusement son regard, le portant loin par dessus son épaule.

« Zed ? murmura-t-elle. »


Irrésistible. J'abaissai mes yeux pour trouver les siens. Elle cherchait une lueur d'espoir à laquelle se raccrocher comme un papillon de nuit prêt à se consumer dans sa quête insensée. Sa main hésitante se posa sur mon torse. Je lâchai un soupir nerveux. Arrête... J'expirai lentement pour écarter tout ce que mon cœur et mon corps à l'agonie me suppliaient, pour écarter doucement sa main de ma poitrine. Ma mâchoire se comprima :

« Tenons-nous en là. »


La repousser, c'était dissocier deux fragments compacts, deux blocs aimantés indivisibles par essence. Indissociables. C'était crever ce qu'il me restait de sensibilité au fond de l'âme, m'arracher le courage des trippes, de force. Le courage de me poignarder moi-même en plein cœur.

Je scrutai à la dérobée le visage de ma disciple, sa réaction. Et je me demandais au fond, s'il était plus douloureux de subir que d'être son propre bourreau. Elle esquissa un semblant de sourire avant de l'effacer aussitôt. 

Elle s'écarta, se tourna vers moi tout en gardant des distances respectables et se mordilla les lèvres avant de prendre la parole :

« Tu... tu as sauvé mon âme, dit-elle. Tu m'as donné une raison de me relever, une raison de vivre. Et je te suivrai. Mais je ne te mentirai jamais. (Elle marqua une pause avant de reprendre) Tu te souviens d'une de nos premières discussions sur le bateau ?

— Je m'en souviens.

— « Si la volonté seule suffisait à effacer les sentiments »...

— Je m'en souviens.

— Parfait. »


Elle n'ajouta rien. Qu'importe ce qu'elle s'efforçait de confesser en cet instant, je n'étais pas dupe, mais je ne pouvais me résoudre à la considérer comme l'objet de mes désirs, ni même de mes sentiments, quelle qu'en soit la nature. 

« Rentrons, on a besoin de sommeil, soufflai-je. »



๑๑இ๑๑இ๑๑இ๑๑இ๑๑


Les hauts pics des montagnes de Kashuri laissaient entrevoir en surplomb la cime de quelques arbres fleuris aux abords des ravins de roche brute. Le printemps avait cédé sa place à un été de plus en plus doux malgré l'altitude. Seule teinte colorée au cœur de ce gris monotone, un ciel bleu sans nuage se mirait en surface de la rivière qui sillonnait ces terres brunes gercées par les vents.

Hirose fut la première à bondir d'une brume d'ombres opaques. Son saut vif et agile s'acheva dans une réception leste parfaitement maîtrisée. A coté d'elle, Kayn s'extirpa d'un rocher pour la saisir. Elle s'esquiva dans un pas dansant et virevolta, disparu pour réapparaître dans le dos de son adversaire. Celui-ci déploya ses ombres. Hirose s'était saisie de la longue tresse de son adversaire et en quelques bonds, elle swingua autour de lui pour trouver un angle d'attaque. Kayn largua un rire moqueur avant d'agripper Hirose par le pied, la déséquilibrer et la clouer au sol en une fraction de seconde. Sans le moindre effort. Il se jeta néanmoins aussitôt sur elle pour lui bloquer la trachée de son genoux.

« Perdu ! railla-t-il fièrement. T'essayais de faire quoi, là ? »


Je m'avançai sur le terrain d'entraînement improvisé quand Hirose disparu dans un nuage de fumée opaque. Kayn, surpris, perdit l'équilibre tandis qu'Hirose réapparu derrière lui, lui collant une dague sous la gorge.

« Toi, t'as perdu, plutôt.

— Ça suffit ! criai-je. »


Mais Kayn ne l'entendit pas de cette oreille. Il traversa le corps de sa camarade. Celle-ci vacilla, tenta de s'extirper de l'emprise de son sort. Lorsqu'il quitta son corps, elle couvrit précipitamment sa bouche d'une main pour bloquer une régurgitation.

« Vous êtes sourds ?! grondai-je. »


Mes deux disciples me rejoignirent pour me faire face, tandis que dans mon dos, les autres s'étaient assis au sol pour observer le combat.

« Depuis quand tu utilises le rush des ombres ? s'étonna Kayn.

— J'ai plagié sur notre Maître, haleta Hirose. C'est la première fois que ça fonctionne si bien !

— Silence... soupirai-je. Hirose, tu sais pourquoi tu as perdu ?

— Il est plus fort... et plus rapide que moi, comme toujours...

— Et alors ? Tu peux te permettre de faire des acrobaties à coté de lui ?

— Non, c'est vrai, acquiesça-t-elle. Et j'aurais du rester invisible... J'ai perdu patience...

— Tu crois que je t'aurais pas choppé en voyant ma tresse bouger toute seule ?

— Bien vu... avoua Hirose. Mais si j'avais le droit de t'extirper ton sang, j'aurais gagné.

— Ma vieille, sache que si je peux m'introduire dans ton corps...

— Ça suffit ! m'impatientai-je. Le point est pour Kayn. »


Kayn lança un sourire satisfait à Hirose qui rejoignit aussitôt les autres en réprimant sa frustration. Je souris. J'étais fier de constater les progrès qu'elle avait fait en quelques mois. Malgré les difficultés et les épreuves que je lui avais imposé, elle n'avait pas plié, et les résultats étaient à la hauteur de mes attentes. Son corps et son esprit s'étaient endurcis. Elle suivait les entraînements collectifs depuis plusieurs semaines même si je la dispensais encore des missions officielles. Le temps où elle était encore instable et désordonnée me sembla, en ce jour, un lointain souvenir.

Elle évitait rigoureusement mes regards et je m'étais habitué à de ne plus chercher les siens, à ne plus entendre dans sa voix la moindre inflexion sensuelle, à ne plus anticiper ni même rêver le gout de ses lèvres, le gout de sa chair. Ne restait plus entre nous que cette promesse implicite et indicible de garder le contrôle de nos actes, de ne jamais plus céder à l'emprise des sentiments qui ne trouvaient désormais plus aucune place, pas même dans l'ombre du champ de nos possibles.


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